Vive laretraite - Pardessuslahaie.net

Transcription

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LE
JOURNAL
DE
L’ÉLEVEUR
Rebrousse-poil
Paru d
ans
Vive la retraite
Comment concilier l’intérêt du jeune et du cédant ? Tout reste à imaginer.
mais il est toujours intéressant de comprendre
ce qui se passe ailleurs. Là-bas, un jeune qui veut
devenir éleveur commence comme vacher dans
une exploitation. Il trait 6 heures par jour et vaque
aux diverses activités de la ferme. Au bout d’un
certain temps, il devient chef de troupeau chez un
propriétaire. Il trait toujours mais a la responsabilité du troupeau. Il gagne un salaire de base, mais
capitalise des vaches à son nom qu’il laisse dans
le troupeau de son patron. Celui-ci garde le lait
pour payer la nourriture et les frais fixes. Au bout
de quelques années, le jeune se constitue ainsi un
début de troupeau. Il trouve une ferme, installe ses
vaches et emprunte pour en acheter d’autres… Il
bosse comme un dingue pour rembourser ses
emprunts et lorsque les affaires s’assainissent, il
embauche un salarié, puis un chef de troupeau et
peut alors profiter de ses rentes. Évidemment, ce
scénario idyllique ne réussit pas toujours.
P
roverbe néo-zélandais : « Quand tu as
trait 2 millions de vaches, il faut songer
à faire autre chose. » En France, vu la
taille des troupeaux, on est atteint par la
limite d’âge bien avant. Jugez plutôt :
50 VL x 2 traites/jour x 365 jours x 43 ans =
1,56 million de vaches traites. Mais en NouvelleZélande, avec un troupeau de 250 VL, il suffit de
onze ans pour décrocher la timbale. Vous me direz
qu’avec l’avènement de la traite robotisée, le problème ne se pose plus. Certes, mais l’allongement
de la durée de cotisations et l’âge à l’installation de
plus en plus tardif risquent de rebattre les cartes.
Nous avons un métier physique qui, s’il
est moins dur que par le passé, n’en est pas
moins exigeant. Alors, comment concilier le
métier d’éleveur avec une carrière de plus en plus
longue ? Observons les Kiwis. Outre le fait que leur
équipe de rugby nous met des pâtées mémorables
et que leurs systèmes de pâturage conduisent à un
coût du litre de lait très économe, ils ont mis en
place un modèle d’installation progressive qui mérite d’être étudié. Je ne prône pas ici un copié-collé
de leur ultralibéralisme, ce qui m’attirerait de véhémentes protestations dans le courrier des lecteurs,
En France, le couple bosse jusqu’à la retraite
et cherche un jeune capable de lui racheter
tout son « bazar ». Pas en Nouvelle-Zélande.
En France, le couple bosse jusqu’à la
retraite et cherche un jeune capable de lui
racheter à un bon prix tout son « bazar ».
Certains choisissent de créer un Gaec, qui permet
une installation progressive quand l’affaire est bien
pensée. Mais ce montage juridique bien français
ne convient pas à tout le monde. Imaginons maintenant un éleveur qui approche de la soixantaine.
Son affaire tourne bien et il souhaite lever le pied
avant la retraite. Plutôt que de faire des défiscalisations pour minorer son revenu, il embaucherait
un jeune. Celui-ci, payé au Smic mais avec un
statut d’auto-entrepreneur, ne serait pas soumis
aux 35 heures (difficilement compatibles avec
l’élevage) et serait exonéré de charges les premières
années. En contrepartie, il capitaliserait, tous les
ans, une part du revenu sous forme d’animaux ou
de numéraires, lui permettant une installation progressive et cela le motiverait… une idée à creuser et
à perfectionner.
Aujourd’hui, les jeunes n’ont pas assez de
ressources pour reprendre des entreprises
de plus en plus grosses et les agriculteurs sont
condamnés à bosser jusqu’à un âge incertain en
achetant des tracteurs tous les ans. Alors, dispositif
ultralibéral ou social pour résoudre l’équation ?
Ce n’est pas la méthode qui est condamnable en
soi, mais ce que les gens en font. Il est urgent d’inventer des systèmes qui concilient les intérêts du
jeune et du cédant.
Ma grand-mère disait : « Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le socialisme,
c’est exactement le contraire. » ■
PASCAL POMMEREUL
L’éleveur laitier l numéro 202 l mai 2012 l 23