Aléa moral et sélection adverse sur le marché de l`assurance

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Aléa moral et sélection adverse sur le marché de l`assurance
Aléa moral et sélection adverse sur le marché de
l’assurance¤
Marie-Cécile Fagarty
Bidénam Kambia-Chopinz
Mars 2004
Résumé
Nous considérons un marché concurrentiel de l’assurance en présence d’aléa moral et de
sélection adverse, dans lequel à la fois l’e¤ort de prévention et le coût d’auto-protection
sont une information privée pour l’assuré. L’agent dit à “haut risque” est celui dont la
probabilité d’accident est la plus grande en information parfaite, il reçoit son contrat d’aléa
moral. L’autre agent, le moins risqué à l’équilibre, voit sa couverture réduite par rapport aux
risques élevés et par rapport à son contrat d’aléa moral. La sélection adverse stimule ainsi la
prévention. Les mécanismes en jeu sont identiques à ceux de Rothschild et Stiglitz (1976).
Abstract
This paper considers a competitive insurance market under moral hazard and adverse
selection, in which both the agent’s preventive e¤ort and self protection costs are unobservable by the insurance companies. We show that some results of the adverse selection model
(Rothschild and Stiglitz (1976)) can apply to our context even if it involves moral hazard.
The riskiest agent in equilibrium, who would be also the riskiest under perfect information,
¤
Nous remercions Bernard Caillaud, Pierre-André Chiappori, Nathalie Fombaron, Pierre Picard et deux
rapporteurs anonymes pour leurs remarques et suggestions.
y
Université de Rouen et CREST LEI, 28, rue des Saints Pères, 75007 Paris (France). Tel: 33 1 44582759.
Email: [email protected].
z THEMA, Université de ParisX-Nanterre, 200 avenue de la République, 92001 Nanterre Cedex (France).
Tel: 33 1 40975963. Email: [email protected]
1
is proposed his moral hazard contract. Adverse selection reduces the other agents’ coverage, increasing likewise their preventive action with respect to hidden action situation. Our
…ndings generalize the results of Stewart (1994) but contradict those of Chassagnon and
Chiappori’s (1996).
JEL Classi…cation: D4, D8.
Mots clés: Auto-protection, assurance, aléa moral, antisélection.
Key words: Self-protection, insurance, moral hazard, adverse selection.
1 Introduction
L’étude des marchés d’assurance dans un contexte de sélection adverse et d’aléa moral
suscite actuellement un vif intérêt. Parmi les travaux théoriques les plus importants étudiant
cette double asymétrie d’information, Stewart (1994), Chassagnon et Chiappori (1997) et
De Meza et Webb (2001) développent l’aspect concurrentiel, tandis que Jullien, Salanié et
Salanié (2001) s’intéressent aux contrats de monopole. Deux aspects de la sélection adverse
sont analysés, selon que les agents di¤èrent par leur probabilité d’accident et leur coût de
prévention (Stewart (1994), Chassagnon et Chiappori (1997)), ou par leur aversion vis à vis
du risque (De Meza et Webb (2001) et Jullien, Salanié et Salanié (2000)).
Dans le cadre concurrentiel, Stewart (1994), Chassagnon et Chiappori (1997) et De Meza
et Webb (2001) caractérisent les contrats d’équilibre et leurs propriétés. Stewart (1994)
adapte le concept d’équilibre proposé par Riley (1979) au contexte mixte de sélection adverse
et d’aléa moral. Les contrats concurrentiels sont supposés séparateurs et actuariels, comme
chez Rothschild et Stiglitz (1976), où la prévention n’existe pas. Les agents ont ex ante la
même probabilité d’accident et ne di¤èrent que par le coût de prévention, cette variable
étant continue. L’agent dont le coût est le plus élevé reçoit son contrat d’aléa moral. L’agent
dont le coût de prévention est le plus faible, reçoit une couverture et une prime plus faibles
que lorsque son type est identi…able : la sélection adverse stimule la prévention.
Chassagnon et Chiappori (1997) dé…nissent le type d’un agent par sa probabilité d’accident
ex ante (un agent A est plus risqué ex ante qu’un agent B si pour un même niveau de
prévention sa probabilité d’accident est plus élevée). L’agent le plus risqué ex ante n’est
pas forcément le plus risqué ex post : pour un contrat donné, il peut choisir un e¤ort de
2
prévention associé à une probabilité d’accident plus faible. Les courbes d’indi¤érence peuvent alors se couper plus d’une fois quand l’e¤ort est dichotomique, et la condition de “single
crossing” n’est pas toujours véri…ée. Dans un tel contexte, certaines propriétés de l’équilibre
à la Rothschild et Stiglitz sont préservées : lorsque l’équilibre existe, il est séparateur, et les
agents les plus risqués ex post obtiennent une couverture d’assurance plus grande que celle
des agents les moins risqués ex post. Néanmoins, des résultats particuliers apparaissent,
l’agent le plus risqué a priori peut obtenir une utilité plus faible qu’en l’absence de sélection adverse, plusieurs équilibres peuvent coexister et une proportion su¢samment élevée
d’agents les plus risqués a priori ne garantit plus l’existence de l’équilibre.
Les prédictions de ces deux articles sont donc très di¤érentes. A quelles hypothèses cette
conclusion est-elle due ? D’après Chassagnon et Chiappori, le point clef serait la propriété
de “single crossing”. De Meza et Webb (2001) défendent ce point du vue. Quand les agents
di¤èrent par leur aversion vis à vis du risque, (l’un est neutre vis à vis du risque et l’autre
averse), les courbes d’indi¤érence des agents se coupent deux fois, et le marché de l’assurance
admet un équilibre mélangeant. Toutefois, si les agents ont des fonctions d’utilité CARA,
cette propriété de double croisement des courbes d’indi¤érence n’est pas satisfaite (Jullien,
Salanié et Salanié (2001)), même si des équilibres mélangeants peuvent apparaître dans un
contexte de monopole.
Comment dé…nir le niveau de risque d’un agent quand il existe de la prévention ?
Un agent ayant un risque ex ante plus important (c’est à dire une probabilité d’accident plus
grande à e¤ort donné) peut s’il est incité à fournir un e¤ort important, être ex post le moins
risqué. En d’autres mots, le niveau de risque de l’agent est endogène et dépend du contrat
qui lui est proposé. Ainsi, à l’équilibre concurrentiel d’information parfaite, les compagnies
d’assurance proposent des contrats d’assurance totale et imposent des niveaux de prévention
optimaux. L’un des deux types d’agents est alors plus risqué (ex post) que l’autre, soit parce
que la prévention est chez lui moins e¢cace, soit parce qu’elle est plus coûteuse. Cet agent
est dé…ni ici comme étant l’agent à “haut risque”, sa probabilité d’accident ex post (compte
tenu de l’e¤ort optimal) est la plus grande, et nous supposons que ce classement ne dépend
pas du niveau de la perte.
Cette hypothèse a des conséquences importantes. Quand la prévention est une variable
continue non observable, face au même contrat, l’agent à “haut risque” est le plus risqué.
3
Ceci implique que, d’une part, pour un même contrat les compagnies d’assurance préfèrent
les agents à “bas risque”, et d’autre part, les courbes d’indi¤érence des agents dans le plan
(remboursement, prime) ne se croisent qu’une fois ; et ce ne serait pas le cas si l’e¤ort était
une variable discrète. Les deux propriétés de monotonie des pro…ts par rapport au type et
de single crossing découlent de la continuité de l’e¤ort et du fait que la dé…nition de l’agent
à “haut risque” est indépendante de la perte.
Le mécanisme concurrentiel joue alors comme chez Rothschild et Stiglitz (1976). Quand
l’équilibre existe, les compagnies d’assurance proposent des contrats actuariels et séparateurs.
Les agents à “haut risque” sont les plus risqués à l’équilibre, ils recoivent leur contrat d’aléa
moral. Les agents à “bas risque”, les moins risqués à l’équilibre subissent un phénomène de
sélection adverse identique à celui de Rothschild et Stiglitz, leur couverture étant plus faible
que celle des agents à “haut risque”.
Sauf bien sûr en ce qui concerne la prévention (endogène dans notre contexte), nos résultats sont similaires à ceux de Rothschild et Stiglitz, et très di¤érents de ceux de Chassagnon
Chiappori, la situation de référence n’étant pas l’information parfaite mais une situation dans
laquelle les compagnies d’assurance connaissent le type de l’agent mais pas son e¤ort, c’est à
dire celle étudiée par Arnott et Stiglitz (1988) et Arnott (1992). Notre article généralise ainsi
les principales conclusions de Stewart (1994), en particulier la sélection adverse encourage
la prévention.
La section 2 présente le modèle et compare nos hypothèses avec celles de CC. La section
3 étudie le modèle de sélection adverse et d’aléa moral, et la dernière section conclut.
2 Modèle et préliminaires
2.1 Le modèle
Sur le marché de l’assurance sont présents des agents et des compagnies. Chaque agent fait
face à un risque de sinistre, représenté par une perte monétaire d. Il peut se protéger contre ce
risque en prenant une décision qui a¤ecte sa probabilité d’accident, décision qui n’est connue
que de lui seul, que l’on appelle son e¤ort e 2 [0; 1[. La probabilité d’accident p(e; µ)
2 [0; 1] est une fonction décroissante de e et l’on suppose que p(0; µ) = 1 et lime!1 p(e; µ) =
0. Toutefois, diminuer son risque engendre un coût c(e; µ) supporté par l’agent pour un
4
e¤ort e et un type µ. 1 Ce dernier, qui peut prendre deux valeurs, µ 2 fµ L; µ H g n’est connu
que de l’agent : c’est son information privée. Il in‡uence soit la probabilité marginale, soit
le coût marginal, c’est à dire que l’on a, pour tout e¤ort e, soit pe (e; µ H ) 6= pe(e; µL ) soit
ce (e; µ H) 6= ce (e; µ L).
Dans ce modèle, choisir l’e¤ort de prévention e équivaut à choisir sa probabilité d’accident.
Par ailleurs, le choix de l’agent dépend à la fois de sa probabilité marginale (qui mesure
l’e¢cacité de la prévention) et du coût marginal de l’e¤ort (qui mesure la pénibilité de la
prévention). On peut résumer ces e¤ets joints dans la fonction '(p; µ), qui désigne le coût
subi par l’agent choisissant un e¤ort tel que la probabilité d’accident est égale à p. On a par
dé…nition :
'(p(e; µ); µ) ´ c(e; µ) pour tout e et tout µ.
(1)
Comme on va le voir, les hypothèses pertinentes dans cette analyse concernent plus la fonction ' que les fonctions p et c, les propriétés de ' étant bien sûr la conséquence de celles
de p et c. Pour garantir la validité de l’approche du premier ordre, on suppose que '(p; µ)
est décroissante et convexe en p, soit 'p(p; µ) < 0 et 'pp(p; µ) > 0. De plus, 'p (1; µ) = 0 et
limp!0'p (0; µ) = ¡1.
L’agent est averse au risque, sa fonction d’utilité de VNM, u(:), est deux fois continu-
ment di¤érentiable, strictement croissante et concave. Elle est de plus séparable par rapport
au coût de l’e¤ort. Les contrats des compagnies d’assurance, notés C = (®; ¯) spéci…ent une
prime ¯ ¸ 0 contre un remboursement ® ¸ 0 en cas d’accident et présentent une clause
d’exclusivité. En notant w la richesse initiale de l’agent, V (®; ¯; e; µ) l’espérance d’utilité
d’un agent pour le contrat C, un e¤ort e et un type µ, et ¼(®; ¯; e) l’espérance de pro…t de
la compagnie d’assurance, on a :
V (®; ¯; e; µ) ´ (1 ¡ p(e; µ))u(w ¡ ¯) + p(e; µ)u(w ¡ d ¡ ¯ + ®) ¡ c(e; µ)
(2)
(3)
¼(®; ¯; e) ´ ¯ ¡ p(e; µ)®.
Les compagnies d’assurance sont en situation concurrentielle. Le concept d’équilibre
retenu est celui de Rotschild et Stiglitz (1976) (noté RS par la suite), où chaque compagnie
anticipe que le choix d’un contrat interfère avec celui de l’e¤ort de prévention :
Dé…nition : Un ensemble de contrats S ¤ = fC1; C2 ; ::; Cn g est un équilibre RS avec aléa
moral si :
1
Le modèle est identique à celui de Chassagnon et Chiappori (1997).
5
(1) chaque agent sélectionne le contrat qu’il préfère dans l’ensemble proposé, une fois ce
contrat choisi, il détermine son niveau d’e¤ort,
(2) tous les contrats appartenant à S ¤ sont proposés à l’équilibre et aucune compagnie
d’assurance ne fait de perte,
(3) aucun contrat proposé en même temps que l’ensemble des contrats d’équilibre par une
compagnie entrante ne réalise une espérance de pro…t strictement positive.
Les deux contrats de référence utiles pour la suite sont, d’une part le contrat concurrentiel
M = (®M ; ¯M ), conduisant à un e¤ort eM , et à une probabilité
en aléa moral 2 (noté CK
K
K
K
d’accident pM
K ; K = H; L), et d’autre part le contrat concurrentiel d’information parfaite
IP IP
IP
(noté C K
= (®IP
K ; ¯ K ; eK ); K = H; L), quand la compagnie d’assurance connaît à la fois
le type et l’e¤ort de prévention.3
2.2 Qu’est ce qu’un agent risqué ?
E¤ort et type dans notre modèle a¤ectent à la fois la probabilité d’accident et le coût de
prévention. Il est possible qu’à un type donné soit associé une probabilité marginale plus
faible et un coût marginal plus important : dans ce cas, une augmentation de la prévention
est plus coûteuse pour un type que pour l’autre alors que la diminution de la probabilité est
plus importante. Parce que la probabilité est endogène dans notre modèle, un agent pourrait
être plus risqué a priori et avoir à l’équilibre la probabilité d’accident la plus faible.
On suppose ici que l’agent le plus risqué (µH ) est celui qui a la probabilité d’accident la
plus grande en information parfaite, c’est à dire que :
IP
p(eIP
H ; µ H ) > p(e L ; µL ), pour tout d > 0:
(4)
En information parfaite, le marché propose à l’agent un contrat actuariel d’assurance totale
et lui impose un niveau de prévention qui maximise son espérance d’utilité u(w¡pd)¡'(p; µ),
2
Comme un rapporteur anonyme l’a souligné, il est possible que ce contrat ne soit pas unique, aucune
concavité des fonctions d’utilité et de pro…t ne pouvant être garantie. Dans le cas de multiplicité, l’utilité
de l’agent est identique pour toutes les solutions et retenir l’une ou l’autre est indi¤érent et ne change pas
l’analyse.
3
Ces deux contrats maximisent l’espérance d’utilité de l’agent V (®; ¯ ; e; µ) sous contrainte d’espérance de
pro…t non négative ¼(®; ¯; e) ¸ 0. Pour le contrat d’aléa moral, une contrainte d’incitation V e (®; ¯ ; e; µ) = 0
est ra joutée. Dans le cas d’aléa moral, ce problème a été étudié par Arnott et Stiglitz (1988) et Arnott
(1992).
6
c’est à dire tel que :
¡du0 (w ¡ p(eIP ; µ)d) ¡ ' p(p(eIP ; µ); µ) = 0:
(5)
'p (p; µ H ) < 'p (p; µ L), pour tout p 2 [0; 1],
(6)
(4) est équivalent à
hypothèse qui est le coeur de cet article4 . Pour réduire sa probabilité d’accident, l’agent µ H
subit une augmentation de son coût de prévention plus importante que celle de l’agent µL ou
en d’autres mots, quand l’assurance est totale, la prévention est plus “e¢cace” pour l’agent
µ L que pour l’agent µ H.
L’exemple suivant illustre la diversité des con…gurations possibles. Supposons que '(p; µ) =
k(µ)(p ¡ log p) et p(e; µ) = exp ¡eh(µ) où k(µ H ) > k(µ L) > 0 et h(µ) > 0. La fonction c(e; µ)
est déduite des expressions de ' et p par (1). Si h(µ H ) < h(µ L), l’agent µ H est le plus risqué
a priori (selon les valeurs des paramètres, le coût marginal de l’agent µ H peut être inférieur
ou supérieur à celui de l’agent µL ). Dans le cas inverse c’est l’agent µ L qui est le plus risqué
a priori, (son coût marginal de l’e¤ort est alors le plus faible).
Chassagnon et Chiapppori (1997) (CC par la suite) supposent que l’agent µ H est le
plus risqué a priori (p(e; µ H) > p(e; µL ) pour tout e). L’équilibre est séparateur à pro…ts nuls,
et trois cas sont possibles. Dans le cas 1, l’agent quel que soit son type obtient son contrat
d’aléa moral ; dans le cas 2 (respectivement 3), l’un d’entre eux (aucun d’entre eux) obtient
un contrat actuariel l’incitant à choisir un e¤ort dans l’ensemble des possibles.
Dans un contexte discret (e 2 fe0; e 1g), ils montrent que la single crossing est véri…ée
si et seulement si, soit l’agent µ H est plus risqué même si son e¤ort est plus grand5 , soit le
rapport entre di¤érentiel de coût et di¤érentiel de probabilité joue en défaveur de l’agent
4
(4) implique que ' p (p(eIHP ; µ H ); µ H ) = ¡du 0(w ¡ p(e IP
H ; µH )d) <
¡du0 (w ¡ p(eILP ; µ L )d) = ' p (p(eIP
L ; µ L ); µL ) ·
' p (p(eIHP ; µH ); µ L ) car 'pp > 0:
Comme la valeur de p(eIHP ; µ H ) varie entre 1 et 0 quand d varie entre 0 et +1, cette inégalité doit être
véri…ée pour tout p.
D’autre part, la dérivée de l’utilité de l’agent µ (u(w ¡ pd) ¡ '(p; µ)) par rapport à la probabilité est
¡du 0 (w ¡ pd) ¡ 'p (p; µ); donc (6) implique que si l’utilité de l’agent µ L est croissante par rapport à p, il en
est de même pour l’utilité de l’agent µH . Cette utilité étant concave par rapport à p, on a bien (4).
5
C’est à dire p(e 0 ; µ H ) > p(e1 ; µ H ) > p(e 0; µ L ) > p(e1 ; µL ):
7
µ H. 6 L’équilibre est alors de type 1 ou 2 (voir CC pour plus détails). La sélection adverse ne
peut augmenter que l’e¤ort de l’agent µ L.
Quand l’analyse est continue, ils discutent l’existence possible d’un équilibre dans lequel
les deux contraintes d’incitation sont actives, mais ne donnent pas les conditions sous
lesquelles la single crossing est véri…ée.
Nos hypothèses complètent sans recouvrir celles de CC. Quand p(e; µ) est une fonction
strictement croissante du type, notre modèle est plus restrictif que celui de CC, puisqu’il
comprend une hypothèse sur les coûts. Mais la probabilité peut être décroissante ou non
monotone par rapport au type ; de plus, l’e¤ort est une variable continue.
Si l’e¤ort était une variable discrète, (6) serait compatible avec des intersections multiples
des courbes d’indi¤érence dans le plan (®; ¯). 7 Ce point apparaît dans Kambia-Chopin
(2003), quand la probabilité d’accident ne dépend que de l’e¤ort, les courbes d’indi¤érence
sont confondues (et donc tangentes) dans deux zones du plan. Toutefois, l’équilibre est
séparateur à pro…ts nuls, montrant ainsi que la single crossing est une condition su¢sante
mais non nécessaire pour obtenir les résultats à la RS.
2.3 L’équilibre en sélection adverse
D’après CC, la prévention peut changer l’identité de l’agent a¤ecté par la sélection adverse. Ce résultat reste vrai dans notre contexte quand les compagnies d’assurance observent
l’e¤ort de prévention mis en oeuvre par leurs assurés et peuvent leur imposer une prévention
contractuelle, mais ignorent leur type. Un contrat est alors décrit par un triplet, prime,
remboursement et e¤ort, c’est-à-dire C = (®; ¯; e).
La proposition 1 caractérise l’équilibre du marché : comme chez RS, les entreprises proposent un menu de contrats actuariels séparateurs, l’un des types d’agents (noté K dans cette
section) obtenant son contrat d’information parfaite. De façon standard, le contrat de l’autre
type (noté K 0) maximise son espérance d’utilité sous la contrainte incitative qui garantit que
c(e1 ; µH ) ¡ c(e0 ; µ H )
c(e 1 ; µL ) ¡ c(e 0 ; µ L )
>
:
p(e0 ; µH ) ¡ p(e1 ; µH )
p(e 0 ; µL ) ¡ p(e1 ; µ L )
7
Dans l’exemple ci-dessus, il su¢t de prendre e0 = 1 ; e1 = 3 ; h(µH ) = 1 ; h(µ L ) = 1; 5 ; k(µH ) = 2
6
Ou encore
et k(µ L ) = 1: Cet exemple numérique viole les deux conditions de CC, présentées en note de bas de page 5
et 6. C’est donc bien la continuité de l’e¤ort qui est à la source de la propriété de single crossing. Sous (6),
les conditions pour obtenir la single crossing dans une analyse discrète sont plus exigentes que dans le cas
continu.
8
l’agent de type µK préfère son contrat d’information parfaite. Toutefois, l’identité de l’agent
qui obtient le contrat d’information parfaite dépend des paramètres du modèle :
IP
0
Proposition 1: Si p(eIP
K ; µ K ) > p(eK ; µK0 ), K 6= K 2 fH; Lg, le contrat d’équilibre de
l’agent µK est son contrat d’information parfaite. Le contrat de l’agent µ K0 est un contrat
actuariel qui maximise son espérance d’utilité sous la contrainte incitative.
Comme on l’a vu en sous-section 2-2, l’agent à “haut risque” (le plus risqué en information
parfaite, c’est à dire µ H) peut être l’agent le plus risqué a priori (par exemple si p(e; µ H) >
p(e; µ L) quel que soit e) ou le moins risqué a priori (par exemple si p(e; µL ) > p(e; µ H ) quel
que soit e). Dans ce second cas, c’est bien l’agent à bas risque ex post (en information
parfaite) qui obtient son contrat d’information parfaite8 . La monotonie de la technologie
d’information (par rapport au type, pour l’e¤ort d’information parfaite) est essentielle pour
dé…nir le contrat d’équilibre, quand la prévention est contrôlée.
Quel rôle joue la single crossing dans ce résultat ? La preuve de la proposition
1 montre qu’une condition su¢sante pour que l’équilibre soit séparateur est la suivante :
partant d’un contrat C , il est possible de trouver un autre contrat C("), proche de C en
terme de pro…t qui sépare les types. Quand le contrat est bidimensionnel, cette propriété est
équivalente à la condition de single crossing, selon laquelle les courbes d’indi¤érence dans
le plan (®; ¯) se croisent en un point unique. Quand le contrat est tridimensionnel, partant
d’un contrat C = (®; ¯; e), on peut séparer les types à proximité de C s’il est possible de
construire un contrat C(") = (® + "1; ¯ + "2 ; e + "3 ) (où les trois réels "1; " 2 et " 3 sont
proches de zéro), qui augmente l’utilité d’un agent et diminue celle de l’autre. Dès lors que
les probabilités di¤èrent pour le contrat C considéré, C (") existe avec "3 = 0, ou en d’autres
mots la single crossing (en C) dans le plan (®; ¯) permet de séparer les types. Si, par contre,
le contrat C induit la même probabilité d’accident pour les deux types, on ne peut les séparer
qu’en modi…ant l’e¤ort de prévention, nos hypothèses garantissent que la single crossing est
satisfaite au point C dans le plan (®; e).
8 On
peut véri…er de plus dans l’exemple de la sous-section 2-2 que la contrainte d’incitation de l’agent
µ L est active si la di¤érence h(µ H ) ¡ h(µ L ) est su¢samment grande.
9
3 L’équilibre avec aléa moral et sélection adverse
Quand la prévention n’est pas observable, l’e¤ort choisi par l’agent dépend de son type et
du contrat proposé par la compagnie d’assurance. Si l’on prend en compte cette propriété,
l’espérance d’utilité de l’agent et l’espérance de pro…t de la compagnie d’assurance deviennent
des fonctions de (®; ¯; µ) comme ci-dessous :
U (®; ¯; µ) ´ V (®; ¯; e(®; ¯; µ); µ) ´ max V (®; ¯; e; µ);
(7)
¦(®; ¯; µ) ´ ¯ ¡ p(e(®; ¯; µ); µ)®:
(8)
e
Ecrire ainsi les espérances d’utilité permet de faire disparaître le problème d’aléa moral et
de le présenter comme une situation de sélection adverse, dans laquelle les fonctions d’utilité
sont désormais U (:) et ¦(:). Dans un tel contexte, une démarche naturelle est d’appliquer
l’analyse de RS à ce modèle, en notant que les fonctions U(:) et ¦(:) sont di¤érentes de celles
utilisées par ces auteurs. Par exemple ¦(®; ¯; µ) n’est pas une fonction linéaire de la prime et
du remboursement 9 ; et rien ne garantit que U (:) soit une fonction concave du couple (®; ¯).
On peut toutefois établir un certain nombre de propriétés.
Notons en premier lieu que l’approche du premier ordre est valide sous nos hypothèses
dès lors que le contrat est un contrat de sous-assurance, tel que ® · d.10 Pour un contrat
C = (®; ¯), le choix de l’agent satisfait la condition du premier ordre :
Ve (®; ¯; e; µ) = pe (e; µ)fu(w ¡ d ¡ ¯ + ®) ¡ u(w ¡ ¯) ¡ 'p (p(e; µ); µ)g = 0:
(9)
Si l’on note p(C; µ) la probabilité d’accident de l’agent de type µ qui fait face au contrat
C = (®; ¯), (9) implique :
'p (p(C; µ H); µ H ) = 'p (p(C; µ L); µ L) ;
(10)
d’où, compte tenu de la condition (6) et de la convexité de ',
p(C; µ H) > p(C; µL ):
9
(11)
Arnott et Stiglitz (1988) montrent que la courbe d’indi¤érence de la compagnie d’assurance n’est pas
concave. Stewart (1994) trouve par simulations numériques que la courbe d’indi¤érence de l’agent est concave
pour des niveaux élevés de couverture et convexe pour de faibles niveaux.
10
Par ailleurs, proposer un contrat de sur-assurance (® > d) conduit à une probabilité d’accident égale à
1, niveau de risque non assurable, ce qui est impossible à l’équilibre.
10
(11) implique la single crossing des courbes d’indi¤érence des agents dans le plan (®; ¯) :
ces courbes sont croissantes et la courbe d’indi¤érence de l’agent µH est plus pentue que
celle de l’agent µ L. 11 (11) a une autre conséquence : pour un contrat donné, la compagnie d’assurance préfère assurer un agent µ L moins risqué qu’un agent µ H . Le pro…t de la
compagnie d’assurance (8) est donc une fonction croissante de la prime et décroissante du
remboursement.12
La proposition 2 montre que ces conditions sont su¢santes pour voir apparaître un équilibre ayant les propriétés des équilibres RS.
Proposition 2: A l’équilibre (s’il existe), les compagnies proposent à l’agent µ H le contrat
M . Le contrat choisi par l’agent µ maximise son espérance d’utilité U(C; µ )
d’aléa moral CH
L
L
sous des contraintes d’espérance de pro…t nul, ¦(C; µ L) = 0, et d’incitation, U(C; µH ) ·
M
U(C H
; µ H ).
A l’équilibre du marché, un contrat proposé (et choisi à l’équilibre) n’engendre aucun
pro…t pour la compagnie d’assurance qui assure ses clients par ce contrat. L’équilibre est
totalement séparateur, les choix contractuels révèlent ex post le type des assurés. En…n, seul
l’agent µ L sou¤re à l’équilibre de l’existence de la sélection adverse, l’agent µ H recevant un
contrat identique que les compagnies d’assurance observent ou non le type des agents.
11 En
e¤et, dériver (7) et en notant u N (respectivement uA ) l’utilité obtenue par l’agent sans accident (avec
un accident) donne :
U ¯ (®; ¯ ; µ) = ¡(1 ¡ p(C; µ))u0N ¡ p(C; µ)u0A < 0 et U® (®; ¯; µ) = pu0A > 0:
La pente de la courbe d’indi¤érence est alors :
d¯
U® (®; ¯; µ)
p(C; µ)u 0A
=¡
=
:
d®
U¯ (®; ¯; µ)
(1 ¡ p(C; µ))u 0N + p(C; µ)u 0A
12
Di¤érencier (9) montre que la probabilité d’accident diminue quand la prime augmente et augmente avec
le remboursement :
D0 oµ
u
@p(C; µ)
u0 ¡ u0A
@p(C; µ)
u0
= N
< 0 et
= A > 0:
@¯
'pp
@®
' pp
@¦(®; ¯ ; µ)
@p(C; µ)
@¦(®; ¯ ; µ)
@p(C; µ)
= 1¡®
> 0 et
= ¡p ¡ ®
< 0:
@¯
@¯
@®
@®
11
Qu’en est-il alors du niveau de prévention ? L’agent µ H est-il le plus risqué, comme
c’est le cas en information parfaite ?
Proposition 3: A l’équilibre (s’il existe), l’agent µ L est moins risqué que l’agent µ H , c’est
M
à dire p(CLSM ; µ L) < p(CH
; µ H ). Son remboursement en cas d’accident est plus faible.
L’agent le moins risqué en information parfaite reste le moins risqué quand les compagnies
ignorent son type et son e¤ort. On a vu que, face à un contrat, l’agent µ H est le plus risqué.
De plus, on montre en annexe que tout couple de contrats incitatifs conduit l’agent µ H à un
niveau de risque plus grand que l’agent µ L. Comme les contrats sont actuariels à l’équilibre, le
contrat de l’agent µ L doit prévoir une indemnité plus faible que celui de l’agent µ H . En e¤et,
si à l’équilibre l’agent µL recevait un contrat de sous assurance de couverture plus grande et
de prix unitaire plus faible que celui de l’agent µ H , ce dernier préfèrerait le contrat de l’agent
µ L. Face à un contrat actuariel, tout se passe comme si l’agent achetait une couverture à un
prix unitaire égal à la probabilité d’accident. Or, la demande d’assurance est plus importante
que la perte d quand le prix est inférieur à la probabilité d’accident (Mossin (1968)). Ceci
signi…e que l’agent µ H préfèrerait le contrat d’assurance de µ L, parce que à la fois son prix
est plus faible et sa couverture est plus grande.
Comme dans l’analyse de RS, l’agent le moins risqué obtient le contrat d’assurance qui
a à la fois le remboursement et la prime d’assurance la plus faible. Ce résultat con…rme une
fois encore la corrélation positive entre risque ex post et couverture, comme dans Chiappori
et al (2002).
En…n, contrairement à l’équilibre de sélection adverse, l’agent le plus risqué a priori peut
être le moins risqué ex post (dès lors que p(e; µ L) > p(e; µ H ) pour tout e), et voir son utilité
réduite par rapport à la situation d’aléa moral. La monotonie de la probabilité d’accident par
rapport au type, essentielle pour déterminer l’équilibre quand la prévention est contrôlable,
ne joue aucun rôle en présence d’aléa moral. De la même façon, la continuité de l’e¤ort fait
disparaître la diversité des con…gurations d’équilibre possibles chez CC.
Dans l’analyse de RS, la présence de la sélection adverse détruit des possibilités
d’assurance, ou en d’autres mots, prime et indemnité sont plus faibles en sélection adverse
qu’en information parfaite. Pour déterminer si la sélection adverse a le même e¤et ici, il faut
comparer le contrat CLSM au contrat d’aléa moral CLM . C’est l’objet de la proposition 4.
12
Proposition 4: La sélection adverse diminue la probabilité d’accident, le remboursement et
M
la prime de l’agent µL (p(CLSM ; µ L) · p(CLM ; µ L) et ®SM
L · ®L ).
Ce résultat semble a priori identique à celui de RS : quand les probabilités sont exogènes,
l’agent µH qui choisit le contrat de l’agent µ L, achète en fait une couverture ® pour un
prix unitaire égal à la probabilité d’accident d’un “bas risque ”. Comme cette indemnité
est inférieure à la perte, il préfère qu’elle augmente, et respecter la contrainte de révélation
conduit à sous-assurer l’agent à “bas risque ”.
Quand les probabilités sont endogènes, toutefois, deux e¤ets sont en jeu. En e¤et, la
probabilité d’accident de l’agent µ L, pour un contrat actuariel, dépend de l’indemnité proposée, et plus l’indemnité est importante, plus grande sera cette probabilité et donc la prime
associée à ce contrat. Si l’agent µ H choisit le contrat de l’agent µ L, pour un rapport entre la
couverture et la prime constante, son utilité est d’autant plus grande que la couverture est
importante. Mais, quand cette couverture augmente, le coût de l’assurance augmente par le
biais de la prime, diminuant le béné…ce d’une augmentation de l’indemnité. Les deux e¤ets
jouent donc en sens inverse, l’un ne dominant pas toujours l’autre : en annexe, on montre
que l’espérance d’utilité d’un agent (compte tenu de l’e¤ort choisi par l’agent µ L et du fait
que la prime est actuarielle), qu’il soit µ H ou µ L, est une fonction croissante de l’indemnité
si celle-ci est su¢samment faible et décroissante si elle est su¢samment élevée. Toutefois,
quand ® augmente, la pente de l’utilité de l’agent µL est plus faible que celle de l’agent
µ H. Ceci se traduit par une propriété intuitive : si l’agent µ H est indi¤érent entre deux
niveaux de couverture, l’agent µ L préfère le plus faible de ces deux niveaux. En d’autres
mots, parce que son risque est plus faible, le con‡it entre prime/remboursement faibles et
prime/remboursement élevés rend l’agent µ L plus favorable que l’agent µ H à une réduction
de prime. Même si l’analyse est plus complexe que chez RS, la sélection adverse a ainsi le
même e¤et : elle diminue le remboursement de l’agent à bas risque. Par conséquent, la
sélection adverse encourage la prévention des agents µ L.13
Ce résultat ne signi…e pas que le bien-être des agents augmente en présence de sélection
adverse, sauf si la prévention exerce un e¤et externe positif, oublié dans la description du
13
Dans le modèle de sélection adverse de la sous-section 2-3, la prévention, contractuelle, peut être utilisée
pour séparer les types. Pour certaines valeurs des paramètres, la présence de sélection adverse réduit la
probabilité d’accident (par rapport à l’information parfaite) mais ce résultat ne peut être généralisé.
13
modèle, et dont le marché concurrentiel ne tient pas compte. Par exemple, imaginons que plus
de prévention augmente la richesse w de l’agent. La sélection adverse améliore le bien-être
de l’agent µH , parce qu’elle stimule la prévention de l’agent µ L. Pour l’agent µ L, cependant,
l’augmentation de la richesse compense-t-elle les e¤ets néfastes de l’information cachée ?
Quand le coût de l’e¤ort est monétaire, la fonction d’utilité de l’agent n’est pas séparable
et doit être écrite u(w ¡ c(e; µ)). On peut véri…er que la proposition 2 reste vraie si l’indice
d’aversion absolue vis à vis du risque est constant. Dans un contexte où l’aversion vis à vis
du risque dépend de la richesse, il est possible que, à cause des e¤ets richesse, l’e¤ort ne soit
plus une fonction croissante de la prime d’assurance ou monotone du type de l’agent et, dans
ce cas, notre raisonnement ne peut être appliqué directement.
4 Conclusion
Les forces en jeu dans les marchés de sélection adverse ne sont donc pas modi…ées par
la présence de la prévention, qu’elle soit observable ou non. Ceci apparaît sur un plan
technique, par le fait que, non seulement les preuves des propositions 1 et 2 coincident, mais
encore cette preuve serait identique sans prévention comme chez RS. La concurrence entre
assureurs conduit à proposer des contrats actuariels et séparateurs, l’un des deux contrats
correspondant à l’équilibre sans sélection adverse.
Cette conclusion peut être rapprochée de Jullien, Salanié et Salanié (2000) et Fagart
(2002), qui montrent, dans deux contextes di¤érents de monopole bilatéral, que les contrats
optimaux, quand la sélection adverse et l’aléa moral co-existent, possèdent les propriétés des
contrats de sélection adverse. Ici, toutefois, la concurrence a des e¤ets di¤érents selon que la
prévention est observable ou non, l’agent à “bas risque”, qui est le moins risqué à la fois en
information parfaite et en sélection adverse et aléa moral, peut être le plus risqué quand la
prévention est observable. Ce phénomène apparaît alors que la propriété de single crossing
est véri…ée, et est dû au fait que si la prévention est observable, les compagnies d’assurance
disposent d’un degré de liberté supplémentaire qui leur permet de mieux discriminer entre
les agents.
Finalement, introduire la prévention dans le cadre des hypothèses de RS ne perturbe
pas leurs conclusions. Ceci oppose nos résultats à ceux de CC, puisque l’hétérogénéité
des équilibres mise en évidence par CC n’existe sous nos hypothèses que si la prévention
14
est observable. La propriété de single crossing joue un rôle important dans notre modèle,
toutefois, elle est la conséquence directe de la continuité de l’e¤ort et de notre dé…nition d’un
agent à “haut risque”. En particulier, cette propriété de single crossing ne serait pas valide
en cas d’e¤ort dichotomique (voir Kambia-Chopin (2003)), même si des conclusions à la RS
subsistent.
Une fois encore, la proposition 3 con…rme la robustesse de la corrélation indemnité/niveau
de risque, quand la prévention est cachée. En…n la proposition 4 montre que la sélection
adverse stimule la prévention, quand celle-ci n’est pas observable. Ceci ne signi…e en aucune
manière que la sélection adverse est souhaitable, sauf si cette dernière exerce un e¤et externe
oublié dans le modèle, et qui ne serait pas pris en considération par le marché de l’assurance.
En risque santé ou environnemental, un tel e¤et externe existe sûrement. Dans ce cas, la
sélection adverse pourrait augmenter le bien-être global, parce que plus de prévention réduit
la perte totale. En d’autres mots, interdire la catégorisation des risques pourrait augmenter
le bien-être global. Cette conclusion, néanmoins, dépend de l’importance des e¤ets externes
en jeu.
5 Annexe
5.1 Preuve de la proposition 2.
La preuve de cette proposition est construite de manière à montrer la proposition 1 et la
proposition 2. Pour la proposition 1, on remplace H par K et L par K 0 .
¤
On note CH
le contrat qui maximise U(C H; µ H ) sous la contrainte de pro…t positif
¦(CH ; µH ) > 0 et C RS (µL ) celui qui maximise U(CL; µ L) sous la contrainte de pro…t positif
¦(CL; µ L) > 0 et la contrainte incitative U (CL; µ H ) · U(CH¤ ; µ H ).
Conjecture 5: Si CH est un contrat d’équilibre choisi par un agent µ H, alors U(C H; µ H ) ¸
¤
U(C H
; µ H ).
¤
Supposons qu’à l’équilibre U(C H; µ H ) < U(CH
; µ H). Soit C(") un contrat identique à
¤
CH
mais dont la prime est augmentée de " > 0. Comme U(:) est strictement décroissante
par rapport à ¯ et ¦(:) strictement croissante de ¯, il existe " > 0 tel que U(C ("); µ H ) >
U(C H; µ H ) et ¦(C("); µ H ) > 0 : une compagnie entrante o¤rant C (") réalise des gains si
avec ce contrat elle assure des agents µ H , et elle attire tous les agents µH .
15
Notons les points (1) et (2) suivants :
¤
IP
(1) dans le contexte de la sous-section 2-3, en sélection adverse, CH
= CH
et on a
IP
supposé que p(eIP
H ; µ H ) > p(eH ; µ L) ;
M
(2) dans le contexte de la sélection adverse et de l’aléa moral, on sait que p(CH
; µH ) >
M
p(CH
; µ L).
La compagnie d’assurance obtient ainsi un pro…t strictement positif si elle assure un agent
µ L avec ce nouveau contrat, d’où une contradiction.
Conjecture 6: A l’équilibre, le pro…t réalisé par une compagnie d’assurance quand elle
assure un agent quel que soit son type est nul : ¦(CL; µ L) = 0 et ¦(C H; µ H ) = 0:
On sait par la proposition précédente que ¦(CH ; µ H) · 0. Soit CL un contrat d’équilibre
choisi par les agents µ L. Si ¦(CL; µ L) > 0; comme les courbes d’indi¤érence véri…ent “la
single crossing”, alors il existe un réél ¦(CL; µ L) > " > 0 et un contrat C (") tels que :
U(C("); µL ) > U(CL ; µL ) et U(C L; µ H) > U (C("); µH )
¦(C("); µL ) > ¦(C L; µ L) ¡ " > 0:
Si une compagnie entrante o¤re le contrat C("), elle n’attire que les agents µ L. En e¤et,
tous les contrats CH, choisis à l’équilibre par les agents µH véri…ent la contrainte d’incitation
U(C H; µ H ) ¸ U(C L; µ H) et par conséquent U (CH ; µH ) ¸ U (CL; µ H ) > U(C("); µ H):
Parce que la compagnie d’assurance entrante n’attire que les agents µ L, elle réalise une
espérance de pro…t strictement positive, ce qui est impossible.
Tout contrat o¤ert choisi par un agent µ L est donc tel que ¦(CL; µ L) · 0 et tout contrat
d’équilibre choisi par un agent µH véri…e ¦(CH ; µ H ) · 0: Comme une compagnie d’assurance
ne fait pas de pertes à l’équilibre, tous les contrats choisis par les agents à l’équilibre véri…ent
¦(CL; µ L) = 0 s’ils sont choisis par les agents µ L et ¦(C H; µ H ) = 0 s’ils sont choisis par les
agents µ H .
¤
Conjecture 7: A l’équilibre, CH = CH
et CL = CLRS :
¤ est le seul contrat qui donne aux agents µ
CH
H une espérance d’utilité au moins aussi
¤
grande que U(C H
; µ H ) sans faire de pertes pour la compagnie d’assurance. Les deux lemmes
¤
précédents imposent que si C H est choisi à l’équilibre par un agent µH , alors CH = CH
.
16
Si CL est le contrat choisi par les agents de type µ L, alors compte tenu de la dé…nition de
CLRS , on a U(C L; µ L) · UL(CLRS ; µ L). Si cette inégalité est stricte, U(CL; µ L) < UL(CLRS ; µ L);
alors il existe " > 0 et C(") (identique à CLRS mais dont la prime est augmentée de ") tel que
U(C LRS ; µ L) > U (C("); µL ) > U(CL; µ L ) car U (:) est strictement décroissante par rapport à ¯.
De plus, ¦(C("); µL ) > 0 et U(C("); µ H) < U(CLRS ; µ H ) · U(C ¤(µH ); µ H ): Par conséquent,
une compagnie entrante réalise des gains en o¤rant le contrat C("), ce qui est impossible.
5.2 Preuve de la proposition 3.
Soit ((®L ; ¯ L); (®H ; ¯H )) un couple de contrats qui véri…ent les contraintes d’incitation et
conduisent aux choix de probabilités pH pour l’agent µH et pL pour l’agent µ L :
(1 ¡ pL)u(w ¡ ¯ L) + pL u(w ¡ d ¡ ¯ L + ®L) ¡ '(pL; µ L) ¸
M axpf(1 ¡ p)u(w ¡ ¯H ) + pu(w ¡ d ¡ ¯H + ®H ) ¡ '(p; µ L)g ;
(12)
(1 ¡ pH )u(w ¡ ¯ H ) + pH u(w ¡ d ¡ ¯ H + ®H ) ¡ '(pH ; µ H ) ¸
M axpf(1 ¡ p)u(w ¡ ¯L ) + pu(w ¡ d ¡ ¯ L + ®L) ¡ '(p; µH )g:
(13)
Considérer que (12) est véri…ée en p = pH et (13) en p = pL , et sommer ces deux inégalités
donne '(pL; µ H )¡'(pL; µ L ) ¸ '(pH ; µH )¡'(pH; µ L ). (6) garantit que la fonction '(pL ; µH )¡
'(pL; µ L ) est une fonction décroissante de p, par conséquent pH > pL. Comme de plus
M
(CLSM ; C H
) véri…e les contraintes d’incitation (12) et (13), l’agent µ H est donc le plus risqué
à l’équilibre.
Si l’agent µ H choisit le contrat de l’agent µ L (remboursement ®L; prime ¯ L = pL®L ) son
espérance d’utilité véri…e :
M
M
U(®L ; pL ®L; µ H ) > (1 ¡ pM
H )u(w ¡ pL®) + pH u(w ¡ d + (1 ¡ pL )®) ¡ '(pH ; µ H ):
(14)
Or, le terme de gauche de (14) est une fonction croissante de ® pour ® · d, et décroissante de
pL. Si, à l’équilibre, ®L > ®M
H , l’agent µ H préfère le contrat des agents µ L pour deux raisons
: la probabilité pL est plus faible et le remboursement est plus grand, d’où une contradiction.
5.3 Preuve de la proposition 4.
Si la contrainte du programme n’est pas active, le contrat de l’agent µ L est CLM et la proposition est démontrée. Nous supposons dans la suite que la contrainte incitative du programme
RS est active.
17
Le contrat de l’agent µL annule l’espérance de pro…t de la compagnie d’assurance, ¯ =
pL®, et véri…e la contrainte d’incitation (9) dans laquelle on prend en compte la valeur de la
prime. Cela nous permet de dé…nir la fonction pL(®), c’est à dire la probabilité choisie par
l’agent µL quand il reçoit un remboursement ® et paye la prime actuarielle :
u(w ¡ d + (1 ¡ pL (®))®) ¡ u(w ¡ pL (®)®) ¡ 'p(pL(®); µL ) = 0:
(15)
min = p (0)) . Elle
La fonction pL(®) est dé…nie de [0; d] dans [pmin
L
L ; 1] (avec pL(d) = 1 et pL
est continue et un calcul simple permet de véri…er qu’elle est croissante :
p0L (®) =
(1 ¡ pL)u0A + pL u0N
> 0:
®[u0A ¡ u0N ] + 'pp (pL(®); µ L)
(16)
Soit A(®; µ) l’utilité obtenue par l’agent µ quand il choisit le contrat actuariel (qui, proposé
à l’agent µ L, conduit ce dernier à sélectionner la probabilité d’accident pL(®)), C(®) =
(®; pL(®)®). On a :
A(®; µ) = M axpf(1 ¡ p)u(w ¡ pL(®)®) + pu(w ¡ d + (1 ¡ pL(®))®) ¡ '(p; µ)g:
(17)
Dériver A par rapport à ®, sachant que p désigne la probabilité choisie par l’agent (c’est à
dire pL(®) pour l’agent de type µ L et p(CL(®); µ H ) > pL(®) pour l’agent µ H) :
@A(®; µ)
= ¡(1 ¡ p)pL(®)u0N + p(1 ¡ pL (®))u0A ¡ p0L (®)®f(1 ¡ p)u0N + pu0Ag:
@®
(18)
@ A(0; µ)
@ A(d; µ)
> 0 et
< 0, A n’est pas monotone par rapport à ®. Par contre, la
@®
@®
di¤érence entre l’utilité de l’agent µ L et celle de l’agent µH est une fonction décroissante de
Comme
® . En e¤et, on a :
A(®; µ L) ¡ A(®; µ H ) = Minpf[pL(®) ¡ p](uA ¡ uN ) + '(p; µ H ) ¡ '(pL(®); µ L)g
(19)
= Minpf[pL(®) ¡ p]'p(pL (®); µL )) + '(p; µ H ) ¡ '(pL (®); µ L)g;
d’où
@[A(®; µ L) ¡ A(®; µH )]
= p0L(®)[pL(®) ¡ p(CL(®); µ H )]'pp(pL (®); µL )) < 0:
@®
Quand la contrainte d’incitation est active, la solution du programme RS véri…e
M
A(®; µ H) = U (CH
; µH ):
Mais cette équation a plusieurs racines. En e¤et, dans ce cas on a :
M
A(d; µ H ) < A(0; µ H ) < U(C H
; µ H ) < A(®M
L ; µ H ):
18
(20)
H
L’agent µ H préfère le contrat d’aléa moral de l’agent µL , CLM , à son propre contrat CM
: Par
contre, celui-ci lui donne une utilité plus grande que le contrat sans assurance (® = ¯ = 0).
En…n, on peut remarquer que le contrat sans assurance est préféré par l’agent au contrat
d’assurance totale (avec pL(d) = 1) car Maxpf(1 ¡ p)u(w) + pu(w ¡ d) ¡ '(p; µ)g > u(w ¡
d) ¡'(1; µ). La courbe A(®; µH ) est donc croissante puis décroissante, et l’équation (20) a au
moins deux solutions, l’une d’entre elles étant plus petite que ® M
L . Il reste donc à déterminer
quelle est la meilleure de ces solutions pour l’agent µL . Pour cela, remarquons que, si (20)
M ; µ ) + A(®; µ ) ¡ A(®; µ ). Par
est véri…ée, l’agent µ L obtient une utilité A(®; µ L) = U (CH
H
L
H
conséquent la meilleure solution pour µ L est la racine de (20) qui rend maximum l’écart
A(®; µL ) ¡ A(®; µ H ), donc la plus petite des solutions de (20).
References
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Georges (Ed), Contributions to Insurance Economics, Kluwer Academic Publishers.
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and Adverse Selection: the case of Pure Competition”, Mimeo, Paris, Departement et
Laboratoire d’Economie Theorique et Appliquée.
[5]Chiappori Pierre André, Bruno Jullien, Bernard Salanié et François Salanié (2002) :
“Asymmetric information in insurance: some testable implications”, Doc CREST 200242
[6]De Meza David. et David. C.Webb (2001) : ”Advantageous selection in insurance markets”, RAND Journal of Economics, 32, n± 2, 249-262.
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principal-agent model”, CREST 2002-15.
19
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under Moral Hazard”, CREST 2000-41.
[10]Kambia-Chopin Bidénam (2003) : “Coûts de l’auto-protection et équilibre d’un marché
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[11]Mossin Jan (1968) : “Aspects of Rational Insurance Purchasing”, Journal of Political
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[12]Riley John (1979) : “Informational Equilibrium”, Econometrica, 47: 331-359.
[13]Rothschild Michael and Stiglitz Joseph (1976) : “Equilibrium in competitive insurance
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Economics, 90: 629-650.
[14]Stewart Jay (1994) : “The welfare implications of moral hazard and adverse selection in
competitive insurance markets”, Economic Inquiry, 32: 193-208.
20

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