Discours - Remise des insignes de Chevalier de la Legion
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Discours - Remise des insignes de Chevalier de la Legion
Remise des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur à Mme Bineta Diop Mercredi 17 octobre – 18h30 Madame la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, chère Nicole Ameline, chers amis, Chère Bineta Diop, C’est un honneur et une grande joie pour moi de vous remettre ce soir, en présence de vos amis et collègues, les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur. En vous attribuant cette haute décoration, la plus prestigieuse de notre pays, le Président de la République et le gouvernement français ont voulu honorer une personnalité hors du commun ainsi qu’un engagement exemplaire pour le droit des femmes en Afrique. Aujourd’hui encore, dans de nombreux pays, les droits fondamentaux des femmes sont bafoués. Aujourd’hui encore, dans l’est de la République démocratique du Congo ou dans le nord du Mali, les femmes sont considérées par les belligérants comme de simples butins de guerre, y sont violées, tuées ou jetées sur les routes par centaines de milliers avec leurs enfants. D’autres sont mutilées. Premières victimes des conflits, les femmes n’en sont pas moins le principal espoir des processus de paix et de réconciliation. C’est votre conviction, chère Bineta Diop, c’est le combat de votre vie. Et cette conviction, la France la partage. Votre combat a commencé en 1978, ici même, à Genève, au sein de la Commission internationale des Juristes, où vous traitiez des questions relatives aux droits de l’Homme en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Vous y avez acquis la certitude que le respect du droit des femmes exigeait d’abord l’établissement de cadres juridiques pour les garantir. En 1996, la création de Femmes Africa Solidarité constitue la seconde grande étape de votre engagement. Vous constatiez à l’époque les faiblesses de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples pour la protection des droits des femmes, un constat partagé par de nombreuses femmes africaines dont vous écoutez patiemment les revendications avant de les rassembler autour d’un même projet et d’une structure commune. Ce fut un travail de longue haleine mené de front de votre engagement au sein de la Commission internationale des juristes durant 18 ans. La création de Femmes Africa Solidarité vous donnait enfin le cadre qu’il vous fallait pour déployer votre combat. Les succès rencontrés par votre ONG depuis sa création sont très nombreux, mais je souhaiterais revenir sur vos combats les plus emblématiques. Une de vos plus grandes victoires, c’est, je crois, l’adoption du protocole relatif aux droits des femmes de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Ce protocole de Maputo garantit aujourd’hui le droit aux femmes de prendre part au processus politique, il garantit l’égalité sociale et politique avec les hommes et consacre le droit des femmes à la santé reproductive. L’instauration de la parité au sein de la Commission de l’Union africaine en 2003 est aussi un succès politique majeur à mettre à votre crédit. L’élection de Mme Zuma à la tête de la Commission de l’Union africaine, la première femme à assumer cette fonction, n’aurait sans doute pas été possible sans votre lutte acharnée. Sa prise de fonctions lundi dernier suscite beaucoup d’espoir sur le continent africain. Outre le renforcement du cadre juridique protégeant les droits des femmes, vous avez fait reconnaître le rôle de ces dernières dans la médiation et la réconciliation post-conflit. Le succès du « Réseau des femmes du fleuve Mano pour la paix » a mis en lumière ce rôle irremplaçable. Le Prix des droits de l’Homme qu’elle a reçu de l’Assemblée Générale des Nations unies a conduit à de nombreuses initiatives similaires. Plus largement, l’adoption à l’unanimité en septembre 2000 de la résolution 1325 « Femmes, paix, sécurité » par le Conseil de Sécurité avait consacré la reconnaissance internationale du rôle central des femmes pour la paix et la sécurité dans le monde. La promotion de plans d’actions nationaux et régionaux de mise en œuvre des résolutions « Femmes, paix, sécurité » compte parmi les priorités de la France qui se félicite du travail que vous avez mené avec Mary Robinson à la tête du groupe consultatif de la société civile créé pour soutenir cette résolution. Le rôle des femmes au cœur des processus de prévention et de médiation ainsi que pour la paix et la sécurité dans le monde est désormais reconnu, il ne sera plus possible de revenir sur cet acquis majeur, en dépit de toutes les tentatives des forces de l’obscurantisme et de l’extrémisme. Et cela, nous vous le devons en grande partie. Quelques mots enfin sur votre dernier succès au Sénégal, avec la création d’une « plateforme de veille des femmes pour des élections apaisées ». Ce projet est le fruit des 15 ans d’expérience de votre organisation dans les processus de prévention des conflits. Le bon déroulement des élections au printemps dernier est une grande victoire pour la démocratie, et l’action de Femmes Africa Solidarité y a fortement contribué. C’est un exemple qui mériterait d’être étudié et reproduit dans d’autres pays. Chère Bineta Diop, Votre apparition dans le classement du magazine Time des 100 personnalités les plus influentes au monde en 2011 a justement mis en lumière l’ampleur de votre œuvre et la portée universelle de votre combat pour toutes les femmes qui souffrent et dont les droits sont bafouées. C’est également l’ambition de la France que de donner à des combats comme le vôtre tout l’écho qu’ils méritent. La ministre déléguée chargée de la francophonie, Mme Yamina Benguigui, travaille sur un grand plan d’action pour la francophonie qui portera notamment sur le droit des femmes. L’un des aboutissements de cette initiative sera l’organisation d’un forum mondial des femmes francophones au printemps prochain. La solidarité francophone a en effet un rôle fondamental à jouer dans la défense du droit des femmes dans le monde. La grande déclaration de Luxembourg sur la francophonie et les femmes, dont la déclaration de Kinshasa prévoit l’actualisation, et le partenariat entre l’OIF et ONU Femmes font de cette organisation un de nos points d’appui principaux dans notre lutte pour l’amélioration du quotidien des femmes dans le monde. Chère Bineta Diop, J’aimerais pour conclure évoquer les deux personnes que vous aimez à présenter comme vos mentors. Il y a tout d’abord votre mère, qui a été un grand exemple pour vous. Elle vous a permis d’aller de faire des études, elle vous a inspiré votre détermination à défendre la cause et le statut des femmes, en vous donnant l’exemple de son propre combat politique. Votre second mentor, un homme cette fois, fut Niall MacDermott, ancien ministre britannique devenu Secrétaire général de la Commission internationale des juristes, qui vous a pris sous son aile au début de votre carrière professionnelle. Chère Benita Diop, Je sais que vous avez absolument tenu à recevoir les insignes de la Légion d’honneur ici à Genève, au milieu de nous. Tous ici nous y sommes sensibles. Soyez en remerciée. Bineta Diop, au nom du Président de la République, nous vous remettons les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur.