L`évolution du profil des sans-abri

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L`évolution du profil des sans-abri
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O b s e r v a t o i r e
e u r o p é e n
s u r
l e
s a n s - a b r i s m e
FACE AU SANS-ABRISME EN EUROPE
L’ensemble “face au sans-abrisme en Europe” est le résultat du travail
des trois groupes thématiques de recherche de l’Observatoire européen
sur le sans-abrisme de la FEANTSA qui ont été créés afin de couvrir
les thèmes suivants :
■
■
■
L’évolution du rôle de l’Etat
L’évolution du profil des sans-abri
L’évolution du rôle des services
L’évolution du profil des sans-abri: contexte macro-social et tendances
récentes se base sur les cinq articles réalisés par les correspondants
nationaux de l’Observatoire européen sur le sans-abrisme. Les articles
peuvent être téléchargés dans leur intégralité à partir du site Internet
de la FEANTSA www.feantsa.org.
La Commission européenne soutient financièrement le travail de
l’Observatoire européen sur le sans-abrisme.
L’évolution du profil des sans-abri:
Contexte macro-social et tendances récentes
ISBN: 9075529228
Par
Henk Meert, Elisabeth Maurel, Judith Wolf,
Sarala Nicholas, Roland Maas, Inger Koch-Nielsen,
Ivan Christensen, Pedro Cabrera
novembre 2003
Fédération Européenne d'Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri
European Federation of National Associations Working with the Homeless
194, Chaussée de Louvain
■
1210 Bruxelles
■
Belgique
■
Tél.: + 32 2 538 66 69
■
Fax: +32 2 539 41 74
■
[email protected]
■
www.feantsa.org
Fédération Européenne d'Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Table des matières
1. Introduction ................................................................................................................... p. 3
2. Contexte socioéconomique général .......................................................................... p. 4
3. Collecte des données et méthodologie ..................................................................... p. 6
4. Les nouveaux sans-abri, leurs profils et leurs vulnérabilités spécifiques .............. p. 9
5. Tendances ................................................................................................................... p. 23
6. Conclusions ................................................................................................................ p. 27
Tableaux
Tableau 1 méthodologiques des études de profil des sans-abri
dans six Etats membres de l’Union européenne.............................................. p. 8
Tableau 2 Répartition par tranches d’âge des personnes interrogées
dans le cadre des enquêtes néerlandaises .................................................... p. 10
Tableau 3 Consommation de substances intoxicantes
chez les personnes sans-abri aux Pays-Bas.................................................. p. 19
Tableau 4 Âge des personnes prises en charge à temps plein dans les institutions
de type § 105 tel que constaté au cours d’une semaine de 1981 et de 1995
et âge des usagers des services “§ 94-boformer” en 2002 .......................... p. 23
Graphiques
Graphique 1 Structure comparative par tranches d’âge
de la population sans-abri au Danemark et en Flandre en 2002 ................p. 10
Graphique 2 Niveau d’études des personnes sans-abri rapporté à la moyenne nationale
en France et en Belgique néerlandophone en 2002 ................................... p. 12
Graphique 3 Sources de revenus des sans-abri en Flandre en 2002 ............................ p. 14
Graphique 4 Durée du sans-abrisme aux Pays-Bas ....................................................... p. 16
Graphique 5 Difficultés rencontrées durant leur jeunesse
par les personnes sans-abri en France (2002) ........................................... p. 16
Graphique 6 Typologie des troubles de la santé par tranche d’âge et par sexe
rapportés à la population générale en 2002 en Flandre ............................ p. 18
Graphique 7 Qualité de vie des personnes sans-abri interrogées
dans le cadre de l’enquête réalisée à La Haye, aux Pays-Bas ................. p. 22
Graphique 8 Evolution de la pyramide des âges des personnes sans-abri
en Flandre entre 1982 et 2002 ................................................................... p. 24
Graphique 9 Evolution du rapport entre hommes et femmes sans-abri
entre 1982 et 2002 ..................................................................................... p. 25
Graphique10 Evolution de la nationalité des personnes sans-abri
en Flandre entre 1982 et 2002 ................................................................... p. 26
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Introduction
Il est indubitable que la structure de la population sans-abri
en Europe a profondément évolué depuis le milieu des
années quatre-vingt. Les observations menées au quotidien
dans les lieux publics ainsi que les affirmations récentes des
structures qui travaillent avec les sans-abri indiquent que
l’image largement répandue et figée d’une population essentiellement masculine originaire d’Europe occidentale est
dépassée car elle ne reflète pas la présence d’une nouvelle génération de sans-abri qui sont également de plus
en plus visibles en milieu urbain en Europe. Pour être considéré comme actualisé, le paysage urbain de l’exclusion du
logement au sens large en Europe doit ainsi refléter également la présence accrue des jeunes, des femmes et des
ressortissants de pays tiers (non membres de l’Union
européenne).
L’évolution du profil des sans-abri en Europe et l’analyse des
différences et points communs entre leurs profils dans divers
Etats occidentaux constituent deux thèmes au sujet desquels
il n’existe pratiquement aucune littérature scientifique.
Les rares travaux qui abordent les profils d’exclusion du logement sont le fruit d’une approche fondée sur les pathologies
(en particulier dans le contexte américain) qui tend à mettre
en exergue les caractères personnels, à expliquer l’incidence
de l’exclusion, de l’exclusion à répétition, etc. (voir par
exemple Phelan et Link, 1999). Sans pour autant nier les
dimensions individuelles de l’exclusion du logement, le présent rapport met l’accent sur les indicateurs socioéconomiques plus généraux qui accompagnent l’exclusion du logement dans l’ensemble de l’Union européenne. Il part de
l’hypothèse que le phénomène des sans-abri ne peut plus
être compris exclusivement comme la conséquence de
caractères individuels mais doit aussi être perçu en lien étroit
avec les grands mécanismes sociaux qui sculptent le marché
de l’immobilier et, plus généralement, influencent l’Etat providence. Il s’agit d’un choix délibéré. En effet, la réorganisation actuelle des régimes de sécurité sociale en Occident et
la libéralisation mondiale montrent clairement que l’exclusion
du logement ne se résume plus aujourd’hui à un problème
de logement mais qu’il s’agit plus généralement d’une manifestation spécifique et extrême d’une exclusion sociale
essentiellement liée à l’emploi et aux citoyennetés à géométrie variable que l’on rencontre en Europe (voir Edgar et al,
2002a). C’est pourquoi l’établissement d’un profil de la population sans-abri vise également à évaluer les origines sociales
de la pauvreté et de l’exclusion.
Compte tenu de ce qui précède, les objectifs spécifiques du
présent rapport sont au nombre de quatre. Nous tenterons
tout d’abord d’établir s’il est possible d’étayer scientifiquement les deux observations de terrains évoquées ci-dessus
à propos des profils actuels des sans-abri en Occident. Pour
ce faire, nous proposerons une analyse plus détaillée des
données disponibles dans un échantillon d’Etats membres
de l’Union européenne.
Nous aborderons ensuite un certain nombre de questions
méthodologiques liées à la comparaison des profils (changeants) issus de divers Etats membres de l’Union européenne.
Il n’existe actuellement aucune définition consensuelle du
sans-abrisme en Europe, ni d’ailleurs de méthodologie commune permettant de recenser les personnes qui en sont victimes ni de dresser leur profil. Cette lacune pose de sérieux
problèmes méthodologiques qui doivent faire l’objet d’un
débat approfondi avant qu’il soit possible de tirer des conclusions pertinentes à propos des différences et des points communs entre les six Etats membres de l’Union européenne
sélectionnés aux fins du présent rapport.
Troisièmement, malgré les limites méthodologiques évoquées
ci-dessus, nous aborderons quelques-uns des points communs et des différences les plus flagrants concernant les profils évolutifs du sans-abrisme au sein de l’Union européenne.
Enfin, les interprétations avancées concernant les profils
actuels, leur évolution et les différences observées à leur propos au sein de l’Union européenne renverront autant que
possible à de grands mécanismes sociaux actuels. Bien
entendu, ceux-ci varient d’un pays à l’autre, ce qui peut dans,
dans une certaine mesure, expliquer les différences de profils constatées parmi les sans-abri de l’Union européenne.
Le présent rapport s’articule de la manière suivante. Cette introduction est suivie d’un chapitre présentant le contexte socioéconomique général et destiné à mieux appréhender les obstacles qui compliquent actuellement l’accès au logement au
sein de l’Union européenne. Il aborde la commodification du
marché du logement et la réorganisation du marché du travail,
la restructuration des systèmes sociaux et son impact sur le
logement ainsi que l’émergence de foyers recomposés renvoyant à ce que l’on appelle communément la seconde transition démographique. Bien entendu, l’impact de ces tendances
se fait sentir depuis le milieu des années quatre-vingt et elles
continuent d’exercer une profonde influence sur l’incidence
sociale du sans-abrisme et sur les profils actuels des sans-abri.
Le chapitre suivant aborde une problématique inhérente à toute
analyse des profils de sans-abri couvrant plusieurs Etats
membres de l’Union européenne, c’est-à-dire la définition de ce
qu’est le sans-abrisme et la collecte cohérente de données.
Après ce chapitre méthodologique, le rapport propose un profil actualisé des personnes sans-abri en Europe selon sept critères: démographie; éducation; emploi, revenus et situation
financière; parcours personnel et situation actuelle; santé;
réseaux sociaux et, enfin, qualité de vie. Le dernier chapitre
cherche à confirmer ou infirmer les trois tendances lourdes évoquées au début de cette introduction concernant l’âge, le sexe
et la nationalité des personnes sans-abri. En guise de conclusion, le rapport renvoie à une série de thématiques politiques
pertinentes. Y sont essentiellement soulignés la nécessité et
l’importance de disposer, pour chaque Etat membre de l’Union
européenne, de données à la fois détaillées, fiables et comparables concernant le sans-abrisme au sens large.
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Contexte
socioéconomique
général
Il est utile, pour comprendre le profil socioéconomique actuel
des personnes sans-abri à travers l’Europe, de brosser préalablement un tableau succinct des grands mécanismes
socioéconomiques qui affectent l’accès au logement en
Europe (voir Edgar et al, 2002a).
Trois grands mécanismes sociaux entrent en jeu. Il s’agit tout
d’abord des marchés du travail qui, en Europe, ont subi,
depuis les années quatre-vingt, une réorganisation fondamentale s’articulant autour de quatre mutations structurelles importantes et intimement liées: la mondialisation, la
flexibilisation, le développement de l’économie informelle et
la polarisation. Premièrement, la mondialisation a entraîné
d’importants mouvements de populations de la périphérie
mondiale vers le noyau occidental. Une bonne part des
personnes qui alimentent ces flux migratoires fuient la pauvreté de leur pays d’origine et arrivent, les mains pratiquement vides, pour accéder aux marchés occidentaux de l’emploi et du logement. Deuxièmement, l’emploi s’est précarisé,
ce qui, associé à la pression déflationniste qui pèse sur les
salaires, fragilise les populations à bas revenus aux plans de
l’emploi et des ressources et pose, en corollaire, le problème
de leur accès à un logement décent. Troisièmement, les effets
combinés des migrations internationales actuelles, de l’incidence accrue des “petits boulots” peu rémunérateurs et précaires et de l’exigence de flexibilité, favorisent l’émergence,
dans nombre d’Etats membres de l’Union européenne, d’un
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“tiers-monde” local et d’une économie largement informelle.
Quatrièmement, les trois mécanismes évoqués ci-dessus
conduisent à la mise en place de marchés de l’emploi très
polarisés (Sassen, 1991) dont la structure hiérarchique sa
caractérise par une large assise d’emplois précaires et un
large sommet d’emplois salariés rémunérateurs reliés par une
bande intermédiaire particulièrement étroite. Ce goulet
d’étranglement constitue un obstacle structurel à l’ascension
sociale des personnes qui partent du bas de l’échelle car il
les empêche d’accéder à des logements de meilleure qualité,
problématique encore compliquée de la tendance paneuropéenne à la commodification du marché immobilier1, qui se
caractérise entre autres par des coupes sombres dans les
programmes de construction des sociétés de logements
sociaux et par la privatisation des appartements sociaux ou
leur rachat par leurs occupants. De par la pénurie relative de
logements publics aux loyers contrôlés qu’elle entraîne, cette
tendance génère également une pression accrue sur l’immobilier privé dont les prix à la location et à l’achat ont augmenté de manière très significative, particulièrement dans les
logements de qualité inférieure. De manière générale, les prix
de l’immobilier résidentiel privé augmentent plus rapidement
que les salaires réels et, plus généralement, que le pouvoir
d’achat de la population européenne.
L’évolution du rôle de l’Etat est, elle aussi, étroitement liée à
l’observation qui précède. Son retrait de l’intervention directe
au profit de la facilitation indirecte, c’est-à-dire sa tendance
à faire moins par lui-même et à déléguer davantage, a brouillé
le paysage de la vulnérabilité au plan du logement: il ne s’agit
plus d’une simple dichotomie entre une majorité de “bien
logés” et une minorité de défavorisés “mal logés” ou sansabri. Le changement de nature de la gestion du logement
social met, lui aussi, de plus en plus l’accent sur l’obligation
de résultats, ce qui conduit à des pressions financières et à
des pratiques de gestion du risque débouchant sur un tri,
avoué ou non, à l’entrée du logement social, voire sur l’augmentation des expulsions pour loyers impayés (Edgar et al,
2002a; pour une illustration de ces tendances dans un quartier de Londres, voir Watt, 2003). La commodification croissante des marchés immobiliers et l’évolution du rôle de l’Etat
expliquent peut-être aussi pourquoi le sans-abrisme n’a toujours pas disparu malgré les politiques de revenu minimum
garanti mises en place à travers l’Union européenne. Toutefois, les mutations structurelles intervenues dans les relations
sociales et la composition des ménages peuvent, elles aussi,
nous aider à appréhender le sans-abrisme en tant que phénomène pérenne, structurel, de la société européenne.
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Enfin, les ménages occidentaux sont encore confrontés à une
autre mutation profonde que l’on résume souvent par l’expression “seconde transition démographique” (Lesthaeghe,
1995). Il s’agit en réalité d’un ensemble de cinq transformations du paysage démographique européen (Edgar et al,
2002a, pp. 82-83). Premièrement, l’Europe a connu un net
déclin de la natalité et de la mortalité qui l’a rapprochée du
seuil de renouvellement de la population. La Grèce, l’Italie et
l’Espagne ont été le plus récemment confrontées à une chute
spectaculaire de la natalité. Deuxièmement, l’espérance de
vie s’est considérablement améliorée partout en Europe. Troisièmement, ces deux transformations ont entraîné le vieillissement de la population européenne, avec des conséquences notables en termes de structure de la population
active, de rapports de dépendance (entre la population active
et inactive) et de pression sur les systèmes de santé et d’aide
sociale. Quatrièmement, tous les Etats membres de l’Union
européenne ont été confrontés à une activation de la maind’œuvre féminine, tendance manifestement associée à la
flexibilisation du marché de l’emploi évoquée plus haut.
Cinquièmement, en corollaire des quatre premières composantes de la transition démographique, on constate une augmentation significative du nombre de ménages dits “atypiques” en corollaire du déclin du modèle familial classique
(selon lequel l’homme travail tandis que la femme s’occupe
du foyer). Les pressions que connaît actuellement le marché
immobilier résidentiel proviennent de plus en plus de foyers
monoparentaux, de personnes isolées, de couples de seniors,
etc. En effet, ces ménages sont souvent plus vulnérables au
plan du logement que les ménages traditionnels et représentent donc un risque locatif plus important parce qu’ils
peuvent être plus fréquemment exposés à l’absence de revenus réguliers sous la forme d’un salaire ou d’allocations fixes.
Ces transformations ont un impact sur la composition et le
profil de la population sans-abri en Europe: la réorganisation
du marché de l’emploi influe sur l’éducation, les revenus et
les finances; le repli de l’Etat influence les stratégies de revenus ainsi que les soins de santé; les transformations démographiques trouvent un reflet dans le vieillissement de la
population, dans la composition des ménages, dans l’état
civil et, sous certains aspects, dans les réseaux sociaux personnels. Afin d’évaluer ces impacts potentiels, il serait particulièrement utile de mener une étude longitudinale paneuropéenne, qui fait cruellement défaut actuellement.
Entre-temps, la méthode la plus simple pour se faire une idée
plus précise des profils actuels de le sans-abrisme consiste
à compiler les données issues d’études existantes et à les
comparer dans le temps avec toute la prudence qui s’impose
tout en tenant compte de la diversité des situations géographiques existant à travers l’Europe.
1 Toutefois, compte tenu de l’effet modérateur de l’Etat providence fortement présent dans les pays scandinaves, on peut supposer que cette tendance y est somme toute moins lourde, encore
que le nouveau gouvernement danois ait l’intention de privatiser
le logement social, même s’il n’est pas encore arrivé à ses fins.
Le même constat s’applique à la Belgique, et plus particulièrement au gouvernement flamand.
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Collecte
des données
et méthodologie
En ce qui concerne la diversité des situations géographiques,
le présent rapport aborde les résultats de recherches entreprises dans six pays: la Belgique (Flandre), le Danemark, l’Espagne, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. La présentation et l’analyse des profils et de leurs composantes se
fondent sur une collaboration étroite entre les auteurs dans
le cadre d’un Groupe de travail spécial de la FEANTSA, la
Fédération européenne d’associations nationales travaillant
avec les sans-abri 2.
La collecte des données pose le problème pratique de la définition du terme “sans-abri”. De récentes analyses des statistiques du sans-abrisme en Europe ont montré l’existence
de définitions très différentes au sein des quinze Etats
membres (Edgar et al, 2002b et 2003a), ce qui pose le problème de la comparabilité des données, du fait non seulement des définitions elles-mêmes, mais aussi des différentes
méthode de compilation des diverses composantes des profils. C’est pourquoi une approche très pragmatique a été
adoptée aux fins du présent rapport. Seuls sont pris en
compte les résultats se fondant sur des recherches menées
auprès de personnes vivant dans la rue (les “sans-logis” et
“sans-toit”), à l’exclusion des données qui concernent les
personnes occupant un logement précaire ou inadéquat.
Pour être plus précis, les catégories suivantes de sans-abri
ont été prises en compte selon les pays: personnes sans
domicile fixe (vivant dans les lieux publics), logées en centre
d’hébergement d’urgence, résidant dans des centres d’aide
sociale ou des refuges (foyers pour sans-abri et pour
femmes), occupant un logement provisoire (à l’exclusion des
centres d’accueil pour demandeurs d’asile et des prisons,
centres de soins et hôpitaux) ou accueillies en logement
accompagné désigné (pour une définition pratique de ces
catégories, voir Edgar et al, 2003a).
Certains des résultats présentés sont issus d’études aléatoires tandis que d’autres proviennent de recherches locales
fournissant des informations à propos d’effectifs relativement
restreints de sans-abri mais extrêmement représentatifs de
ces populations.
2 Les auteurs tiennent également à remercier Gerard Van Menxel,
responsable des politiques à la Steunpunt Algemeen Welzijnswerk Vlaanderen (Fondation flamande pour le travail social), pour
ses commentaires à propos d’une version précédente du présent
rapport.
6
Ceci dit, avant d’aborder les profils, il convient de revenir en
détail sur certaines particularités des contextes nationaux.
Pour la Belgique, organisée sur le modèle fédéral comme
plusieurs Etats membres de l’Union européenne, c’est l’ONG
flamande Steunpunt Algemeen Welzijnswerk (Fondation pour
le travail social) qui, au printemps 2002, a mené une enquête
auprès des centres d’accueil pour sans-abri et des structures
de logement accompagné (Van Menxel et al, 2003, p. 41). En
2000, environ 40% de l’échantillon était issu du logement
accompagné, les 60% restants étant répartis entre divers
types de centres d’accueil pour sans-abri, des centres d’hébergement d’urgence aux refuges pour femmes. Suite à des
problèmes informatiques qui ont empêché l’accès à toute la
gamme des services proposés aux sans-abri, l’échantillon
randomisé fourni par Steunpunt Algemeen Welzijnswerk s’est
limité aux deux tiers des places disponibles. Le présent rapport traitera donc de 273 cas dont environ 65% fréquentaient
un centre d’accueil de la Région flamande tandis que 35%
étaient accueillis en logement accompagné. A l’exception de
quelques indicateurs, la différenciation des profils en fonction de ces deux grandes catégories s’arrête là (Van Menxel
et al, 2003). Il n’existe à l’heure actuelle aucune étude équivalente pour la Région wallonne ni pour la région de
Bruxelles-Capitale. L’analyse temporelle porte sur deux
décennies et compare les résultats de l’étude récente à ceux
de travaux très similaires entrepris en 1982 (elle aussi exclusivement en Flandre, voir Van Menxel et al, 1984).
Pour le Danemark, les données statistiques concernant le
sans-abrisme sont tirées des rapports annuels publiés par
Den Sociale Ankestyrlse (Cour d’appel sociale) qui contiennent des informations à propos des usagers de ce qu’on
appelle les services “§ 94-boformer”, définis dans la Loi sur
les Services sociaux comme des “personnes aux difficultés
sociales particulières qui se trouvent sans logement autonome
parce qu’elles n’en disposent pas ou parce qu’elles sont incapables d’occuper un logement indépendant, et qui ont besoin
d’un endroit pour vivre et d’une offre de services d’accompagnement, d’activation, de soins et d’assistance ultérieure”
(§ 94 de la Loi sur les services sociaux). Les données disponibles concernent tous les usagers sur la base d’une année
calendaire (ce qui exclut les doubles comptages). On peut par
exemple citer le chiffre de 7 974 personnes en 2002. Les tendances fines peuvent être analysées sur trois années consécutives (2000, 2001 et 2002). Les tendances à long terme sont
purement indicatives et sont issues de données antérieures
concernant les usagers de ce que l’on appelait les “structures
de type § 105”. Depuis 1998, celles-ci sont remplacées par les
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“services § 94”. Les résultats des comparaisons portant sur
de longues périodes doivent être interprétés avec prudence,
et ce pour trois raisons: tout d’abord, les deux types d’institutions ne proposent pas les mêmes services; ensuite, les
chiffres des structures de types § 105 pouvaient contenir des
doublons, biais méthodologique éliminé dans les comptages
fournis par les services § 94; et enfin, les données annuelles
remontant à l’époque des structures de type § 105 n’étaient
disponibles que pour une semaine du mois de janvier. Malgré
ces réserves, nous aborderons toutefois certaines tendances
à long terme sur la foi des travaux de Stax (1996), qui ont fait
école dans le domaine.
Les données concernant la France sont tirées de deux
enquêtes récentes. L’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, a mené une première
étude nationale en janvier 2001. L’effectif de cette étude se
composait “d’occupants francophones de logements temporaires et d’usagers de services de distribution de repas
chauds” dans quatre-vingts agglomérations de plus vingt
mille habitants. L’enquête portait spécifiquement sur les personnes qui, la nuit précédant l’enquête, avaient dormi dans
un endroit inadapté ou dans un centre d’accueil temporaire,
à l’exclusion des enfants mineurs, des allochtones non francophones, des demandeurs d’asile et réfugiés accueillis dans
des centres spécialisés, des personnes logeant chez des
parents ou des amis et des personnes occupant un logement
surpeuplé ou sous-standard. A l’époque, les premiers résultats ont montré que 86 000 adultes ont bénéficié d’un logement temporaire ou d’un repas chaud durant la semaine de
l’enquête, parmi lesquels 63 000 étaient sans domicile fixe.
Les données de l’autre enquête, réalisée par l’Observatoire
du changement social (OCS), ne tiennent compte que des
personnes qui fréquentent les pensions sociales pour sansabri, à l’exclusion des personnes vivant dans la rue. Etant
donnée l’absence de données comparables antérieures, il est
impossible de reconstruire des tendances.
Au Grand-Duché de Luxembourg, il n’existe aucune donnée quantitative permettant de dresser un profil de la population sans-abri. Toutefois, des informations qualitatives de
bonne qualité sur les personnes sans-abri ont pu être collectées par le biais d’un travail de terrain intensif basé sur des
rencontres et des entretiens avec le personnel de neuf structures de prise en charge du pays (dont six sont basées dans
la capitale). L’absence de données quantitatives signifie que
les informations concernant l’évolution des profils des personnes sans-abri se fondent exclusivement sur ces rencontres et entretiens. Pour la même raison, on constate éga-
lement l’absence de données mises à jour à propos des
caractéristiques essentielles du sans-abrisme au Luxembourg. Il a toutefois été possible de dégager quelques tendances communes aux constats posés suite à l’observation
des diverses structures de prise en charge.
En ce qui concerne les Pays-Bas, les données présentées
sont tirées de plusieurs études portant sur le sans-abrisme
(menées entre janvier 1998 et mai 2002). Toutes les études
sélectionnées fournissent des informations concernant les
mêmes publics de sans-abri (entre autres les personnes qui
vivent ou survivent dans la rue et fréquentent les centres de
jour et d’hébergement d’urgence). Les données réunies portent souvent sur des groupes assez restreints de personnes
vivant dans la rue fréquentant un ou plusieurs des services
proposés dans les agglomérations concernées par l’étude (à
La Haye et Utrecht, tous les services ont été pris en compte),
soit les grandes villes du pays. Contrairement aux autres
pays, les informations présentées concernent des zones géographiques délimitées (essentiellement les grands centres
urbains). De ce fait, les données néerlandaises reflètent
davantage la situation d’une grappe d’échantillons de petite
taille que celle d’un échantillon représentatif de l’ensemble
du territoire national. Toutefois, à l’échelle locale, par exemple
pour La Haye et Utrecht, des techniques de randomisation de
l’échantillon ont été utilisées. Le premier groupe d’enquêtes
porte sur quatre grandes agglomérations (Amsterdam, Rotterdam, Utrecht et La Haye) qui ont récemment étudié leur
population sans-abri. Ensuite, une étude nationale a récemment été entreprise dans vingt agglomérations (dont trois des
quatre villes mentionnées ci-dessus qui font partie du Randstad: Amsterdam, Rotterdam et Utrecht). Les personnes
interrogées dans le cadre des études menées en milieu urbain
ont été interviewées dans des centres d’accueil de jour et
d’hébergement d’urgence tandis que les sans-abri qui ont
participé à l’étude nationale l’ont été dans la rue (sans sélection ni randomisation; les sans-abri ont simplement été interrogés au hasard des rencontres). L’échantillon ne comprenait
aucun refuge pour femmes. Dans les grandes agglomérations, le nombre de personnes interrogées allait de 103 à 212
(des renseignements ont été collectés auprès de 677 personnes au total). L’enquête nationale sur le sans-abrisme réalisée dans plus de 20 villes néerlandaises se fondait quant à
elle sur un échantillon de 500 personnes. Comme pour la
France, les informations disponibles à propos de la situation
aux Pays-Bas ne permettent pas de dégager de tendances
à long terme. En effet, les méthodologies et définitions utilisées ont fortement évolué au fil du temps.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Pour ce qui concerne l’Espagne, le présent rapport se base
sur les études existantes qui se fondent elles-mêmes sur des
méthodologies et des stratégies différentes, très progressivement affinées afin d’en limiter autant que possible les biais
statistiques et d’en éliminer l’empreinte des structures de prise
en charge et de leurs priorités. Partant de l’hypothèse (peutêtre optimiste) que les normes de qualité et de rigueur les plus
exigeantes en Espagne sont aujourd’hui l’apanage du monde
académique, les données analysées ici proviennent principalement d’études universitaires réalisées durant la décennie
écoulée. Toutefois, afin de contraster les résultats et de les
contrôler, quelques profils tirés de rapports portant sur les programmes et structures les plus importants du pays seront
également présentés. En l’absence d’études longitudinales,
ces rapports sont particulièrement utiles pour pointer les ten-
dances. De manière générale, la plupart des études ont été
réalisées à Madrid, entre autres parce que les deux équipes
universitaires qui ont étudié le sans-abrisme avec le plus d’assiduité et en recourant à des méthodologies modernes y sont
basées. D’autres études locales sont également mentionnées
dans le présent rapport lorsqu’elles proposent un profil de la
population sans-abri, et ce que les personnes interrogées ait
ou non séjourné en refuge au moment de l’enquête.
Le Tableau n°1 ci-dessous synthétise les cinq aspects les
plus importants de la collecte des données pour chacun des
pays concernés: identité de l’organisme qui a fourni les données, catégories de sans-abri prises en compte, valeur statistique de l’échantillon, échelle géographique et portée temporelle (permettant de dégager des tendances).
Tableau n° 1 Principaux traits méthodologiques des études de profil des sans-abri
dans six Etats membres de l’Union européenne
Pays
8
Origine
des données
Catégories de sansabri prises en compte
Valeur statistique
de l’échantillon
Echelle
géographique
Tendances
Belgique
Steunpunt Algemeen
Welzijnswerk (ONG)
Usagers de centres
d’accueil (65%)
ou du logement
accompagné (35%)
Etude aléatoire et
recensement annuel
(273 personnes)
Flandre (y compris
la population
néerlandophone
de Bruxelles)
1982-2002 (fiable)
Danemark
Den Sociale
Ankestyrlse
(organisme public)
Usagers des services
de type
“§ 94-boformer”
Aucun échantillon, population totale concernée
par l’étude: 7 974 usagers (aucun doublon)
Nationale
2000-2002 (fiable)
1977-2002 (indicatif)
France
INSEE et Observatoire
du changement social
Usagers francophones
du logement temporaire
et de services de distribution de repas chauds
Limitée à un public sélectionné de personnes
vivant dans la rue, soit
86 000 adultes au total
Ensemble de 80 villes
de plus de 20 000
habitants
Pas de données
Luxembourg
Structures de prise en
charge
Usagers de refuges
et autres types de
logement temporaire
Pas de méthodologie
quantitative
Nationale
Basées sur des
données qualitatives
(indicatif)
Pays-Bas
Instituts de recherche
Usagers de centres
d’accueil de jour et
d’hébergement
d’urgence
Sélection aléatoire des
usagers dans certaines
études. Pas de randomisation à Amsterdam
et Rotterdam ni pour
l’étude nationale
21 municipalités
urbaines
Pas de données
Espagne
Universités et
quelques structures
privées de prise en
charge
Essentiellement des
personnes vivant dans
la rue usagers
de services de
distribution de repas
chauds et/ou refuges
Non systématique:
certaines études se
fondent sur des méthodologies qualitatives,
d’autres sur l’ensemble
de la population sansabri d’un territoire
Principalement Madrid
(mais aussi Gijón,
Séville et Barcelone)
1990-2003
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Les nouveaux sans-abri,
leurs profils
et leurs vulnérabilités
spécifiques
Ce chapitre aborde le profil actuel des personnes sans-abri
dans les six pays choisis. Même s’il convient d’être prudent
dans les comparaisons, la ligne de force de ce chapitre et du
suivant tient dans le contraste qui se dégage des composantes des profils dans les divers pays. Etant donné qu’il est
tenu compte de services différents dans les définitions sur
lesquelles se fondent les données nationales, il est impossible de comparer la durée des séjours ou leurs motivations.
Même si la prudence s’impose, les composantes spécifiques
des profils sont abordées pour les pays ayant fourni des informations suffisamment précises. Les résultats concernant
chaque pays sont comparés avec ceux des autres pour les
composantes des profils identifiées ci-dessus.
Données Démographiques
COMPOSITION DES MÉNAGES
Les données disponibles confirment le stéréotype de la personne sans-abri isolée. Au Danemark, l’étude réalisée en
1989 à Copenhague situait la part des sans-abri célibataires
à 88% et celle des sans-abri sans enfants à 72%. En Flandre,
81% des personnes vivent actuellement seules et sans
enfants (ce qui signifie que 19% habitent avec un partenaire
et/ou des enfants). Les deux tiers des sans-abri célibataires
n’ont jamais été mariés. L’étude nationale réalisée dans vingt
villes néerlandaises brosse un tableau similaire: 17% des
personnes sans-abri habitent avec un partenaire tandis que
70% n’ont jamais été mariées. En France, 14% des personnes interrogées par l’INSEE vivent en couple (contre 24%
selon l’OCS, dont l’étude ne tenait pas compte des personnes vivant dans la rue).
Le profil plus affiné des usagers flamands des centres d’accueil et du logement accompagné montre que 35% des
femmes sans-abri n’ont pas d’enfant alors que cette proportion atteint 74% chez les hommes. Environ 17% des sansabri des deux sexes ont des enfants qui ne séjournent pas
avec eux. Les différences statistiques liées au sexe s’expliquent peut-être par la plus grande disponibilité de la femme
à évoquer des problèmes relationnels lorsqu’elle sollicite l’assistance des structures de prise en charge (y compris les
refuges pour femmes). Les données flamandes révèlent en
outre que 85% des femmes qui ont des enfants séjournent
avec eux en centre d’accueil et que 75% d’entre elles sont
même accompagnées de trois enfants ou plus. Toutefois, les
femmes ne sont pas les seules à être régulièrement accompagnées de leurs enfants: 53% des hommes qui ont des
enfants les ont auprès d’eux (Van Menxel et al, 2003). Ces
résultats illustrent remarquablement la situation particulière
de la tranche d’âge des jeunes enfants: la plupart séjournent
avec leurs parents en logement accompagné (voir également
Edgar et al, 1999). Malheureusement, les données disponibles dans d’autres pays à propos de cette dimension ne
permettent pas de se faire une idée quelque peu précise de
la situation des sans-abri ni de celle de leurs enfants, pas plus
d’ailleurs que du sort des enfants sans-abri en général, qu’ils
vivent ou non auprès de leurs parents.
En Espagne, comme dans d’autres pays, les sans-abri sont
généralement célibataires ou séparés/divorcés de fait sinon
en droit. Les premiers représentent environ 60% de la population sans-abri et les seconds environ 30%. Dans certains cas,
les chiffres fournis concernant les séparations sont nettement
en deçà à la réalité parce que les séparations de fait (non
sanctionnées par un jugement) ne sont pas prises en compte.
ÂGE
Parmi les pays dont la situation est examinée dans le présent
rapport, la Belgique et le Danemark se prêtent particulièrement
bien à une comparaison détaillée des données concernant l’âge:
les informations concernant les sans-abri sont statistiquement
représentatives et les catégories correspondent. Le Graphique
n°1 ci-dessous illustre quelques contrastes intéressants entre
les deux pays. Bien que les enfants ne soient pas repris dans
les données flamandes, le pourcentage de jeunes sans-abri y
est nettement plus élevé qu’au Danemark. On remarquera par
exemple qu’en Flandre, 41,5% des personnes sans-abri ont
moins de 30 ans contre 19,6% au Danemark. En corollaire,
39,4% des sans-abri flamands ont plus de 40 ans contre 52,2%
des sans-abri danois. Ce contraste frappant s’explique en partie par les particularités des services d’aide aux sans-abri en
Flandre. Deux organismes ciblent spécifiquement les jeunes
sans-abri de 18 à 25 ans; il gèrent respectivement des refuges
de court séjour et d’accueil d’urgence et d’autre part des structures de logement accompagné pour jeunes adultes sans-abri.
A l’opposé, les services “§94-boformer” danois ne ciblent pas
spécifiquement cette catégorie de sans-abri.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Sur la base de ces observations, que peut-on dire des autres
pays qui composent notre échantillon? Tout d’abord, malgré
la différenciation des catégories de sans-abrisme dans les
deux enquêtes françaises, la part des jeunes (de 18 à 30 ans)
varie très peu: 36% selon l’INSEE contre 40% selon l’OSC.
Toutefois, la part des sans-abri de plus de 50 ans est nettement plus élevée (16%) selon l’enquête de l’INSEE qui, au
contraire de celle de l’OSC (10,2%), tient compte des formes
les plus extrêmes de sans-abrisme, telles que les personnes
qui vivent dans la rue. On peut dès lors affirmer que la situation en France est relativement proche de celle qui prévaut en
Flandre, où 40% des sans-abri ont entre 18 et 30 ans et 18%
plus de 50 ans.
Aucune information fiable n’est disponible au sujet du
Luxembourg. Aux Pays-Bas, par contre, les études disponibles abordent diverses caractéristiques ayant trait à l’âge
(voir le Tableau n°2). L’étude nationale révèle ainsi que les
sans-abri de sexe masculin sont en moyenne âgés de 39 ans
et les femmes de 37. Les quatre grandes agglomérations ne
fournissent que des données consolidées pour toute la population et les chiffres qu’elles donnent ne diffèrent que très peu
de la moyenne nationale: 37 ans à La Haye contre 42 ans à
Rotterdam.
En Espagne, quelle que soit l’étude, l’âge moyen des sansabri est d’environ 42 ans. Toutefois, cette moyenne cache
d’énormes variations puisque l’on rencontre une groupe
important de jeunes sans-abri et un autre de sans-abri âgés.
Parmi les plus jeunes, les parcours de toxicomanie sont assez
fréquents tandis que chez les plus âgés, ce sont les cas d’alcoolisme et de troubles mentaux qui abondent.
Graphique n°1 Structure comparative par
tranches d’âge de la population sans-abri
au Danemark et en Flandre en 2002
Sources: Van Menxel, 2003 et Den Sociale Ankestyrelse, 2003
100%
60 et plus
90%
50-59
80%
70%
40-49
60%
50%
30-39
40%
30%
20%
20-29
10%
Moins de 20
0%
Danemark
Belgique (Flandre)
SEXE
Dans une étude de 2001, Edgar et al abordent le sans-abrisme
au sein de l’Union européenne sous l’angle spécifique des
sexes. Il concluent généralement que la femme sans-abri cache
bien souvent son statut et qu’il est par conséquent difficile
d’évaluer l’ampleur réelle de ce phénomène. Il n’est donc pas
surprenant de constater que, pour les six pays abordés dans
le présent rapport, le pourcentage de femmes sans-abri tiré des
données utilisées pour l’établissement des profils est relativement faible. Au Danemark, il atteignait en 2002 exactement
25% des usagers des services “§ 94-boformer”, tandis qu’aux
Pays-Bas, il ne représentait, selon l’étude nationale, que 13%
de la population sans-abri (20% à La Haye et 8% à Utrecht).
Ces différences peuvent ici encore s’expliquer par les différentes catégories de sans-abri dont il est tenu compte dans
l’étude ainsi que par les procédures de sélection utilisées.
Tableau n°2 Répartition par tranches d’âge des personnes interrogées
dans le cadre des enquêtes néerlandaises
Personnes vivant dans Personnes vivant dans
la rue à La Haye
la rue à Utrecht
N=103
N=150
Sans-abri
d’Amsterdam
N=212
Sans-abri
de Rotterdam
N=112
Echantillon
national
N=500
Âge
Moyenne (ET)
37 (9,8)
38 (10,4)
40
42
39 (Hommes)
37 (Femmes)
Intervalle
18 - 66
19=66
18-80
-
-
18-29
23%
24% (18-29 yrs)
15%
12% (15-24)
9% (17- 24)
30-49
69%
69% (30-54 yrs)
64%
64% (25-54)
85% (25-54)
50 et plus
8%
7% (55+)
21%
24% (55+)
6% (55+)
Tranches d’âge
Sources: Reinking et al. 2001; Reinking et al. 1998; Korf et al. 1999; Jansen ea. 2002 et de Bruin et al 2003
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C’est ainsi qu’aux Pays-Bas, les femmes qui fréquentaient un
refuge au moment de l’enquête n’ont pas été prises en compte
alors qu’au Danemark, certains refuges proposant les mêmes
services en ont tenu compte3. La Flandre illustre parfaitement
l’influence des choix méthodologiques (définitions et catégories). L’analyse des données fournies par cette région belge
montre un pourcentage remarquablement élevé de femmes
parmi la population sans-abri (33%), que Van Menxel et al (2003)
attribuent à une sensibilité accrue des services sociaux aux violences familiales dont les femmes sont victimes et qui justifient
l’existence de nombreux refuges pour femmes maltraitées. En
outre, plus de 55% des sans-abri flamands ont moins de 30 ans
et 45% des sans-abri âgés de 20 à 29 ans sont des femmes. Il
convient toutefois de noter que 17% de personnes composant
l’échantillon de 2002 (N=273) résidaient en refuge pour femmes.
Les deux études françaises montrent également un pourcentage relativement élevé de femmes parmi les sans-abri: 36%
selon l’INSEE, 40% selon l’OSC. Le pourcentage fourni par l’enquête de l’INSEE est particulièrement intéressant étant donné
que la population sur laquelle il se fonde se compose essentiellement des usagers des services de distribution de repas
chauds et de logement d’urgence (refuges).
Les études espagnoles les plus récentes (réalisées en 2003)
parlent d’environ 15% de femmes parmi les sans-abri. Le
pourcentage le plus faible provient de Séville (13%), où il n’a
été tenu compte que des citoyens espagnols (Moreno et al,
2003). Quand au pourcentage le plus élevé (18%), il est rapporté par Cabrera et Rubio (2003), qui ont basé leurs
recherches sur une campagne de suivi systématique, pendant une semaine, de la population de sans-abri extrêmes
(vivant dans la rue) du centre de Madrid. Les observations
ont été consignées sur des fiches par des bénévoles d’une
ONG parcourant quatre itinéraires nocturnes.
NATIONALITÉ
Dans les six pays étudiés, les minorités ethniques et les groupes d’origine étrangère n’incluent pas de populations rapatriées, contrairement à l’Allemagne (qui, en 2002, a vu le rapatriement de quelque 80 000 Aussiedler), à la Finlande (les
finlandais d’Ingrie) et la Grèce (les rapatriés d’Asie mineure).
La nationalité est un bon indicateur des divers niveaux de
citoyenneté auxquels les personnes sans-abri accèdent et
qui déterminent leur droit à certaines prestations (des revenus de remplacement, par exemple). Malheureusement, la
nationalité des personnes sans-abri n’est pas un indicateur
dont les études tiennent systématiquement compte. Aux
Pays-Bas, par exemple, le profil des personnes sans-abri
tient compte de leur lieu de naissance et donc de leur origine. C’est pourquoi nous aborderons la question de la nationalité sous l’angle des minorités ethniques pour ce qui
concerne les Pays-Bas et sous l’angle des allochtones pour
ce qui concerne les cinq autres pays (des informations sur la
nationalité des sans-abri étant disponibles pour ceux-ci).
La débat qui entoure la relation entre minorités ethniques
(“étrangers”) et sans-abrisme n’est pas neuf. De fait, le verbe
“héberger”, c’est-à-dire “loger”, est étroitement apparenté au
substantif “auberge”, qui désignait à l’origine le lieu où étaient
“hébergés” les “étrangers”, les “voyageurs”. De nos jours, la
mondialisation internationalise le marché du travail et favorise
les mouvements migratoires à grande échelle, ce qui modifie en profondeur la composition de la population sans-abri
de l’Union européenne. Nous ne tenterons pas ici de déterminer s’il est opportun de mettre en place des services spécifiquement destinés aux allochtones (sur cette problématique essentielle, voir Edgar et al, 2004). Nous nous
contenterons de présenter et de commenter quelques caractéristiques fondamentales des minorités ethniques et des
allochtones en tant que composante du sans-abrisme.
En 2002, au Danemark, 81% des usagers des services
“§ 94-boformer” étaient de nationalité danoise, 1% de nationalité nordique (islandaise ou norvégienne) ou ressortissants
de l’un des Etats membres de l’Union européenne, le reste
étant issus de pays tiers (5%) ou de nationalité inconnue
(13%). Le tableau est toutefois différent à Copenhague, où
20% des sans-abri étaient ressortissants d’Etats tiers (hors
Union européenne) et 27% de nationalité inconnue. Vincenti
(2001) précise que près de 90% des sans-abri issus de minorités ethniques recensés en 1999 l’avaient été à Copenhague,
Frederiksborg et Aarhus, ce qui tend à indiquer que le problème des sans-abri d’origine non communautaire est jusqu’ici essentiellement l’apanage des grandes agglomérations. A Copenhague même, aucune minorité ethnique n’est
surreprésentée, à l’exception peut-être des Somaliens.
Malgré des différences liées aux catégories utilisées pour définir le sans-abrisme, les données en provenance des autres
pays illustrent le même aspect de la mondialisation. En
Flandre, 85,5% des usagers sont de nationalité belge. En
France, 71% d’entre eux selon l’INSEE et 82% selon l’OSC
possèdent la nationalité française. Il est assez étonnant de
constater que, selon les résultats de l’enquête de l’INSEE, près
de 30% des sans-abri sont étrangers, d’autant que, comme
nous l’avons déjà indiqué, cette enquête ne tenait pas compte
des étrangers allophones. Aux Pays-Bas, l’étude nationale
indique que 59% “seulement” des sans-abri interrogés sont
d’origine néerlandaise4, alors que ce pourcentage est encore
nettement inférieur dans les grandes agglomérations: 41% à
Amsterdam, 46% à Rotterdam et 48% à La Haye. On peut
donc affirmer que les Pays-Bas se caractérisent également par
une distribution géographique inégale des minorités ethniques
parmi les sans-abri, accompagnée d’une prédominance marquée dans les centres urbains. La dimension urbaine de l’incidence du sans-abrisme au sein des minorités ethniques est
également manifeste en Flandre et en France.
3 On est en droit de le supposer puisque les usagers des services
de neuf organismes sont majoritairement de sexe féminin (Den
Sociale Ankestyrlse, 2003).
4 Les études néerlandaises sont muettes en ce qui concerne la
nationalité. Par contre, des informations ont été collectées à propos du lieu de naissance des sans-abri et de leur parents.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Bien que les informations détaillées concernant la nationalité
des sans-abri soient rares, elles montrent que les immigrés
de plus longue date forment une part appréciable de la population sans-abri dans des pays tels que la Belgique et les
Pays-Bas. En d’autres termes, les sans-abri européens d’origine étrangère ou issus de l’immigration ne sont pas tous
demandeurs d’asile ou immigrés récents. Dans les villes néerlandaises d’Utrecht et de Rotterdam, par exemple, quelque
10% des sans-abri interrogés sont d’origine marocaine. Ils
sont également les plus nombreux parmi les sans-abri étrangers en Flandre (Van Menxel et al, 2003). Ce constat peut sembler étonnant dans la mesure où le Coran prescrit aux musulmans d’ouvrir la porte de leur foyer à toute personne dans le
besoin (voir Kesteloot et Meert, 2000). Il est vrai que les sansabri d’origine marocaine sont peu visibles dans la rue en Belgique. On est toutefois en droit de penser que les marocaines
mariées de force, en particulier, sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers les refuges pour femmes lorsqu’elles
sont confrontées à des problèmes de couple. Cette hypothèse
est d’ailleurs étayée par le constat que, parmi les sans abri
non belges en Flandre, on rencontre un nombre élevé de
femmes et de jeunes gens de moins de 30 ans.
Les études espagnoles les plus récentes évoquant la dimension ethnique du sans-abrisme mentionnent, elles aussi, une
proportion relativement élevée d’étrangers parmi les sansabri. Ces études ont été menées à Madrid et relèvent un pourcentage d’allochtones allant de 23% (Muñoz et al, 2003) à
30% (Cabrera et Rubio, 2003).
Education
Des données détaillées à propos du niveau d’études des personnes sans-abri sont disponibles dans trois pays: la Belgique (Flandre), la France et les Pays-Bas. Comme le montre
le Graphique n°2 comparant la Belgique néerlandophone à la
France, le niveau d’études des personnes sans-abri est nettement inférieur à la moyenne nationale. Ce tableau illustre
également un certain nombre de nuances pertinentes.
Graphique n°2 Niveau d’études des personnes
sans-abri rapporté à la moyenne nationale
en France et en Belgique néerlandophone
en 2002
Supérieur
Secondaire
Primaire
100%
France
Flandre
75%
50%
25%
SYNTHÈSE
Bien que les remarques qui précèdent se fondent sur des données issues de définitions et de méthodologies différentes en
matière de travail avec les sans-abri, elles permettent quelques
déductions communes. Premièrement, dans leur grande majorité, les personnes sans-abri vivent seules. Ensuite, l’âge
moyen des sans-abri est d’environ 40 ans. Enfin, le pourcentage de certains publics dans la population des sans-abri
dépend des services et des profils de sans-abrisme pris en
compte dans la réalisation des enquêtes. Ce constat est particulièrement pertinent en ce qui concerne le pourcentage de
femmes sans-abri. En Flandre, où les enquêtes tiennent
compte de la population des refuges pour femmes, elles représentent un tiers des sans-abri alors qu’elles ne représentent
que 13% de l’échantillon national néerlandais. La part des
étrangers et des minorités ethniques dans la population sansabri varie également selon les définitions utilisées. Aux PaysBas, où il a été tenu compte de l’origine des personnes dans
l’étude nationale (qu’elles aient ou non demandé et/ou obtenu
la nationalité néerlandaise depuis), la part des minorités ethniques monte à environ 40%, contre 15% seulement en
Flandre, où la nationalité est le seul critère de différenciation et
où il a par ailleurs été tenu compte des chiffres concernant les
sans-abri accueillis en logement accompagné. Ces remarques
montrent une nouvelle fois que la prudence s’impose dans
toute comparaison des situations nationales.
12
0%
Sans-abri
Population
générale
Sans-abri
Population
générale
Sources:
France: Enquête de l’OCS (2002) et recensement national de 1999;
Flandre: Steunpunt Algemeen Wonen (2002) et recensement national de 1991.
Le niveau d’études des sans-abri accueillis en refuge est particulièrement bas en France: 56% d’entre eux ont quitté
l’école au mieux à la fin de leurs études primaires, contre
“seulement” 29% aux Pays-Bas et 34% en Flandre.
Les données flamandes révèlent également que les femmes
sans-abri vont légèrement plus loin dans les études que leurs
homologues masculins. Les enquêtes néerlandaises montrent quant à elles que le niveau d’études est particulièrement
bas dans les quatre grandes agglomérations. Pourtant, il
n’existe à première vue aucune corrélation directe entre ce
constat et la présence de minorités ethniques dans les
grands centres urbains. C’est ainsi qu’à Utrecht, on a recensé
une proportion moindre de sans-abri issus de minorités ethniques (40%) que dans l’étude nationale (41%), alors que
c’est dans cette ville que l’on rencontre les niveaux d’études
les plus bas, avec La Haye, où environ la moitié des sansabri recensés sont pourtant issus de minorités ethniques.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Toujours en ce qui concerne les niveaux d’études rencontrés,
les enquêtes espagnoles relèvent d’importantes disparités
liées d’une part à la formulation des questions portant sur le
niveau d’étude des personnes interrogées et d’autre part à la
manière dont ces niveaux sont comparés aux divers cycles
d’enseignement obligatoire en Espagne pour tenir compte de
leur évolution dans le temps. En effet, alors que l’obligation
scolaire s’arrêtait à l’enseignement primaire (10 ans) jusqu’à
la fin des années soixante-dix, elle est passée à 14 puis à 16
ans au cours des décennies suivantes. Or, les enquêtes ne
précisent pas toujours clairement ce que l’on entend par
“enseignement primaire”. Toutefois, si l’on s’en tient à ce que
l’on peut considérer comme l’enseignement obligatoire, le
niveau d’études des sans-abri s’est amélioré depuis vingt ou
trente ans. A l’époque, étant donné le contexte national de
pauvreté et de sous-développement, les sans-abri n’avaient
que rarement fréquenté l’école durant l’enfance. Aujourd’hui,
ce sont surtout l’échec et le décrochage scolaire liés à des
facteurs plus familiaux et personnels qu’économiques qui
expliquent le faible niveau d’études des sans-abri. En d’autres
termes, alors que par le passé les sans-abri espagnols
n’avaient pas accès à la scolarité, ils quittent aujourd’hui précocement l’environnement scolaire parce qu’ils ont échoué
dans leurs études ou les ont tout simplement abandonnées.
Au Luxembourg, les prestataires de services indiquent que le
niveau d’études atteint par leurs jeunes usagers est faible. Ils
ont pour la plupart quitté leur parents suite à des tensions familiales et n’ont souvent pas terminé leurs études secondaires.
On est en droit de penser que le décrochage scolaire est au
moins en partie responsable des difficultés qu’ils rencontrent
pour trouver un emploi stable et rémunérateur. Ils éprouvent
également les pires difficultés pour obtenir le droit au revenu
minimum garanti car l’âge requis pour y accéder est fixé à 25
ans. Ce qui nous amène à aborder un autre aspect du profil
des sans-abri en Europe: leur statut socioéconomique.
Emploi, revenus et situation financière
En effet, comme on le pense généralement, le corollaire d’un
faible niveau d’études chez les personnes sans-abri est généralement un taux élevé d’inactivité, de chômage et d’emplois
peu rémunérateurs déclarés ou parallèles. Les données fournies par le Danemark, les Pays-Bas, la France, le Luxembourg
et la Belgique le confirment. Malheureusement, les informations concernant la dimension socioéconomique du sansabrisme font défaut dans les études espagnoles, c’est pourquoi il est impossible d’aborder la sphère méditerranéenne.
Au Danemark, les personnes sans-abri recensées en 2002
tirent l’essentiel de leurs revenus d’allocations diverses liées
à l’assistance sociale (39%) et aux pensions de retraite
sociales (23%). Seuls 3% d’entre eux occupent un emploi
rémunéré.
Au Pays-Bas, à l’exception de la ville de La Haye, aucune
des enquêtes prises en compte dans le présent rapport ne
propose de données actuelles ou historiques concernant
l’emploi. Quelques publications ciblées éclairent toutefois
quelque peu cette dimension du sans-abrisme aux Pays-Bas.
A La Haye, 36% des personnes sans-toit ont indiqué avoir
occupé un emploi au cours des douze derniers mois et 5%
avaient un travail au moment de l’enquête 5. Les autres données sont extrapolées à partir d’informations concernant les
revenus ou les activités quotidiennes des personnes interrogées. Plus de la moitié de l’échantillon de personnes vivant
dans la rue interrogées à Utrecht étaient sans emploi depuis
au moins trois ans et 80% n’avaient pas exercé d’activité professionnelle depuis plus d’un mois. Les chiffres concernant
les sans-abri de Rotterdam sont similaires puisque près de
70% d’entre eux sont actuellement sans emploi. Seuls 5%
des sans-abri fréquentant un centre d’aide sociale (n=309)
occupaient un emploi rémunéré. La majorité (85%) n’avaient
pas d’activités quotidiennes régulières (Van Erp et Wolf,
1997). Aucune des 90 personnes ayant consulté un centre
médical pour sans-abri de Groningen (l’une des grandes villes
du nord des Pays-Bas) n’avait d’emploi ni d’activités journalières structurées (Lohuis et al, 1998). Une autre étude a montré que la plupart des personnes sans-abri interrogées étaient
sans emploi depuis au moins trois ans, qu’elles avaient souvent perdu leur emploi à cause de problèmes de boisson ou
de drogues et qu’elles passaient leur temps à lire, à regarder
la télévision ou à se promener (pour combattre le froid). La
moitié d’entre elles ont déclaré s’ennuyer parfois, voire souvent (Polstra, 1998). Sur 19 sans-abri accueillis dans des
structures amstellodamoises et interrogés dans le cadre
d’une enquête, beaucoup ont affirmé jouer aux échecs ou
aux cartes, regarder la télévision, nettoyer, écouter de la
musique ou s’adonner à d’autres activités de ce type simplement pour tuer le temps. Selon Greshof & Wevers (1999),
ces activités incluent également la pêche, la marche ou
encore “aller au marché” ou “boire un coup”.
En France, il est peu surprenant de constater que les personnes sans-abri interrogées dans le cadre de l’enquête de
l’OCS présentaient un taux d’intégration professionnelle
supérieur à celui des usagers des services de repas chaud et
des centres d’hébergement d’urgence interrogés par l’INSEE.
En Flandre, 31% des personnes qui se présentent dans un
centre d’accueil ne disposent d’aucun revenu. C’est également
le cas de 18% des personnes qui prennent pour la première
fois contact avec une structure de logement accompagné
(Van Menxel et al, 2003). En outre, 21,5% des 273 personnes
interrogées en Flandre ont indiqué être employées durant leur
séjour en centre d’accueil. Le taux d’emploi des femmes est
de 15,7% seulement, contre 24,3% pour les hommes. Une
analyse approfondie des données disponibles révèle en outre
que 10% des personnes qui affirment occuper un emploi ont
en fait une activité occasionnelle et non déclarée. Seuls
40% des actifs ont signé un contrat avec un employeur hors
du cadre d’un programme d’intégration soutenu par l’Etat. Il
n’y a rien de révolutionnaire à affirmer que la situation financière des personnes sans-abri est généralement mauvaise.
5 Dans la méthodologie néerlandaise, “travail” désigne également
les emplois à la limite de la légalité.
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Il est par contre plus surprenant de constater qu’ils sont pour
la plupart engagés dans une lutte constante pour obtenir des
allocations auprès des sources les plus diverses et ensuite
pour conserver ces revenus, ce qui leur impose souvent de
recourir à des stratégies de survie. Aux Pays-Bas, de nombreuses études montrent que même si la plupart des personnes sans-abri perçoivent théoriquement des revenus de
remplacement, elles éprouvent souvent des difficultés à les
toucher réellement (Deben et Greshof, 1995; Broër et van
Waveren, 1997 et Broër, 1997) voire à les conserver pour leur
propre usage car elles sont souvent obligées d’en consacrer
une partie au remboursement de dettes contractées par
exemple auprès de leur mutuelle d’assurance, du propriétaire
de leur (ancien) logement ou de la sécurité sociale. Vivre dans
la rue n’est pas bon marché, d’autant que la situation financière de nombreux sans-abri se complique encore de problèmes d’alcoolisme et/ou de toxicomanie. Ils sont ainsi bien
souvent sans argent ou réellement pauvres (Snel et Engbersen, 1996; Roorda-Honée, 1997). La participation financière
exigée des sans-abri résidant en centre d’accueil résidentiel
en décourage certains de demander à en bénéficier car, ajoutés au remboursement de leurs dettes et/ou amendes, leurs
frais d’hébergement ne leur laissent bien souvent que
quelques euros de revenus disponibles par semaine. En
outre, il n’est pas rare que les centres d’accueil exigent de
superviser le budget et les dépenses de leurs résidents (Greshof et Wevers, 1999).
Parce qu’ils sont en manque chronique d’argent, les sansabri ont recours à ce qu’on appelle des “stratégies de survie”:
il cherchent à manger, à se vêtir et à se loger gratuitement le
plus souvent possible, utilisent les transports en commun
sans s’acquitter du montant du billet, font “la manche” ou
vendent des journaux de rue. Ils sont aussi relativement nombreux à pratiquer le vol, le cambriolage, le recel et le commerce de la drogue (Van Doorn, 1994; Reinking et Kroon,
1998). La plupart cherchent à emprunter de l’argent à leurs
compagnons d’infortune, encore qu’ils n’aient pas tous les
relations interpersonnelles nécessaires pour envisager cette
pratique (Snel et Engbersen, 1996). On peut brosser le même
tableau concernant Bruxelles, où les stratégies de survie des
sans-abri (voir Meert 2000) consistent plus concrètement, par
exemple, à s’établir informellement comme ferrailleur et à
ramasser le fer et l’acier usagés sur des chantiers de
construction pour les revendre ensuite à des sociétés spécialisées dans le recyclage et installées dans la zone industrielle du canal, à travailler “au noir” (comme “petite main” ou
comme maçon) sur des chantiers de construction en ville ou
en périphérie bruxelloise, à travailler, toujours au noir, dans
des ateliers de réparation et de vente de véhicules d’occasion
ou encore à aider les cirques et les manèges forains à monter et démonter leur infrastructure temporaire dans la ville.
L’analyse des résultats des enquêtes menées aux Pays-Bas
indique que les prestations sociales constituent la première
source de revenus de la majorité des sans-abri néerlandais
interrogés. Les chiffres de l’échantillon national montrent en
effet que les trois quarts de l’effectif de l’étude dépendent
principalement d’une aide financière publique, ce pourcentage variant de 65% à 84% selon les villes.
14
Par contre, les revenus tirés d’activités illégales varient considérablement d’une étude à l’autre. L’étude nationale parle de 20%
de sans-abri ayant des revenus d’origine douteuse, contre un tiers
de l’échantillon de personnes vivant dans la rue à Utrecht et la
moitié de ceux de La Haye. Il est possible que ces variations
soient directement liées à la période à propos de laquelle les
personnes interrogées étaient invitées à s’exprimer: l’étude de
La Haye portait sur les revenus de l’année précédente alors que
les personnes interrogées dans le cadre de l’étude nationale
étaient sensées parler de leur situation au moment de l’enquête.
Les revenus des sans-abri néerlandais sont également issus
du travail et d’autres sources. Plus d’un sans-abri sur dix
(14%) de l’échantillon national occupait un emploi stable au
moment de l’enquête et 13% vendaient un journal de rue à la
criée. Quant aux sans-abri d’Amsterdam, la majorité d’entre
eux gagnaient leur vie légalement comme vendeurs de journaux ou musiciens de rue. Comme nous l’avons déjà indiqué,
environ un tiers des personnes vivant dans la rue interrogées
à La Haye occupaient un emploi rémunéré (36%) tandis qu’un
autre tiers possédaient des revenus d’une autre provenance.
Il est difficile de comparer les informations concernant les revenus des personnes sans-abri de l’échantillon de Rotterdam
avec les informations du même type issues d’autres enquêtes
car les questions posées portaient sur la principale source de
revenus par opposition aux sources de revenus variées analysées dans les autres études. C’est ainsi que peu de sans-abri
évoquent d’autres revenus que les prestations sociales: 9%
parlent d’une activité professionnelle informelle ou non déclarée, 7% affirment occuper un emploi stable et 12% mentionnent d’autres activités telles qu’un emploi accompagné, la prostitution, la mendicité ou le commerce de substances illicites.
Comme le montre le Graphique n°3, lorsqu’on demande aux
usagers des centres d’accueil et des refuges pour femmes de
Flandre d’indiquer quelle est leur principale source de
revenu, l’activité professionnelle n’arrive qu’en quatrième
position (12%) derrière les allocations de chômage (27%), le
revenu minimum garanti (21%) et les prestations de la caisse
d’assurance maladie invalidité (18%).
Graphique n°2 Sources de revenus
des sans-abri en Flandre en 2002
(N = 273, source: Van Menxel et al 2003)
Prestations
d’assurance
maladie-invalidité
17,8
Revenu minimum
garanti
20,9
Prestations versées
par un service
public local
5,7
Revenus de
remplacement
pour personnes
handicapées
5
Aucun revenu
2,3
Allocations
de chômage
26,6
Emploi
11,8
Divers (pension de retraite,
soutien familial, etc.)
9,9
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Les études espagnoles portent essentiellement sur l’incidence du chômage parmi les sans-abri. Bien que la définition
du chômage ne soit pas très claire, les plus récentes livrent
des pourcentages allant de 86% à 98%.
Comme en Belgique et aux Pays-Bas, les sources de revenus sont très diversifiées en France parmi les usagers des
services de repas chauds et des centres d’hébergement d’urgence. L’enquête de l’INSEE montre que 60% des personnes
sans-abri bénéficient de prestations sociales6 et que, pour
18% d’entre elles, il s’agit même de la seule source de revenus. Cette enquête révèle également que 10% de la population sans-abri ne dispose d’aucun revenu régulier: 5% dépendent des organisations caritatives, 2% excipent des services
publics de redistribution des moyens d’existence et 2%
encore survivent uniquement grâce à l’aide de leurs proches.
Les deux études néerlandaises jettent un éclairage sur la
question de l’endettement des sans-abri. A Utrecht, 58% des
personnes interrogées ont déclaré être endettées, dont 24%
à hauteur de 10 000 euros ou plus. A Rotterdam, 44% des
sans-abri sondés ont reconnu être endettés, dont 21%
devaient plus de 10 000 euros. Reinking et Kroon (1998) rapportent que “près des trois quarts des sans-abri d’Utrecht
vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire que leurs
revenus mensuels sont inférieurs à 1 300 florins (± 590 euros).
La moitié des sans-abri allocataires sociaux touchent moins
de 800 florins par mois (± 365 euros) à cause du caractère
dégressif des aides et de l’obligation de rembourser leurs
dettes. Les gens sont évasifs quand on leur demande d’en
parler. Ils ne savent pas ou ne veulent pas savoir à quel point
ils sont endettés. Certains affirment ne pas l’être parce qu’ils
ne considèrent pas comme des dettes les impayés de
longues dates tels qu’amendes, arriérés de loyer ou prestations sociales indûment perçues. On estime que 58% des
personnes sans-abri sont endettées à un niveau connu plus
ou moins précisément et que pour un quart d’entre elles, la
dette atteint, voire dépasse les 10 000 florins (4 545 euros).”
En Flandre, 59% des 273 personnes interrogées reconnaissent être endettées, sans toutefois fournir davantage de détail.
Ces données laconiques tendent à indiquer que la moitié environ des sans-abri sont endettés, dont la moitié lourdement.
Parcours personnels
et situation actuelle des sans-abri
La situation actuelle des personnes sans-abri, de même que
leur avenir au plan du logement et leur parcours social personnel (en particulier leur jeunesse), constituent bien évidemment des éléments essentiels de tout exercice de profilage des sans-abri en tant que population. Les informations
sur ces thématiques ont principalement été collectées dans
le cadre des enquêtes néerlandaises. Quelques idées sont
également issues des études françaises et flamandes.
Aux Pays-Bas, rares sont aujourd’hui les personnes sans-abri
qui sont littéralement “à la rue” pendant une période prolongée. Le public de sans-abri extrêmes est relativement peu
nombreux. Une évaluation assez ancienne cite une fourchette
allant de 1 000 à 3 000 personnes (De Feijter et Radstaak,
1994). Et, même au sein de ce public, nombreux sont ceux
qui fréquentent plus ou moins régulièrement les centres d’hébergement d’urgence, vont de refuge en refuge ou alternent
les séjours en logement de fortune et dans la rue (NRV, 1993;
Van Doorn, 1994; Polstra, 1998 et Wolf et al, 2002).
Les études analysées ici reflètent le tableau brossé ci-dessus.
Les échantillons d’Utrecht et de La Haye mentionnent qu’environ 40% des personnes vivant dans la rue avaient principalement dormi dans la rue au cours du mois précédant l’enquête (42% à Utrecht; 41% à La Haye) tandis que les 60%
restants avaient séjourné en centre d’hébergement d’urgence
(35% à Utrecht; 23% à La Haye), avaient été accueillis temporairement chez des amis (5% à Utrecht; 22% à La Haye)
ou avaient trouvé une autre logement (15% à Utrecht; 10% à
La Haye). A Rotterdam, 14% seulement des personnes sansabri composant l’échantillon avaient passé un grand nombre
de nuits dans la rue durant le mois précédant l’enquête. Les
autres avaient principalement fréquenté les refuges, les foyers
semi permanents pour sans-abri de l’agglomération (37%) ou
avaient logé ailleurs (26%). Le paysage est très semblable à
Amsterdam, où 26% des personnes avaient principalement
dormi dans la rue et 33% avaient eu recours aux services des
centres d’hébergement d’urgence. Les résultats de l’étude
nationale confirment ceux des enquêtes locales: 46% des
sans-abri avaient passé une moyenne de sept nuits à la belle
étoile durant le mois précédant l’enquête. En outre, à Rotterdam, un cinquième de l’échantillon avait logé treize nuits ou
plus dans les structures d’accueil semi permanent de la ville
durant le mois précédant l’enquête, soit un pourcentage nettement plus élevé qu’à La Haye. Cette différence, et d’autres,
s’explique en grande partie par les variations constatées dans
la capacité d’accueil nocturne.
Les habitudes de logement irrégulières, instables, sont peutêtre plus typiques encore des sans-abri que l’absence pure
et simple de logement (Van Doorn, 1994; Deben et al, 1997;
Greshof, 1997 et Jansen et al, 2002). A Amsterdam, près de
la moitié des personnes sans-abri disposaient d’un point de
chute fixe, soit dans la rue, soit dans un refuge, soit encore
chez des connaissances. Les autres allaient d’un logement
de fortune à un autre. A Utrecht, les deux tiers des sans-toit
avaient changé d’endroit à plusieurs reprises au cours du
mois précédant l’enquête. Pour en revenir à Rotterdam, on a
constaté que le profil des personnes sans-abri se caractérise
par l’instabilité et la mobilité: au cours du mois précédant
l’enquête, près de la moitié d’entre eux avaient changé de
logement au moins une fois par semaine et au cours des
douze derniers mois, 70% des sans-abri interrogés avaient
logé dans au moins trois endroits différents.
6 Il est important de rappeler ici que l’enquête de l’INSEE ne tenait
aucun compte des étrangers non francophones et que ceux-ci
ne peuvent bénéficier de tous les droits liés à la citoyenneté.
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La durée du sans-abrisme s’établit en moyenne dans une fourchette de trois ans et demi à six ans. C’est parmi l’échantillon
de personnes sans-abri interrogées à Rotterdam que l’on trouve
la durée la plus courte. Suivent les personnes vivant dans la rue
à La Haye (4,9 ans), à Utrecht (5,6 ans) et ceux de l’enquête
nationale (6 ans). Il est donc peu surprenant de constater que
l’immense majorité des sans-abri interrogés dans le cadre de
ces cinq études étaient sans-abri de longue date. Le pourcentage de sans-abri “récents” (moins d’un an) s’établit entre 20%
et 33% (voir le Graphique n°4 pour une comparaison des données issues des échantillons de personnes vivant dans la rue à
La Haye, de sans-abri de Rotterdam et de l’étude nationale).
Il semble que plus le sans-abrisme dure, plus la réinsertion
sociale des personnes sans-abri devient problématique. Van
Doorn (1994) constate que 67% des 60 personnes prises en
compte dans son étude avaient chacune passé au moins un an
“dans la rue” au cours de leur existence et que 15% cumulaient
plus de dix ans de sans-abrisme. Près de la moitié des personnes interrogées résident plus ou moins longtemps au même
endroit mais se retrouvent régulièrement sans logement. Plus
de la moitié des personnes composant l’échantillon de l’enquête
d’Utrecht ont connu au moins deux épisodes de sans-abrisme.
En ce qui concerne la durée du sans-abrisme en Espagne, on
peut indiquer qu’environ 60% à 70% des personnes interrogées dans le cadre des diverses études étaient sans logement
depuis au moins un an. Environ 20% des sans-abri avaient
recours aux distribution de repas et de vêtements ou aux
refuges disponibles, passaient régulièrement la nuit dans la rue
et peuvent dont être considérés comme des personnes vivant
dans la rue. Pour ce qui concerne l’étude réalisée à Séville, on
constate que le pourcentage de ces exclus extrêmes atteint
environ un tiers de l’échantillon local, ce qui peut sembler
curieux au premier abord. Toutefois, cette dichotomie s’explique peut-être à la fois par la méthodologie méticuleuse
consistant à aller à la rencontre des sans-abri dans la rue et par
les conditions météorologiques clémentes de la région.
En Flandre, où l’échantillon se composait de personnes fréquentant les centres d’accueil et le logement accompagné, les
deux tiers des sans-abri avaient déjà fréquenté, par le passé,
un centre d’accueil ou un autre. C’est manifestement davantage le cas pour les hommes (74%) que pour les femmes
Graphique n°4 Durée du sans-abrisme
aux Pays-Bas
(informations recueillies entre 1998 et 2002;
sources: Reinking et al, 2001; Jansen et al, 2002 et De Bruin et al, 2003)
5 ans ou plus
de 1 à 5 ans
moins d’1 an
100%
37
33
40
43
46
42
20
21
18
Personnes vivant dans
la rue à Rotterdam
Exclusion
nationale
75%
50%
25%
0%
Personnes vivant dans
la rue à La Haye
(48%). Les institutions les plus fréquentées sont les instituts
psychiatriques (34%), les prisons (33%) et les centres de protection de la jeunesse (27%). L’étude a également montré que
plus de la moitié des personnes occupant un logement accompagné ou accueilles en centre d’hébergement au moment de
l’enquête n’en étaient pas à leur premier séjour dans une institution de ce type. Ici encore, davantage d’hommes (60%) que
de femmes (46%) connaissent des séjours répétés.
Le Graphique n°5 propose une synthèse des difficultés qu’ont
rencontrées, au cours de leur jeunesse, les personnes sansabri recensées dans le cadre de l’enquête de l’OCS. Plus d’un
tiers d’entre eux ont été confrontés à de sérieux problèmes
avec leurs parents, environ un quart ont connu de graves problèmes de santé, 28% ont déclaré avoir été victimes de maltraitance (10% évoquent même des abus sexuels) et un cinquième ont connu le placement dans une famille d’accueil ou
dans une institution spécialisée dans l’accueil des enfants.
Graphique n°5 Difficultés rencontrées durant leur jeunesse par les personnes sans-abri en France (2002)
(Source: Enquête de l’OCS)
50%
OCS/FNARS Personnes en détresse 2000-2001
38%
40%
33%
33%
33%
28%
30%
25%
20%
20%
10%
0%
Problèmes
d’argent dans la
famille
16
Problèmes
de santé des
parents
Conflit grave
avec les parents
Divorce
ou séparation
des parents
Problèmes
de santé
personnels
Maltraitance
Placement en
famille d’accueil
ou en institution
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Etat de santé (dépendances,
état psychiatrique, mortalité, etc.)
Les enquêtes néerlandaises, françaises et flamandes consacrent une attention toute particulière aux problèmes de santé
des personnes interrogées. Elles distinguent les problèmes
physiques, les troubles mentaux et les dépendances. Les
études danoises et espagnoles abordent également les questions de santé mais de manière moins explicite (pour l’Espagne, les seules informations rassemblées concernent les
dépendances). Les chiffres danois portent également sur la
mortalité, qui compte parmi les critères les plus objectifs en
matière de “santé”.
Aucune information quantitative spécifique n’est malheureusement disponible à propos de la situation actuelle au
Luxembourg. Toutefois, des rencontres avec les structures
de prise en charge ont permis de dégager certaines tendances qui sont abordées ci-dessous.
TROUBLES PHYSIQUES
Les troubles de la santé des personnes sans-abri constituent
une problématique à propos de laquelle la littérature est
abondante aux Pays-Bas. En ce qui concerne leur état de
santé physique, il est généralement considéré comme mauvais. En outre, les personnes vivant dans la rue sont encore
plus mal loties que les sans-abri qui fréquentent les refuges
(NRV, 1993; Gezondheidsraad, 1995). Chez les sans-abri, l’incidence des pathologies de type respiratoire, dermatologique
(gale, plaies infectées aux pieds), moteur, gastro-intestinal,
neurologique et infectieux est supérieure à celle de la population générale (Gezondheidsraad, 1995; Roorda-Honée et
Heydendael, 1997; Dekker et al, 1994 et Reinking et Kroon,
1998). La consommation de médicaments est très élevée
(Roorda-Honée et Heydendael, 1997). Les causes de ce
piètre état de santé sont: une mauvaise alimentation, la
consommation d’alcool et de drogues, le tabagisme excessif ainsi que le manque d’hygiène et de suivi médical (Deben,
1993; Dekker et al, 1994 et Gezondheidsraad, 1995).
Les rapports néerlandais mettent également l’accent sur le fait
que l’incidence des maladies infectieuses est particulièrement
élevée à cause non seulement du manque d’hygiène mais
aussi de la promiscuité qui règne par exemple dans les centres
et hospices de jour et de proximité. La prévalence de la tuberculose au sein de la population sans-abri, entres autres à
Amsterdam, est supérieure à celle de la population générale
(Gezondheidsraad, 1995). Aucun évaluation n’est encore disponible concernant le nombre de sans-abri séropositifs ou au
sida déclaré, pas plus qu’on ne connaît précisément le risque
d’infection que court la population sans-abri (Roorda-Honée et
Heydendael, 1997). D’aucuns considèrent que les personnes
fortement dépendantes de la drogue et/ou présentant un
double diagnostic constituent une population à risque.
Toutefois, les enquêtes néerlandaises étudiées n’abordent pas
systématiquement les problèmes de santé physique de la
même manière: certaines études décrivent des symptômes
tandis que les autres abordent les pathologies des divers
appareils du corps humain (cardiovasculaire, circulatoire, etc.).
Invitées à s’exprimer à propos de leurs symptômes, plus de
la moitié des sans-abri interrogés à Rotterdam ont indiqué être
au moins occasionnellement fatigués ou manquer d’énergie.
Près d’une personne sur deux parle de manque d’appétit et
de douleurs musculaires. En moyenne, les personnes interrogées ont coché trois ou quatre des dix symptômes proposés.
Les personnes composant l’échantillon des études menées à
Utrecht et à La Haye étaient quant à elles invitées à relier leurs
symptômes à des affections systémiques. Les réponses les
plus fréquentes concernaient l’appareil musculo-squelettique
(18% à Utrecht et 26% à La Haye), suivi des voies respiratoires (13% à Utrecht et 16% à La Haye). A La Haye, les problèmes dentaires sont également évoqués. Il s’agit même de
la pathologie la plus fréquente puisqu’elle concerne près de
la moitié des personnes interrogées.
Les études réalisées aux Pays-Bas montrent également que
les personnes sans-abri ne sont pas systématiquement couvertes par une assurance maladie et qu’elles n’ont pas toutes
accès aux soins de santé. Certaines n’ont pas droit aux prestations sociales et se voient donc refuser l’assurance de soins
de santé. Quant aux allocataires sociaux, certains ne sont
pas inscrits auprès d’une mutuelle d’assurance santé parce
qu’elles sont endettées. Il ressort des enquêtes analysées
dans le cadre du présent rapport qu’environ 25% à 30% des
sans-abri ne sont pas assurés (Van Waveren et al, 1990; Dekker et al, 1994; Roorda-Honée et Heydendael, 1997; Reinking et Kroon, 1998 et Korf et al, 1999).
Les données concernant les problèmes de santé physique des
sans-abri en France ont été réunies lors de l’enquête de l’INSEE réalisée en 2001 (auprès des usagers des services de
repas chaud et des centres d’hébergement d’urgence). De
manière générale, les personnes sans-abri paraissent souffrir de
migraine, d’infections des voies respiratoires ainsi que de
diverses maladies et des suites d’accidents graves. En outre,
les femmes semblent être davantage confrontées que les
hommes aux affections liées à l’alimentation tandis que l’on
constate chez ces derniers une incidence accrue de problèmes
de tension artérielle et de pathologies osseuses et articulaires.
L’étude réalisée en Flandre a permis de déterminer que l’incidence des troubles physiques et mentaux est étroitement liée
à l’âge: les jeunes sans-abri sont plus souvent confrontés aux
problèmes psychiatriques que leurs aînés. Les problèmes de
santé des sans-abri âgés ne sont d’ordre psychiatrique que
dans 28% des cas, alors qu’ils le sont chez 66% des jeunes
(voir le Graphique n°6). Parmi les pathologies physiques le plus
souvent citées, on trouve surtout des affections chroniques.
Le handicap (mental et/ou physique) revient aussi assez fréquemment. Les conclusions de cette étude mettent également
en lumière des différences patentes entre les sans-abri des
deux sexes (voir également le Graphique n°6). Les hommes
sans-abri présentent ainsi plus souvent un handicap physique
que les femmes, tandis que l’on constate chez ces dernières
une incidence plus élevée de cancers (Van Menxel et al, 2003).
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Graphique n°6 Typologie des troubles de la santé par tranche d’âge et par sexe
rapportés à la population générale en 2002 en Flandre
(Source: Van Menxel et al 2003)
100%
Tuberculose, cancer et autres
Séropositivité/sida et maladies
transmises sexuellement
Affections chroniques
Troubles psychiatriques
Handicap physique ou mental
75%
50%
25%
0%
– 21
21-50
51 +
Hommes
TROUBLES MENTAUX
Le tableau des troubles cliniques de la population sans-abri
de Flandre souligne d’ores et déjà l’importance des troubles
psychiatriques, considérés depuis de nombreuses années
comme l’une des premières sources de sans-abrisme. Ce fut
particulièrement le cas au cours des années quatre-vingt lors
de la réorganisation des services psychiatriques qui a entraîné
la fermeture de nombreux hôpitaux et asiles. Il est impossible,
sur la foi des informations disponibles, d’avancer une estimation fiable de la prévalence des troubles mentaux au sein
des populations sans-abri du Danemark et des Pays-Bas.
Deux des projets de recherches néerlandais ont toutefois
relevé deux types de troubles mentaux (dépression et schizophrénie) à l’aide d’outils d’évaluation normalisés. Un dépistage de la dépression a été effectué au sein des échantillons
d’Utrecht et de La Haye à l’aide d’un outil de diagnostic mis
au point par Schrijvers et al (1997) et dérivé du CIDI (Composite International Diagnostic Interview), dont la méthodologie
consiste à demander aux personnes si elles ont présenté, au
cours des six mois précédant l’entretien, un ou plusieurs
symptômes de dépression parmi un éventail restreint de
quatre. Dans le cadre des études qui nous intéressent, un diagnostic de dépression a été posé pour les personnes qui ont
obtenu un score d’au moins trois sur quatre. En ce qui
concerne la schizophrénie, les données portent sur la prévalence des troubles schizophréniques et autres troubles d’ordre
non psychoaffectif au cours des six mois précédant l’enquête.
18
Femmes
Population générale
Ainsi, à Utrecht, un diagnostic de dépression a été posé chez
un tiers des personnes sans-abri de l’échantillon tandis que
15% d’entre elles présentaient des troubles schizophréniques. A La Haye, la prévalence de la dépression au cours
des six mois ayant précédé l’enquête atteignait 29%. Par
contre, la prévalence de la schizophrénie était nettement
moindre (5%). Un double diagnostic (troubles psychiatriques
associés à une assuétude à l’alcool ou à la drogue) a été posé
dans 24% des cas à La Haye et dans 26% à Utrecht. Les
pourcentages de double diagnostics parmi les sans-abri
interrogés dans le cadre des autres études variaient entre
25% et 30% (Van Doorn, 1994; Reinking et Kroon, 1998 et
Korf et al, 1999).
Au Luxembourg, les prestataires de services présentent les
désordres de la personnalité comme étant l’une des caractéristiques des usagers de leurs services. Les données quantitatives françaises, tirées de l’enquête de l’INSEE, ne proposent pas d’informations détaillées concernant les troubles
psychiatriques. Un quart des personnes interrogées dans le
cadre de cette étude indiquent qu’elles sont fréquemment
déprimées. En général, plus le séjour dans la rue est long,
plus l’incidence de la dépression est élevée. On rencontre
jusqu’à un tiers de sans-abri dépressifs parmi ceux qui sont
sans logement depuis un an ou plus. L’enquête de l’INSEE
souligne également qu’un quart des personnes sans-abri
hospitalisées le sont pour des troubles psychologiques.
Enfin, en Espagne, les diverses études montrent qu’en
moyenne, ce sont 16% des personnes sans-abri qui souffrent de graves troubles mentaux.
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DÉPENDANCES
Dans son étude menée au Danemark sur les personnes
prises en charge par les organismes de Copenhague, Stax
(1999) estime à 41% des hommes et 19% des femmes la part
des personnes sans-abri qui consomment des drogues,
comportement parfois associé à la délinquance.
Les études réalisées en Espagne indiquent que l’alcoolisme
(qu’il soit léger ou grave) est stable depuis quelques années
aux alentours de 22% et que sa prévalence est équivalente
à celle des toxicomanies graves. Bien entendu, les mécanismes mis en œuvre dans les diverses études pour détecter ces problèmes de dépendance ainsi que les critères et les
limites de classement des personnes dans la catégorie des
dépendances légères ou profondes signifient que ces pourcentages sont difficiles à analyser plus avant.
Les études néerlandaises accordent, elles aussi, une attention toute particulière aux problèmes de santé liés à l’assuétude sous ses diverses formes (voir le Tableau n°3). A Utrecht,
Reinking et Kroon (1998) rapportent que 58% des sans-abri
interrogés consomment des drogues dures. Ils constatent
également que la consommation de drogue est liée à certains
traits des sans-abri: ils sont généralement assez jeunes, dorment dehors, se déplacent peu dans la ville, ont des démêlés avec la justice et présentent des troubles de la personnalité relevant de comportements antisociaux. Dans leur
étude menée à Groningen, Lohuis et al (1998) relèvent qu’au
moins la moitié des personnes sans-abri interrogées présentent une dépendance. Ils posent également un constat intéressant: les personnes dépendantes de l’alcool ne s’entendent généralement pas bien avec les consommateurs de
drogues dures et inversement. D’après Korf et al (1999), l’assuétude compte parmi les plus gros problèmes des personnes qui vivent dans la rue à Amsterdam. Parmi celles qui
fréquentent les structures d’accueil pour sans-abri, 57%
semblent être dépendantes de l’alcool et/ou de la drogue et
un tiers “seulement” de la drogue. Le seuil de classement des
personnes sans-abri dans la catégorie des alcooliques était
fixé pour cette enquête à l’absorption quotidienne de huit
verres de boissons alcoolisées. Quant au seuil de dépendance de la drogue, il s’établissait à la consommation quotidienne d’une quantité quelconque d’héroïne, de cocaïne
et/ou de méthadone.
Tableau n°3 Consommation de substances intoxicantes chez les personnes sans-abri aux Pays-Bas
(sources: Reinking et al. 2001; Reinking et al. 1998; Korf et al. 1999; Jansen ea. 2002 et de Bruin et al 2003)
Sans-toit
à La Haye
N=103
Sans-toit
à Utrecht
N=150
Sans-abri
à Amsterdam
N=212
Sans-abri
à Rotterdam
N=112
Echantillon
national
N=500
N=112
-
Consommation au cours des 30 derniers jours
N=97
N=131
Alcool (%)
35%1
52%1
-
53%
63%
Cinq verre d’alcool
ou plus (%)
26%1
31%1
-
-
-
Cannabis (%)
35%1
50%1
-
29%
52%
Heroïne
-
35%1
-
23%
40%
Cocaïne
-
34%1
-
34%
47%2
Méthadone
-
27%1
-
32$
29%
Cocaïne,
Heroïne
ou Méthadone (%)
59%1
-
-
-
53%3
Autres (%)
31%1
-
-
-
-
Notes:
1 Consommation régulière: 1) au moins trois jours par semaine, quelle que soit la quantité absorbée ou 2) cuites suite auxquelles les activités
quotidiennes (telles que le travail ou l’école, la vie de famille ou d’autres activités routinières telles que la conduite d’un véhicule) sont
gravement perturbées pendant au moins deux jours de la semaine.
2 Cocaïne base.
3 Héroïne et/ou cocaïne base.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
A Rotterdam, un quart des sans-abri consommaient quotidiennement de l’alcool et une personne interrogée sur six
consommait presque tous les jours des drogues dures telles
que l’héroïne ou la cocaïne. Une sur cinq prenait quasi quotidiennement de la méthadone à l’exclusion d’autres drogues
dures. Si l’on assimile la méthadone à une drogue dure, cela
signifie que plus d’un tiers des sans-abri consommaient des
drogues dures (presque) quotidiennement. Ce pourcentage
est similaire à celui des sans-abri amstellodamois dépendants des drogues dures.
A La Haye, la consommation de drogues dures est très répandue au sein de la population sans-abri. Soixante et onze pourcent des personnes interrogées avaient, à un moment quelconque de leur vie, été consommateurs réguliers d’héroïne, de
cocaïne et/ou de méthadone et 59% en avaient consommé au
cours des trente jours précédant l’enquête. L’âge moyen du
début de la consommation régulière de drogues dures s’établit à 21 ans pour l’héroïne, 24 ans pour la cocaïne et 27 ans
pour la méthadone. La consommation de cannabis est, elle
aussi, très répandue parmi les sans-abri de l’échantillon (55%
des personnes interrogées en avait consommé au moins une
fois et 32% en consommaient au moment de l’enquête). L’âge
moyen de la première expérience est de 16 ans. Au total, on
peut estimer qu’un sans-abri sur deux à La Haye a consommé
ou consomme de la drogue.
Une personne sans-abri interrogée sur cinq identifie l’héroïne
comme son principal problème de drogue tandis que 18%
citent la cocaïne. Quinze pour-cent évoquent des multidépendances contre 31% qui affirment ne pas avoir de “problème”. Près de la moitié de la population sans-abri de La
Haye a connu au moins un épisode de dépendance (47%) et
plus d’une personne sur cinq était dépendante au moment de
l’enquête (22%). La part des dépendances passées ou
actuelles est nettement plus élevée au sein d’échantillon de
sans-abri, soit respectivement 68% et 53%.
Le chiffres issus de l’échantillon national sont les suivants:
10% des personnes interrogées ne consomment ni alcool en
quantités excessives ni drogues dures. Plus d’un tiers
consomment des drogues dures mais pas de quantités
excessives d’alcool. Près d’un cinquième (18%) consomment
de l’alcool après avoir consommé des drogues dures et 17%
consomment des quantités excessives d’alcool.
En France, l’étude de l’INSEE signale que l’alcoolisme ou la
toxicodépendance simple ou multiple sont à l’origine de 13%
des hospitalisations d’hommes sans-abri. Au Luxembourg,
le nombre de personnes dépendantes de la drogue était
estimé à environ 2 500 en 2001. Ce sont très précisément
1 341 personnes qui ont reçu un traitement, soit en centre de
désintoxication soit en milieu hospitalier. Les données
concernant spécifiquement la population sans-abri sont
inexistantes.
20
ÉTAT DE SANTÉ SUBJECTIF
Il convient également de se pencher sur la santé subjective
des personnes sans-abri, c’est-à-dire sur leur avis personnel
à propos de leur état de santé général. Malheureusement,
ces aspect n’est abordé que dans les études françaises et
néerlandaises.
Dans le cadre de l’étude nationale réalisée aux Pays-Bas, les
personnes interrogées étaient invitées à noter leur propre état
de santé mentale sur une échelle de zéro à dix. Une personne
sur cinq a indiqué par une note inférieure ou égale à cinq que
son état de santé était “insatisfaisant”. Quant aux sans-abri
d’Amsterdam, ils sont un quart à parler de troubles modérés,
voire graves, de la santé mentale. A Rotterdam, 42% des personnes interrogées parlent de dépression au cours du mois
précédant l’enquête, un tiers évoquent des problèmes de
concentration et de mémoire et un quart disent éprouver des
difficultés pour contrôler leur agressivité. En moyenne, elles
mentionnent avoir connu, à des degrés divers, quatre
troubles de la santé mentale au cours du mois précédant.
La moitié environ des personnes sans-abri de Rotterdam se
considèrent en “bonne” ou en “très bonne” santé tandis que
40% se disent en “assez bonne” santé et 13% en “mauvaise”
santé. Les sans-abri de Rotterdam considèrent donc que leur
état de santé est nettement moins bon que celui de la population générale de la ville puisque 68% des habitants de Rotterdam définissent leur état de santé comme “bon”, voire “très
bon” et que seuls 3% se considèrent en mauvaise santé.
On trouve des résultats très semblables en France, où l’enquête de l’INSEE révèle que 16% des usagers des services
de repas chauds et des centres d’hébergement d’urgence
ont un avis globalement négatif à propos de leur état de
santé, contre 3% seulement des personnes qui occupent un
logement indépendant.
MORTALITÉ
Enfin, des études réalisées au Danemark abordent succinctement la question de la mortalité des sans-abri. Stax (1999)
rapporte un taux de mortalité de 14% sur huit ans parmi les
usagers plus jeunes des structures de type § 105 de Copenhague. Les premiers éléments d’une enquête réalisée en
1997 dans six comtés danois et portant sur le devenir des
usagers des institutions de ce type montrent un taux de mortalité de près de 13% en six ans.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Réseaux sociaux
Les informations concernant les réseaux sociaux personnels
des personnes vivant dans la rue et sans-abri sont rares. Ici
encore, seules quelques études néerlandaises approfondies
concernant la population sans-abri fournissent des données
intéressantes.
De manière générale, les études réalisées aux Pays-Bas
montrent que les réseaux sociaux personnels des personnes
sans-abri sont le plus souvent très peu développés (Gezondheidsraad, 1995; Reinking et Kroon, 1998; Reijerse et Reinking, 1998 et Van Erp et Wolf, 1997). Le portrait peu flatteur
du sans-abri typique parle d’un “solitaire socialement handicapé” (NRV, 1993). Sans aller aussi loin, il faut bien reconnaître qu’au fil du temps, les liens de la personne sans-abri
avec sa famille, ses proches et ses amis sont remplacés par
des contacts avec d’autres sans-abri. Plus le temps passe,
plus la durée du sans-abrisme est longue, plus le sans-abri
éprouve des difficultés à établir et entretenir des contacts en
dehors de ses pairs (Van der Gaag, 1999).
Toutefois, les données concernant les liens des personnes
sans-abri avec leurs proches (famille et amis) sont contradictoires. En 1994, Van Doorn interprétait l’absence de contacts
entre les sans-abri et leur famille non seulement comme la
manifestation d’un désir ou d’un besoin d’indépendance mais
aussi comme le signe d’un sentiment de honte face à leur situation. Selon Deben et al (1992), seuls huit personnes sur les 220
qui composaient leur échantillon entretenaient des contacts en
dehors du milieu des sans-abri: ils rendaient de temps à autre
visite à leurs proches ou à des connaissances et/ou logeaient
chez eux. Des recherches menées sur les sans-abri de Groningen ont confirmé l’absence de contacts (Polstra, 1998).
Pourtant, l’étude réalisée sur la population sans-abri d’Amsterdam a révélé que la majorité des personnes interrogées
avaient eu des contacts avec des amis ou des parents en
dehors du cercle des sans-abri durant le mois précédant l’enquête. De même, les personnes sans-toit interrogées à La Haye
ont déclaré avoir eu en moyenne, au cours des douze derniers
mois, des contacts répétés, voire mensuels, avec des amis et
des parents. L’étude nationale a également montré que, même
si 40% des personnes sans-abri de l’échantillon ont perdu tout
contact avec leurs parents proches, 60% étaient encore en
contact avec leurs parents et/ou leurs frères et sœurs. Au cours
de leur enquête sur les sans-abri de Rotterdam, Jansen et al
(2002) ont rencontré le même pourcentage de personnes interrogées entretenant des contacts avec leur famille proche.
L’existence de contacts et la qualité de ces contacts sont bien
évidemment deux choses différentes. Sur 90 personnes ayant
consulté un centre d’accueil médical, un quart avaient des problèmes familiaux et une sur dix connaissait des difficultés relationnelles (Lohuis et al, 1998). Selon Van Erp et Wolf (1997), la
majorité les usagers d’un centre de services connaissaient eux
aussi des problèmes familiaux et des difficultés relationnelles. Les
relations des personnes sans-abri avec leur famille et leurs amis
constituent souvent un sujet très sensible (Van Doorn, 1994).
Les contacts des personnes sans-abri avec leurs coreligionnaires sont souvent tendus, superficiels, instables et principalement motivés par la survie au quotidien. Ils n’en jouent
pas moins un rôle important car ils sont une source de soutien moral, de sécurité et de compagnie et permettent de passer le temps. Le niveau de vie et les stratégies de survie de
chacun déterminent son statut dans la relation. Les personnes présentant des troubles de la santé mentale restent
généralement à part et sont donc le plus souvent isolées sur
le plan social (Van Doorn, 1994 et Van der Ham et al, 1995).
Il convient toutefois de remarquer qu’en dernière analyse, la
faiblesse des réseaux sociaux tient structurellement au statut éminemment fragile des personnes sans-abri aux plans
de l’emploi et du logement. Le Conseil néerlandais de la santé
décrit très précisément ces liens de la manière suivante: “Ces
personnes sont privées de tout ce qui construit et entretient
les liens fonctionnels et sociaux: logement, travail et argent.”
(Gezondheidsraad Nederland, 1995, p. 67). De fait, même les
personnes pleinement intégrées dans l’emploi ne disposent
généralement pas des liens sociaux forts nécessaires pour
offrir aide et assistance à leurs pairs dans l’espoir de la réciproque. Partager un environnement au quotidien est important pour construire et entretenir des rapports sociaux, or cet
atout fait défaut aux personnes sans-emploi, sans-abri et
plus généralement à tous les exclus sociaux (voir également
Meert et Kesteloot, 1999 et Meert, 2000).
En ce qui concerne les relations de couple, 17% des personnes
sans-abri composant l’échantillon national indiquent avoir un
partenaire. De même, 14% des personnes vivant dans la rue à
Utrecht et 8% de ceux de Rotterdam déclarent avoir ou avoir
eu un partenaire au cours du mois précédant l’enquête. Ces
couples de sans-abri sont généralement considérés comme
instables et/ou peu pérennes. En effet, d’après Van Doorn
(1994), la précarité de l’existence des sans-abri ne fournit pas
une base très solide à l’édification d’une relation de longue
durée. Nombre de personnes sans-abri ressentent l’absence
d’intimité et d’activité sexuelle comme une privation grave. Le
sentiment dominant est la solitude (Polstra, 1998). Les personnes sans-abri se soutiennent mutuellement de leur mieux
afin de survivre et non pour tenter de se construire une nouvelle vie. Ces relations dans le sans-abrisme peuvent même
constituer un obstacle à l’édification d’une existence nouvelle
(Van Doorn, 1994; Greshof, 1994 et Greshof et Wevers, 1999).
Qualité de vie
L’étude de La Haye, au Pays-Bas, est la seule à fournir des
données concernant la qualité de vie. Pour ce faire, elle se
fonde sur le Lehmann Brief Quality of Life instrument (outil de
mesure sommaire de la qualité de vie de Lehmann). Les résultats obtenus en termes de qualité de vie sont très différents
selon les deux publics interrogés à La Haye (d’une part, les
sans-toit et, d’autre part, les “sans-logis” occupant un logement provisoire). Sur une échelle allant de “très malheureux”
(1) à “très heureux” (7), la moyenne des sans-toit s’établit à
3,5, ce qui signifie qu’ils se situent quelque part entre “assez
insatisfait” et “indifférent” dans leur évaluation de leur propre
qualité de vie (voir le Graphique n°7). Parmi les “sans-logis”
par contre, la moyenne s’établit à 4,8, ce qui montre qu’il sont
globalement “assez satisfaits” de leur existence.
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Graphique n°7 Qualité de vie des personnes sans-abri interrogées
dans le cadre de l’enquête réalisée à La Haye, aux Pays-Bas
(Source: Reinking et al. 2001)
7
Indicateurs subjectifs de la qualité de vie
des personnes sans-abri interrogées à La Haye
Sans-abri
Sans-logis
6
5
4
3
2
1
En général
Existence
Activités
quotidiennes
Famille
Le score des personnes vivant dans la rue (sans-toit) interrogées est systématiquement inférieur à celui des sans-logis
pour tous les paramètres liés à la qualité de vie. Ces différences sont importantes dans tous les domaines, à l’exception de l’activité professionnelle, au sujet de laquelle seules
les 31 personnes occupant un emploi au moment de l’enquête se sont exprimées. Le score des sans-logis est proche
de cinq pour sept des huit paramètres étudiés, ce qui indique
qu’ils sont “assez satisfaits” dans une majorité de domaines
de l’existence. La seule exception pour ce public concerne
les finances (score moyen = 3,5). Les variations sont par
contre beaucoup plus marquées chez les personnes vivant
dans la rue. Les domaines de l’existence dont ils sont le
moins satisfait sont le logement (moyenne = 2,6) et les
finances (moyenne = 2,8). Ceux qui, au contraire, sont le plus
satisfaisants selon eux sont le travail (moyenne = 4,9) et les
liens sociaux (moyenne = 4,4). L’écart type par paramètre
allait de 0,3 (travail) et 0,4 (santé) à 2,0 (logement).
Les scores objectifs concernant la qualité de vie dans les
domaines qui concernent la famille, les liens sociaux, les activités quotidiennes et le comportement varient très peu d’un
groupe à l’autre. Les personnes appartenant aux deux publics
indiquent avoir eu des contacts multiples, voire mensuels, avec
leur famille et leurs amis et déclarent s’être adonnées en
moyenne à trois ou quatre activités quotidiennes sur les huit
proposées. Cependant, pour les autres domaines de l’existence, les scores obtenus par les personnes de l’échantillon
de personnes vivant dans la rue restent nettement inférieurs à
ceux des personnes sans-logis. Les sans-logis indiquent avoir
disposé, au cours du mois précédant l’enquête, de moins d’argent à consacrer à des besoins fondamentaux tels que l’alimentation, l’habillement, la vie, les déplacements et les activités sociales (les personnes vivant dans la rue ont coché 1,6
propositions, les sans-logis 3,7). Les personnes vivant dans la
rue sont aussi proportionnellement moins nombreux à avoir
travaillé durant le mois précédant l’enquête (5% contre 26%),
ils sont plus nombreux à avoir été arrêtés (48% contre 7%) et
à être exposés au risque d’agression (44% contre 18%).
22
Liens
sociaux
Finances
Travail
Sécurité
Santé
Synthèse et conclusions principales
Ce chapitre sur le profil actuel des personnes sans-abri en
Europe confirme généralement que ce public spécifique
illustre à merveille les caractéristiques de l’exclusion sociale
telle que nous la connaissons aujourd’hui. En effet, dans la
mesure de la disponibilité et de la fiabilité des informations en
provenance des six pays considérés, ce chapitre montre que
le niveau d’études des personnes sans-abri est faible;
qu’elles occupent rarement un emploi stable déclaré; qu’elles
doivent déployer des stratégies de survie pour joindre les
deux bouts, surtout lorsqu’elles ne touchent aucune prestation sociale; que pour la plupart d’entre elles, le sans-abrisme
n’est ni un simple problème imprévisible et transitoire ni une
expérience ponctuelle; qu’elles sont davantage et plus fréquemment concernées que la population générale par les
troubles de la santé physique et mentale; qu’elles sont proportionnellement plus nombreuses à présenter des dépendances; que leurs réseaux sociaux sont assez faiblement
développés et qu’elles tissent surtout des liens avec des personnes avec lesquelles elles ne pourront vraisemblablement
échanger ni biens ni services d’une quelconque valeur; et
enfin qu’en ce qui concerne leur qualité de vie telle qu’elles
la perçoivent, une étude néerlandaise démontre que les personnes vivant dans la rue sont particulièrement insatisfaites
de leur situation, surtout par rapport aux personnes sanslogis qui, pour leur part, sont apparemment un peu moins mal
loties. De fait, vivre dans la rue n’est pas une aventure. Pour
les personnes qui en font l’expérience, il s’agit d’une lutte
quotidienne et d’un contexte dans lequel il faut apprendre à
survivre.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Tendances
Dans le chapitre précédant, nous avons relevé diverses difficultés rencontrées pour comparer les profils de sans-abri des
six pays de notre échantillon européen. Pour autant, l’analyse proposée ne soulignait “que” le contraste spatial, c’està-dire les différences entre Etats membres en fonction des
définitions et méthodologies utilisés pour établir les profils
des personnes sans-abri à un moment donné. Si l’on considère les tendances, les différences temporelles constituent
un obstacle supplémentaire. Comme nous l’illustrerons dans
ce chapitre en prenant l’exemple de la spécificité des sexes
au sein de la population sans-abri danoise, la réorganisation
actuelle de certaines structures signifie qu’il est pratiquement
impossible, ne serait-ce qu’à l’échelon national, de dégager
des tendances lourdes. C’est aussi pourquoi ce chapitre est
relativement bref et n’aborde que trois dimensions du sansabrisme: l’âge, le sexe et la nationalité.
Augmentation
du nombre de quarantenaires
Sur le court terme, les données danoises montrent que l’hypothèse largement consensuelle d’un rajeunissement de la
population sans-abri ne trouve pas de confirmation dans l’évolution constatée en 2000-2002. Toutefois, ces chiffres concernent une période très courte et il conviendrait de se pencher
sur une fourchette temporelle plus longue en comparant les
chiffres de 2002 avec ceux de 1981 et 19957. Les constats
avancés se fondent sur les données de la Chambre de recours
social et de Stax (1996), qui exploite lui-même les données de
l’Office danois de la statistique concernant l’âge des personnes prises en charge à temps plein par les diverses structures d’accueil résidentiel (par opposition aux centres de jour)
entre 1981 et 1995. Le Tableau n°4 en propose une synthèse.
Tableau n° 4 Âge des personnes prises en charge à temps plein
dans les institutions de type § 105 tel que constaté au cours d’une semaine de 1981 et de 1995
et âge des usagers des services “§ 94-boformer” en 2002
1981
(Source: Stax, 1996 et
Sociale Ankestyrelse, 2003)
1995
2002
Nombre
de résidents
%
Nombre
de résidents
%
Nombre total
d’usagers
%
Moins de 20
28
1.3
121
5.5
177
2.2
20-29
266
12.6
1,0031
45.2
1,391
17.4
30-39
412
19.5
2,241
28.1
40-49
451
21.4
2,368
29.7
50-59
476
22.6
1,366
17.1
60 et plus
473
22.4
186
431
5.4
2,106
100.0
2,218
Total
9081
40.9
8.4
100.0
7.974
100.0
Note 1: Les tranches d’âge évoluent dans le temps car l’Office national danois de la statistique en a modifié la répartition entre 1990 et 1995.
Note 2: La procédure de comptage utilisée en 2002 est nouvelle: les usagers sont recensés lors de leur premier contact avec les services
“§94-boformer”.
7 Dans ses travaux de 1996, Stax traite entre autres de l’évolution
entre 1981 et 1995, soit une fourchette temporelle significative
permettant d’identifier des tendances lourdes.
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
De manière générale, cette analyse sur la durée montre que
le nombre de personnes sans-abri de moins de vingt ans a
augmenté depuis 1981 mais que cette tendance s’est récemment infléchie. En 1995, plus de 5% des usagers avaient
moins de 20 ans alors qu’ils ne sont plus que 2,2% en 2002.
Autre tendance notable: si la part des 20-39 ans a considérablement augmenté depuis 1981, elle s’est stabilisée depuis
1995. En 2002, ils ne constituent plus que le deuxième groupe
d’usagers par le taille alors qu’ils arrivaient en première position en 1995. Les 40-59 ans ont également vu leur situation
changer depuis 1995: alors qu’ils étaient moins nombreux en
1995 qu’en 1981, ils sont devenus les plus nombreux en 2002.
Une analyse séparée des quarantenaires et des cinquantenaires montre en outre qu’entre 1981 et 2002, le nombre des
premiers a augmenté tandis que les chiffres concernant les
seconds ont connu une baisse très sensible.
Les données danoises permettent de conclure que les
tranches d’âge “extrêmes” (les plus jeunes et les plus âgés)
sont de moins en moins représentées, ce que confirme
d’ailleurs la baisse des effectifs de sans-abri de plus de 60
ans constatée entre 1981 et 2002.
Cette tendance est également confirmée par les structures
de prise en charge, dont le personnel souligne la nécessité de
développer les résidences collectives spécialisées dans l’accueil des personnes âgées pharmacodépendantes (le terme
“âgées” désignant ici les personnes de plus de quarante ans,
qu’il est très difficile, voire impossible, de réinsérer dans le
logement ordinaire). Plusieurs structures danoises d’accueil
des sans-abri indiquent qu’elles sont incapables de rencontrer les besoins de ce public spécifique qui exige un accompagnement de plus en plus important.
Il ressort de rencontres et d’entretiens avec les structures
d’accueil luxembourgeoises que les jeunes sans-abri (de
moins de 19 ans d’une part et de 20 à 24 ans d’autre part)
sont de plus en plus nombreux dans le pays (il semblerait que
cette augmentation soit en particulier liée au départ du foyer
familial de jeunes personnes que leurs parents ne supportent
plus ou qui le quittent volontairement). Les structures d’accueil s’accordent donc sur une baisse de l’âge moyen de leur
public. Cette augmentation du nombre de jeunes sans-abri
semble toutefois contredire la tendance générale au sein de
la société. En effet, la majorité des enfants quittent aujourd’hui le foyer parental beaucoup plus tard qu’il y a 25 ans car
ils étudient plus longtemps, entrent tardivement dans la vie
professionnelle et fondent une famille à un âge plus avancé
(Berger, 1998).
Les études espagnoles, dont les plus anciennes remontent
aux années quatre-vingt-dix, montrent que l’âge moyen des
personnes sans-abri est resté stable à environ 42 ans au
cours de cette décennie. Cette moyenne cache toutefois des
écarts énormes car les jeunes et les seniors sans-abri constituent deux groupes particulièrement nombreux.
En Flandre, les données disponibles sont détaillées et révèlent une pyramide des âges surprenante. En effet, contrairement aux autres pays, on constate un léger vieillissement de
la population sans-abri, même si les jeunes restent très exposés au sans-abrisme (Van Menxel et al, 2003), comme le
montre le Graphique n°8.
Graphique n°8 Evolution de la pyramide des âges des personnes sans-abri en Flandre entre 1982 et 2002
(Source: Van Menxel et al 2003).
Evolution de la pyramide des âges des personnes sans-abri en Flandre entre 1982 et 2002
1982
2002
20
Pourcentage de la population sans-abri
FR_WG2.xp
15
10
5
0
< 15
24
15 - 17
18 - 20
21 - 25
26 - 30
31 - 35
36 - 40
41 - 45
46 - 50
51 - 55
56 - 60
61 - 65
66 >
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Van Menxel et al (2003) évoquent diverses évolutions sociales
pour expliquer cette tendance spécifiquement flamande: la
diminution du nombre de mineurs sans-abri serait d’une part
liée à la baisse des financements publics consacrés à leur
prise en charge (n’oublions pas que l’échantillon flamand tient
compte des bénéficiaires des projets de logement accompagné et des usagers des centres de prise en charge, au
seins desquels la part réservée à l’accueil spécifique des
jeunes sans-abri a sensiblement baissé) et d’autre part à la
création d’une infrastructure spécifiquement destinée à
accueillir des toxicomanes, qui aurait déplacé une partie de
l’effectif statistique de moins de 30 ans vers ces organismes.
L’augmentation du nombre de sans-abri dits “plus âgés” (de
30 à 50 ans) s’explique quant à elle peut-être par l’intégration
d’un nombre croissant de non-Belges dans les statistiques
(voir également le point 5.3). On constate plus généralement
que ce public représente une part importante de l’effectif des
26-40 ans. Une autre explication consiste à pointer l’importance accrue des infrastructures de logement accompagné
accueillant les sans-abri depuis 1982.
Sur un plan général, on note donc que les tendances sont
très variables d’un pays à l’autre, manifestement du fait de
spécificités nationales liées à l’évolution de la prise en charge
des personnes sans-abri. Le constat le plus étonnant
concerne peut-être l’augmentation de la part relative des
sans-abri dont l’âge est compris entre 40 et 50 ans.
Féminisation de la population sans-abri
en Europe
Les organismes luxembourgeois de prise en charge signalent que le pourcentage de femmes sans-abri est en augmentation, ce qui tend à confirmer un sentiment général à propos de l’évolution des profils des sans-abri en Europe. L’une
des raisons qui expliquent cette tendance tient au fait que,
confrontée à un contexte de violence dans le couple, la femme
choisit de plus en plus souvent de quitter son foyer, devenant
par là davantage visible en tant que sans-abri8. Les données
flamandes, basées sur des échantillons randomisés étudiés
en 1982 et 2002, illustrent, eux aussi, une nette tendance à la
féminisation de la population sans-abri (voir le Graphique n°9).
Van Menxel et al (2003) expliquent également cette tendance
par la sensibilisation accrue de nos sociétés aux violences
conjugales et familiales. L’augmentation de la demande qui
en a découlé s’est accompagnée d’un renforcement de l’offre spécifique.
Ceci dit, il reste difficile de détecter et d’analyser des tendances lourdes concernant l’évolution du rapport
hommes/femmes au sein de la population sans-abri. Les
mutations profondes intervenues au niveau des structures
d’accueil cachent les tendances sous-jacentes, comme le
montre clairement l’exemple danois. Ici, le principal problème
tient à la prise en compte des données fournies par les refuges
pour femmes maltraitées: selon les périodes, ces dernières
sont incluses ou non dans les recensements et les comptages. Il est actuellement impossible de déterminer précisé-
Graphique n°9 Evolution du rapport
entre hommes et femmes sans-abri
entre 1982 et 2002
(Source: Van Menxel et al 2003).
100%
Femmes
90%
Hommes
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1982
2002
ment dans quelle mesure il a été tenu compte des résidentes
de ces refuges dans les recensements lors de la transition
entre les institutions de type § 105 et les services actuels
“§94-boformer”. Il est par conséquent tout aussi impossible
de déterminer aujourd’hui si les femmes étaient effectivement
moins nombreuses à fréquenter les services destinés aux
sans-abri en 2002 qu’à la fin des années quatre-vingt-dix ou
s’il s’agit simplement d’un biais statistique lié au non-recensement des femmes battues ne présentant pas d’autres problèmes sociaux concomitants. Les différences de catégories
empêchent de tirer quelque conclusion que ce soit.
Un problème similaire se pose en Espagne. On constate à
première vue une augmentation tangible du pourcentage de
femmes sans-abri: au cours des neuf années écoulées, il
serait passé d’environ 10-12% à 16-18%. Toutefois, c’est
très logiquement que le biais introduit par les structures d’accueil et la définition institutionnelle du sans-abrisme comme
un phénomène essentiellement masculin tire le pourcentage
de femmes sans-abri vers le haut lorsque les chiffres sont
issus d’enquêtes menées directement dans la rue et vers le
bas lorsqu’elles sont réalisées exclusivement auprès des
organismes de type institutionnel, sauf lorsque la composition de l’échantillon met l’accent sur les structures d’accueil
mixtes (Muñoz, Vázquez et Cruzado, 1995).
En guise de conclusion, on peut affirmer qu’il existe de
bonnes raisons de croire que le sans-abrisme est un phénomène qui a connu une certaine féminisation au cours des
deux dernières décennies. Toutefois, les données comparatives précises plus récentes (depuis la fin des années quatrevingt-dix) sont insuffisantes pour déterminer si cette tendance
se maintient ou non.
8 Il est à cet égard intéressant de signaler une initiative réglementaire récente lancée au Luxembourg: depuis 2003, la police
luxembourgeoise a en effet le droit d’expulser le partenaire violent du domicile familial et de le faire surveiller afin de l’empêcher
de revenir tourmenter sa compagne ou son compagnon pendant
les deux semaines qui suivent son expulsion.
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La population européenne des sans-abri
s’internationalise
Dans le Bassin méditerranéen, dont l’Espagne fournit un
exemple, le changement le plus important et le plus significatif intervenu ces dix dernières années dans le profil de la
population sans-abri concerne la nette augmentation de la
part d’immigrés. Même si les allophones ont bien souvent été
exclus de l’échantillon des enquêtes réalisées afin d’éviter les
problèmes linguistiques lors des longs entretiens destinés à
compléter des questionnaires complexes, les bribes d’informations disponibles permettent d’affirmer sans crainte de se
tromper que le pourcentage d’étrangers au sein de la population sans-abri en Espagne est passé de 8% à 30% ces huit
dernières années. Et l’augmentation serait plus spectaculaire
encore si l’on tenait compte des structures d’accueil d’urgence réservées aux travailleurs temporaires: le pourcentage
d’immigrés parmi les sans-abri dépasserait alors les 40%.
En Flandre, on observe une dynamique similaire, encore que
moins prononcée (voir le Graphique n°10). Il serait par ailleurs
intéressant de pouvoir dissocier les données selon le type
d’organisme fréquenté par les personnes interrogées (centres
d’accueil et logement accompagné).
Le panorama temporel le plus complet de la nationalité en
tant que dimension du sans-abrisme nous est fourni par le
Danemark. Dès 1929, à l’époque où les personnes souhaitant résider dans une institution pour sans-abri de la municipalité de Copenhague étaient tenues de se faire enregistrer
auprès d’un Office central, on sait que les étrangers représentaient environ 1/8 des inscriptions (Socialministeriet,
1931-1932), sans plus de détails à propos de leur nationalité. En 1972, un groupe de travail créé pour se pencher sur
l’avenir des refuges et des centres d’accueil (Socialministeriet, 1972) en répartit les usagers par nationalité. A l’époque,
près d’un sans-abri sur cinq sollicitant les services de ces
structures n’est pas danois; l’immense majorité des allochtones sont originaires d’un autre pays nordique, la Norvège
et la Finlande arrivant en tête et la Suède dernière au palmarès des nationalités.
En 1989, une enquête de l’Association des Conseils de Comtés à propos des structures de type § 105 conclut que 9%
des usagers (7% des hommes et 16% des femmes) sont
d’origine étrangère, sans pour autant éclairer davantage leurs
profils de nationalité ni les raisons de leur présence au Danemark. C’est qu’à l’époque, cette question n’interpelle pas: ce
n’est que plus tard que la présence de “nombreux immigrés”
dans les structures d’accueil pour sans-abri suscite l’intérêt
dans le cadre de la description des nouveaux sans-abri et
des pressions inédites qui pèsent sur le secteur de l’aide aux
sans-abri.
26
Graphique n°10 Evolution de la nationalité
des personnes sans-abri en Flandre
entre 1982 et 2002
(Source: Van Menxel et al 2003).
100%
Ressortissants
d’Etats tiers
Citoyens de l’UE
90%
80%
Belges
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1982
2002
A partir du milieu des années quatre-vingt-dix, les centres
d’accueil de crise pour femmes maltraitées rapportent une
forte augmentation du pourcentage de femmes issues de
minorités ethniques au sein de leur population. Cette poussée s’explique par l’augmentation du nombre de femmes
fuyant les modèles familiaux traditionnels ou la perspective
d’un mariage arrangé ou forcé. Toutefois, les références à des
problèmes exclusivement liées au logement sont rares.
Le pourcentage de Danois au sein de la population sans-abri
du Danemark (y compris le Groenland et les îles Féroé) s’établit ces trois dernières années (2000-2002) à 82% en
moyenne. Un pour-cent seulement des sans-abri sont originaires d’Islande, de Norvège ou d’un autre Etat membre de
l’Union européenne et 5% possédaient une autre nationalité
(Etats tiers hors Union européenne et Scandinavie) ou étaient
apatrides, la nationalité des 12% restants étant inconnue.
En résumé, il ressort d’un examen portant sur les deux dernières décennies que la population sans-abri européenne
s’est internationalisée. Cette tendance est visible à la fois en
Scandinavie et dans les pays du Bassin méditerranéen. Il
convient toutefois de noter qu’au Danemark au moins, les
données tendent à suggérer que le pourcentage élevé de
sans-abri appartenant à des minorités ethniques et à d’autres
nationalités n’est pas aussi exceptionnel qu’il y paraît: un
constat similaire a été posé en Belgique (voir Depreeuw, 1986).
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Observatoire européen sur le sans-abrisme L’évolution du profil des sans-abri - Contexte macro-social et tendances récentes
Conclusions
Le présent rapport visait à identifier quelques caractéristiques
fondamentales de la population sans-abri actuelle au sein
d’un échantillon de six Etats membres de l’Union européenne
(Belgique, Danemark, Espagne, France, Luxembourg et
Pays-Bas). Nous ne reviendrons pas dans ces conclusions
sur les synthèses proposées à la fin des points consacrés
aux divers aspects du profil proposé. Plutôt que de résumer
le présent rapport, nous proposons quatre conclusions pertinentes aux plans de la recherche et de la politique.
Premièrement, comme la vue d’ensemble présentée ci-dessus le montre, le besoin se fait clairement sentir d’une harmonisation des études portant sur la population sans-abri en
Europe. Dès le 1er mai 2004, l’Union européenne comptera 25
Etats membres. Or, le présent exercice de profilage des sansabri, réalisé sur la base de six pays seulement, a permis
d’établir qu’il est très difficile de compiler les résultats
d’études nationales séparées pour formuler des conclusions
ou des hypothèses réellement européennes. C’est pourquoi
les efforts d’Edgar et al (2003a) pour proposer une définition
opérationnelle du sans-abrisme répartissant les sans-abri
selon un système de catégories mesurables, pourraient rapidement se révéler utile.
Deuxièmement, le présent rapport montre également que la
problématique des sans-abri est un révélateur criant des
caractéristiques de l’exclusion sociale sous sa forme actuelle.
Notre constat suggère que le sans-abrisme ne se résume
pas, pour les personnes qui la vivent, à l’absence d’un toit,
d’un logement ou d’un foyer. Il souligne au contraire très clairement que toute politique de lutte contre le sans-abrisme au
sens large doit également tenir compte de la nécessité d’intervenir tant au niveau institutionnel qu’à l’échelle individuelle
(par exemple sous la forme de mesures visant à la fois à améliorer l’accès des personnes au marché du travail et à renforcer l’accompagnement individuel, personnalisé, porteur
d’autonomie et d’activation des personnes dans leur
recherche d’une meilleure prise en charge de leurs besoins
en termes de santé).
Troisièmement, le présent rapport tend également à suggérer que l’évolution des profils de la population sans-abri en
Europe est étroitement liée à de profondes mutations sociétales telles que la réification progressive du marché immobilier résidentiel, la restructuration des “Etats providence” (vers
l’égalité des chances plutôt que l’égalité des droits) et l’évolution des réseaux sociaux. On ne peut plus envisager le phénomène des sans-abri en tant que tel comme la somme des
traits individuels des personnes qui en composent la population, à l’exclusion de toute autre considération. Le sansabrisme doit en effet être structurellement lié au macro processus sociaux abordés dans le présent rapport. A cet égard,
il convient également de considérer les présentes conclusions à la lumière des constats fondamentaux que posent
Doherty et al (2003) lorsqu’ils affirment qu’il existe un lien
entre l’évolution de la fonction (à l’échelle strictement nationale) des Etats européens et, d’une part, les obstacles qui
entravent l’accès au marché immobilier et, d’autre part, la vulnérabilité des personnes face au sans-abrisme.
Quatrièmement, la réorganisation des structures de prise en
charge des sans-abri n’a pas seulement eu un impact sur
notre aptitude à dresser des profils du sans-abrisme (comme
le montre l’exemple danois concernant la spécificité des
sexes), elle a également influencé les profils mêmes des usagers, c’est-à-dire des personnes sans-abri qui sont recensées et donc étudiées. A cet égard, il serait particulièrement
pertinent de mesurer les profils actuels et les tendances qui
s’en dégagent à l’aune de la restructuration des organismes
de prise en charge du sans-abrisme. A cet effet, la teneur et
les conclusions du présent rapport sont indissociables des
constats que posent Edgar et al (2003b) à propos de “L’aide
aux sans-abri en Europe: la réglementation et ses conséquences financières sur le développement des structures de
prise en charge”.
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O b s e r v a t o i r e
e u r o p é e n
s u r
l e
s a n s - a b r i s m e
FACE AU SANS-ABRISME EN EUROPE
L’ensemble “face au sans-abrisme en Europe” est le résultat du travail
des trois groupes thématiques de recherche de l’Observatoire européen
sur le sans-abrisme de la FEANTSA qui ont été créés afin de couvrir
les thèmes suivants :
■
■
■
L’évolution du rôle de l’Etat
L’évolution du profil des sans-abri
L’évolution du rôle des services
L’évolution du profil des sans-abri: contexte macro-social et tendances
récentes se base sur les cinq articles réalisés par les correspondants
nationaux de l’Observatoire européen sur le sans-abrisme. Les articles
peuvent être téléchargés dans leur intégralité à partir du site Internet
de la FEANTSA www.feantsa.org.
La Commission européenne soutient financièrement le travail de
l’Observatoire européen sur le sans-abrisme.
L’évolution du profil des sans-abri:
Contexte macro-social et tendances récentes
ISBN: 9075529228
Par
Henk Meert, Elisabeth Maurel, Judith Wolf,
Sarala Nicholas, Roland Maas, Inger Koch-Nielsen,
Ivan Christensen, Pedro Cabrera
novembre 2003
Fédération Européenne d'Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri
European Federation of National Associations Working with the Homeless
194, Chaussée de Louvain
■
1210 Bruxelles
■
Belgique
■
Tél.: + 32 2 538 66 69
■
Fax: +32 2 539 41 74
■
[email protected]
■
www.feantsa.org
Fédération Européenne d'Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri

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