Inflation : le retour ? - Coe

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Inflation : le retour ? - Coe
Juillet 2007 - N° 14
Lettre d’information de
www.coe-rexecode.fr
L’été est souvent la saison de tous les dangers
pour les marchés financiers. Quels sont les
principaux risques pour les marchés d’actions dont la reprise a fêté son quatrième
anniversaire au printemps dernier, ce qui en
fait une phase de hausse déjà longue au
regard des observations historiques.
édito
Parmi tous ceux qui viennent à l’esprit, le
premier est celui d’une poursuite de l’envolée
des prix du pétrole. Les cours du Brent s’approchent actuellement des 80 dollars le baril,
et viennent de passer au-dessus de leur
record du 9 août 2006. Si l’envolée se poursuivait, les anticipations inflationnistes risqueraient de s’exacerber, conduisant les opérateurs à anticiper une sévérité accrue des
politiques monétaires en Europe et à envisager que le desserrement des fonds fédéraux
aux Etats-Unis soit davantage différé. Les
taux longs pourraient à nouveau se tendre
sauf si les intervenants anticipaient que la
ponction supplémentaire opérée sur le pouvoir d’achat du consommateur, en particulier
aux Etats-Unis, accentuait le ralentissement
de l’économie. De toute façon, ceci ne serait
pas bon pour le marché des actions même si
ces derniers ne sont pas actuellement anormalement valorisés.
Le second est celui d’un désordre s’accentuant davantage sur les marchés de changes,
poussant entre autres le sterling et l’euro à
battre tous leurs records, le yen à s’enfoncer
davantage et le dollar à se déprécier. Si ce
risque se matérialisait, le Vieux continent
n’éviterait pas un ralentissement sensible de
sa croissance économique, fâcheux pour ses
places boursières.
Jean-Michel Boussemart
Inflation :
le retour ?
L
e début de l’année 2007 s’est
caractérisé par le maintien
d’une croissance économique
vigoureuse, avec une hausse du PIB
mondial avoisinant 5 % au premier
trimestre, malgré le net affaiblissement de la croissance américaine.
Dans ce contexte, l’utilisation des
facteurs de production se fait plus
intense. Le taux d’utilisation des
capacités de production dans la
zone euro atteint ainsi un niveau historiquement élevé. De même, le chômage a reculé fortement en Europe
ces derniers mois, se situant à un
niveau inconnu depuis plus de vingt
cinq ans. Aux Etats-Unis, le ralentissement économique ne s’est pas traduit, pour le moment, par une remontée du taux de chômage, qui reste
extrêmement bas (4,5 % en juin). La
théorie économique nous enseigne
que, normalement, une telle configuration est potentiellement inflationniste. Pourtant, l’inflation dans le
monde se situe, aujourd’hui, à un
niveau exceptionnellement bas
(3,1 % en moyenne en mars
2007pour un ensemble de 46 pays),
et ce malgré un choc considérable
sur les prix des matières premières.
La mondialisation
change la donne
Par rapport aux années 1970 et
1980, deux facteurs constituent de
puissants modérateurs à l’inflation. Le
premier est constitué par le progrès
technique, en particulier dans l’électronique. Les statisticiens convertissent ainsi en baisse de prix, l’amélioration des performances de nom-
La mondialisation
est source de désinflation “
breux produits (ordinateurs, appareils photos numériques, etc.). Mais,
surtout, la mondialisation est source
de désinflation. D’une part l’importation de marchandises en provenance
de pays à bas coûts, fabriqués d’ailleurs pour partie par des filiales d’entreprises occidentales, impactent
négativement les indices de prix à la
consommation dans les pays développés. D’autre part, la mondialisation exerce une forte pression concurrentielle tant pour les entreprises que
pour les salariés. De ce point de vue,
l’expansion des capacités industrielles dans les pays émergents laisse
penser que des marges de production existent encore dans le monde.
Alain Henriot
Tél. 01 53 89 20 80 – [email protected]
Bloc-notes
Les risques de l’été
sur les marchés
financiers
Ce mois-ci, sur
www.coe-rexecode.fr,
retrouvez le nouveau
numéro de Diagnostic(s)
et le dernier document
de travail intitulé
« Les tendances de
l’emploi en France »
12,1 milliards
d’euros
événement
L’excédent du poste
« voyages » de la
balance des
paiements en 2006
Avec 46,8 millions
de visiteurs en
2005, la Chine est
la quatrième destination touristique
mondiale
L’activité du tourisme concerne près
de 200 000 entreprises en France,
dont la moitié sont
des restaurants
Tourisme :
un atout français à préserver
Les activités touristiques dégagent de larges excédents commerciaux, la France occupant le premier
rang parmi les destinations touristiques. Mais ce secteur doit faire face à d’importantes transformations. A plus court terme, l’impact du change et les contraintes d’embauche peuvent peser sur l’activité de ce secteur.
Alors que les échanges de biens ont enregistré un déséquilibre
de 30 milliards d’euros en 2006, le poste « voyages » de la
balance des paiements reste nettement excédentaire, contrairement d’ailleurs aux autres services. Bien que ces chiffres intègrent
aussi les transactions liées aux voyages d’affaires, ce surplus correspond clairement à un avantage comparatif de la France dans
les activités touristiques. Cependant, cet excédent s’est un peu
réduit depuis le record atteint en 2000. Ainsi, bien qu’encore
supérieures de près de 50 % par rapport aux dépenses, les recettes touristiques plafonnent depuis 2004.
Un environnement en mutation
Avec 78 millions de touristes accueillis en 2006, la France
reste la première destination mondiale, le ministère du tourisme
estimant à 6,5 % le poids du tourisme dans le PIB. Deux millions d’emplois dépendraient directement ou indirectement des
activités touristiques. Au plan mondial, le secteur est en forte
croissance. L’Organisation mondiale du tourisme évalue à
842 millions les arrivées de touristes internationaux en 2006.
Entre 2003 et 2006, elles se sont accrues de plus de 12 %, et
l’OMT continue à prévoir une progression moyenne de l’ordre
de 4 % l’an jusqu’en 2020.
Avec 78 millions de touristes
accueillis en 2006, la France reste
la première destination mondiale “
L’euro et les difficultés de recrutement
comme frein au développement
A court terme, l’industrie touristique française doit faire face à
deux difficultés. D’une part, celui de l’euro fort. La faiblesse du
dollar et du yen pèsent sur les recettes touristiques. Selon certaines estimations, une appréciation de l’euro de 1 % contre
l’ensemble des autres monnaies se traduirait par une baisse de
2,8 % des recettes touristiques réelles françaises. Le second
défi pour le secteur porte sur les contraintes d’embauche.
L’hôtellerie-restauration est ainsi un des secteurs qui rencontre
aujourd’hui le plus de difficulté à recruter. Pour ces métiers, le
ratio offre/demande d’emploi s’élevait à 1,03 fin 2006,
contre une moyenne de 0,70 pour l’ensemble des secteurs.
France
Balance des paiements : poste voyages
Milliards d'euros
40
Deux transformations majeures affectent le secteur du tourisme.
Le premier est la diversification des flux touristiques. Le développement des pays émergents, en particulier de la Chine,
influent à la fois sur l’offre et la demande de produits touristiques. Les Britanniques et les Allemands restent encore les premiers visiteurs de la France, aussi bien en nombre qu’en termes
de recettes. Mais les sources de croissance sont ailleurs. Les
dépenses des touristes allemands ont stagné entre 2000 et
2005, une tendance qui peut être rapprochée de la faible progression de leur pouvoir d’achat. Dans le même temps, les
recettes tirées de la visite de touristes asiatiques (hors Japon)
ont crû de près de 40 %. Par ailleurs, le tourisme est aussi au
cœur des chocs technologiques. La généralisation de l’usage
d’Internet transforme l’économie du secteur, en accroissant
notamment l’accessibilité de l’offre et en exerçant une pression
concurrentielle sur les prix.
35
30
25
20
15
10
5
0
95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07*
Solde
Dépenses
Recettes
Source : Banque de France (*12 derniers mois connus avril 2007)
Alain Henriot - Tél. 01 53 89 20 80
[email protected]
focus
Venezuela :
la fuite en avant se poursuit
Si la croissance venezuelienne reste très dynamique, ses assises semblent de plus en plus fragiles.
L’orientation des politiques économiques et la radicalisation du régime risque de placer l’économie sur une
trajectoire insoutenable, les risques restant néanmoins limités à court terme.
de l’envolée des importations et d’une première réduction de la TVA
en mars, l’inflation ressortait encore à 19,4 % en juin.
Venezuela
Inflation et volume des importations
50
Glissement annuel, en %
90
Inflation (éch. gauche)
Importations (éch. droite)
40
60
30
30
20
0
10
-30
0
-60
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
Source : Global Insight
L’économie vénézuélienne semble n’avoir rien perdu de son dynamisme. La croissance est en effet encore ressortie à 8,8 % en glissement annuel au premier trimestre 2007. Toutefois, ses assises
apparaissent de plus en plus fragiles. La plupart des analystes estiment que l’output gap est positif depuis fin 2005 et les signes de
surchauffe se multiplient. En dépit du système de contrôle des prix,
La radicalisation du régime se traduit
par une montée des risques
L’orientation globale des politiques économiques paraît peu susceptible de limiter les tensions inflationnistes. Les données officielles
font certes état d’un récent ralentissement de la progression des
dépenses primaires du gouvernement central. Toutefois l’opacité
des comptes publics jette un doute sur la réalité de ce changement
d’orientation budgétaire. Par ailleurs, le renforcement de l’insécurité juridique risque de décourager l’investissement productif,
accroissant les tensions qui pèsent sur l’offre. Les premières mesures prises par le gouvernement (nationalisations, prise de participation majoritaire de PDVSA dans les joint-ventures pétroliers, renforcement des contraintes pesant sur le système bancaire) accroissent
la vulnérabilité du système bancaire et risquent d’entraver encore
davantage la croissance de la production pétrolière. Si les risques
à court terme restent limités avec un cours du pétrole supérieur à
70 dollars le baril, la trajectoire de l’économie vénézuélienne
parait difficilement soutenable à moyen terme.
Valérie Perracino
Tél. 01 53 89 20 93 - [email protected]
France :
l’inflation ne menace pas
L’inscription à un niveau élevé des cours du baril, les tensions sur les cours de certains produits alimentaires et la remontée de certains tarifs administrés (santé) aiguisent les craintes inflationnistes.
Pourtant l’inflation a disparu du décor de l’économie française.
Les ménages français continuent de percevoir une forte dérive
des prix en contradiction avec les tendances de l’inflation relevées par l’INSEE. Mesurée en glissement annuel, l’inflation n’a
pas dépassé le rythme de 1,3 % sur un an depuis août dernier.
En juin, elle progresse de 1,2 %, ce qui fait de la France l’un des
pays les moins inflationnistes de toute la zone euro. Cette déconnexion entre perception de l’évolution des prix et mesure s’est installée en 2002 et ne s’est pas démentie depuis. Elle s’explique en
partie par les importantes hausses de prix observées sur certains
produits clés. Les prix des produits énergétiques ont progressé de
26,2 % depuis leur niveau de 2001, celui du pain de 15,9 % et
celui de l’ensemble des produits frais de 22,3 %.
Ces fortes hausses portent sur des produits pour lesquels les
ménages ont une bonne connaissance des prix du fait d’achats
répétés dans une période brève. Elles ne doivent toutefois pas
masquer les tendances baissières que connaissent les prix d’autres produits. Les produits manufacturés, qui rentrent à hauteur de
31,4 % du panier de biens achetés en 2007 par les ménages
(16,6 % pour les produits alimentaires et 7,9 % pour les produits
énergétiques), ont vu leur prix stagner depuis 2001. Outre
l’exemple fréquemment cité des ordinateurs dont le prix recule
continument, ceux des produits de santé se sont repliés de 7,1 %
depuis 2001.
Denis Ferrand
Tel. 01 53 89 20 86 – [email protected]
France
Prix à la consommation
3.0
Glissement annuel, en %
2.0
1.0
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Source : INSEE
Indicateurs
cycliques
Indicateur
Vers une sortie du ralentissement
économique aux Etats-Unis ?
Demande mondiale d’importations :
freinage des achats américains
Il est acquis qu’un pic du cycle de croissance a été atteint
au premier trimestre 2006 et que depuis lors la croissance se situe en dessous de la croissance tendancielle
estimée à environ 3 %.
Selon nos estimations, la croissance du commerce mondial s’est modérée début 2007. Au premier trimestre, la
demande mondiale d’importations s’est accrue de 0,7 %
par rapport au trimestre précédent. En avril, elle se
situait légèrement en deçà du niveau moyen des trois
mois précédents. Le glissement annuel atteignait ainsi
5,6 % conte un pic à 9 % mi-2006.
Indicateur avancé de retournement conjoncturel
aux Etats-Unis (IARC)
100
Demande mondiale d'importations
80
60
150
40
20
les indicateurs de
50
40
niveau de l'indice
-20
-40
-60
130
30
120
20
110
10
-80
-100
2004
2005
2006
2007
Possibilité de retournement
Forte probabilité de retournement
0
100
Source : Coe-Rexecode
L’indicateur IARC, dans la recherche du prochain creux
conjoncturel, atteint - 77,4 en juin 2006, un niveau qui
se rapproche du seuil significatif de - 80 qui signalerait, avec une forte probabilité, une sortie de la phase
de ralentissement économique actuelle dans les trois
mois. Seules deux des six composantes restent négatives. D’abord, la confiance des ménages qui ne décolle
pas, affectée sans doute par la hausse du prix du carburant et l’érosion du pouvoir d’achat. Ensuite, les permis de construire qui ne sont toujours pas repartis clairement à la hausse. Par contre, l’indice ISM est remonté
à 56 en juin (corrélativement l’indice non manufacturier est également haussier) et l’écart de taux d’intérêt
après trois ans de baisse ininterrompue s’est retourné à
la hausse, passant d’un point bas de -0.5 % en mars à
+0,6 % en juin. Certes ce mouvement est lié aux tensions sur les taux longs qui peuvent par ailleurs pénaliser le marché immobilier, mais il reflète aussi une
absence de remontée des taux courts, ce qui est rassurant. Enfin, la Bourse n’a jamais perdu de sa vigueur,
signe d’un optimisme des marchés sur la conjoncture et
les bénéfices futurs des entreprises.
Cycle de croissance aux Etats-Unis
en
% de la tendance du PIB
2.0
évolution annuelle, en %
90
2002
2003
2004
2005
2006
2007
-10
Source : Coe-Rexecode
Cette décélération est surtout le fait des importations américaines qui ont reculé en volume en avril, après avoir
enregistré une quasi-stagnation depuis la mi-2006. Par
contraste, les importations des pays émergents progressent toujours vigoureusement (plus de 25 % sur un an pour
les pays d’Europe de l’Est, + 10 % pour l’Asie émergente
(hors membres de l’OPEP et les quatre « Dragons »).
Monde
PIB, production industrielle
et commerce mondial
15
Glissement annuel, en %
10
5
0
PIB mondial
Commerce mondial (mm3)
Production industrielle (mm3)
-5
-10
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08
1.5
Source : Coe-Rexecode
1.0
0.5
0
Mise en page : M. GRANGÉ, Infographie : D. DALLE-MOLLE.
Imprimeur : PDI IMPRIMERIE 2-4 rue de Bourgogne 95310 St-Ouen l'Aumone, N° ISSN : 1951-4468, Dépôt légal : juillet 2007
29 avenue Hoche 75008 Paris, Tél. 01 53 89 20 89, Directeur de Publication : M. DIDIER, Rédacteur en Chef : A. HENRIOT,
Indice de volume, 2000=100, cvs
140
0
TENDANCE(S) : Publication du Centre d'Observation Economique et de Recherches pour l’Expansion de l’Economie et des Entreprises
du mois
-0.5
-1.0
-1.5
97
98
99
00
01
02
Phase de ralentissement
03
04
05
06
07
08
Source : Coe-Rexecode
Par ailleurs, comme nous le signalions en avril dernier, les
risques d’un approfondissement en récession se sont aussi
fortement éloignés. L’indicateur d’entrée-sortie de récession
(IESR) valait seulement 0,23 en mai 2007.
Cette configuration particulière donne une vision plus
négative de la conjoncture internationale lorsqu’elle est
analysée par le prisme des échanges que celle découlant
de l’examen du PIB mondial ou de la production mondiale. Ces indicateurs sont établis en utilisant comme
poids pour chaque pays la part dans le PIB en parité de
pouvoir d’achat, ce qui accroît le poids des pays émergents et minore celui des pays développés, au regard
d’indicateurs mondiaux basés sur des poids mesurés en
dollars constants. Ainsi, la Chine comptait, en 2006,
pour 6,4 % dans les importations mondiales, contre
15,1 % dans le PIB mondial.
Jacques Anas
01 53 89 20 72 - [email protected]
institut de conjoncture partenaire de la
Alain Henriot
01 53 89 20 80 – [email protected]