Fabrice Hadjadj : « Il faut être incarné - Saint

Transcription

Fabrice Hadjadj : « Il faut être incarné - Saint
connaissez-vous…
Cahier romand de
V I VA N T E S
............................................................................................................................................................
DR
Fabrice Hadjadj :
« Il faut être incarné »
Juif, de nom arabe, de confession catholique, de langue française,
comme il se définit lui-même, Fabrice Hadjadj prépare les 10 ans
de l’Institut européen Philanthropos à Fribourg.
.............................................................................................................
Vous avez un parcours atypique… « Juif de nom arabe, de
confession catholique et de langue française »…
J’affirme par là mes héritages. La grande erreur de notre
temps, c’est d’oublier que l’individu est d’abord un fils, et
qu’il a reçu avant de pouvoir donner. Ma conversion est de cet
ordre. Rien de volontariste. Au contraire. J’étais totalement
antichrétien au départ, aussi bien du fait de mon origine juive
que de mon laïcisme fran­çais et de mes préférences littéraires
(Nietzsche, notamment)… Puis, grâce à Léon Bloy, auteur cité
par le pape François au lendemain de son élection, et surtout
grâce à la grâce, j’ai découvert la radicalité du Christ. Jamais je
n’aurais cru en arriver là. La vie est tout en surprises. De là vient
mon assurance. Si moi je suis devenu chrétien, le plus opposé
au christianisme peut aussi le devenir.
Pourquoi avoir repris la direction de l’Institut Philanthropos à
Fribourg ?
Je n’ai jamais eu d’ambition directoriale. Je suis un chercheur, j’aime être parmi les étudiants. Trois raisons m’ont fait
accepter cette charge. La première, c’est que depuis le début
de l’Institut, j’y avais enseigné avec un rare plaisir, à cause du
climat singulier qui y règne, mêlant chaleur, liberté, désir d’une
vérité concrète. La deuxième raison, c’est que la demande émanait de Nicolas Buttet et que cela m’apparaissait comme une
grâce de répondre à l’appel d’un homme comme lui. Enfin, j’appartenais déjà, à distance, à une famille spirituelle de Fribourg.
Je dois mes plus grandes illuminations métaphysiques aux
livres de Charles Journet, du Père Emonet et du cardinal Cottier.
En ce mois de mars, Philanthropos fête ses 10 ans. Comment
voyez-vous son évolution ?
Au départ, il y avait une double défiance vis-à-vis de l’Institut : d’une part, à cause du lien avec Eucharistein, communauté
nouvelle ; d’autre part parce que Philanthropos, en raison de
son recrutement, faisait figure
d’enclave française (alors que
le projet est parti de profesBiographie
express
.......................................
seurs valaisans et fribourgeois).
Depuis, les choses ont changé.
Né en 1971 à Nanterre
Notre évêque Charles MoreMarié, père de six enfants
rod, théologien exceptionnel,
Professeur de littérature
a très bien compris l’urgence et
et de philosophie
l’enjeu d’un Institut comme le
Prix de littérature religieuse
nôtre. De plus, avec ma femme
en 2010 pour La foi des démons
et mes six enfants, j’ai choisi
Collabore à plusieurs publicade vivre ici et d’appartenir à ce
tions, dont L’Echo Magazine
diocèse. Si Philanthropos est
le lieu où l’on pense à partir du
Dirige l’Institut Philanthropos
mystère de l’Incarnation, nous
à Fribourg depuis 2012
ne pouvons pas faire l’éconoFévrier 2014 : nommé membre du
mie d’une incarnation locale. Et
Conseil pontifical pour les laïcs
si Philanthropos propose l’in-
telligence de la vérité
dans une vie de fraternité, nous ne pouvons
pas ne pas nouer des
liens d’amitié avec les
personnes alentour.
Personnellement, je suis profondément marqué par les
trois grands théologiens du XXe siècle, qui sont tous Suisses,
curieusement : Charles Journet, Karl Barth et Hans Urs von Balthasar. Et puis, je place les romans de Ramuz au sommet de la
littérature.
Philanthropos a enrichi son programme de cours de théâtre.
Pourquoi ?
Il faut que la pensée parte de l’expérience et se vérifie dans
le quotidien. Ce qui permet d’abord cela, à Philanthropos,
c’est la vie en communauté d’étudiants qui résident sur place,
mangent ensemble, entretien­nent ensemble la maison… Le
théâtre vient s’insérer naturellement dans ce projet. C’est l’art
de l’incarnation de la parole. Il implique une sorte d’anthropologie à l’œuvre, en dialogue, en intrigue, en mouvement. L’Institut propose aussi des master classes de chant et un atelier
d’invention graphique (pour l’écriture et les arts visuels). Nous
luttons ainsi contre l’« exculturation » du christianisme. Regardez une cathédrale : le christianisme n’est pas une simple spiritualité privée, c’est l’appel et l’assomption de toute la culture.
Le diocèse de LGF réfléchit à la place du dimanche. Que représente-t-il pour vous ?
La famille est dispersée par le travail durant la semaine. Le
dimanche vient la réunir autour du mystère de sa présence.
Rien n’est plus important que de se retrouver ainsi, ensemble,
dans l’essentiel. La multiplication des écrans (smartphones,
tablettes, TV, etc.) nous disperse, même à domicile. Le dimanche vient restaurer la table familiale à partir de la sainte
table. On y mange, on y parle, on y chante, on y joue. Enfin, on
y apprend le don et la simplicité d’être les uns avec les autres.
Propos recueillis par Dominique-Anne Puenzieux
Moi et mon Eglise
« Je ne suis pas exemplaire… Nous habitons Pra­roman, mais,
la plupart du temps, nous allons à la messe à Philanthropos ou le soir à Saint-Jean. La merveille de la paroisse, c’est
d’être l’exercice d’une charité surnaturelle et donc d’assembler des gens qui ne se sont pas choisis. Mais le laïc a
aussi besoin d’un vrai ressourcement. Il ne doit donc pas
avoir honte de sa soif ni d’aller vers l’eau fraîche, je veux
dire vers une communauté et une liturgie qui le portent. »
..............................................................................................................................................................................
Cahier romand de Paroisses Vivantes, Saint-Augustin SA, mars 2014
I