Distribution : La répartition combine les

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Distribution : La répartition combine les
Spécial Métiers
La répartition combine
les compétences
DR
Distribution
Les mutations de la branche pharmaceutique motivent
les leaders de la distribution à étendre leur recrutement à
d’autres secteurs, ainsi qu’à des pratiques déjà éprouvées en
logistique et marketing.
L
a distribution pharma est-elle en
train de s’ouvrir ? Alors qu’il y a
encore quelques années, l’industrie mettait en avant la promotion interne, avec des managers issus
du sérail et des pharmaciens avant tout,
nous assistons à l’émergence d’une
nouvelle génération de bâtisseurs au
sein de la répartition, qui semble plus
atypique. Qui sont-ils ? Chez Alliance
Healthcare France, Stéphane Corthier
vient remplacer Jean-Louis Méry à la
direction générale. Un pharmacien,
ancien président de la CSRP 1, laisse
la place à un logisticien qui a fait ses
armes chez DHL et dans la grande dis-
tribution. Ce qui marque de fait une
rupture dans le modèle de pensée du
grossiste-répartiteur. Autre exemple:
Nathalie Drouillet-Burban (ci-dessous) est directrice du trade-marketing
et des ventes à l’OCP. A son actif, elle
affiche un passage à la direction des
achats d’Yves Rocher, alors filiale de
Sanofi, où elle se perfectionne sur les
nouvelles techniques de vente des produits cosmétiques. De la cosmétique à
la santé, il n’y a qu’un pas qu’il fallait
oser franchir pour le répartiteur. Nous
avons là deux parcours différents – et
pourtant complémentaires – dans les
organigrammes de la répartition.
DR
Nathalie Drouillet-Burban,
experte en trade-marketing
Nathalie Drouillet-Burban a fait ses armes à la direction des
achats d’Yves Rocher, alors dans le giron de Sanofi, dans le domaine de la cosmétique et de la distribution. En tant que directrice du trade-marketing et des ventes à l’OCP, elle apporte une
approche client et de distribution multicanal à la répartition pharmaceutique. « L’approche de l’officine ne s’opère plus exclusivement
via les délégués pharmaceutiques, les pharmaciens peuvent aussi se former sur Internet
(e-learning), recevoir des mailings et des magazines », note Nathalie Drouillet-Burban.
Et puis, il y a un univers concurrentiel à prendre en compte. « Je viens d’un monde
dérégulé où l’on construit les marges au plus près du prix de revient. J’essaie d’apporter une dimension économique de fait au secteur de la santé », ajoute-t-elle. Dans ces
temps difficiles, le monde de la santé a besoin d’une nouvelle vision combinant des impératifs d’économies à une plus grande inventivité et efficacité dans la relation clients.
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
LES BÂTISSEURS DE DEMAIN DEVRONT S’ADAPTER À TOUTES LES SPÉCIFICITÉS ÉMERGENTES
DU MARCHÉ ET ANTICIPER CES ÉVOLUTIONS,
NOTE JOËL MÉGARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL
D’EURODEP.
Non seulement le profil des managers
est en train d’évoluer, mais le niveau
des exigences également. Dans un
monde global, où l’on veut communiquer de plus en plus vers le patient,
les répartiteurs cherchent à s’entourer
d’experts, de professionnels, de la logistique, des achats, de la vente. Des
compétences qu’ils ont du mal à trouver en interne. Cela témoigne d’un
vent nouveau qui souffle sur la répartition, en même temps que le métier
même de répartiteur est en train de se
réinventer dans la prestation de services 2.
La transversalité pour s’adapter
Dans ce sens, le parcours professionnel
des managers répond désormais à un
impératif de transversalité. « Les services de logistique et de distribution
correspondent bien aux problématiques de la pharmacie aujourd’hui, explique Stéphane Corthier, qui prône
la combinaison des compétences à
la tête d’Alliance Healthcare France.
Nous avons besoin de managers qui
Nouvelles compétences
Il faudra à l’évidence amener les équipes à raisonner autrement, sur de nouvelles segmentations et dans une démarche d’optimisation des coûts. Une
expertise logistique dans ce contexte
sera d’autant plus intéressante pour
dupliquer les schémas qui marchent.
Que mettre en commun pour optimiser l’entreprise ? Comment l’amont
peut-il aider l’aval ? Et cela à un niveau
européen, voire mondial. Tels sont les
enjeux du moment pour les laboratoires, mais aussi pour leurs partenaires
de distribution, qui sont organisés sur
plusieurs sites et réseaux en Europe. Le
domaine logistique apparaît comme
un des premiers viviers de compétences
ciblés par la répartition pour conduire
le changement dans l’entreprise. Encore une fois, on n’hésite pas à aller
chercher ailleurs la perle rare, voire à
encourager les nouveaux métiers. Les
compétences de la grande distribution
requises en pharma ont ainsi participé
à l’émergence d’une nouvelle fonction
de trade-marketing dans la répartition.
Ce que l’on appelle trade-marketing
englobe un ensemble de techniques de
vente et d’achat qui empruntent aux
pratiques du marketing en GMS. Place ici au merchandising, à de nouvelles
méthodes d’animation du lieu de vente, à la prise de commandes multiple
pour les pharmaciens (délégués, call
centers, catalogues en ligne, etc.). C’est
aussi apporter un peu plus de créativité
à l’officine, un commerce aux contours
déjà bien cloisonnés. «Dans ce sens, les
profils orientés services et estampillés
Virgin ou Galeries Lafayette, sont
aujourd’hui très prisés chez les laboratoires », reconnaît Nathalie DrouilletBurban. La diversité fait ainsi son
chemin au sein de la répartition et
cette nouvelle fonction de trade-marketer est aussi prise en compte dans
les filières professionnelles. « Au Master ESCP-EAP 3, un nouveau cursus
se crée d’ailleurs autour du pharmacien, qui est devenue une vraie cible »,
précise encore cette dernière.
L’ère du CRM
« Nous entrons dans l’ère de la gestion personnalisée clients ou CRM 4,
où il y a de plus en plus une logique
de segmentation de la clientèle et des
produits, telle qu’elle s’est opérée dans
les télécommunications, explique Nicolas Virmoux. Les laboratoires cherchent à développer une offre adaptée
par segments thérapeutiques, à destination des diabétiques, des cancéreux
ou encore des dialysés à domicile, par
exemple. » De fait, cette segmentation
est appelée à se développer en fonction
des besoins du marché. Si ce n’est pas
le métier des laboratoires de faire de la
CRM, cette compétence stratégique
sera de plus en plus appréciée chez
tous leurs prestataires de la supply
chain du médicament. Les gagnants
de demain seront ceux qui auront
réussi à faire de la mise en commun
des expertises une valeur différenciante pour leur entreprise. ■
Marion Baschet-Vernet
Cette tendance à promouvoir la pluridisciplinarité dans la distribution pharma s’inscrit aussi dans une vision plus
globale d’évolution du marché. Ce qui
fait dire à Nicolas Virmoux, directeur
commercial d’Arvato Healthcare Services, que « la pharmacie n’est pas en
train de s’ouvrir, mais qu’elle se professionalise ». Et c’est un mouvement
nouveau qui ne fait que s’amorcer.
(1) Chambre syndicale de la répartition
pharmaceutique – CSRP.
(2) Cf. Pharmaceutiques n° 168, juin
2009, « La répartition doit se réinventer ».
(3) Ecole supérieure de commerce de
Paris – ESCP - EAP.
(4) Customer Relationship Management
– CRM.
Laurent Verney, expert en management
d’entreprise
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savent où se trouve la création de valeur sur la supply chain et qui ont la
notion du service client, avec une expertise en marketing qui sera aussi de
plus en plus importante à l’avenir. »
C’est une approche collégiale qui est
rendue nécessaire par l’évolution des
besoins économiques des laboratoires.
Avec le développement des génériques,
des produits de parapharmacie, puis
des spécialités à haute valeur ajoutée,
les laboratoires ont pris conscience de
l’enjeu stratégique que représentait la
distribution. Ils ont diversifié leurs canaux. « Hier le grossiste, aujourd’hui
le direct-to-pharmacy et bientôt le
patient. Les bâtisseurs de demain devront s’adapter à toutes les spécificités
émergentes du marché et anticiper ces
évolutions, note Joël Mégard, directeur général d’Eurodep, dépositaire
pharma. Nous allons vers une logistique sur mesure, de proximité, mais
aussi plus de services à valeur ajoutée,
et une prestation différenciante selon
les canaux : pharmacies, grossistes,
hôpital, export ou encore échantillons
médicaux. Notre logistique est, dans
le sens large, une logistique produit
mais aussi commerciale ! »
Laurent Verney, actuel pdg de Depolabo et d’Alloga, au sein d’Alliance Healthcare, n’a pas un
profil ordinaire. Manager chevronné, il a consacré
ses deux dernières années chez Depolabo à ouvrir
l’entreprise et la préparer à ses défis européens en
ce qui concerne sa stratégie commerciale, la consolidation de ses activités et le développement de nouveaux services. Avant d’entrer dans la distribution des produits de santé, ce décideur
a évolué dans plusieurs entreprises et domaines de compétences comme la
physique, l’informatique et le secteur juridique. Il a aussi passé 18 années
au sein de General Electric (GE), une expérience qui l’a conduit à poursuivre sa carrière dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis. Un excellent
apprentissage à la complexité de sociétés où se côtoient plusieurs nationalités et cultures. Ce côté « moutons à cinq pattes » n’a pas échappé à Alliance
Healthcare qui l’a choisi pour dynamiser son activité dépositaire en Europe.
Un enchaînement somme toute logique dans la carrière de Laurent Verney.
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