Le sein des femmes

Transcription

Le sein des femmes
Le sein des femmes
Petite anthologie poétique
Gérard Beaugonin
2014
Le sein des femmes
Nestlé a lancé une campagne de communication pour lutter contre le cancer du sein. Pour cela, ils ont fait
une vidéo dans laquelle une femme à la poitrine généreuse se fait poser une caméra cachée dans son soutiengorge. L’objectif est de montrer que la poitrine des femmes attire les regards tous les jours et que les femmes
doivent y porter attention... Elle part ensuite se promener dans les rues de sa ville… Le compteur des regards
se met alors en marche. Hommes, femmes, vendeurs, collègues… ses seins recevront au cours de la journée
pas moins de 37 coups d’œil . Si vos seins pouvaient voir, combien de regards croiseraient-ils au quotidien ?
Vous aussi il vous est déjà arrivé de surprendre un homme loucher discrètement (mais assez longtemps pour
que vous l’interceptiez en vol) sur votre poitrine ? Ce réflexe masculin s’avère flatteur pour certaines,
dégradant pour d’autres. Contrairement à ce que l’on peut penser au premier abord, le but de l’expérience
n’était pas de montrer que les hommes (et parfois les femmes) sont des pervers, mais d’apporter un tout autre
message aux femmes… « Vos seins sont scrutés chaque jour. Depuis quand ne les avez-vous pas vous-même
regardés ? »
« Elle réchauffe un serpent dans son sein »
Au Canada on dit « Fais du bien à un cochon et il viendra chier sur ton
perron »
C’est ce qu’on appelle une traduction libre – Quelle vulgarité au Québec ! –
J’ai peine à y croire.
Les Italiens « Covare una serpe in seno - Couver un serpent dans le
sein »
En Espagne "Cría cuervos y te sacarán los ojos - Élève des corbeaux et
ils t'arracheront les yeux »
D’autres disent, élever ou nourrir au lieu de réchauffer, mais c’est toujours
dans le sein.
J’avoue être personnellement assez fasciné par une moyennement généreuse poitrine féminine.
J’avoue être érotiquement remué, troublé par une moyennement généreuse poitrine féminine, revêtue peutêtre encore mieux que dénudée.
J’avoue être ému par les évocations poétiques de qualité des seins féminins. Seins, gorge ou poitrine.
En disant ‘j’avoue’ je confesse en outre avoir été élevé dans un foyer tartufe et instruit dans des collèges
catholiques.
Je suis sémantiquement intéressé par la distinction de sens entre le singulier et le pluriel, le ‘sein’ , organe
mais surtout lieu secret, invisible et profond de l’être, et ‘les seins’ toujours et uniquement organes qui vont
par paire.
Je ne pense pas que, pour un mâle, aimer les seins à l’âge adulte soit signe et compensation de manque
maternelle infantile. Et même s’il s’agit de la célébration d’un ancien manque celui-ci est donc bienvenu. La
paire joue-t-elle un rôle ? Probablement puisque une part de beauté est dans la symétrie, et surtout que la vie
est symétrie, comme l’action et la force, et que la symétrie est vie, ou action, ou force. ( voir mon essai De la
symétrie, 2004)
2
Je vais maintenant, grâce à l’informatique contemporaine, rechercher les citations littéraires qui parle ou
chante le ou les seins, et offrir cette petite anthologie à tous mes amis qui n’auraient pas le temps, la volonté
ou la capacité de le faire pour eux-mêmes.
Baudelaire
Parfum exotique
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud
d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;
Au Lecteur
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille
orange.
À Celle qui est trop gaie
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein,
…
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
…
Et, vertigineuse douceur!
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur!
…
La Beauté
Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Le balcon
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voiles de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux! Que ton coeur m'était
bon!
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
La Géante
Parcourir à loisir ses magnifiques formes ;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,
Lasse, la font s'étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l'ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d'une
montagne.
Causerie
Mon coeur est un palais flétri par la cohue;
On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux!
- Un parfum nage autour de votre gorge nue!...
Le beau navire
Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire,
Ta gorge triomphante est une belle armoire
Dont les panneaux bombés et clairs
Comme les boucliers accrochent des éclairs;
Chanson d’après-midi
Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.
Boucliers provoquants, armés de pointes roses!
Armoire à doux secrets, pleine de bonnes choses,
De vins, de parfums, de liqueurs
Qui feraient délirer les cerveaux et les coeurs!
Sisina
Imaginez Diane en galant équipage,
Parcourant les forêts ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s'enivrant de tapage,
Superbe et défiant les meilleurs cavaliers!
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Tristesse de la lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Femmes damnées
D'autres, comme des soeurs, marchent lentes et
graves
A travers les rochers pleins d'apparitions,
Où saint Antoine a vu surgir comme des laves
Les seins nus et pourprés de ses tentations;
L’âme du vin
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Allégorie
Elle marche en déesse et repose en sultane;
Elle a dans le plaisir la foi mahométane,
Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,
Elle appelle des yeux la race des humains.
Baudelaire - suite
Mallarmé –
Le Faune
Le guignon
Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent ;
Leur défaite, c'est par un ange très puissant
Debout à l'horizon dans le nu de son glaive:
Une pourpre se caille au sein reconnaissant.
…..
Grâce à lui, si l'une orne à point un sein fané
Par une rose qui nubile le rallume,
De la bave luira sur son bouquet damné.
Une négresse
À son ventre compare heureuse deux tétines
Et, si haut que la main ne le saura saisir,
Elle darde le choc obscur de ses bottines
Ainsi que quelque langue inhabile au plaisir.
Les fleurs
Angoisse
O Mère qui créas en ton sein juste et fort,
Calice balançant la future fiole,
De grandes fleurs avec la balsamique Mort
Pour le poëte las que la vie étiole.
Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M'a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité
Petit air II
Le hagard musicien,
Cela dans le doute expire
Si de mon sein pas du sien
A jailli le sanglot pire
Par un coeur que la dent d'aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
Sonnet
Sonnet
Mais, chez qui du rêve se dore
Tristement dort une mandore
Au creux néant musicien
Le pied sur quelque guivre où notre amour tisonne
Je pense plus longtemps peut-être éperdument
A l'autre, au sein brûlé d'une antique amazone.
Telle que vers quelque fenêtre
Selon nul ventre que le sien,
Filial on aurait pu naître.
4
Verlaine
Sagesse - III
…
La mer, doux colosse
Au sein innocent,
Grondeuse infinie
De ton ironie !
…
Cieux bruns où nagent nos desseins
Fleurs qui n’êtes pas le calice,
Vin et ton geste qui se glisse,
Femme et l’œillade de tes seins,
Nuit câline aux frais traversins,
Qu’est-ce que c’est que ce délice,
Qu’est-ce que c’est que ce supplice,
Nous les damnés et vous les Saints ?
…
Et les pieds, toujours douloureux du chemin,
Et le sein, marqué d’un double coup de poing,
Et la bouche, une blessure rouge encore,
Et la chair frémissante, frêle décor,
Et les yeux, les pauvres yeux si beaux où point
La douleur de voir encore du fini !…
Chansons pour elles
…
Tes yeux sont les plus beaux du monde
Et de ton sein je suis avide.
Parfums, couleurs, systèmes, lois !
…
Fleurs qui n'êtes pas le calice,
Vin et ton geste qui se glisse,
Femme et l'oeillade de tes seins,
Pensionnaires
…
La plus jeune étend les bras, et se cambre,
Et sa soeur, les mains sur ses seins, la baise,
Nuit câline aux frais traversins,
… Sappho
…
Furieuse, les yeux caves et les seins roides,
Sappho, que la langueur de son désir irrite,
Comme une louve court le long des grèves froides,
…
En sourdine
…
Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton cœur endormi
Chasse à jamais tout dessein.
…
Green
…
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encore de vos derniers baisers ;
… Jusques aux pervers nonchaloirs
…
Jusque, depuis ces flemmes blanches
De larges hanches
Et d'un ventre et de deux beaux seins
Aux fiers dessins,
…
Puis tombe à genoux, puis devient farouche
Et tumultueuse et folle, et sa bouche
Plonge sous l'or blond, dans les ombres grises ;
…
Un dahlia
Courtisane au sein dur, à l'oeil opaque et brun
S'ouvrant avec lenteur comme celui d'un boeuf,
Ton grand torse reluit ainsi qu'un marbre neuf.
…
5
A Rimbaud
Première soirée
…
Soleil et chair
…
- Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche ou rosier.
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la
femme,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !
- Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
…
Monsieur, j'ai deux mots à te dire... »
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...
- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
….
Les réparties de Nina
- Ta poitrine sur ma poitrine,
Mêlant nos voix,
Lents, nous gagnerions la ravine,
Puis les grands bois !...
A la musique
…
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches
folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
…
Mes petites amoureuses
…
Pouah ! mes salives desséchées,
Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
De ton sein rond !
…
L’orgie parisienne, ou Paris se repeuple
…
Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles,
Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,
La rouge courtisane aux seins gros de batailles
Loin de votre stupeur tordra ses poings ardus !
…
6
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
…
Oh ! si l'homme puisait encore à ta mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ;
…
- Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Étale fièrement l'or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
…
Au cabaret vert
…
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
…
Les sœurs de charité
…
Aveugle irréveillée aux immenses prunelles,
Tout notre embrassement n'est qu'une question :
C'est toi qui pends à nous, porteuse de mamelles,
Nous te berçons, charmante et grave Passion.
…
Les premières communion
… Elle s'agite, cambre
Les reins et d'une main ouvre le rideau bleu
Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre
Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu...
Ophélie
…
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
…
Le Châtiment de Tartuffe
Tisonnant, tisonnant son cœur amoureux sous
Sa chaste robe noire, heureux, la main gantée,
Un jour qu'il s'en allait, effroyablement doux,
Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,
Un jour qu'il s'en allait, « Oremus », - un Méchant
Le prit rudement par son oreille benoîte
Et lui jeta des mots affreux, en arrachant
Sa chaste robe noire autour de sa peau moite !
Châtiment !... Ses habits étaient déboutonnés,
Et le long chapelet des péchés pardonnés
S'égrenant dans son cœur, Saint Tartufe était pâle!...
Donc, il se confessait, priait, avec un râle !
L'homme se contenta d'emporter ses rabats...
- Peuh ! Tartufe était nu du haut jusques en bas !
Arthur Rimbaud
Je propose ici cette merveilleusement satirique et
poétique évocation de Tartuffe - pensant bien
entendu à celui de Molière - Acte III – scène 2. :
TARTUFFE. Il tire un mouchoir de sa poche.
Ah! mon Dieu, je vous prie,
Avant que de parler prenez-moi ce mouchoir.
DORINE - Comment?
TARTUFFE
Couvrez ce sein que je ne saurais voir:
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.
DORINE
Vous êtes donc bien tendre à la tentation,
Et la chair sur vos sens fait grande impression!
Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte:
Mais à convoiter, moi, je ne suis pas si prompte,
Et je vous verrais nu du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ne me tenterait pas.
J’en profite pour présenter ma propre version poétique des faits chantés, miroitant les deux œuvres, et où j’ai
cherché à transposer, les mots, le sens, les idées, la musique et le rythme des deux poèmes :
Et Rimbaud s’est assis aux côtés de Molière,
Il cherche et invente un châtiment si peu fier.
Sans la chaste robe noire sur sa chair moite,
Bavant et priant, s’esquivant de gauche à droite,
Tartuffe est humilié, laissé sans un mouchoir.
Une explosion jaillit, un bijou y scintille,
Un diamant de rare poésie qui brille
D’affreux mots arrachés, jetés pour émouvoir,
Des mots qui incendient le sens et font musique,
Quand l’ironie du monde le rend moins immonde.
Le spectacle est passé de la scène au public,
Le prêche qui tombe de haut jusques en bas
Sur cette coupable pensée de formes rondes,
Charmantes poitrines qui ne se cachent pas.
gb
7
Paul Valéry
La jeune Parque
Le cimetière marin
Les cris aigus des filles chatouillées
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu!
…
Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse !
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel !
…
Brisez, mon corps, cette forme pensive !
Buvez, mon sein, la naissance du vent !
…
Que fais-tu, hérissée, et cette main glacée,
Et quel frémissement d'une feuille effacée
Persiste parmi vous, îles de mon sein nu?
…
Elle sait, sur mon ombre égarant ses tourments,
De mon sein, dans les nuits, mordre les rocs charmants ;
…
Et de mon sein glacé rejaillisse la voix
Que j’ignorais si rauque et d’amour si voilée…
…
Mon cœur bat ! mon cœur bat ! Mon sein brûle et
m’entraîne !
…
Mais sache !... Enseigne-moi par quels enchantements,
Lâche que tu n’as su fuir sa tiède fumée,
Ni le souci d’un sein d’argile parfumée,
Par quel retour sur toi, reptile, as-tu repris
Tes parfums de caverne et tes tristes esprits?
…
… ô Soleil,
Que j'adore mon cœur où tu te viens connaître,
Doux et puissant retour du délice de naître,
Feu vers qui se soulève une vierge de sang
Sous les espèces d'or d'un sein reconnaissant !
Charmes
L’abeille
…
Pique du sein la gourde belle,
Sur qui l’Amour meurt ou sommeille,
Qu’un peu de moi-même vermeille,
Vienne à la chair ronde et rebelle !
…
La dormeuse
…
Souffle, songes, silence, invincible accalmie,
Tu triomphes, ô paix plus puissante qu’un pleur,
Quand de ce plein sommeil l’onde grave et
l’ampleur
Conspirent sur le sein d’une telle ennemie.
…
8
La Pythie
… Comme son trait le plus infâme,
Implacablement au ciel l’âme
Que mon sein ne peut plus garder !
…
Toi, mon épaule, où l’or se joue
D’une fontaine de noirceur,
J’aimais de te joindre ma joue
Fondue à sa même douceur !...
Ou, soulevés à mes narines,
Les mains pleines de seins vivants,
Entre mes bras aux belles anses
Mon abîme a bu les immenses
Profondeurs qu’apportent les vents !
…
Je vais, je viens, je glisse, plonge,
Je disparais dans un cœur si pur !
Fut-il jamais de sein si dur
Qu’on n’y puisse loger un songe !
…
Quel silence battu d'un cil !
Mais quel souffle sous le sein sombre
Que mordait l'Arbre de son ombre !
Appolinaire
Fusée
Les Attentives
…
La boucle des cheveux noirs de ta nuque est mon
trésor
Ma pensée te rejoint et la tienne la croise
Tes seins sont les seuls obus que j'aime
Ton souvenir est la lanterne de repérage qui nous
sert à pointer la nuit
Et puisqu'il doit mourir je veux me faire belle
Je veux de mes seins nus allumer les flambeaux
Je veux de mes grands yeux fondre l'étang qui gèle
Et mes hanches je veux qu'elles soient des tombeaux
Car puisqu'il doit mourir je veux me faire belle
Dans l'inceste et la mort ces deux gestes si beaux
En voyant la large croupe de mon cheval j'ai pensé à
tes hanches
….
…
Les soupirs du servant de Dakar
….
Je revois ma sœur au rire en folie
Aux seins durs comme des obus…
Lettres à Lou
Je t’embrasse, je baise tes chers petits seins roses et
insolents qui semblent des brebis broutant des lys et
des violettes…20 Xbre 1914
Embrasse tes seins pour moi, ces beaux pigeons au
bec rose et que j’adore. 28 Xbre 14
… le ciel est bleu comme les veines à fleur de tes
seins. 30 Xbre 1914
Aragon
André Breton
Bierstube Magie allemande
…
Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola
…
Tournesol
Les pigeons voyageurs les baisers de secours
Se joignaient aux seins de la belle inconnue
Dardés sous le crêpe des significations parfaites
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Molière
Tartuffe – III, 2
Le Dépit amoureux
Couvrez ce sein que je ne saurais voir:
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.
Ne nous laisse jamais dedans l’indifférence ;
Et, si de cette vue on n’accroît son dédain,
Notre amour est bien près de nous rentrer au sein.
Enfin, crois-moi, si bien qu’on éteigne une flamme,
Un peu de jalousie occupe encore une âme,
Et l’on ne saurait voir, sans en être piqué,
Posséder par un autre un cœur qu’on a manqué.
Malgré tous mes bienfaits former un tel dessein,
Petit serpent que j’ai réchauffé dans mon sein,
Et qui dès qu’il se sent, par une humeur ingrate,
Cherche à faire du mal à celui qui le flatte.
L’Ecole des femmes – Acte V
Et ce galant la nuit vous a donc enhardie.
Ah, coquine, en venir à cette perfidie ;
Malgré tous mes bienfaits former un tel dessein !
Petit serpent que j’ai réchauffé dans mon sein,
Et qui, dès qu’il se sent, par une humeur ingrate,
Cherche à faire du mal à celui qui le flatte !
Racine
Bérénice - Acte III
Vous voyez devant vous une reine éperdue,
Qui, la mort dans le sein, vous demande deux mots.
Phèdre – Acte V
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :
Andromaque – Acte I
Vous−même de vos soins craignez la récompense,
Et que dans votre sein ce serpent élevé
Ne vous punisse un jour de l’avoir conservé.
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Andromaque – Acte II
Elle en mourra, Phoenix, et j’en serai la cause.
C’est lui mettre moi−même un poignard dans le
sein.
Andromaque – Acte IV - Hermione Du vieux père d’Hector la valeur abattue
Aux pieds de sa famille expirante à sa vue,
Tandis que dans son sein votre bras enfoncé
Cherche un reste de sang que l’âge avait glacé
Edmond Rostand - Cyrano de Bergerac
Acte IV, scène 10, Roxane
Roxane affolée trempe dans l’eau, pour le panser, un morceau de linge arraché à sa poitrine
Acte V, scène 5, Roxane
Chacun de nous a sa blessure : j’ai la mienne.
Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne,
Elle met la main sur sa poitrine.
Acte V , scène 6. Cyrano
J’ignorais la douceur féminine. Ma mère
Ne m’a pas trouvé beau. Je n’ai pas eu de sœur.
Plus tard, j’ai redouté l’amante à l’œil moqueur.
Je vous dois d’avoir eu, tout au moins, une amie.
Grâce à vous une robe a passé dans ma vie.
Je tiens à citer ces cinq vers de la dernière scène. Ils sont d’une telle tendresse et parmi les plus beaux que je
connaisse pour chanter la féminité. Je m’en cite souvent l’ultime. J’en ai fait le sujet d’un petit graffiti.
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