Voter : la concurrence des autres modes d`expression

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Voter : la concurrence des autres modes d`expression
« La parité en peau de chagrin ou la résistible entrée des femmes à
l'Assemblée nationale " »
Revue Politique et Parlementaire, n° 10209-1021, septembre-décembre 2002, pp.
211-218.
Par Mariette Sineau, Directrice de recherche CNRS au CEVIPOF
Les Françaises font leur entrée avec retard dans la cité : l’Ordonnance du 21 avril 1944
leur accorde en une seule fois l’intégralité de leurs droits politiques, droits de vote et
d’éligibilité. C’est donc tardivement qu’elles s’initient au « métier » de député. Leur début
dans la carrière parlementaire ne commence pas si mal sous la Quatrième République. Dans
cet après seconde guerre mondiale, les femmes sont d’autant plus attendues en politique
qu’elles incarnent un double changement par rapport au personnel disqualifié de la Troisième
République : choisies pour beaucoup parmi les résistantes, elles symbolisent à la fois le
renouveau des élites et la lutte victorieuse contre l’occupant. C’est pourquoi, lors des
premières élections constituantes et législatives de 1945 et 1946, tous les grands partis (RPF
excepté) présentent des femmes en bonnes places sur les listes.
L’avènement de la Cinquième République, en 1958, va marquer pour les femmes la
fin des grandes espérances politiques et le début d’une longue traversée du désert. Le droit
d’éligibilité va leur être ravi dans les faits par le fonctionnement des nouvelles institutions et
les pratiques oligarchiques des partis 1 . En particulier, les femmes vont être sévèrement
pénalisées par le scrutin uninominal (qui succède à la proportionnelle de liste) : un système
qui personnalise l’élection et favorise les notables en place. Durant les vingt premières années
de la Cinquième République, les femmes sont une minorité de quelque 2 % à siéger à
l’Assemblée nationale (tableau 1). Curieusement, la victoire de la gauche socialiste en 1981,
qui clôt vingt-trois ans de règne de la droite, maintient inchangée l’écrasante domination
masculine à l’Assemblée. Du premier au second septennat de François Mitterrand, la
1
Cf. ce point, Mariette Sineau Profession : femme politique. Sexe et pouvoir sous la Cinquième République,
Paris, Presses de Sciences Po, 2001.
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féminisation du Palais Bourbon progresse de 0,4 points, passant de 5,3 % en 1981 à 5,7 % en
1988.
Le blocage politico-institutionnel à l’entrée des femmes au Palais Bourbon était tel
qu’il a bien fallu, sous la pression des mouvements de femmes, réformer le système par le
haut. La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 2 , qui autorise le législateur à prendre des
mesures d’action positive sans risquer (comme en 1982) l’invalidation du conseil
constitutionnel 3 , débouche sur la loi du 6 juin 2000, appelée communément « loi sur parité »
(bien que le mot n’y figure pas). Les législatives de juin 2002, qui ont vu la première
application de la loi à ce type d’élections, étaient vivement attendues en tant que scrutins tests.
Pourtant, ceux et celles qui en espéraient une dynamique de féminisation de l’Assemblée
nationale en ont été pour leurs frais : à la multiplication du nombre de candidates n’a pas
correspondu la multiplication du nombre d’élues.
Des candidates à profusion …
La loi du 6 juin 2000 a eu pour effet tangible de faire exploser la proportion totale de
candidates, qui est montée de 23,2 % en 1997 à 39,3 % en 2002, soit une augmentation de
près de 70 % (tableau 2). Pour autant, la parité hommes/femmes est loin d’avoir été atteinte.
Respectée ou approchée par plusieurs petites formations, la règle des 50/50 a été bafouée par
tous les partis parlementaires, les Verts exceptés. Les partis de droite s’en sont davantage
écartés que ceux de gauche, de sorte que la vague bleue a accentué le médiocre succès des
femmes aux législatives. Sans doute auraient-elles été plus nombreuses à siéger au Palais
Bourbon si les électeurs avaient reconduit la majorité plurielle à l’Assemblée nationale. À
droite, l’Union pour la Majorité Présidentielle n’a présenté que 20,6 % de femmes et l’UDF
2
Elle révise les articles 3 et 4 de la Constitution. Elle précise d’une part que « la loi favorise l’égal accès des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » et d’autre part que « les partis et
groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la
loi ».
3
Le 18 novembre 1982, le Conseil constitutionnel avait invalidé l’article de la loi municipale de juillet 1982 qui
instituait un maximum de 75 % de représentation de chaque sexe sur les listes de candidats aux municipales,
dans les villes de 3 500 habitants et plus.
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moins encore (18,9 %). À gauche, le PS a investi 36,3 % de candidates, sans tenir pour autant
sa promesse de début de campagne d’accorder 40 % des circonscriptions à des femmes. Il a
fait ainsi nettement moins bien que le PC, qui affichait 44 % de candidates. Les Verts ont été
le seul parti de la gauche plurielle à investir 50 % de femmes. Dès lors, le prix à payer par les
grandes formations pour non respect de la parité des candidatures est élevé. Selon les calculs
de l’Observatoire de la parité : l’UMP aura une pénalité annuelle de 4 millions d’euros (une
somme qui représente 15,8 % de son financement), le PS de 1,3 million d’euros (9,1 % de son
financement), l’UDF de 582 000 euros (22 % de son financement) et enfin le PC de 119 000
d’euros (4,2 % de son financement).
Les petits partis, quant à eux, avaient au moins deux bonnes raisons de ne pas trop
s’éloigner de la barre des 50 % de candidatures de chaque sexe. D’une part, ils n’avaient pas
de sortants à ménager, d’autre part, ne disposant que de modestes moyens financiers, ils ne
voulaient pas les voir amputer par des pénalités financières importantes. Ainsi, à l’extrême
gauche, Lutte Ouvrière et La Ligue Communiste Révolutionnaire ont été « irréprochables » au
regard de la loi, proposant 50 % de femmes aux suffrages des électeurs. Bien d’autres partis,
pourtant peu féministes dans leur programme comme dans leur doctrine, ont pratiqué une
large mixité des investitures. Ainsi le mouvement, Chasse, Pêche, Nature et Traditions
(CPNT) se targuait de 45,8 % de candidates. Ainsi, à l’extrême droite, le Front National
présentait 48,7 % de femmes et le Mouvement National Républicain 40,0 %.
… pour une poignée d’élues
A l’issue des législatives, les femmes n’occupent à l’Assemblée nationale que 71 sièges
sur 577 (contre 62 en 1997). Représentant 39,3 % de l’ensemble des candidats et 35,7 % des
candidats investis par les partis parlementaires, elles ne se retrouvent plus à l’arrivée que 12,3
% parmi les élus (contre 10,9 % en 1997). C’est une progression à pas de fourmis (+ 12,8 %),
qui apparaît d’autant plus dérisoire qu’on la compare à celle intervenue aux élections de 1997.
A cette date, la proportion de femmes élues à l’Assemblée était passée de 5,9 % (en 1993) à
10,9 % (+ 84,7 %), sous le seul effet du quota de 30 % de candidates que s’était fixé le Parti
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socialiste. Il est vrai que le PS, ayant alors peu de sortants, avait pu sans trop de peine imposer
une plus grande mixité des investitures.
Le décalage observé entre la part des femmes parmi les candidats et leur part parmi les
élus informe sur la « mauvaise » qualité des investitures qui leur ont été attribuées en 2002.
En fait, nombre de candidates n’étaient présentes dans la compétition que pour « témoigner »,
suivant l’expression d’Yvette Roudy, sans avoir de chance réelle de l’emporter. L’UMP,
ultra-majoritaire, partage avec l’UDF le privilège d’avoir la plus faible proportion d’élues
(tableau 3) : respectivement 10,4 % (soit 38 femmes sur 365 élus) et 6,8 % (2 élues sur 29).
Le PS, quant à lui, ne compte plus que 23 femmes sur un groupe de 141 députés (16,3 %), le
PC en a 4 sur 21 (19 %) et enfin les Verts 1 sur 3 (soit 33, 3 %). Les trois autres élues, qui
appartiennent à de petites formations, siègent (ainsi d’ailleurs que la députée Verte) dans le
groupe des non inscrits. Le FN, n’a obtenu aucun siège. Après avoir déclaré que les femmes
candidates étaient utiles pour « dé-diaboliser » le FN, Jean-Marie Le Pen a imputé à la loi sur
la parité le médiocre score du FN aux législatives. À l’entendre, la loi a obligé son parti à
accorder des candidatures à des femmes au détriment « d’hommes mieux implantés ».
La répartition géographique (tableau 4) laisse voir que six régions ont une proportion
d’élues sensiblement supérieure à la moyenne : la Bretagne, La Franche-Comté, et la BasseNormandie affichent plus de 20 % de femmes parmi leurs représentants, l’Aquitaine, l’Ile de
France et Midi-Pyrénées en ayant plus de 15 %. A l’opposé, six régions ont moins de 5 % de
femmes parmi leurs députés : le Centre, le Languedoc-Roussillon, le Nord-Pas-de-Calais, la
Corse, la Haute-Normandie la Picardie, les trois dernières n’en ayant aucune. La répartition
par départements révèle que 55 d’entre eux, soit plus de la moitié, n’ont aucune femme parmi
leurs députés. Le département phare est le Finistère, qui, sur ses huit représentants, compte
cinq femmes, soit 62,5 %.
À défaut d’avoir féminisé leurs députés (titulaires), les partis ont « compensé » en
féminisant les suppléants. La proportion de suppléantes a presque doublé par rapport à la
législature précédente, passant de 16,6 % à près de 30 % (tableau 5). On peut y voir là un effet
diffus de la loi du 6 juin 2000, et au-delà, une façon pour les hommes de parti de soulager (à
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bon compte) leur conscience. Les communistes laissent voir la plus forte proportion de
suppléantes (57 %), suivis, de loin, par l’UDF (près de 38 %), puis par le PS (31 %) et l’UMP
(28 %). On notera que la plupart des suppléantes ont été élues en tandem avec des députés
titulaires de sexe masculin, à l’exception de cinq d’entre elles, suppléantes de députées
femmes. Les modifications à la composition de l’Assemblée nationale qu’a entraînées la
nomination de 22 députés (comme ministres ou secrétaires d’Etat) dans le gouvernement
Raffarin n’a pas changé l’équilibre entre les sexes au Palais Bourbon. Quatre femmes ont été
remplacées à l’Assemblée par quatre suppléants, tandis que quatre hommes ont été remplacés
par des suppléantes.
Les député(e)s 2002 : portrait
La nouvelle Assemblée réfléchit plus que jamais une image déformée de la société 4 .
Déficitaire en femmes, elle l’est aussi en jeunes, et en catégories populaires. S’il en est ainsi
c’est parce que les partis, qui opèrent la sélection des investitures, choisissent leurs candidats
parmi un éventail social et culturel restreint. Pour avoir des chances raisonnables de devenir
« élu du peuple », mieux vaut être quinquagénaire, diplômé du supérieur, exercer une
profession libérale ou de cadre. Mieux vaut aussi posséder un mandat local. Les femmes
députées n’ont pas un profil socio-politique très différent des hommes : encore doit-on noter
quelques spécificités.
La féminisation de l’Assemblée nationale, pourtant de faible ampleur, a entraîné un
certain rajeunissement. L’âge moyen des femmes est un peu moins élevé que celui des
hommes : 52,8 ans contre 53,9. Elles n’entrent pas plus jeunes dans la carrière (seules trois
d’entre elles ont moins de quarante ans et le benjamin, 29 ans, est un homme) mais sont
quasiment absentes de la classe des plus de 65 ans. Si elles viennent atténuer le vieillissement
des parlementaires, c’est aussi parce qu’elles bénéficient moins souvent que les hommes du
statut privilégié de sortants réélus (40,8 % d’entre elles le sont contre 59,7 %). Parmi les
4
Cf. sur ce point Nicolas Catzaras, Mariette Sineau « Douzième législature : quel renouvellement du personnel
parlementaire ? » Bulletin Quotidien, 18 juillet 2002, n° 7371, pp. 26-34.
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sortantes 5 battues, on trouve de nombreuses socialistes qui avaient été élues en 1997 avec une
faible majorité. Il y a ainsi plus de sang neuf chez les parlementaires féminins : près de la
moitié des femmes élues en 2002 sont des néophytes n’ayant jamais siégé, contre moins d’un
tiers des hommes. Comme souvent féminisation vaut renouvellement de la classe politique :
on peut dès lors regretter que l’objectif de parité ait été si négligé par les états-majors.
Le mouvement de féminisation des élites lié à la réforme paritaire entraînera-t-il à
terme une démocratisation du personnel politique ? Nul ne le sait. En tout cas, le profil social
des femmes députées montre qu’elles appartiennent ultra majoritairement, comme les
hommes, à une élite sociale et culturelle restreinte. Toutefois, la structure globale des emplois
étant dissemblable chez les hommes et chez les femmes, on retrouve chez les députés des
deux sexes certaines différences dans la profession d’origine. Ainsi, la profession
d’enseignant, quoique en perte de vitesse dans cette assemblée de droite, reste plus souvent
exercée par les parlementaires femmes. Réciproquement, le recrutement des parlementaires
masculins puise davantage dans le vivier des professions libérales et des patrons de l’industrie
et du commerce. Enfin, le recrutement en milieu employé et ouvrier, extrêmement étroit, est
quand même de plus grande amplitude chez les femmes. Autre différence notable de statut
professionnel : les hommes sont plus nombreux à être retraités, les femmes étant un peu plus
souvent sans profession.
Dernier trait distinctif : les femmes députées restent, aujourd’hui encore, beaucoup
moins titrées politiquement que leurs camarades masculins. En cinq ans, toutefois, elles ont
beaucoup gagné en notabilité locale (tableau 6). D’une part, elles ont conquis des sièges de
conseillers régionaux, en particulier à l’issue des élections de 1998. Elles sont désormais près
du tiers à posséder ce mandat contre 14 % en 1997. D’autre part et surtout, la proportion de
députés-maires, cette figure centrale de la vie politique, a plus que doublé chez elles, passant
de 14 % en 1997 à 31 % en 2002. Parmi les nouvelles élues de l’UMP et de l’UDF, plusieurs
d’entre elles ont conquis une ville moyenne ou importante aux municipales de 2001. Citons
5
Sur les 55 femmes députées sortantes, 3 socialistes ne se représentaient pas (Yvette Roudy, Véronique Neiertz
et Laurence Dumont), 29 furent réélues, et 23 furent battues (dont 17 socialistes et une Verte).
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les noms de Brigitte Le Brethon (UMP-RPR) à Caen, de Brigitte Barèges à Montauban, de
Maryse Joissains (UMP-divers droite) à Aix-en-Provence, ou encore de Marguerite Lamour
(UMP-UDF) à Ploudalmezeau. On notera que si la détention du mandat de maire a diminué
chez les hommes, c’est au profit de celui de président de communauté urbaine (10,3 %
détiennent ce titre contre 2,8 % des femmes). Le déplacement des lieux de pouvoir a donc
d’abord bénéficié aux hommes…
Quel pouvoir au sein de l’Assemblée nationale ?
Déjà peu nombreuses à siéger comme simples députés, les femmes sont plus
minoritaires encore à occuper des positions de pouvoir au sein du Palais Bourbon. La
composition du bureau de l’Assemblée nationale - siège des principaux pouvoirs
parlementaires - est révélatrice de l’inégalité des sexes. Les femmes n’y détiennent que des
fonctions modestes, n’occupant que l’un des six postes de vice-présidents et deux des douze
postes de secrétaires. Les trois questeurs sont des hommes. Le président de l’Assemblée est,
de tradition, un homme. La France est un des rares pays de l’Union européenne (avec la
Belgique, la Grèce, le Portugal) à n’avoir jamais vu de femme présider l’une des chambres du
Parlement.
Les quatre groupes politiques (UMP, UDF, PS et PC) de la nouvelle Assemblée sont
présidés par des hommes. Les femmes sont encore moins nombreuses que dans la précédente
législature à détenir des postes de pouvoir au sein des six commissions permanentes de
l’Assemblée nationale. Aucune n’est présidente, une seule est vice-présidente (commission
des Affaires culturelles, familiales et sociales), une seule est secrétaire (commission de la
production et des échanges). Enfin, la puissante conférence des présidents (qui réunit les viceprésidents de l’Assemblée nationale, les présidents des commissions permanentes, le
rapporteur général de la commission des finances, le président de la délégation de
l’Assemblée pour l’Union européenne et les présidents des groupes) ne comprend qu’une
seule femme sur 19 membres (Paulette Guinchard-Kunstler, socialiste, Vice présidente de
l’Assemblée nationale).
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Barrées à l’entrée du Parlement, les femmes en France font davantage entendre leur
voix au sein de l’exécutif. Cela est même de tradition depuis le septennat de Valéry Giscard
d’Estaing. Si elles sont aujourd’hui moins nombreuses que dans le gouvernement Jospin
(environ 30 % en juin 1997), elles forment quand même plus du quart des effectifs du
deuxième gouvernment Raffarin (10 sur 38) : trois sont ministres de plein exercice (dont
Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, troisième dans l’ordre protocolaire), quatre sont
ministres déléguées et trois secrétaires d’Etat. C’est la première fois qu’un gouvernement de
droite accorde autant de place aux femmes, tant en qualité qu’en quantité.
Une loi à refaire ?
En dépit d’une législation qu’on croyait « avant-gardiste », la France reste à l’arrièregarde s’agissant de la représentation des femmes à la chambre basse : avec ses 12,3 % de
députées à l’Assemblée nationale, elle arrive au 60e rang mondial et au 13e rang de l’Europe
des Quinze, loin derrière les pays nordiques (environ 40 % de femmes à la Chambre basse en
Suède et au Danemark), mais aussi des Pays-bas, de l’Allemagne (qui en comptent environ un
tiers) ou encore de pays comme l’Espagne, l’Autriche, la Belgique (qui en ont environ un
quart).
Autant la loi du 6 juin 2000 est exemplaire dans son application aux scrutins de liste (et a
fonctionné lors des municipales de 2001 comme outil efficace pour produire de l’égalité
politique entre hommes et femmes 6 ), autant elle est à refaire dans ses dispositions concernant
les législatives, puisqu’elle s’est avérée impropre à rééquilibrer le pouvoir entre les sexes à
l’Assemblée nationale. Dans le premier cas, l’efficacité de la loi se déduit de son caractère
doublement contraignant : obligeant absolument les partis à présenter 50 % de candidats de
chaque sexe, elle leur impose aussi une certaine parité des élus par alternance obligatoire des
6
Cf. sur ce point Mariette Sineau « Parité an 1 : un essai à transformer », Revue Politique et Parlementaire, n°
1011, mars-avril 2001, pp. 55-63.
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candidats hommes/femmes sur les listes 7 . Dans le cas des législatives, la loi n’est
qu’incitative. Or, dans un mode de scrutin qui privilégie les notables, les grands partis ont
préféré payer des amendes, même lourdes, plutôt que féminiser leurs investitures, surtout les
« bonnes ». Au terme d’un calcul non dénué de cynisme, ils ont parié que le nombre d’élus
obtenus (à partir desquels est calculée la seconde fraction de l’aide publique) rapporterait
davantage que ce que coûteraient les pénalités financières pour non-respect de la parité des
candidatures. C’est pourquoi, les états-majors ont souvent choisi de reconduire les sortants des hommes en majorité - connus des électeurs, plus sûrs à leurs yeux de remporter l’élection.
Les scrutins de juin 2002 laissent donc voir l’échec du principe de « parité incitative »
prévu par la loi aux législatives, échec qui apporte un démenti cinglant à tous ceux qui
voyaient dans la sanction financière (via le financement public des partis) une sorte de
panacée, permettant de faire l’économie d’une loi contraignante. Si les partis n’ont pas tourné
la loi, ils ont su habilement l’utiliser. Ce faisant, ils ont failli à la mission que leur attribuait
l’article 4 modifié de la Constitution : contribuer à la mise en œuvre du principe d’ « égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ».
7
Pour les scrutins à un tour, elle oblige à l’alternance un homme, une femme (ou une femme, un homme) du
début à la fin de la liste. Pour les scrutins à deux tours, elle exige la parité par tranche de six candidats, quel que
soit l’ordre homme/femme.
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ANNEXE
Tableau 1. Les femmes députées à l’Assemblée nationale, sous la Cinquième
République, 1958-2002.
Elections
Femmes
élues
23-30 nov. 1958
9
18-25 nov. 1962
8
5-12 mars 1967
10
23-30 juin 1968
8
4-11 mars 1973
8
12-19 mars 1978
18
14-21 juin 1981
26
19-23 mars 1986* 34
5-12 juin 1988
33
21-28 mars 1993
34
25 mai- 2 juin 1997 63
9 et 16 juin 2002
71
Total
Sièges
552
482
487
487
490
491
491
577
577
577
577
577
%
femmes
1,6
1,6
2,0
1,6
1,6
3,7
5,3
5,9
5,7
5,9
10,9
12,3
Source : ministère de l’Intérieur (France entière)
* scrutin proportionnel
Tableau 2. Les femmes candidates aux législatives par partis, 1997-2002 (en %)
Partis
1997
2002
PC
26,8
44,0
PS
27,8
36,3
Verts
27,7
50,4
RPR
7,7
UMP
20,6
UDF
8,9
18,9
Total général*
23,2
39,3
Source : ministère de l’Intérieur (France métropolitaine)
* y compris les petits partis
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Tableau 3. Les femmes députées par groupe politique, 1997-2002
2002
UMP et apparentés
38
Effectifs
totaux
365
UDF et apparentés
2
29
6,8
Socialistes et
apparentés
Communistes et
Républicains
Non inscrits
23
141
16,3
Rappel
1997
%
femmes
3,6
(RPR)
6,4
(UDF)
17,6
4
21
19,0
11,1
4
-
21
-
19,0
-
Total
71
577
12,3
0
9,0
(RCV
10,9
Groupes
Femmes
%
femmes
10,4
Source : Assemblée nationale (France entière)
Tableau 4. Les femmes députées par régions, 1997-2002 (en %)
Régions
1997
2002
Alsace
6,2
6,2
Aquitaine
18,5
18,5
Auvergne
7,1
7,1
Basse-Normandie
28,6
21,4
Bourgogne
0
11,8
Bretagne
15,4
30,8
Centre
8,7
4,3
Champagne-Ardenne
7,1
14,3
Corse
0
0
Franche-Comté
15,4
23,0
Haute-Normandie
12,0
0
Ile-de-France
15,2
16,2
Languedoc-Roussillon
4,8
4,8
Limousin
11,1
11,1
Lorraine
4,3
8,7
Midi-Pyrénées
15,0
15,3
Nord-Pas-de-Calais
10,5
2,6
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-11-
Régions
Pays-de-Loire
Picardie
Poitou-Charentes
Provence-Côte-d’Azur
Rhône-Alpes
1997
7,0
11,0
17,6
7,5
6,1
2002
10,0
0
11,8
20,0
6,1
Source : ministère de l’Intérieur
(France métropolitaine)
Tableau 5. Les femmes députées suppléantes, par groupe politique, 1997-2002
(en %)
Partis
1997
2002
PC
34,2
57,1
PS
16,1
31,2
Radical, Citoyen et Vert
12,9
-
RPR
UMP
14,0
28,2
UDF
22,4
37,9
Démocratie libérale
9,3
-
0
9,5
16,6
29,8
Non inscrit
Total
Source : Société générale de presse (France entière)
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Tableau 6.
Type de cumul des mandats et fonctions chez les députés, selon le sexe,
1997-2002 (en %)
1997*
Mandats et fonctions
2002**
Ensembl
e
H
F
%
%
N
61
14
?
Conseillers généraux et prés de CG
Ensem
ble
H
F
%
%
%
N
%
323
56,0
55,3
31
302
52,3
?
?
?
6,7
21,1
49
8,5
43
16
233
40,4
38,6
19,7
209
36,2
Dont présidents de Conseil général
3
0
18
3,1
4,2
0
21
3,6
Conseillers régionaux et prés de CR
16
14
93
16,1
18,2
32,4
115
19,9
Dont présidents de conseil régional
1
0
6
1,0
0,6
1,4
4
0,7
Présidant de communauté urbaine
?
?
?
?
10,3
2,8
54
9,4
Maires
Adjoints au Maire
Source :
* Assemblée nationale, 12 juin 1997
** Société générale de Presse, 17 juin 2002
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