Le Duce s`en va-t
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Le Duce s`en va-t
Chapitre 1 – Par miracle ou par hasard 6 au 12 juin 1940 La guerre en Méditerranée et en Afrique du Nord Le Duce s’en va-t-en guerre 6 juin La guerre en Méditerranée Méditerranée, Adriatique et Mer Egée – Alors que l’Italie n’est pas entrée en guerre, suivant des plans établis de longue date, la Regia Marina entreprend la pose de 213 barrages de mines défensifs, totalisant 9 808 engins, en divers lieux stratégiques : côtes proches de la frontière avec la France, zone Elbe-Piombino, côtes sardes et siciliennes, côtes libyennes, etc. Dans le Dodécanèse, les barrages posés protègent les îles de Léros (Lero), Astypalée (Stampalia) et naturellement Rhodes (Rodi). Ces barrages sont de deux types : 107 anti-navires (AN, mines réglées à une profondeur de 4 mètres) et 106 anti-sous-marins (AS, mines à une profondeur de 8 mètres ou davantage). Le temps que marins de commerce et pêcheurs comprennent la nécessité d’une navigation précise, ces barrages causeront des pertes amies, notamment, dès le 9 juin, le petit cargo Angiulin (873 GRT) près du Cap Granitola (Sicile) et le jour suivant le voilier Danilo B. (102 GRT) au nord-ouest de Capri. 7 juin La guerre en Méditerranée Mer Rouge – Le mouilleur de mines Ostia et le contre-torpilleur Pantera achèvent de poser respectivement huit barrages de mines défensifs devant les accès de Massaouah (quatre AN et quatre AS) et deux devant ceux d’Assab (AN). Ces dix barrages totalisent 1 120 engins. 8 juin 9 juin La guerre en Méditerranée Méditerranée (canal de Sicile) – Dans la nuit du 8 au 9 juin, les mouilleurs de mines Scilla et Buccari commencent à poser des barrages de mines offensifs entre l’île de Pantelleria et la Sicile, sur le Banco Avventura, dont la profondeur est inférieure à 100 mètres. Compte tenu du nombre de mines prêtes à l’emploi, ils vont poser respectivement, en trois sorties, dont la dernière a lieu dans la nuit du 11 au 12 juin, les barrages 1 AN, 2 AN, 1 AS et 1 AN bis, 2 AN bis et 1 AS bis : en tout 1 919 engins. Leur première victime est… italienne : dans la journée du 9, le petit cargo Avvenire (957 GRT) touche une mine du barrage 1 AN et coule. 10 juin Le Duce s’en va-t-en guerre Rome, 16h30 – Le comte Galeazzo Ciano, ministre italien des Affaires Etrangères, communique à l’Ambassadeur de France, André François-Poncet que « l’Italie se considérera en état de guerre avec la France à partir de demain, 11 juin, à 00h01. » Scandalisé, l’ambassadeur s’exclame : « C’est un coup de poignard à un homme déjà à terre ! » 1 En se retirant, François-Poncet prévient : « Vous verrez que les Allemands sont des maîtres exigeants. » Une déclaration de guerre analogue est remise à l’Ambassadeur de Grande-Bretagne, Sir Percy Loraine. Mais les plus surpris sont italiens. Ni le Grand Conseil fasciste, ni le parlement, ni le roi n’ont été informés ! « La décision de Mussolini d’entrer en guerre prit de court non seulement la population italienne, mais aussi l’Armée. À l’origine, le Duce n’avait pas prévu d’entrer en guerre avant 1942 ou 1943. En 1939, lorsque Hitler lui avait annoncé son intention d’attaquer la Pologne, il avait été scandalisé et avait adopté une politique de non-belligérance (à défaut de neutralité), allant même jusqu’à autoriser certaines entreprises italiennes (Caproni, par exemple) à vendre de l’armement à la Grande-Bretagne. Mais il avait commencé à changer d’opinion au mois de mars et décidé en avril d’entrer en guerre. Ciano lui avait pourtant signalé en février que seules dix divisions pouvaient être considérées comme prêtes et que les dépôts de munitions et d’équipement pour l’artillerie étaient à 8% (!) de leur niveau théorique. Jusqu’à la dernière minute, les généraux italiens supplièrent le Duce de repousser sa décision d’au moins deux semaines, si ce n’est quatre, car les forces italiennes n’étaient absolument pas prêtes à faire la guerre. En particulier, placée devant la perspective d’affronter les Alliés sur deux fronts, l’armée d’Afrique n’avait pas le moral. Le taux de disponibilité de ses avions et de ses blindés était très bas (parfois moins de 50%) et beaucoup de ses stocks militaires, renvoyés d’Afrique du Nord en Italie en 1939 pour l’invasion de l’Albanie, n’avaient pas été reconstitués. Son chef, le maréchal Italo Balbo, était bien conscient des faiblesses de ses troupes, mais ses demandes répétées de renforts n’avaient pas été satisfaites. Dans les airs, la Regia Aeronautica souffrait de graves faiblesses. Certes, l’intérêt des unités de bombardiers-torpilleurs (Aerosiluranti) pour mener une guerre en Méditerranée avait bien été perçu par l’état-major, mais ces unités ne seraient pas prêtes avant la fin de l’année. Seul point positif : la flotte était bien préparée et comptait de nombreux navires – mais elle ne faisait pas le poids face aux marines britannique et française combinées. Il lui fallait se résigner au rôle d’une fleet in being (flotte “en existence”, exerçant une menace potentielle), qui ne devait mener d’actions offensives qu’avec ses forces légères. Mais Mussolini, persuadé que l’effondrement de la France était imminent et que les Britanniques ne poursuivraient pas la guerre tout seuls, refusa tout délai. Lorsqu’il annonça finalement au maréchal Badoglio que le pays entrerait en guerre le lendemain, celui-ci répondit, sinistre : « C’est le suicide de l’Italie. » – Ne soyez pas si inquiet, rétorqua Mussolini. Au prix de quelques milliers de morts, l’Italie va gagner un siège de premier ordre à la table de la nouvelle Europe ! » (Francesco Folcini, La caduta dell’Italia Fascista, Rome, 1961) ……… Rome, 18h00 – Au balcon du Palazzo Venezia, Mussolini harangue une foule nombreuse, mais dans laquelle seuls les Chemises Noires manifestent un réel enthousiasme, brandissant des pancartes appelant au rattachement de la Corse, de la Savoie et de Nice : « [...] Nous 1 Ces mots de François-Poncet seront repris presque à l’identique par Roosevelt le soir même, dans un discours à l'université de Virginie à Charlottesville : « On this tenth day of June 1940, the hand that held the dagger has struck it into the back of its neighbor ». Le président américain avoue ainsi, sans le dire, l'échec de sa politique diplomatique des derniers mois, pendant lesquels il a alterné promesses et menaces pour dissuader Mussolini d’entrer en guerre. entrons en lice contre les démocraties ploutocratiques et réactionnaires de l'Occident. […] Comme vous, le monde entier est témoin que l’Italie a fait tout ce qui était humainement possible pour éviter d’être entraînée dans la tourmente qui ravage l'Europe, mais ce fut en vain. […] Si nous prenons les armes, c’est pour résoudre, après le problème des frontières territoriales, le problème des frontières maritimes. [...] Nous voulons briser les entraves d’ordre territorial et militaire qui enserrent notre mer, parce qu’un peuple de 49 millions d’habitants n’est pas vraiment libre, s’il n’a pas libre accès à l’Océan. [...] Maintenant que les dés sont jetés et que nos vaisseaux sont brûlés, je déclare solennellement que l’Italie n’entend pas entraîner dans le conflit les autres peuples, ses voisins de terre ou de mer. Que la Suisse, la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, l’Egypte, prennent acte de mes paroles. [...] » Une princesse dans la guerre San Cesareo (province de Rome) – En route pour sa résidence napolitaine, la princesse Marie-José de Piémont, épouse du prince héritier Humberto, est venue rendre visite à son amie, la duchesse Maria di San Cesareo. Quand celle-ci lui apprend que Mussolini a déclaré la guerre à la France et l’Angleterre, la princesse déclare, cinglante : « Maria, la monarchie est finie ! ». La guerre en Méditerranée Les dispositions italiennes – Dans la nuit du 9 au 10 juin, une petite escadre, composée des croiseurs légers Alberico Da Barbiano et Luigi Cadorna 2, des contre-torpilleurs Lanciere et Corazziere 3 et des torpilleurs Calipso et Polluce 4, pose un champ de mines offensif (428 engins) entre Lampedusa et les îles Kerkennah, dit barrage LK. Les croiseurs lourds italiens Bolzano, Pola et Trento (3e division de croiseurs), accompagnés par les destroyers Grecale, Libeccio, Maestrale et Scirocco (10e escadrille de CT) quittent Messine, tandis que les croiseurs légers Duca d’Aosta et Muzio Attendolo (7e division de croiseurs) appareillent de Naples avec deux navires de la 12e escadrille de CT, les Ascari et Carabiniere (les Corrazziere et Lanciere sont en mission de mouillage de mines). La nombreuse flotte sous-marine italienne (en théorie, une centaine d’unités possédant un rayon d’action supérieur ou égal à 4 000 milles) est déjà en action : du 7 au 9 juin, 33 unités ont quitté les ports italiens. Entre le 10 et le 20, 57 submersibles seront en patrouille simultanément, mais ce nombre va baisser par la suite, pour se stabiliser à une moyenne de 20 unités pour toute la Méditerranée. ……… Les dispositions alliées – Les sous-marins de la 14e DSM (Diane, Eurydice, Ariane et Danaé) appareillent de Mers-el-Kébir pour former un barrage entre les Îles Habibas (au large d’Oran) et le Cap de Gata (côte espagnole, non loin d’Almeria). Les Centaure et Pascal (4e DSM) surveillent les côtes sud-ouest de la Sardaigne. Enfin, les Caïman et Morse (9e DSM) quittent Bizerte pour surveiller le champ de mines français qui protège Sfax et le Rorqual , basé à Malte, va mouiller des mines devant Brindisi. La navigation commerciale des compagnies françaises est momentanément suspendue dans la région. Côté britannique, les sous-marins Grampus, Odin, Orpheus et Oswald quittent Malte pour prendre position au large d’Augusta, de Tarente, de Syracuse et au sud-est de Rhodes, respectivement. 2 Deux des unités de la 4e Division de croiseurs [légers]. Le Da Barbiano portait la marque de l’amiral Alberto Marenco di Moriondo. 3 Deux des quatre unités de la 12e escadrille de contre-torpilleurs. 4 Appartenant respectivement aux 13e et 14e escadrilles de torpilleurs, basées à Messine. Les sous-marins Parthian, Pandora, Phoenix et Proteus quittent Alexandrie, le premier pour prendre position devant Tobrouk, les trois autres pour patrouiller en Mer Egée le long des voies de communications entre l’Italie et le Dodécanèse. À Alexandrie, la flotte de Méditerranée, sous le commandement de l’amiral Cunningham, est mise en alerte à deux heures. Depuis le début de mois de juin, l’entraînement n’a pas cessé, impliquant principalement le porte-avions Eagle, les cuirassés anglais Warspite, Malaya et Royal Sovereign ainsi que le français Lorraine. La révision du cuirassé Ramillies, qui était entré en maintenance le 23 mai, est hâtivement achevée pour que le navire puisse quitter son dock le lendemain. Des instructions très strictes sont largement diffusées : aucun navire marchand ne doit approcher à moins de 3 milles de Malte, de Chypre ou de la Palestine entre le coucher et le lever du soleil. Les lumières doivent être éteintes dans le canal de Suez et la navigation nocturne y est interdite. La 2e flottille de destroyers et deux hydravions sont envoyés en mission anti-sous-marine. Ils doivent rentrer dans la nuit, juste à temps pour rejoindre la flotte qui doit appareiller le lendemain. Un peu avant 22h00, le destroyer Decoy pourchasse sans succès un sous-marin italien au sud de la Crète. La campagne d’Afrique du Nord Sud-est du Sahara algérien – Dans la nuit, 200 goumiers et soldats italiens venant de Ghat, en Libye, encerclent le poste de Tin Alkoun, 80 kilomètres à l’est de Djanet. Le caractère “stratégique” de l’opération est attesté par l’importance de la garnison française : une quinzaine (!) de méharistes de la compagnie du Hoggar, dont deux opérateurs radio. Les Français ont l’ordre, en cas d’attaque, d’abandonner le fortin et de s’installer dans la montagne au-dessus même du poste. Au petit matin, les Français décrochent vers Abd-n-Foq, sur la route de Djanet, sauf le brigadier-chef qui commande le groupe et résistera seul pendant plusieurs heures avec son fusil-mitrailleur et des grenades à main, avant d’être blessé et capturé. Sa conduite lui vaudra d’être cité à l’ordre de la division, ainsi que deux de ses méharistes. La taille infime des forces engagées n’empêche pas la radio italienne de clamer victoire, ce qui agace les Français et leur donne quelques idées. 11 juin Le Duce s’en va-t-en guerre Représailles Dans la nuit du 11 au 12, 36 bombardiers Whitley décollent d’Angleterre en direction de l’Italie du Nord, à 1 200 km, qu’ils doivent atteindre après ravitaillement dans les îles anglonormandes. Suite à des problèmes de météo au-dessus des Alpes, seuls 9 avions atteignent Turin, mais ils manquent leur objectif principal, les usines Fiat. Les Italiens ont échappé à un second bombardement : 12 Wellington arrivés dans le sud de la France dans la journée se voient refuser la permission de décoller, car les Français craignent les représailles italiennes. Il faudra plusieurs jours de querelles entre Français et Anglais pour que ces derniers reçoivent l’autorisation d’utiliser l’aérodrome de Salon de Provence. ……… Les autorités françaises s’empressent de mettre la main sur les navires marchands italiens présents dans les ports français. Le butin est cependant assez maigre. Un bâtiment est saisi à Bordeaux : le vapeur San Pietro (5 199 GRT). Les autres le sont à Marseille : Capo Olmo (4 712 GRT), Dandolo (4 964 GRT) et Nicolò Odero (6 003 GRT), à Marseille même, et Tagliamento (5 448 GRT), Rosendra (8 034 GRT) et Mayan (2 571 GRT) 5, à Caronte. A ces navires vont s’ajouter le Semien (6 942 GRT), capturé à Dakar, et le Fortunata (4 786 GRT), capturé à la mer le 14 juin par le D’Entrecasteaux et conduit à Casablanca. De leur côté, les Anglais saisiront dans tout l’Empire britannique 27 navires italiens totalisant plus de 155 000 GRT. Quelques autres échapperont à la capture en se sabordant. ……… Athènes – Le général Alexandre Papagos, chef d’état-major de l’armée grecque, répond énergiquement aux déclarations agressives que Mussolini a multipliées contre la Grèce (et que la tentative d’apaisement de la veille n’a pas fait oublier). Il assure qu’il fera respecter la neutralité de son pays, si besoin par les armes. En privé, il estime qu’après la déclaration de guerre du Duce aux Français et aux Britanniques, l’affrontement entre son pays et l’Italie est devenu inéluctable La guerre en Méditerranée Gibraltar – Le câblier anglais Mirror et le remorqueur danois Valkyrian appareillent avec une escorte pour sectionner les câbles télégraphiques sous-marins en Méditerranée. Si l’équipement du navire danois se révèle inadapté, le Mirror mènera sa tâche à bien et rentrera au port le 14, après avoir coupé les câbles Malaga - Rome et Malaga - Barcelone. ……… Afrique Française du Nord – Des avions et hydravions italiens effectuent des vols de reconnaissance au-dessus de Bizerte, Karouba, Sidi Ahmed, Alger et Oran. Les sous-marins français Monge et Pégase (5e DSM) quittent Bizerte pour surveiller les voies de communication entre l’Italie du Sud et la Tripolitaine. Le Tonnant (1ère DSM) fait de même pour patrouiller les hauts fonds des Esquerins (plateau marin le long des côtes nord-est de la Tunisie). ……… Canal de Sicile – Les mines italiennes sont efficaces, mais elles ne distinguent pas la nationalité. Les cargos grecs, donc neutres, Zinovia (2 975 GRT) et Makis (3 546 GRT) touchent des mines du barrage 1 AN et coulent. Deux flottilles italiennes patrouillent dans le canal de Sicile : le premier groupe est constitué par les croiseurs lourds Bolzano, Pola et Trento (3e division de croiseurs), dont l’escorte a été remplacée par la 11e escadrille de CT (Artigliere, Aviere, Camicia Nera, Geniere), et le second par les croiseurs légers Duca d’Aosta et Muzio Attendolo (7e division de croiseurs), avec la 12e escadrille de CT Ascari, Carabiniere, Corrazziere et Lanciere (les deux derniers revenant de leur mission de mouillage de mines de la veille). ……… Malte – Au petit matin, 55 SM.79 escortés par 18 MC.200 décollent de Sicile et lancent leurs premières bombes sur Malte, visant La Valette, l’aérodrome d’Hal Far et l’hydrobase de Kalafrana. Le raid est détecté par le radar de Dingli Cliffs. Trois Sea Gladiator décollent pour affronter les Italiens, mais seul un SM.79 est endommagé, tandis que les pilotes de MC.200, malgré leur supériorité numérique, s’aperçoivent que les biplans britanniques sont très manœuvrants 6. Un autre SM.79, envoyé quelques heures plus tard pour évaluer le résultat (médiocre) de l’attaque, est à son tour pris en chasse et légèrement endommagé. Dans l’après-midi, un second raid, non escorté, s’en prend aux mêmes cibles, mais échappe à l’interception. ……… 5 Bien que sous pavillon panaméen, le Mayan a un armateur et un équipage italiens. D’autant plus que les pilotes des Macchi peuvent craindre un décrochage irrattrapable de leurs machines, qui ne vont pas tarder à être interdites de vol jusqu’à correction d’un vice de conformation de l’aile du MC.200. 6 Alexandrie – Couverts par la RAF, les croiseurs Orion, Neptune, Sydney, Liverpool et Gloucester (soit la 7e Escadre de croiseurs [7th Cruisers Squadron]) appareillent. Commandés par le vice-amiral Tovey, ils sont chargés d’attaquer tout navire ennemi entre Tobrouk et Benghazi. Le groupe principal suit une heure et demie plus tard, avec le porte-avions Eagle, les cuirassés Malaya et Warspite et dix destroyers. Il est rejoint dans la journée par les croiseurs Caledon et Calypso et deux destroyers. De leur côté, les forces navales françaises du Levant appareillent de Beyrouth. Les sousmarins Protée, Espadon et Phoque doivent patrouiller dans le Dodécanèse. L’Achéron et l’Actéon restent en réserve, tandis que le Dauphin est en révision à Alexandrie (jusqu’au 14). La flottille de surface (croiseurs lourds Suffren, Duquesne, Tourville, croiseur léger DuguayTrouin, torpilleurs Basque, Forbin et Le Fortuné), sous le commandement de l’amiral Godfroy, doit pousser jusqu’au détroit de Kassos (à l’est de la Crète) et passer brièvement au nord de la grande île, pour faire diversion dans le cadre des opérations prévues sur la côte ligure (opération Samoyède). Les navires français rejoindront ensuite Alexandrie. La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Des automitrailleuses anglaises prennent en embuscade des camions italiens près de Fort Capuzzo. Les jours suivants vont avoir lieu d’autres escarmouches à la frontière entre la Libye et l’Egypte, sapant le moral des hommes du 30e Secteur de couverture de la Guardia alla Frontiera et des éléments avancés de la 10a Armata (XXIe Corps et 1ère Division Libyenne). La RAF lance ses premiers raids sur la Libye. Les vols de reconnaissance du petit matin n’ayant trouvé aucune cible intéressante dans le port de Tobrouk, c’est l’aérodrome d’El Adem qui est visé, alors que les avions italiens sont alignés comme à la parade. Un SM.79 est détruit et quatre endommagés ainsi qu’un CR.32, cinq Ro.37, deux Ca.309 et six SM.81. Les équipes au sol ont également souffert. Les Britanniques perdent deux Blenheim, tandis que cinq autres sont endommagés. En fin de journée, un nouveau vol de reconnaissance aperçoit cette fois-ci des navires à Tobrouk ; ordre est donné d’attaquer le port le lendemain matin, pour forcer les navires italiens à sortir sous les canons de la Royal Navy. 12 juin Le Duce s’en va-t-en guerre Ruptures L’Italie rompt ses relations diplomatiques avec les Pays-Bas, dont la Reine et le gouvernement sont réfugiés à Londres. En revanche, l’Egypte rompt ses relations diplomatiques avec l’Italie. Et le Négus Haïlé Sélassié, en exil à Londres, propose la participation de l’Éthiopie à la guerre contre l’Italie. ……… Une princesse dans la guerre Chanciano Terme – Par mesure de précaution, le roi Victor-Emmanuel a envoyé la reine Elena ainsi que les princesses Marie-José et Jolanda et leurs enfants à la station thermale de Chanciano Terme. Marie-José s’installe à la Villa Ramella, alors que la Reine descend au Grand Hôtel. ……… Pacifique Sud-Ouest – Le paquebot italien Romolo, qui a quitté Brisbane le 5 juin, est intercepté par le croiseur auxiliaire HMAS Manoora près de l’île de Nauru. Il est sabordé par son capitaine pour éviter la capture. Un autre paquebot, le Remo, en dock à Fremantle, est capturé. La guerre en Méditerranée Mers-el-Kébir – Les croiseurs de bataille allemands Scharnhorst et Gneisenau tenteraient d’entrer en Méditerranée par Gibraltar ! Malgré l’absurdité de cette rumeur, la force de raid appareille. Plus sérieusement, les sous-marins mouilleurs de mines français partent en opérations. Les jours suivants, ils poseront des mines devant des ports italiens, le Saphir devant Cagliari (dès le 12), le Nautilus devant Tripoli (le 14) et le Turquoise devant Trapani (le 17). La Perle procèdera quant à elle à des mouillages défensifs sur les côtes de Corse. À quatorze milles au large de Barcelone, le câblier français Arago (croiseur auxiliaire X82) coupe un autre câble télégraphique reliant l’Italie à l’Espagne. Pour cette première mission offensive contre l’Italie, nommée Cabo, le câblier a pour escorte la 1e Division de torpilleurs (La Palme, Le Mars et Tempête), rejointe le lendemain par La Poursuivante. Bizerte – La base française est attaquée par 21 SM.79 du 8e Stormo venus de Sardaigne. Six MS-406 du GC III/5 ont décollé trop tard pour intercepter les bombardiers italiens. Sur la base aéronavale de Karouba, quatre hydravions Loire-70 de l’escadrille E7 sont détruits et un cinquième endommagé, sur les six que compte l’unité. Les pilotes sont temporairement affectés au GB II/25. Un dépôt de carburant est incendié à Sidi Ahmed. Dans la baie des Carrières, le mouilleur de mines auxiliaire X 35 Finistère est endommagé par une bombe. Il est conduit à l’arsenal de Sidi Abdallah (les Italiens pensent l’avoir coulé). Tarente, 01h00 – Une escadre italienne lève l’ancre pour patrouiller en Mer Ionienne. Elle comprend les croiseurs lourds Fiume, Gorizia et Zara (1ère division), les croiseurs légers Duca degli Abruzzi et Giuseppe Garibaldi (8e division), escortés par les CT Alfieri, Carducci, Gioberti, Oriani (9e escadrille) et da Recco, Pessagno et Usodimare (16e escadrille – le Tarigo est resté au port). Deux autres escadrilles de destroyers doivent patrouiller dans la journée entre la Sicile et Malte. Méditerranée Orientale – A 02h00, alors que le groupe principal de la flotte d’Alexandrie a déjà dépassé une première ligne de six sous-marins italiens, le Bagnolini (CC Franco Tosoni Pittoni), l’une des unités constituant la seconde ligne, tendue entre le cap Littinos (Crète) et Tobrouk, torpille le croiseur léger Calypso, qui coule rapidement. Son jumeau le Caledon et le destroyer Dainty recueillent les survivants et les ramènent à Alexandrie. Les sous-marins italiens n’ont pas l’intention d’en rester là : à l’aube, le Nereide (L.V. Luigi Baroni) torpille et endommage gravement le pétrolier norvégien Orkanger (8 029 GRT), en route de Suez vers Malte. Ce dernier est achevé dans la soirée par le Naiade (L.V. Mario Spano). Plus à l’est, le submersible mouilleur de mines Pietro Micca (CF Vittorio Meneghini) a placé dans la nuit un champ de mines devant Alexandrie ; ce dernier ne fera cependant aucune victime, l’un des engins ayant été repéré par le destroyer HMAS Stuart, qui s’empresse de prévenir les dragueurs de mines locaux. En tout début de matinée, un avion italien aperçoit les croiseurs britanniques de la 7e Escadre au sud de la Crète, cap à l’ouest. Les croiseurs lourds Bolzano, Pola et Trento, escortés des huit destroyers des 11e et 12e escadrilles de CT, sont envoyés en reconnaissance dans cette direction, mais aucun contact n’est établi. Et pour cause : les navires de Tovey viennent de se séparer et de mettre cap au sud. Alors que les Orion et Sydney ratissent sans succès les abords de Benghazi, leurs homologues Gloucester et Liverpool, soutenus par l’aviation de l’Eagle, engagent brièvement les batteries côtières de Tobrouk et les unités de la Regia Marina mouillées dans le petit port. La canonnière Giovanni Berta est coulée au large du port. Les deux croiseurs ont déployé leurs paravanes et ainsi rompu les attaches de quelques mines italiennes. Les stations d’écoute radio britanniques de Malte, Alexandrie et Gibraltar signalent la présence de navires italiens à l’ouest de l’île de Céphalonie (côte occidentale de la Grèce) ainsi qu’au nord-ouest de Derna (Cyrénaïque). Dans ce second groupe, le croiseur léger Giuseppe Garibaldi est identifié. Mais du fait des délais de traitement et de transmission de l’information, l’amiral Cunningham est prévenu trop tard, alors que ses trois groupes encerclent à ce moment-là le groupe du Garibaldi. La visibilité médiocre permet à la flottille italienne d’échapper à la vigilance des avions de l’Eagle. Vers midi, le sous-marin britannique Orpheus signale une flottille italienne comprenant « 3 croiseurs classe Zara et 6 destroyers » à 45 milles au sud-est de Syracuse. Le submersible est incapable de se placer en position d’attaque. À 12h30, Cunningham ordonne à la 7e Escadre de croiseurs (moins le Neptune), qui l’a rejointe entre temps à l’ouest de la Crète, de pousser vers le nord-ouest à 22 nœuds et de ratisser la mer jusqu’à une centaine de milles au sud-est du Cape Santa Maria di Leuca (extrémité du talon de la botte italienne). Lui-même, avec le groupe principal, maintient sa vitesse de 16 nœuds et se dirige vers le sud-ouest de l’île de Zante. À minuit, aucun Italien n’ayant été rencontré, les croiseurs font demi-tour. La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – La RAF s’en prend aux installations portuaires de Tobrouk, mais seuls une dizaine des 29 Blenheim attaquants trouvent la cible. Les CR.32 italiens en protection chargent les bombardiers britanniques, qui doivent jeter leurs bombes au hasard, manquant ainsi le vieux croiseur-cuirassé San Giorgio (mais les équipages affirmeront tout de même l’avoir touché). Des détachements mobiles anglais attaquent Sidi Omar et Bir Scegga (alias Ridotta Maddalena), deux des points-forts secondaires du sous-secteur 30B de la Guardia alla Frontiera, dont le QG est à Amseat (alias Fort Capuzzo) et dont le troisième point-fort secondaire est Sceferzen.