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N° 175
- Septembre 2015
Ni chaud
ni froid
Dans un pays, la France, qui réglemente tout, dans
un pays à la législation souvent très tatillonne, il est
curieux qu’aucun texte ne prévoie avec précision
les températures minimales et maximales d’activité.
La chose est d’autant plus surprenante que notre
Code du travail organise le droit de retrait. En effet, un salarié confronté
à un danger grave et imminent, pour sa vie ou sa santé, en l’espèce une
exposition à une température trop chaude ou trop froide, a le droit d’arrêter
son travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité.
L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) nous apprend « qu’il
n’existe pas de définition réglementaire du travail à la chaleur. Toutefois, audelà de 30 °C pour un salarié sédentaire, et 28 °C pour un travail nécessitant
une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés »
et il précise même que « le travail par fortes chaleurs et notamment au-dessus de 33 °C présente des dangers… ».
Dans sa recommandation R. 226 : « Immeubles à usage de bureaux arrêt
prolongé des installations de conditionnement d’air » la Caisse Nationale
d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) préconise l’évacuation du personnel de locaux quand ceux-ci atteignent respectivement
34 °C l’été et 14 °C l’hiver.
Les diverses valeurs indiquées ci-dessus ne sont qu’informatives et indicatives. L’été caniculaire que nous venons de traverser et les prévisions alarmantes des experts sur le réchauffement climatique vont peut-être inciter les
pouvoirs publics à se saisir de cette question. Dans ce sens, le député Jean
Jacques Candelier a récemment déposé une proposition de loi « visant à
protéger les salariés en cas de fortes chaleurs en ajoutant une indication de
température dans le Code du travail » et en permettant aux salariés de se
retirer « notamment en cas de température constatée sur le lieu de travail
supérieure à 35 °C ».
Cette proposition devait être étudiée à l’occasion de l’examen de la loi sur le
dialogue social. Le jeu de mots est facile mais il semble que cette question
n’ait fait ni chaud ni froid au gouvernement puisque rien ne semble avoir été
adopté en ce sens.
ACTUALITÉ2
• Loi sur le dialogue social et l’emploi : présentation
des principales mesures sociales
• Protection contre le licenciement : que se passet-il lorsque le congé maternité est suivi d’un arrêt
maladie ?
• DSN : prolongation de la phase 1 et précisions sur
l’attestation Pôle emploi
DOSSIER5
• Droit d’expression : le salarié peut-il tout dire sur
Internet ?
LE POINT SUR
7
• Le calcul des indemnités de fin de CDD
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Actualité
Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
– l’aménagement de certains seuils d’effectif liés au CE,
notamment le passage de 150 salariés à 300 du seuil à
partir duquel l’employeur est tenu de réunir le CE tous
les mois ;
Loi sur le dialogue social et l’emploi :
présentation des principales mesures
sociales
La loi sur le dialogue social et l’emploi, dite Rebsamen, a été publiée au Journal officiel du 18 août dernier. Elle contient d’importantes mesures en matière
sociale sur des thématiques très différentes : les instances représentatives du personnel, les contrats de
travail ou encore la santé des salariés et la pénibilité
au travail. Nous vous présentons les grandes lignes
de cette loi.
– le renforcement des droits des représentants du personnel (droit à un entretien spécifique, nouvelle garantie en
matière de rémunération, etc.) ;
– le CHSCT qui connaît d’importantes modifications
(modification de la durée du mandat de ses membres,
obligation de se doter d’un règlement intérieur, instauration à venir d’un délai pour qu’il rende son avis, etc.) ;
– l’organisation des réunions du CE et notamment la simplification de la visio-conférence ;
La loi sur le dialogue social et l’emploi ou loi Rebsamen
est entrée en vigueur le 19 août mais de nombreuses
mesures n’entreront en vigueur qu’en 2016 ou après la
publication des décrets nécessaires.
– la base de données économiques et sociales (BDES)
qui va comporter dès l’année prochaine une nouvelle
rubrique sur l’égalité professionnelle ;
Nous vous présentons, dans cet article, les mesures
phares de cette loi.
– ou encore la simplification des possibilités de négociation d’un accord avec un salarié élu ou spécialement
mandaté.
Loi sur le dialogue social et l’emploi : les
nouveautés relatives aux représentants du
personnel
Loi sur le dialogue social et l’emploi : les
mesures relatives aux contrats de travail
Les relations entre l’employeur et les représentants du
personnel ainsi que le fonctionnement des différentes instances sont profondément modifiés par la loi.
La loi apporte des nouveautés concernant les CDD, l’intérim, le contrat unique d’insertion ou encore le contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Principale nouveauté : la mise en place d’une DUP (délégation unique du personnel) élargie. La nouvelle DUP va
ainsi permettre aux entreprises de moins de 300 salariés
de fusionner délégués du personnel, comité d’entreprise
et CHSCT. Jusqu’alors, la DUP était réservée aux entreprises de moins de 200 salariés et ne comprenait pas le
CHSCT.
Plus précisément, concernant les CDD et les contrats de
mission, la loi autorise ainsi désormais deux renouvellements au lieu d’un seul. Cela ne doit toutefois pas conduire
à dépasser la durée maximale autorisée du contrat.
S’agissant de l’apprentissage, c’est la période initiale de
2 mois pendant laquelle le contrat peut être rompu en
toute liberté qui est modifiée. Celle-ci dure en effet dorénavant pendant les 45 premiers jours, consécutifs ou non, de
formation pratique en entreprise effectuée par l’apprenti.
Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, il n’est toujours pas possible de recourir à la DUP.
Par contre il sera possible de conclure un accord avec
certaines organisations syndicales représentatives pour
regrouper les DP, le CE et le CHSCT, ou juste deux de
ces institutions.
Une mesure qui va permettre de juger l’apprenti réellement sur le temps passé dans l’entreprise.
Loi sur le dialogue social et l’emploi : les
mesures relatives à la santé des salariés
La loi prévoit aussi de gros changements à partir du
1er janvier 2016 puisque les 17 obligations récurrentes
d’information-consultation actuelles du comité d’entreprise seront regroupées en 3 grandes consultations et les
12 obligations de négocier existantes en 3 négociations.
La loi aborde des problématiques différentes : la gestion
de l’inaptitude, le rôle du médecin du travail, ou encore le
burn-out.
Concernant plus particulièrement l’inaptitude, elle prévoit la possibilité de rompre le contrat de travail du salarié inapte, sans rechercher de reclassement, si l’avis du
médecin du travail mentionne expressément que le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.
Les autres nouveautés importantes de cette loi, quant aux
représentants du personnel, concernent :
– le nouveau statut de salarié protégé accordé aux salariés qui siégeront à la commission paritaire propre aux
TPE qui va être créée ;
Fil d’actu…
Apprentissage - Les entreprises de moins de 11 salariés bénéficient, à compter du 1er juin 2015, d’une aide
forfaitaire de l’État pour le recrutement d’apprentis de moins de 18 ans à la date de la conclusion du contrat (Décret
n° 2015-773 du 29 juin 2015). Bureau de conciliation - Devant le bureau de conciliation, l’avocat n’a pas à produire
un mandat spécial pour représenter son client (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 14-11.814). Congé de maternité - En
cas de décès de la mère, le père de l’enfant (ou le conjoint de la mère, la personne liée à elle par un PACS ou
vivant maritalement avec elle), peut bénéficier d’une indemnisation pour la durée du congé de maternité restant. Les
modalités selon lesquelles les demandes doivent être présentées ont été précisées (Décret n° 2015-771 du 29 juin 2015).
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Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
Par ailleurs, la loi supprime les fiches pénibilité et les remplace par une simple déclaration via la DADS ou la DSN.
Elle acte aussi l’établissement à venir d’un référentiel de
branche que l’employeur pourra utiliser pour déterminer
l’exposition de ses salariés à la pénibilité.
Si après le congé de maternité, la salariée prend des
congés payés, le point de départ de la période de protection de 4 semaines est reporté à la date de la reprise du
travail par la salariée. En effet, les congés payés ont pour
effet de reporter le point de départ du cycle de la protection de 4 semaines.
Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à
l’emploi, JO du 18
Concernant un arrêt maladie après le congé maternité, la
Cour de cassation juge que l’arrêt maladie ne reporte pas,
comme pour les congés payés, le point de départ de la
protection de 4 semaines après le congé maternité. Ainsi,
la protection de 4 semaines commence à la fin du congé
maternité.
Protection contre le licenciement :
que se passe-t-il lorsque le congé
maternité est suivi d’un arrêt
maladie ?
Notez- le
Pendant sa grossesse, la salariée bénéficie d’une protection particulière contre le licenciement. Elle dure pendant
tout le congé maternité et se poursuit les 4 semaines suivant la fin de ce congé. Mais quelle est la conséquence
d’un arrêt maladie qui suit immédiatement la fin du congé
maternité ? La protection contre le licenciement est prolongée ?
Si l’arrêt de travail atteste que l’état pathologique de
la salariée est lié à sa grossesse ou à son accouchement, le congé maternité est augmenté de :
– 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement ;
– 4 semaines après la date de celui-ci (Code du travail, art. L. 1225-21).
Maternité : protection spécifique contre le
licenciement
La protection de 4 semaines débute, dans ce cas-là, à la
fin du congé pathologique.
Pendant sa maternité, la salariée est protégée pendant :
Cour de cassation, chambre sociale, 8 juillet 2015, n° 14-15.979
– sa grossesse ;
– l’intégralité des périodes de suspension de son contrat
de travail auxquelles elle a droit au titre de son congé
maternité (Code du travail, art. L. 1225-4).
DSN : prolongation de la phase 1
et précisions sur l’attestation Pôle
emploi
Cette protection spécifique contre le licenciement se poursuit 4 semaines après l’expiration du congé maternité.
Les entreprises qui ont recours à la DSN, que ce soit
par obligation ou de façon volontaire, vont disposer
d’un délai supplémentaire pour passer à la phase 2 de
la DSN. Par ailleurs, le GIP Modernisation des déclarations sociales a donné une précision importante sur
le sort des attestations employeurs remises à Pôle
emploi.
Mais attention, cela ne veut pas dire que vous ne pouvez
pas licencier la salariée. En effet, le Code du travail autorise son licenciement dans des cas bien limités :
– en cas de faute grave de la salariée mais elle ne doit pas
être liée à son état de grossesse ;
–en cas de maintien impossible du contrat de travail pour
un motif étranger à sa grossesse ou à son accouchement.
DSN : qu’est-ce que la phase 1 et la phase 2 ?
La DSN (déclaration sociale nominative) est obligatoire,
pour les paies établies depuis le 1er avril 2015, pour les
entreprises qui ont dépassé un montant de contributions
et cotisations sociales en 2013 de :
Attention
Dans ces 2 cas, le licenciement ne pourra pas être
notifié ou prendre effet pendant le congé maternité.
Dans le cas contraire, le licenciement sera nul.
– 2 millions d’euros pour celles effectuant elles-mêmes les
déclarations ;
Maternité : protection après le congé maternité
– 1 million d’euros pour celles ayant recours à un tiers
déclarant (expert-comptable par exemple), dès lors que
les sommes que ce dernier déclare pour tous ses clients
dépassent un montant de 10 millions d’euros.
Pendant 4 semaines après le congé maternité, la salariée
bénéficie encore de sa protection contre le licenciement.
Fil d’actu…
Faute grave - Le salarié placé en garde à vue puis en détention provisoire qui n’informe pas son employeur de
sa situation commet une faute grave (Cass. soc., 20 mai 2015, n° 14-10.270). Le salarié qui a fumé dans l’enceinte de
l’entreprise et a déjà été sanctionné pour les mêmes faits doit être licencié pour faute grave (Cass. soc.,16 juin 2015,
n° 14-10.327). Un salarié qui a téléchargé et utilisé sur le lieu de travail un logiciel sans licence valable au vu et au su
de l’employeur ne peut pas être licencié pour faute grave (Cass. soc., 16 juin 2015, n° 13-26.913). Forfait jours - Le
caractère intentionnel de l’infraction de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d’une convention
de forfait illicite (Cass. soc.,16 juin 2015, n° 14-16.953). En Alsace-Moselle, le chômage du Vendredi Saint et du 26
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Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
Les autres entreprises ont jusqu’au 1er janvier 2016 pour
appliquer la DSN mais peuvent aussi choisir d’y recourir
avant à titre facultatif.
Pour cela, en cas d’utilisation de la DSN, il faut regarder
son tableau de bord et récupérer l’attestation en retour
du signalement et la remettre au salarié. Si elle n’apparaît pas sur le tableau de bord (en raison d’une qualité
des données insuffisantes), vous êtes néanmoins tenu
de remettre au salarié une attestation de la même façon
qu’avant la DSN.
Que la DSN soit souscrite à titre obligatoire ou volontaire,
l’entreprise a aujourd’hui le choix de transmettre une DSN
au format phase 1 ou au format phase 2.
La phase 1 permet de remplacer les formalités suivantes :
Notez-le
– la radiation d’un salarié auprès des organismes gérant
les contrats groupes complémentaires ou supplémentaires tels que la mutuelle, ou la prévoyance ;
S’agissant des contrats commençant et finissant le
même mois, il n’y a pour l’instant aucun remplacement de l’attestation employeur par la DSN.
–
la déclaration mensuelle de mouvement de main
d’œuvre pour les entreprises d’au moins 50 salariés
ou les enquêtes mensuelles de mouvements de main
d’œuvre pour celles d’un effectif moindre ;
http://www.dsn-info.fr
– les attestations de salaire pour le versement des IJSS
(remplacement après l’envoi de la 3e DSN) ;
Actualité conventions collectives
Métallurgie – Accords nationaux (n° 3109)
– l’attestation employeur destinée à Pôle emploi.
En phase 2, la DSN remplace en plus :
Ce mois-ci cette convention collective n’a pas fait l’objet
d’actualisation. Par contre, plusieurs conventions collectives locales ont été mises à jour.
– la déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS) ;
– le bordereau récapitulatif des cotisations et contributions
sociales (BRC) ;
Métallurgie – Ingénieurs et cadres (n° 3025)
– le tableau récapitulatif (TR) utilisé pour la régularisation
des cotisations sociales de l’année civile ;
Salaires, primes et indemnités - Journal officiel du
25 juillet 2015 : Accord du 27 janvier 2015 relatif aux
appointements annuels minimaux garantis à partir de
l’année 2015 étendu par arrêté du 16 juillet 2015
– le relevé mensuel des contrats de travail temporaire.
Normalement la phase 1 devait s’achever en août. Ce
délai vient d’être repoussé jusqu’à la paie du mois de
septembre. Jusqu’à la DSN à transmettre le 5 ou le 15
octobre, les entreprises ont donc en principe le choix entre
les phases 1 ou 2.
Pour une consultation intégrale de vos conventions collectives et une meilleure prise en compte des actualisations (les
conventions collectives sont mises à jour au quotidien sur
Internet), nous vous conseillons de les consulter depuis votre
espace abonné www.editions-tissot.fr et de vous inscrire aux
alertes conventions collectives pour être informé par mail
dès que vos conventions ont fait l’objet d’une actualisation
(service compris dans votre abonnement).
Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à
contacter notre service relation clientèle au 04.50.64.08.08.
DSN : quelle articulation avec l’attestation
employeur ?
En cas de départ du salarié, il faut lui remettre une attestation employeur destinée à Pôle emploi.
Fil d’actu…
décembre n’entraîne pas l’augmentation du nombre de jours de repos des salariés en forfait jours (Cass. soc., 3 juin 2015,
n° 13-25.542). Interdiction de fumer - Le salarié victime de tabagisme passif peut solliciter des dommages et
intérêts (Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-11.324 et n° 14-11.339). Portage salarial - Il n’est plus nécessaire pour les
entreprises de portage salarial de produire l’attestation spécifique destinée à Pôle emploi (Circulaire UNEDIC n° 2015-10
du 11 juin 2015). Travailleurs handicapés - Les modalités selon lesquelles les entreprises à établissements
multiples doivent procéder à la déclaration annuelle relative à l’emploi des travailleurs handicapés sont définies (Décret
n° 2015-655 du 10 juin 2015).
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Dossier
Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
Par Delphine Witkowski, juriste en droit social
Droit d’expression : le salarié peut-il tout dire sur
Internet ?
Internet révolutionne depuis de nombreuses années
le monde du travail. Outil incontournable dans l’entreprise, il est devenu également un mode d’expression
privilégié car quasi instantané et voué à une diffusion
auprès d’un public sans limite. Cette évolution marque
aussi l’atténuation de la frontière entre vie professionnelle et vie privée et les tribunaux ont maintenant
régulièrement à traiter des propos que peuvent tenir
les salariés sur leur entreprise ou leur employeur. Propos publics ou privés ? Comment réagir dans cette
situation ?
Mais la plus grosse source d’incertitude pour l’employeur
réside dans ce qui se dit en dehors de l’entreprise, sur
lui-même, sur sa société, ses managers, ses salariés,
ses décisions, ses modes de gestion, ses méthodes de
fabrication, la sécurité des biens de l’entreprise. Le salarié
dans sa vie privée peut ainsi par des e-mails, via des sites
Internet ou des réseaux sociaux, diffuser des propos que
l’entreprise peut constater mais pas contrôler.
Le droit d’expression, un exercice
renouvelé avec Internet
La liberté d’expression via les e-mails
Comment s’exerce la liberté
d’expression du salarié sur l’Internet ?
Le salarié a droit, y compris sur le lieu et pendant le
temps de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée
et du secret des correspondances. C’est pourquoi l’employeur ne peut jamais prendre connaissance des e-mails
envoyés ou reçus par le salarié, lorsqu’ils sont identifiés
comme personnels.
Le principe de la liberté d’expression
Le droit à la liberté d’expression qui comprend la liberté d’opinion, est un droit fondamental consacré par la
Convention européenne des droits de l’homme. En
France, il trouve sa traduction dans le milieu du travail et
tout salarié peut s’en prévaloir quel que soit le contrat de
travail le liant à l’entreprise, son positionnement hiérarchique, sa qualification ou son ancienneté (Circ. DRT 3
du 4 mars 1986).
Néanmoins, il peut contrôler le contenu de tous les autres
e-mails qui sont donc présumés professionnels, et contrôler les propos des salariés s’il dispose d’un motif légitime et proportionné pour le faire (raison de sécurité par
exemple).
Les salariés peuvent donc en principe s’exprimer librement
sur le contenu, les conditions d’exercice, l’organisation de
leur travail et les moyens d’améliorer ces conditions de
travail. Les opinions émises par les salariés, quelle que
soit leur place dans la hiérarchie, dans l’exercice du droit
d’expression, ne peuvent pas motiver une sanction ou un
licenciement (C. trav. art. L . 2281-3).
Pouvez-vous contrôler les propos de vos salariés sur
un Intranet d’entreprise ?
Les propos diffusés via un Intranet, un forum interne, sont
également présumés professionnels. Le salarié peut donc
y exercer pleinement son droit à la liberté d’expression,
mais toujours dans les limites légales et celles imposées
par l’employeur de façon légitime et proportionnée.
Le droit d’expression s’exerce sur les lieux et pendant le
temps de travail et le temps qui y est consacré doit être
rémunéré (C. trav. art. L. 2281-4).
Pouvez-vous contrôler les propos de vos salariés sur
Internet à l’extérieur de l’entreprise ?
C’est là la difficulté principale : dès lors que le salarié
exprime des propos sur l’entreprise dans le cadre de sa
vie privée, vous ne pouvez exercer votre contrôle.
Certaines limites à cette liberté sont antérieures à
l’émergence d’Internet
La liberté d’expression trouve naturellement une limite
d’origine légale dans l’abus qui peut en être fait au travers de propos diffamatoires, racistes, injurieux, excessifs,
d’apologie de crimes de guerre, de fausses nouvelles….
Mais des propos tenus sur des réseaux sociaux ouverts
au plus grand nombre sont-ils privés ?
À ce jour, on peut dégager une ligne jurisprudentielle établie (Cons. prud. Boulogne-Billancourt 19 novembre 2010
n° 09/00316 et 09/00343, CA Besançon 15 novembre
2011 n° 10/02642, Cass. civ. 10 avril 2013 n° 11-19.530) :
le réseau social dont l’accès a été restreint à un nombre
limité de correspondants relève de la sphère privée et les
propos du salarié ne peuvent être sanctionnés ; à l’inverse,
le « mur » accessible par tous, sans sélection, relève de
la sphère publique, rendant les propos contrôlables. Ce
qui est important, c’est donc la volonté de l’internaute de
limiter l’accès à son compte.
Dans l’entreprise, elle est également limitée par l’obligation de loyauté et de discrétion qui découle de la relation
de travail.
Enfin l’employeur peut y apporter des limitations si elles
sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (C. trav. art. L. 1121-1) et
ne portent pas atteinte à la vie privée des salariés, notamment lorsque l’entreprise relève d’un secteur stratégique
comme l’armement par exemple.
Les nouvelles questions posées par l’usage d’Internet
dans l’entreprise
De la même manière pour un site Internet, la nature
publique ou à l’inverse quasi confidentielle de sa diffusion,
doit orienter l’appréciation de l’abus du droit d’expression.
L’utilisation d’Internet pose tout d’abord la question de
l’utilisation de la liberté d’expression dans le cadre interne
à l’entreprise, par le biais des e-mails ou de l’Intranet.
5
Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
Sans qu’un salarié ait usé de propos abusifs, vous pouvez
également le sanctionner s’il a fait un usage abusif d’Internet pendant son temps de travail, par exemple, s’il s’est
connecté pendant un nombre d’heures très important sur
sa messagerie personnelle ou sur des réseaux sociaux.
Vous ne devez en aucun cas lui opposer le contenu de
ses messages, ces derniers relevant de l’intimité de la vie
privée.
Que pouvez-vous faire face à abus de
sa liberté d’expression par un salarié ?
La question fondamentale réside dans la qualification
que vous donnerez aux propos du salarié : quelle est leur
nature ? En quoi seraient-ils abusifs ? Portent-ils préjudice
à quelqu’un ou à un intérêt ? Quel a été leur mode de diffusion ? Aviez-vous le droit d’en prendre connaissance ?
Les réponses à ces questions conditionneront l’action que
vous pourrez mener pour y mettre fin et obtenir réparation
le cas échéant.
Vous pouvez dans certains cas obtenir le retrait des
propos
Si les propos tenus publiquement par le salarié via Internet s’avèrent diffamatoires ou insultants et portent atteinte
à l’image de l’entreprise ou de collaborateurs, vous pouvez engager une action devant le juge des Référés, pour
faire retirer ces propos.
Vous pouvez envisager de le sanctionner
Le salarié qui commet un abus de sa liberté d’expression,
y compris sur Internet, peut faire l’objet de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Le licenciement pour faute lourde n’est envisageable que si vous
établissez une intention de nuire du salarié et démontrez
un préjudice, la plupart du temps financier.
Par ailleurs, des injures, mêmes non publiques, peuvent donner lieu à des poursuites judiciaires (C. pén. art. R. 621-2).
Quelques exemples de jurisprudence :
Faits reprochés
Conséquence pour le salarié
Décision
Un salarié a diffusé à l’ensemble des
agents de sa direction, un e-mail
dénigrant son supérieur hiérarchique,
en tenant des propos vexatoires.
Licenciement pour cause réelle et
sérieuse
Cass. soc. 28 mars 2012,
n° 11-10513
Echanges sur Facebook entre
plusieurs collègues dans le cadre
d’un « club des néfastes » sur leurs
pratiques de dénigrement de leur
responsable hiérarchique, la DRH.
Licenciement pour faute grave
CPH Boulogne Billancourt.
19 novembre 2010, n° 09/00316,
n°09/00343
Une salariée avait tenu sur le mur
Facebook d’un ancien collègue licencié, des propos diffamants, insultants
et offensants envers son employeur
tels que « cette boîte me dégoûte [...]
cette boîte de merde »
Licenciement confirmé, Facebook
étant considéré, au regard de sa
finalité et de son organisation,
comme un espace public
CA Besançon, 15 nov. 2011,
n° 10/02642
Une militante syndicale, à la suite du
suicide d’une collègue, poste sur le
« mur » Facebook de la section CGT
de l’entreprise : « Journée de merde,
temps de merde, boulot de merde,
boîte de merde, chefs de merde... »
Condamnation pour injures publiques
TGI Paris, 17e ch. corr.17 janv. 2012,
n° 1034008388
Un salarié a été licencié pour faute
grave du fait de propos dénigrant
l’employeur et des cadres de
l’entreprise, sur le compte Facebook
« ouvert au public ». Il n’avait pas
activé les paramètres de confidentialité sur son compte.
Licenciement requalifié pour cause
réelle et sérieuse, car pas d’atteinte
à l’image de l’entreprise vis-à-vis des
clients
CA Lyon, 24 mars 2014, n° 13-03463
Le fait de critiquer sur un site Internet
quasi confidentiel la motivation du
licenciement d’un collègue par des
propos ni injurieux ni vexatoires, ne
caractérise pas un abus fautif de la
liberté d’expression
Licenciement sans cause réelle et
sérieuse
Cass. soc. 6 mai 2015, n° 14-10.781
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Le point sur...
Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
Le calcul des indemnités de fin de CDD
Les salariés embauchés en CDD
bénéficient d’indemnités spécifiques
au terme de leur contrat de travail,
sous certaines conditions. Quelles
sont-elles ? Quel mode de calcul
appliquer ? La convention collective
peut-elle fixer un taux inférieur au
taux légal pour l’indemnité de fin de
CDD ? Quelles sont les incidences
des périodes d’absence sur le montant de l’indemnité de fin de contrat ?
La bonne méthode
Étape 1 – Vérifier si l’indemnité
de fin de CDD est due
Les cas dans lesquels l’indemnité de
fin de CDD (ou indemnité de précarité) n’est pas versée sont limitativement énumérés. Ainsi, vous n’aurez
pas à vous acquitter de cette indemnité lorsque le CDD a été conclu :
• pour un emploi à caractère saisonnier ou emploi d’usage ;
• dans le cadre de la politique de l’emploi ou pour assurer un complément
de formation comme par exemple le
contrat de professionnalisation. Par
exception, l’indemnité de fin de CDD
doit être versée au terme d’un CDD
senior.
Vous ne devez pas non plus payer
l’indemnité dans les situations suivantes, quel que soit le cas de recours
au CDD :
•
embauche en contrat de travail à
durée indéterminée (CDI) au terme
du CDD ;
•
rupture du CDD au cours de la
période d’essai ;
• CDD conclu avec un jeune pendant
les vacances scolaires ou universitaires ;
•
refus par le salarié d’accepter un
CDI pour occuper le même emploi
ou un emploi similaire assorti d’une
rémunération au moins équivalente.
La proposition de CDI doit être formulée avant le terme du CDD pour
entraîner la perte de l’indemnité de
précarité ;
• rupture anticipée du CDD par l’employeur en raison de la faute grave
du salarié ;
• rupture anticipée du CDD à l’initiative du salarié ;
• rupture du CDD pour force majeure.
En dehors de l’une de ces hypothèses, vous devez calculer l’indemnité de précarité au terme du CDD.
Attention
En cas d’embauche en CDI, l’indemnité de précarité sera due si
le CDD et le CDI sont séparés
par une période d’interruption,
même de quelques jours.
Étape 2 – Calculer l’indemnité
de fin de contrat d’un CDD
Vérifiez le taux de l’indemnité
L’indemnité de fin de contrat est égale
à 10 % de la rémunération totale
brute perçue par le salarié pendant
toute la durée du CDD. Toutefois, une
convention ou un accord de branche
peut prévoir un taux supérieur. Une
convention ou un accord collectif
de branche étendu peut également
réduire le taux à 6 % en contrepartie
de mesures favorisant l’accès à la formation professionnelle des salariés en
CDD. Vérifiez donc impérativement
les dispositions conventionnelles
applicables à votre entreprise.
Attention
L’augmentation ou la réduction
du taux de l’indemnité de fin de
CDD peut également résulter
d’un accord d’entreprise.
Déterminez l’assiette de l’indemnité
Vous devez appliquer le taux sur
l’ensemble des rémunérations brutes
perçues pendant toute la durée du
CDD (salaire de base, paiement des
heures supplémentaires, primes,
avantages en nature, etc.), sauf l’indemnité compensatrice de congés
payés versée au terme du contrat.
Par conséquent, vous devez exclure
les sommes ne constituant pas une
rémunération, telles que les remboursements de frais, l’intéressement, la
participation et les indemnités journalières de Sécurité sociale.
7
En cas de suspension du contrat de
travail pour maladie ou maternité,
l’indemnité de fin de contrat ne doit
être calculée que sur la base de la
rémunération effectivement perçue
pendant la durée du contrat : si vous
versez un complément de salaire,
celui-ci est pris en compte dans
l’assiette du calcul. En revanche, les
indemnités journalières de Sécurité
sociale versées au salarié pendant la
période de suspension de son contrat
sont, elles, exclues de la base de
calcul de l’indemnité de fin de contrat.
Cette solution est différente s’il s’agit
d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle : en effet, un
salarié victime d’un accident du travail
au cours de l’exécution de son CDD a
droit à une indemnité de fin de contrat
calculée sur la base de la rémunération déjà perçue et de celle qu’il aurait
perçue jusqu’au terme de son contrat.
Vous devrez donc reconstituer son
salaire.
Étape 3 – Payer l’indemnité de
fin de CDD
Vous êtes tenu de verser l’indemnité
de fin de CDD à l’issue du contrat et
de la faire figurer sur la fiche de paie.
Dans le cas où un nouveau CDD a pu
être légalement conclu à l’issue d’un
premier contrat, l’indemnité de fin de
contrat est due pour chaque CDD.
Cette indemnité doit alors être versée
à la fin de chaque CDD.
Si deux CDD successifs précèdent
une embauche par contrat à durée
indéterminée, seule l’indemnité de fin
de contrat se rapportant au premier
CDD doit être versée.
En tant qu’élément de rémunération,
l’indemnité est soumise à l’ensemble
des cotisations et contributions
assises sur les salaires. Elle suit le
régime des sommes isolées en ce qui
concerne les cotisations retraite.
Évitez les erreurs
Ne neutralisez pas la période d’absence pour accident du travail ou
maladie professionnelle !
En cas d’arrêt de travail pour accident
du travail ou maladie professionnelle,
Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
vous devez reconstituer la rémunération que votre salarié aurait perçue
pendant son absence pour calculer
son indemnité de fin de CDD.
N’intégrez pas l’indemnité compensatrice de congés payés dans
l’assiette de calcul de l’indemnité
de fin de CDD !
Vous devez prendre en compte l’indemnité de fin de CDD pour calculer
le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés, selon la règle
du dixième.
Vous devez donc, pour pouvoir calculer le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés, calculer au
préalable le montant de l’indemnité
de fin de contrat.
Ne calculez pas l’indemnité de précarité au moment du renouvellement du CDD !
L’indemnité n’est due qu’au terme du
CDD, c’est-à-dire à la fin de la durée
de l’éventuel renouvellement.
Par contre, en cas de succession de
CDD, l’indemnité de fin de contrat
doit être versée à l’issue de chaque
contrat y ouvrant droit.
N’oubliez pas de prélever les cotisations sociales et les charges sur
l’indemnité de précarité !
L’indemnité de précarité et l’indemnité transactionnelle versée à l’occasion d’une rupture anticipée d’un
CDD sont considérées comme des
éléments de salaire et doivent, à ce
titre, être assujetties à l’ensemble des
cotisations sociales.
Pour le salarié, l’indemnité transactionnelle est imposable en totalité. Le
Conseil d’État l’a rappelé récemment.
Depuis le 1er juillet 2013, n’oubliez
pas de majorer la cotisation patronale
Pôle emploi, pour les indemnités de
fin de contrat des CDD pour accroissement temporaire d’activité d’une
durée inférieure à 3 mois. Le taux de
majoration à appliquer correspond
au taux de majoration applicable à la
date de versement.
Le rôle des RP
Vous n’avez pas à solliciter vos représentants du personnel pour le calcul
de l’indemnité de fin de CDD. Ils n’ont
aucun rôle particulier à jouer en la
matière.
Les sanctions possibles
L’employeur qui ne respecte pas
les règles relatives à l’indemnité
de fin de CDD est passible, en
cas de poursuites pénales, d’une
amende pouvant aller jusqu’à 750
euros (contravention de 4e classe).
L’amende est prononcée autant de
fois qu’il y a de salariés lésés. De
plus, ces salariés peuvent obtenir,
outre le versement de l’indemnité de
fin de CDD, des dommages et intérêts.
Enfin, l’entreprise peut également
être poursuivie et condamnée à une
amende limitée à 3.750 euros par
salarié.
Notre conseil
Lorsque le CDD est conclu avec un
jeune pendant ses vacances scolaires ou universitaires, mentionnez
dans le contrat de travail que l’indemnité n’est pas due. Cette précaution
évitera toute ambiguïté au terme du
contrat.
Questions/Réponses
En cas de succession de CDD avec
un même salarié, l’indemnité de
précarité doit-elle être versée à la
fin de chaque contrat ?
Oui, l’indemnité de précarité doit être
versée à l’issue de chaque contrat
même si la relation de travail se poursuit par un autre CDD.
La rémunération du salarié estelle reconstituée en cas d’absence
pour maladie pour calculer l’indemnité de fin de CDD ?
Non, seul l’éventuel complément de
salaire versé par l’employeur doit être
pris en compte pour calculer l’indemnité de fin de CDD. Vous n’avez pas
à reconstituer le salaire contrairement
à l’hypothèse d’une absence consécutive à un accident du travail ou une
maladie professionnelle.
Une prime exceptionnelle doit-elle
être intégrée dans l’assiette de
calcul ?
Oui, l’assiette de la prime de précarité
est constituée par toutes les rémunérations brutes perçues par le salarié
pendant la durée du CDD.
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Quel taux retenir lorsque les dispositions conventionnelles prévoient
6 % et qu’il est mentionné 10 %
dans le contrat ?
Vous devez appliquer le taux le plus
favorable au salarié, c’est-à-dire
10 %.
En cas de requalification du CDD
en CDI par le juge, le salarié doitil restituer l’indemnité de précarité
perçue ?
Non. L’indemnité de précarité reste
acquise au salarié.
L’indemnité de fin de contrat du
nouveau « CDD à objet défini »,
réservé aux ingénieurs et cadres,
a-t-elle des spécificités par rapport
à l’indemnité de précarité de fin de
contrat du CDD classique ?
Elle est de même montant et calculée
sur la même assiette mais, à la différence de l’indemnité de précarité, l’indemnité de fin de CDD à objet défini
doit être versée dans 2 cas :
• lors de la rupture normale du contrat,
y compris si le salarié a refusé une
offre de CDI pour un poste similaire ;
•
lors d’une rupture anticipée du
contrat par l’employeur, si le motif
de cette rupture est réel et sérieux
(cette rupture ne peut toutefois
intervenir qu’après 18 ou 24 mois de
contrat).
L’indemnité est, elle aussi, assujettie
dès le 1er euro à cotisations et contributions sociales.
Attention
Les conditions et modalités
de rupture du CDD « à objet
défini » réservé aux ingénieurs
et cadres sont différentes des
autres CDD « classiques ».
Cette étude de cas est un extrait
de la publication : Responsable et
gestionnaire paie (Éditions TISSOT)
* Des études de cas complémentaires ainsi
que des modèles de bulletins commentés
et des outils à télécharger, sont accessibles
directement depuis la version Internet de
cette publication (accès réservé aux abonnés
« Responsable et gestionnaire paie »). Plus
d’informations et essai gratuit sur www.
editions-tissot.fr et auprès de notre service
relation clientèle : 04.50.64.08.08.
Courrier des lecteurs
Social Métallurgie Actualités - Septembre 2015 - N° 175
Par Delphine Witkowski, juriste en droit social
Modification du contrat de travail
La zone de prospection d’un commercial ne peut être
réduite de façon unilatérale
La société dont je suis directeur commercial est en pleine
réorganisation d’activité et je dois adapter en conséquence les domaines de prospection de mes commerciaux. Nos contrats de travail prévoient que l’employeur
modifie chaque année les objectifs commerciaux de sa
propre décision. J’ai donc annoncé à deux collaborateurs
de nouveaux objectifs amoindris pour 2016, sachant que
je retire à chacun un domaine d’activité, que je souhaite
confier à un nouveau commercial. L’un des deux refuse
ces nouveaux objectifs en m’opposant que je modifie sa
rémunération et qu’il veut continuer à bénéficier de son
commissionnement actuel. Puis-je lui imposer ces nouveaux objectifs à compter de 2016 ?
Je ne vous le conseille pas ; il est vrai que dès lors que
le contrat de travail du salarié prévoit que ses objectifs
seront modifiés unilatéralement chaque année, il n’y a
aucun souci à lui notifier de nouveaux objectifs à la hausse
ou à la baisse. Ils doivent simplement rester réalistes et
réalisables et être notifiés au salarié avant le début de
l’exercice. Mais dans le cas présent, vous supprimez par
la même occasion un domaine d’activité commerciale, ce
qui doit très certainement réduire les commissions versées. Si tel est le cas, vous allez bien au-delà du simple
changement d’objectif et l’on peut considérer, comme l’a
confirmé la Cour de cassation (Cass. soc. 12 février 2015,
n° 13-19.309), que vous modifiez le contrat de travail de
votre commercial. Vous auriez donc dû lui proposer par
écrit une modification de ses domaines de prospection,
afin qu’il formule son acceptation de façon expresse. Si
vous lui imposez cette décision sans son accord, votre
commercial pourrait prendre acte de la rupture de son
contrat de travail à vos torts ou en demander la résiliation
judiciaire.
Sanction disciplinaire
Le défaut d’affichage du règlement intérieur peut vous
interdire de sanctionner un salarié
L’un de mes ouvriers travaillant sur échafaudages de
grande hauteur a refusé à plusieurs reprises de porter les
équipements de sécurité sur l’un de nos chantiers, malgré
nos injonctions répétées. Notre règlement intérieur comportant des règles très claires à ce sujet, je l’ai mis à pied
puis licencié pour faute grave. Il m’attaque aujourd’hui en
invoquant que le règlement intérieur ne lui était pas opposable, faute d’être affiché dans l’entreprise, alors qu’il est
consultable en permanence sur le serveur informatique
accessible à tous les salariés et que la charte interne est
bien affichée dans les locaux. Peut-il néanmoins avoir
gain de cause ?
Sans nul doute, le fait que vous n’ayez pas affiché le règlement intérieur, comme l’imposent les articles L.1321-4 et
R.1321-1 du Code du travail, peut vous coûter cher. En
effet, vous ne pouvez opposer les dispositions prévoyant
la possibilité de sanctionner les manquements aux règles
d’hygiène et de sécurité, si vous vous contentez de diffuser le règlement intérieur sur un serveur ou un Intranet,
sans l’afficher de façon facilement visible et accessible
dans les locaux et dans les lieux où se font les embauches
(CA Rennes, 14 janvier 2015, n°14/00618).
Par conséquent, vous auriez dû invoquer la charte interne
affichée, à condition que vous l’ayez adoptée dans les
mêmes formes que le règlement intérieur et qu’elle prévoit
les mêmes règles et sanctions que celles que vous avez
appliquées. N’oubliez pas cependant que vous êtes tenu
d’une obligation de résultat en matière d’hygiène et sécurité et qu’il vous faut pouvoir établir que vous avez tout
fait, notamment en termes de formation, pour que votre
salarié ait été en situation de porter les équipements de
protection individuelle.
Rupture conventionnelle
Le congé de maternité n’interdit pas de conclure une
rupture conventionnelle
Nous sommes en discussion avec une de nos salariés,
afin de signer une rupture conventionnelle. Voici qu’elle
m’apprend qu’elle est enceinte, donc il me semble que
nous devons attendre maintenant la fin de sa période de
protection, soit 4 semaines après la fin de son congé de
maternité, pour pouvoir conclure cette convention. Pouvez-vous me confirmer ?
Vous confondez licenciement et rupture conventionnelle.
La protection de la maternité ne concerne que la première
procédure. Il est vrai que pendant toute la période s’étendant de la constatation de l’état de grossesse, à la fin des
quatre semaines postérieures au congé de maternité,
éventuellement suspendues par la prise de congés payés,
vous ne pouvez licencier une salariée que pour faute grave
ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat, pour un
motif de rupture totalement étranger à l’état de grossesse.
Par ailleurs, il est formellement interdit de notifier un licenciement ou de lui faire prendre effet pendant le congé de
maternité. Il serait nul dans tous les cas. S’agissant de
la rupture conventionnelle, la protection n’intervient pas.
Vous pouvez donc conclure une rupture conventionnelle
et lui faire prendre effet pendant la période de grossesse,
aussi bien que pendant le congé de maternité (Cass. soc.
25 mars 2015, n°14-10.149). Néanmoins, cette rupture ne
doit pas reposer sur une fraude ou un vice du consentement, en profitant par exemple d’un état de fatigue ou
de fragilité psychologique de la salariée, sans quoi elle
pourrait être annulée.
Editions TISSOT
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Directeur de la publication : Robin DUALÉ
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