sujet commentaire texte

le pont supérieur
Pôle d’enseignement supérieur spectacle vivant Bretagne Pays de la Loire
Établissement public de coopération culturelle / Ministère de la Culture et de la Communication, Régions Bretagne et Pays de la Loire,
Villes de Nantes, Rennes et Angers, Universités de Nantes et Rennes 2.
Épreuve écrite de commentaire de texte
Musiques actuelles – jazz et musiques improvisées
Sur la base d’une lecture attentive et d’une compréhension aussi précise que possible du texte suivant,
dégagez quelques idées et commentez-les d’une façon personnelle en vous appuyant sur votre expérience et
culture de musicien :
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De quelque nature que soit l’œuvre envisagée, la continuité de la pensée musicale
est un facteur important de réussite. Sans doute ce jugement s’applique-t-il en
musique de jazz de façon moins stricte qu’en matière de musique classique : on ne
saurait demander à une suite de chorus improvisés de présenter une continuité aussi
parfaite qu’une œuvre longuement élaborée […]. Toutefois, il demeure évident qu’un
chorus se développant avec cohérence a beaucoup plus de chance de se révéler
satisfaisant au point de vue musical que tel autre chorus dont les phrases
s’enchaîneraient au petit bonheur, sans souci de continuité. […]
Or, il faut bien le reconnaître, beaucoup d’improvisations enregistrées souffrent
d’une insuffisance de continuité qu’une écoute attentive et renouvelée met en
évidence. L’une des causes les plus apparentes de cette non-continuité est
l’hétérogénéité de style dont sont affligés nombre de musiciens. Cependant, il arrive
que maint soliste possédant un style bien homogène se révèle incapable de penser un
chorus de trente-deux mesures sans sauter deux ou trois fois du coq-à-l’âne […].
Cette inconstance de la pensée conduit à l’inconsistance de la musique qui en résulte.
Les grands improvisateurs tombent rarement dans ce travers. Leur pensée sait se
contraindre à suivre une ligne générale ; ce qui n’exclut pas les diversions dues à la
fantaisie créatrice. Parfois, un improvisateur de classe adopte une politique de
contrastes ; politique dangereuse en ce qui concerne la continuité. Là encore, seule
l’existence d’un axe peut éviter le chaos. Tel est le cas de Keepin’ Out of Mischief Now, le
fameux solo de piano de Fats Waller. Keepin’ Out est un excellent exemple de pensée
claire et bien dirigée, mise au service de la simplicité mélodique la plus heureuse. On
a dit que la continuité mélodique de ce solo était due au fait que Fats Waller ne s’y
écartait guère du thème. Cette opinion ne résiste pas à l’examen ; si Fats fait de
fréquentes allusions à la mélodie originale de Keepin’ Out, il s’en affranchit plus
souvent encore, concevant son œuvre, tour à tour, comme un exposé-paraphrase,
une paraphrase-chorus ou une variation libre. En revanche, les contrastes incessants
dont il use ne sont pas seulement un moyen commode d’éviter toute monotonie. Ils
ne sont point arbitraires ; ils font corps avec la pensée musicale créatrice, ils sont
cette pensée même. Il serait à peine paradoxal d’écrire que la continuité naît ici du
contraste.
André HODEIR, Hommes et problèmes du jazz (1954),
Paris : Parenthèses, 1981, p. 156-158.