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BAROMETRE JURIDIQUE
JUIN 2014
Un accord national interprofessionnel (ANI) avait été conclu le 11 janvier 2008 relatif à la
modernisation du marché du travail. Son article 14 posait alors le principe de
« portabilité » des droits aux garanties prévoyance et santé, en cas de rupture du contrat
de travail indemnisée par l’assurance chômage. L’avenant n°3 du 18 mai 2009 étendu
avait ensuite organisé les modalités d’application de la portabilité des droits ; celle-ci
s’était avérée très complexe à mettre en œuvre.
Le dispositif imaginé par les partenaires sociaux permettait alors au salarié quittant
l’entreprise de conserver les garanties dont il disposait en tant qu’actif, pendant une
durée équivalente à celle de son dernier contrat de travail (dans la limite de 9 mois).
Ce maintien de garanties pouvait être cofinancé par l’employeur et l’assuré ou alors
entièrement mis à la charge des actifs, par le biais d’un système de mutualisation.
La Direction Technique santé et prévoyance
a créé le Baromètre Juridique MERCER.
Chaque trimestre, vous retrouverez une analyse
de l’actualité juridique relative à la prévoyance
complémentaire.
Pour ce nouveau numéro, nous vous proposons
une première analyse des nouvelles dispositions
concernant la portabilité et notamment :
•
Une présentation du dispositif
•
Ses difficultés d’application.
Le 11 janvier 2013, un nouvel ANI a été conclu : il prévoit le passage de 9 à 12 mois
de la durée maximale de portabilité, et un financement uniquement possible
en mutualisation. Contrairement à l’ANI de 2008, le texte a été repris dans la loi
et retranscrit à l’article L.911-8 du Code de la Sécurité sociale. Les dispositions de
ce nouvel article s’appliquent à compter du 1er juin 2014 pour les garanties santé
et à partir du 1er juin 2015 pour les garanties prévoyance.
De nombreuses conditions d’application de ce dispositif sont similaires à celles
de l’ANI du 11 janvier 2008 :
Cessation du contrat de travail non consécutive à une Licenciement, rupture conventionnel, fin de CDD, rupture de période
d’essai, démission légitime…
faute lourde
Prise en charge par l’assurance chômage
Pour bénéficier de l‘assurance chômage, il faut avoir cotisé 4 mois sur
une période de 28 mois précédant la rupture du contrat de travail (ou 36
mois pour les salariés ayant plus de 50 ans).
Droits à remboursement complémentaires ouverts
chez le dernier employeur
Il n’y aura pas de droit ouvert si l’ancien salarié a bénéficié d’un cas de
dispense d’affiliation ou si le régime prévoyait une condition
d’ancienneté que l’ancien salarié n’a jamais rempli.
Montant des prestations versées au titre de
l’incapacité
Ne peut être supérieur à celui des allocations chômage que l’assuré
aurait perçu au titre de la même période.
Cependant, les spécificités du texte créent déjà d’importantes difficultés
dans la pratique.
Qu’est-ce qui change ?
Un champ d’application élargi
Le nouveau dispositif a été inscrit par la loi de sécurisation de l’emploi à l’article L.911-8
du Code de la Sécurité sociale. Il s’applique désormais à toutes les entreprises, y compris
celles qui ne relevaient pas antérieurement de l’ANI de 2008. www.mercer.fr
Le maintien des garanties davantage délégué à l’organisme assureur
Si, auparavant, la mise en œuvre du maintien des garanties ne faisait intervenir
que l’employeur et son ancien salarié, quelques éléments ont été modifiés
et le processus est désormais le suivant :
Rupture du contrat de travail
L'employeur signale le
maintien de ces garanties
dans le certificat de travail
et informe l'organisme
assureur de la cessation du
contrat de travail
L'ancien salarié justifie
auprès de son organisme
assureur, à l'ouverture et au
cours de la période de
maintien des garanties, des
conditions de ce maintien
Extension de la période de portabilité des droits
Le maintien des garanties est applicable pendant une durée égale à la période
d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du(des) dernier(s)
contrat(s) de travail (lorsqu’ils sont consécutifs chez le même employeur). Cette
durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans
pouvoir excéder 12 mois (contre 9 mois auparavant).
Un maintien à « titre gratuit »…
L’article L.911-8 ne prévoit plus qu’un seul mode de financement possible.
Initialement, dans le cadre de l’ANI du 11 janvier 2013, les partenaires sociaux
avaient décidé de généraliser le système de la mutualisation pour le financement
du maintien des garanties frais de santé et prévoyance, mettant ainsi fin à la
possibilité de recourir au cofinancement.
Toutefois, cette obligation a été retranscrite différemment dans la loi. Le premier
alinéa du nouvel article L.911-8 du Code de la Sécurité sociale prévoit désormais
que les salariés bénéficient du maintien à titre gratuit.
Dispositions
ANI 2008
L.911-8 CSS
Salariés concernés
Salariés des branches relevant de
l’ANI
Tous les salariés
Durée du maintien
9 mois maximum
12 mois maximum
Cofinancement ou mutualisation
Mutualisation
Financement
Les différences qui existent entre les 2 régimes ne manqueront pas de générer
des difficultés d’application, accentuées par une entrée en vigueur du texte
à des dates décalées en santé et en prévoyance.
Une période de transition à affronter
Entre le 1er juin 2014 et le 1er juin 2015, deux régimes coexisteront, complexifiant
les processus de communication et de gestion :
•
L’employeur maintiendra à ses salariés les garanties santé en application
de l’article L.911-8, à compter du 1er juin 2014,
•
Le maintien des garanties prévoyance sera proposé aux salariés aux
conditions posées par l’ANI de 2008 jusqu’au 1er juin 2015.
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Comment apprécier la durée de portabilité pour
un salarié ayant eu plusieurs CDD chez le même
employeur, consécutifs ou non ?
•
Lorsque les CDD sont consécutifs, leurs
durées se cumulent.
•
Lorsque les CDD sont séparés entre eux par
une période de non-activité, leurs durées
ne se cumulent pas. La durée de portabilité
sera égale à celle du dernier CDD.
Quelle date prendre en compte pour le calcul des droits ?
Une première difficulté tient à la transition entre le dispositif de portabilité aux
conditions de l’ANI du 11 janvier 2008 et celui aux conditions de l’article L.911-8 du
Code de la Sécurité sociale. Quelles seront les conditions de portabilité applicable en
cas de licenciement d’un salarié avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions,
mais amené à quitter l’entreprise postérieurement à celle-ci ? Schématiquement, la
situation est illustrée par l’exemple suivant :
2 mai 2014 :
Notification
du licenciement
1er juin 2014 :
Entrée en vigueur des
nouvelles dispositions
ANI 2008
2 juillet 2014 :
Sortie des effectifs
L.911-8 CSS
•
Si l’on prend en compte la date de sortie des effectifs : à son départ de
l’entreprise, le salarié se verra appliquer les nouvelles dispositions de l’article
L.911-8 (maintien à titre gratuit pendant 12 mois maximum). C’est la solution
la plus favorable pour le salarié et partant la moins risquée, notamment en
prévoyance.
•
Si l’on prend en compte la date de notification du licenciement : à son départ
de l’entreprise, le salarié se verra appliquer les anciennes dispositions
(maintien cofinancé ou mutualisé sur les actifs pendant 9 mois maximum).
C’est la position retenue antérieurement dans le cadre de l’ANI de 2008
(Cass. Soc. 23 mai 2012 n°11-17.549).
Dans la mesure où le texte de l’article L.911-8 du Code de la Sécurité sociale n’est
pas exactement le même que celui de l’ANI du 11 janvier 2008, il n’est pas certain
que les juridictions rendent une décision identique si elles étaient confrontées de
nouveau à cette question. Les entreprises devront donc apprécier le degré de
risque qu’elles souhaitent prendre dans cette situation.
En tout état de cause, si une entreprise opte pour la première interprétation, il
conviendra d’obtenir l’accord de l’organisme assureur sur la couverture du salarié
pendant une durée maximale de 12 mois.
Possibilité de dissociation des garanties santé et prévoyance
Dans le cadre de l’ANI du 11 janvier 2008, si le salarié souhaitait renoncer à la
portabilité, cette renonciation concernait conjointement les garanties santé et
prévoyance. Deux étapes existaient : celle où l’employeur ouvrait le maintien des
garanties et celle où le salarié acceptait ou renonçait à ce dernier. En application du
nouvel article L.911-8, il n’y a plus de problématique d’acceptation ou de renonciation
par le salarié puisque le maintien des garanties est gratuit et d’ordre public.
Ainsi, jusqu’au 1er juin 2015, et dans la mesure où les deux textes cohabitent, une
entreprise qui appliquait la portabilité aux conditions de 2008 devra donc dissocier
la prévoyance et la santé :
•
La santé sera maintenue gratuitement,
•
Le salarié pourra renoncer à la couverture prévoyance s’il ne souhaite pas
poursuivre le versement de sa part de cotisation.
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Mise en œuvre de la portabilité : toujours des incertitudes…
Maintien « à titre gratuit » : que faut-il comprendre ?
Le nouveau texte de l’article L.911-8 du Code de la Sécurité sociale repose sur un
maintien « à titre gratuit » des garanties. Deux interprétations de ces termes sont
désormais possibles au choix de l’entreprise :
Soit le maintien des garanties se fait exclusivement gratuitement pour le salarié
(l’employeur prend en charge 100% de la cotisation du salarié en portabilité). Cette
approche n’est pas dénuée de risques pour les raisons suivantes :
•
Difficulté pour anticiper le coût lié aux licenciements économiques et les
procédures collectives,
•
Fiscalisation de la part patronale générant une forte augmentation du net fiscal
pour les salariés en portabilité ( gratuité ?),
•
Problématiques de gestion.
Soit le maintien des garanties est financé par un système de mutualisation (la cotisation
du salarié en portabilité est financée par les actifs), ce qui permet une meilleure
anticipation du risque. Pour éviter les contestations éventuelles au sein de l’entreprise,
il sera alors bon de formaliser la mutualisation dans l’acte de mise en place du régime.
Etendue de la portabilité : faut-il maintenir les options ?
Le nouvel article L.911-8 du Code de la Sécurité sociale prévoit le maintien des garanties
collectives mises en place par accord collectif, accord ratifié par référendum ou par décision
unilatérale de l’employeur, et dispose notamment que « les garanties maintenues au bénéfice
de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise ». De ce fait, le maintien de la
couverture concerne-t-il seulement les garanties obligatoires ou doit-il être étendu aux
garanties facultatives offertes par l’entreprise (en option ou non) ?
Deux interprétations sont possibles :
•
Le maintien ne doit concerner que les garanties à adhésion obligatoire,
•
Le maintien doit concerner la totalité de l’existant c’est-à-dire l’obligatoire et le facultatif.
La deuxième interprétation est cohérente. La plupart des régimes facultatifs sont prévus
dans les actes de mise en place des régimes et seraient donc concernées par les
nouvelles dispositions relatives au maintien des garanties. En outre, les précisions
apportées aux conditions d’un tel maintien, à savoir le maintien des garanties « en
vigueur dans l’entreprise », laisse penser que la totalité de l’existant doit être maintenu.
Le présent document est publié par Mercer à titre
purement indicatif.
Il ne constitue pas l’expression d’une opinion
définitive sur le fondement de laquelle une
décision pourrait être prise, de quelque nature
qu’elle soit.
Sa reproduction et sa diffusion sont autorisées,
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Responsabilité Civile Professionnelle conformes
aux articles L.512-6 et L.512-7 du Code des
Assurances.
Si l’entreprise ne souhaite pas la portabilité des options, la solution pourrait être de les sortir
de l’acte de mise en place du régime et de les considérer comme des garanties individuelles
afin de s’assurer qu’elles ne répondent pas aux conditions du maintien.
Comment les nouvelles dispositions impactent-elles la gestion MERCER ?

Au départ du salarié, l’employeur signale le maintien des garanties dans le certificat de travail et informe MERCER de la cessation du contrat de
travail.

La couverture collective et la structure de cotisation dont bénéficiait le salarié avant son départ sont maintenues selon le périmètre défini par
l’entreprise. En cas d’évolution du contrat des salariés de l’entreprise ou d’évolution de la situation familiale, MERCER préconisera d’appliquer les
mêmes règles que pour le salarié actif.

Lorsque l’employeur a opté pour un financement volontaire (au lieu de la mutualisation), MERCER demande à ce que la cotisation totale
correspondante (les 12 mois) soit payée par versement unique par l’employeur au départ du salarié (pas de versement périodique).

L’ancien salarié devra justifier auprès de MERCER, à l’ouverture et au cours de la période de portabilité, des conditions de ce maintien.

En tout état de cause, la couverture cesse lors de la fin de la période de portabilité, de la fin de la période de prise en charge par l’assurance
chômage ou de la reprise d’un nouvel emploi.
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