du sang dans les cheveux

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du sang dans les cheveux
- DU SANG DANS LES CHEVEUX -
DU SANG DANS LES CHEVEUX
Severus Snape regardait autour de lui avec horreur. Partout, ce n’était que rires et moqueries !
Même les autres Slytherin ne pouvaient réprimer leurs sourires.
Maudits Gryffindors !
‘‘Voyons Severus, ce n’est pas la fin du monde…’’
Il jeta un regard assassin à son professeur qui cachait trop mal son amusement.
‘‘Laissez-moi vous arranger ça !’’
Slughorn fit un bref mouvement de baguette et l’horrible substance grasse, à mi-chemin entre le
beurre et la gomina, qui le recouvrait de la tête aux pieds disparut.
‘‘Vous avez oublié ses cheveux, professeur !’’ lança une voix dans son dos.
‘‘Mr Black, voyons…’’ gloussa Slughorn.
C’était lui…
Trois minutes plus tôt, cette monstruosité de Lupin avait accaparé le prof sous prétexte de
vérifier sa potion pendant que Potter bramait en direction de la sang-de-bourbe, occupant
l’attention de toute la classe. Pettigrew l’incapable avait alors accidentellement fait tomber le bol de
feuilles de rhubarbe que Severus avait mis tellement de temps à nettoyer.
Tout cela était trop simultané pour n’être pas préparé ! Black avait du profiter de ce qu’il
ramassait ses feuilles en insultant Pettigrew pour verser quelque chose dans sa potion ! Il était
simplement impossible que son chaudron explosât sans malveillance…
‘‘Bien, cet incident étant clos, remplissez une fiole de votre potion et venez la déposer sur mon
bureau. N’oubliez pas votre nom !’’
Non seulement il se retrouverait avec la note minimale en potion mais, en plus, les coupables ne
seraient pas punis, faute de preuve !
La goutte d’eau qui fait déborder le vase !
Plus jamais ils ne l’humilieraient, Severus le jurait !
Plus jamais !
‘‘James, ce n’est pas Grindwald ?’’
L’interpellé leva les yeux et, effectivement, reconnut le hibou de ses parents. Il tenait entre ses
pattes un petit paquet.
‘‘Ta mère qui nous envoie encore des écharpes, je parie !’’ lança Sirius qui évita de peu la serviette
lancée par son meilleur ami.
‘‘Ouvre le, au lieu de taper sur Padfoot !’’ dit Peter qui dissimulait mal sa curiosité.
Aucun des quatre amis n’avait remarqué que, à l’opposé de la Grande Salle, un élève ne les
quittait pas des yeux.
‘‘Ca vient de Clive…’ dit James après un bref coup d’œil sur la lettre accompagnant le colis.
‘‘Ton cousin du Canada ?’’ s’étonna Remus.
‘‘Oui ; il devait passer ses vacances chez mes parents… bla bla bla… il est soulagé de faire un
break dans son boulot… bla bla… cool ! Il sera encore là quand on rentrera à Noël, Sirius !
blabla… les chocolats sont ensorcelés…’’
Car, tout en parlant, James avait déballé le paquet, révélant quatre petites boules noires à l’aspect
engageant.
‘‘Ensorcelés ?’’
‘‘Attends… « mangez-les deux heures avant la tombée de la nuit et attendez-vous à des surprises
le lendemain matin ! » Qu’est-ce que vous croyez que ça fait ?’’
‘‘Te faire pousser des tentacules dans le dos ?’’ suggéra Sirius. ‘‘A quelle heure il fait nuit ?’’
‘‘Vers cinq heures… Mais tu ne comptes tout de même pas goûter ça ce soir ?’’
‘‘Et pourquoi pas, Remus ?’’
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Un des sourcils du garçon se releva et ses trois amis réalisèrent : ce soir, Remus avait son « petit
problème de fourrure »…
Peter soupira de dépit et allait proposer de remettre l’expérience au lendemain mais il fut prit de
vitesse par James.
‘‘Bah, qu’est-ce que ça change ? Au pire, ce sortilège ne marche pas sur les loups-garous ! Moi je
teste ce soir ! Sirius ?’’
‘‘Toujours avec toi, Prongs !’’
Ils se tournèrent vers Peter qui hésita un moment avant de céder, comme toujours.
‘‘Ne comptez pas sur moi !’’ grogna Remus. ‘‘Je n’avalerai rien ce soir qui puisse avoir le moindre
effet !’’
Sirius et James levèrent les yeux au ciel mais ne tentèrent pas de convaincre le lycanthrope. Ils le
connaissaient assez pour savoir qu’il ne changerait pas d’avis.
A la table des Slytherin, un sourire mauvais naquit sur les lèvres de Severus Snape.
Apparemment, son plan se déroulait sans accroc.
Il les avait observés avaler ses chocolats sous l’œil réprobateur du loup-garou. Et il attendait
patiemment que la potion fît effet. Intercepter le hibou de Potter avait été un jeu d’enfant ! Et pas
un de ces idiots ne s’était posé de questions en le voyant arriver après l’heure de la poste !
Non, le plus difficile avait été de forger la lettre qui permettrait aux Gryffindors d’avaler son filtre
de confusion !
Mais le jeu en valait la chandelle !
Si tout se passait comme il le prévoyait, les trois imbéciles commenceraient à en ressentir les
effets au lever de la lune et, quel que fut le moyen qu’ils utilisaient pour tenir compagnie au
monstre sans danger ils seraient incapables de le mettre en œuvre !
Au pire, ils s’en tireraient avec la peur de leur vie !
Au mieux, ils se feraient mettre en pièce… Ou mordre… Severus n’était pas certain de savoir
quelle possibilité il préférait.
Remus les avait quittés pour s’enfermer dans la Cabane Hurlante. Comme à leur habitude, les
trois autres attendaient un peu pour le rejoindre. Leur ami faisait preuve d’une étrange pudeur et
n’aimait pas que quiconque le vît se transformer.
Ils traînaient donc dans la Salle Commune quand Lily Evans et Evelyn McNess passèrent le
portrait de la Grosse Dame. James sauta aussitôt sur ses pieds.
‘‘Laisse tomber, Prongs !’’ lui conseilla Sirius d’une voix traînante.
‘‘Eh ! Evans !’’
Lily tourna la tête, étonnée. Ce n’était pas son soupirant attitré qui l’avait interpellée mais… Peter
Pettigrew.
‘‘Pourquoi tu veux pas sortir avec James ?’’ lança-t-il d’une voix pâteuse. ‘‘C’est un type génial,
pourtant !’’
Toute la salle était à présent figée de stupeur.
‘‘Peter…’’
Mais le garçon ignora James et reprit.
‘‘Franchement, tu nous rendrais service ! On en a marre d’entendre parler de toi toute la journée
sous prétexte que Madame ne veut pas voir qu’il est fou amoureux de toi !’’
James rougit violemment et prit un air timide qui lui était plus qu’inhabituel. Sirius ouvrit la
bouche pour dissiper la gêne présente mais fut moins rapide qu’au naturel car Peter parlait déjà à
nouveau.
‘‘Et toi !’’ Il s’adressait maintenant à Evelyn qui perdit aussitôt son sourire moqueur. ‘‘Tu crois
que t’es mieux ? Même pas capable de voir qu’un gars s’intéresse à toi ! Et lui te mange des yeux
en silence. Et on peut rien dire parce qu’il ne se plaint jamais ! C’est ta faut s’il veut pas s’accepter
tel qu’il est ! C’est parce que…’’
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Sirius avait enfin réagi en plaçant une main sur la bouche de Peter. Il fallait vraiment qu’ils
rejoignent Remus, maintenant ! Attrapant par le col un James toujours occupé à imiter une
tomate mûre, il poussa ses deux amis hors de la Salle Commune.
Qu’est-ce qui avait pris à Peter ce soir ?
Evelyn resta bouche bée un moment après le départ des trois garçons. De qui Peter avait-il
parlé ? D’un de ses deux amis sûrement – James était visiblement hors de question – ou de luimême, peut-être…
Avant que Lily eut pu la retenir, elle s’élança à leur suite.
Il fallait qu’elle en ait le cœur net !
Elle les rattrapa alors qu’ils venaient de contourner les arbres qui constituaient une avancée de la
Forêt Interdite et qui les cachaient du château. Elle n’eut pas le temps de les appeler qu’ils
disparaissaient subitement. A leur place se tenaient un grand chien, un cerf et un rat ! Réprimant
un cri de surprise, elle les regarda s’avancer vers le Saule Cogneur, inconscients de sa présence,
figer l’arbre puis disparaître dans le passage qui s’était ouvert entre ses racines.
Elle n’hésita qu’une seconde.
Elle se précipita à leur suite dans le tunnel sombre juste à temps pour le voir se refermer derrière
elle, la plongeant dans l’obscurité la plus complète.
Quelque chose ne tournait pas rond…
Le loup était agressif. Bien plus que d’habitude ! A deux reprises, il avait essayé de mordre James
et ils n’étaient là que depuis cinq minutes !
Et puis les trois animagi ne se comportaient pas non plus normalement. Sirius restait avachi dans
un coin, à demi assoupi. James gardait la tête basse et se montrait hésitant. Quant à Peter,
nullement refroidi par sa performance de la Salle Commune, il courait dans toute la pièce en se
cognant dans les meubles sur son chemin.
Non, quelque chose ne tournait pas rond…
Remus était de plus en plus nerveux. Il tournait en rond comme un fauve en cage – ce qu’il était à
ce moment – et se mit à déchiqueter de ses dents ce qui restait d’un vieux matelas.
C’est le moment que choisit Evelyn pour ouvrir la porte.
Elle avait mis longtemps pour parcourir le passage secret, se cognant aux aspérités du plafond,
trébuchant sur le sol inégal qu’elle voyait à peine à la pauvre lueur de sa baguette. Une fois, elle
avait failli faire demi-tour mais la curiosité avait été la plus forte !
Et la curiosité l’avait encore emporté quand, entendant des bruits inquiétants dans une pièce, elle
avait choisi d’y entrer…
‘‘Merlin…’’ souffla-t-elle en voyant le loup.
Quatre paires d’yeux se tournèrent vers elle mais ce fut le regard de Remus qu’elle croisa. Ce
qu’elle y lut lui aurait fait pousser un hurlement de terreur si elle en avait eu le temps.
Avant que quiconque eut pu l’en empêcher, il était sur elle et ses crocs avaient trouvé leur prise.
La gorge ouverte, Evelyn ne put qu’émettre un gargouillement avant de perdre connaissance.
Le premier à réagir fut Peter. Il tenta de s’interposer mais ses dents et ses griffes minuscules ne
pénétraient même pas le cuir du loup-garou. Quand James et Sirius se précipitèrent, il était déjà
trop tard.
Bien trop tard…
Sous les assauts répétés des bois du cerf, Remus lâcha sa proie pour se tourner vers lui en
grognant. La respiration de la jeune fille n’était plus qu’un hoquet sanglant. Malgré la langueur
anormale dont il faisait preuve, Sirius comprit que le seul moyen de la sauver était de l’éloigner au
plus tôt. Il attrapa son bras entre ses dents et la traîna en courant en direction du souterrain, suivi
par Peter. Il ne ralentit pas avant d’être sorti dans le parc de Hogwarts.
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Peter qui s’était transformé à mi-chemin du passage se pencha alors sur Evelyn et posa la main
sur sa gorge ouverte.
Sirius reprit sa forme humaine et sortit sa baguette pour transporter la jeune fille plus rapidement
jusqu’à l’infirmerie.
‘‘Qu’est-ce que tu fiches ?’’
Peter n’avait pas bougé et fixait le sang qui coulait sans discontinuer. Sans pulser…
Il finit par retirer sa main et regarda sa paume rougie.
‘‘Qu’est-ce que vous faites encore là ?’’
James venait de les rejoindre, encore essoufflé par sa course.
‘‘Elle est morte…’’ murmura Peter, sans détacher son regard du sang qui maculait sa main.
Sirius vacilla sur ses jambes tandis que James bousculait Peter et s’agenouillait à sa place. Il plaça
deux doigts sous le menton d’Evelyn pour sentir un pouls absent. Refusant l’évidence, il colla son
oreille sur sa poitrine mais aucun souffle, aucun battement de cœur ne trahissait la vie.
Evelyn McNess était morte.
Peter serrait ses jambes contre lui et se balançait en se mordant les lèvres. Sirius marchait de long
en large en répétant ‘‘Qu’est-ce qu’on a fait ? Qu’est-ce qu’on a fait ?’’ d’une voix désespérée.
James se releva et s’essuya le visage, ne réussissant qu’à étaler un peu plus le sang sur sa joue.
‘‘La question n’est pas « Qu’est-ce qu’on a fait ? » mais « Qu’est-ce qu’on va faire ? »’’
Les deux autres s’immobilisèrent et le regardèrent sans comprendre.
‘‘Il ne faut pas qu’on apprenne que Remus a tué une élève !’’
‘‘Quoi ?!? Mais…’’
‘‘Vous croyez une seconde qu’il restera ici si ça se sait ? Il aura de la chance d’éviter Azkaban !
C’est ça que vous voulez ?’’
‘‘Non, mais…’’
‘‘Donc nous sommes d’accord. Nul ne doit jamais savoir… Et surtout pas Remus…’’
Peter et Sirius échangèrent un regard. Le sang-froid de James, au lieu de les rassurer, leur faisait
plutôt peur. Confondant leur inquiétude avec de la perplexité, celui-ci précisa.
‘‘Il pourrait difficilement vivre avec l’idée d’avoir tué quelqu’un alors… elle… La mort de celle
qu’il aime sur la conscience… Il serait capable de… Je ne veux pas de sa mort en plus !’’
‘‘Tu crois qu’il…’’ balbutia Peter. Mais il s’interrompit.
Oui, Remus était bien capable de mettre fin à ses jours !
‘‘Donc je reprends ma question : qu’est-ce qu’on va faire ?’’
‘‘On pourrait l’emmener dans la Forêt Interdite…’’ proposa Sirius à travers une gorge nouée.
‘‘On n’a jamais eu de problème en s’y risquant sous forme animale… Et si quelqu’un l’y retrouve,
rien ne trahira ce qui l’a tuée…’’
‘‘Bonne idée, Padfoot !’’
Mais le surnom affectif n’apporta aucune chaleur au cœur de Sirius. Voulant en finir avant de
perdre courage, il se transforma, imité par James. Mais, alors qu’il allait se saisir du corps
d’Evelyn, il réalisa que Peter n’avait pas bougé.
Refermant la gueule, il le regarda, interrogatif.
‘‘Je ne peux pas faire ça…’’
James haussa les épaules, à la manière d’un cerf, et encouragea Sirius en le poussant des bois.
Celui-ci reprit son geste et, avant une minute, tous deux avaient disparu dans la forêt, laissant une
traînée de sang derrière eux.
Après quelques minutes, Peter se releva.
James avait raison, comme toujours. Le jeune homme sortit sa baguette et fit disparaître la mare
de sang s’étendant à ses pieds. Puis il suivit le chemin de James et Sirius et effaça toutes les traces
qu’ils avaient laissées, s’aventurant aussi loin dans la forêt qu’il l’osait.
Alors il revint les attendre sur le lieu du drame.
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Ils ne reparurent pas avant plusieurs heures. Ils étaient tous deux pâles et hagards. Ils
s’écroulèrent aux côtés de Peter et celui-ci remarqua qu’ils présentaient tous deux de multiples
blessures.
‘‘Qu’est-ce qui s’est passé ?’’
‘‘On est tombés sur une chimère…’’ répondit James.
‘‘Et… Et Evelyn ?’’
Sirius déglutit.
‘‘Crois-moi, on ne la retrouvera jamais…’’ répondit-il d’une voix spectrale.
‘‘Il faut rejoindre Remus, maintenant.’’ dit James en se relevant avec difficulté. ‘‘Il ne s’est rien
passé, d’accord ? Nos blessures, c’est lui ; et ce n’est pas grave ! Ca expliquera le sang à la Cabane.
Et nous n’avons pas vu Evelyn depuis la Salle Commune !’’
Les deux autres hochèrent la tête silencieusement en signe d’assentiment.
Ils n’avaient pas fait de serment inviolable mais aucun des trois amis ne dévoila jamais ce qui
s’était passé cette nuit-là. Remus, dont la mémoire était faillible les nuits de Pleine Lune, accepta
la version des animagi sans se poser de question. Il mit toutefois très longtemps avant d’accepter
la disparition définitive d’Evelyn. Sa conviction qu’elle était vivante quelque part, qu’elle attendait
d’être sauvée, renforçait la culpabilité des trois complices.
Et puis, un jour, il cessa de parler d’elle.
Et il pleura.
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