Une histoire tirée par les cordes : voyage à travers sons

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Une histoire tirée par les cordes : voyage à travers sons
Conférence musicale audio-visuelle
Une histoire tirée par les cordes : voyage
à travers sons, harmoniques, et gammes du monde
Fondation Arts et Métiers
LIANCOURT (Oise) – 14 mars 2015
Luis EL DUENDE, guitare
(http://www.luiselduende.com)
1 Les 2 guitares jouées aujourd’hui
* guitare "flamenca blanca" Valeriano BERNAL
(mai 2010)
- modèle "Al-Alba" ("La blanche") : éclisse et dos en cyprès
- joué par le guitariste flamenco Paco de LUCIA
* guitare de concert Arthur CARBONELL TORRES
(janvier 1951)
- caisse, manche en acajou; table d’harmonie en épicéa
européen ; chevalet, plaquage de tête en palissandre ;
touches en ébène)
- modèles joués par Georges BRASSENS, Yves MONTAND,
Django REINHARDT, Manitas de PLATA, Alexandre LAGOYA…
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2 Sommaire
A - Quelques notions de base sur le son musical :
1. Notations occidentales des notes de la gamme
2. Longueur d’une corde tendue et fréquence du son associé
3. Décomposition de Fourier d’un son musical en harmoniques
4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
5. De la gamme tempérée aux gammes majeure et mineure
B - Défilé de quelques modes et gammes du monde :
1. Notion de mode, de l’Antiquité au Moyen Âge
2. Introduction aux modes proche-orientaux (maqâms)
3. Introduction aux modes d’Inde du Nord (râgas)
4. Liens entre modes du flamenco, Proche-Orient, et Inde du Nord
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3 !
A - Quelques notions de base sur le son musical
1. Notations occidentales des notes de la gamme
2. Longueur d’une corde tendue et fréquence du son associé
3. Décomposition de Fourier d’un son musical en harmoniques
4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
5. De la gamme tempérée aux gammes majeure et mineure
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4 A1. Notations occidentales des notes de la gamme
* Γ = lettre grecque Gamma => gamme
* Début du XIe siècle dans les pays latins (moine Guido d’Arezzo)
Hymne (en latin) à Saint Jean-Baptiste, traduit par :
"Afin que les disciples de tes préceptes puissent clamer à pleine voix les merveilles de
tes actions, ôte l'erreur de leurs lèvres impures, ô Saint Jean."
=> Ut queant…Ré (Resonare)…Mi (Mira)…Fa (Famuli)…Sol (Solve)…La (Labii)
* XVIe siècle :
. ajout de la note Si (Sancte Iohannes)
. transformation du Ut en Do
(Domine - ô Seigneur - précédant l’hymne, plus facile à énoncer en solfiant)
* Dans les pays anglophones
A = La, B = Si, C = Do, D = Ré, E = Mi, F = Fa, G = Sol
* Dans les pays germanophones, certains pays scandinaves et slaves
H =Si , B = Si♭ (♭= bémol : cf A4) 5 A2. Longueur d’une corde tendue et fréquence du son associé
*Bruit = vibration sonore non périodique, onde irrégulière :
* corde de guitare élastique subissant une déformation mécanique et oscillant autour de sa position de repos
=> vibration sonore périodique, onde progressant à vitesse V :
- période T = plus petite durée => phénomène reproduit à l’identique
- fréquence F = nombre de fois / unité de temps / phénomène reproduit identique à lui-même
. => F = 1/T (en Hertz : Hz)
. sons perçus par l’homme du grave (F basse) à l’aigu (F haute) : 20 Hz ≤ F ≤ 20000 Hz
(F < 20 Hz : infrason - F > 20 Hz : ultrason)
. La du diapason (époque moderne) : 440 Hz = La aigu sur la 1e corde de la guitare
- longueur d’onde L = distance parcourue par l’onde pendant T : L = V T = V / F
6 A2. Longueur d’une corde tendue et fréquence du son associé
* Son musical associé à une corde tendue de longueur L
. = mélange riche de vibrations périodiques
. détection humaine de la hauteur du son : fréquence F la plus basse, celle de la fondamentale
. loi physique de HELMHOLTZ (19e s.) : F inversement proportionnelle à L
* Fondamentale = son théorique
. complètement "plat", ne peut être produit que par un générateur électronique
. oscillation sinusoïdale associée = déplacement d’1 point fixé sur la corde : x = a sin (2 π F t)
(a amplitude = valeur maximale de x, sin fonction sinus, π nombre Pi, fréquence F=1/T, t temps) 7 A3. Décomposition de FOURIER d’un son musical en harmoniques
* Son musical = mélange
. la fondamentale : son pur de fréquence F la plus basse
. autres vibrations périodiques du mélange = harmoniques aux fréquences multiples de F
. Son musical riche : beaucoup d’harmoniques => richesse en timbre et couleurs
* Résonance des harmoniques beaucoup moins forte
amplification par techniques spéciales : doigt posé en un point de la corde, chant harmonique…
8 A3. Décomposition de FOURIER d’un son musical en harmoniques
* Loi de FOURIER
- décomposition unique de tout son musical en une superposition d’oscillations sinusoïdales
- déplacement x d’un point de la corde = série (de FOURIER) de sinusoïdes aux fréquences multiples de F :
x = a1 sin (2 π F t) + a2 sin (2 π 2F t) + a3 sin (2 π 3F t) + …
* Harmoniques
. H1 = 1ère harmonique, symbolise le son fondamental : fréquence F1
. Hn = n-ième son harmonique associé au son fondamental : fréquence Fn = n F1
. fréquence du son inversement proportionnelle à la longueur de corde (HELMHOLTZ)
=> diviser la longueur par 2 donne une fréquence double :
Hn obtenu en effleurant la corde au n-ième de sa longueur
9 A3. Décomposition de FOURIER d’un son musical en harmoniques
* Indice accolé au nom d’une note musicale : associé à une harmonique
. Oreille => fréquence double à l’octave = intervalle de 8 notes : Do Ré Mi Fa Sol La Si Do
. 88 touches du piano (plus de 7 octaves) : 13e partant à gauche notée La0 (fréquence F0 : 55 Hz)
. La suivants, d’octave en octave notés : La1 (fréquence F1 = 2F0), La2 (fréquence F2 = 2F1)
. La3 (fréquence F3 = 2F2) = La du diapason : 440 Hz = La aigu sur la 1e corde de la guitare
* Notes pincées de la guitare (sur plus de 3 octaves et demie)
- corde 1 (aigue : chanterelle) :
- corde 2 :
- corde 3 :
- corde 4 :
- corde 5 :
- corde 6 (grave : bourdon) :
Mi3 (à vide)… Mi4 (milieu de corde)…Si4
Si2 (à vide)… Si3 (milieu de corde)…Fa♯4
Sol2 (à vide)…Sol3 (milieu de corde)…Ré4
Ré2 (à vide)…Ré3 (milieu de corde)…La3
La1 (à vide)…La2 (milieu de corde)…Fa3
Mi1 (à vide)…Mi2 (milieu de corde)…Si2
10 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
* Construction d’une gamme
- construire une gamme = choisir et ranger une série de 8 notes consécutives à l'intérieur d'une octave,
ayant entre elles des propriétés de consonance
- exemple : Do Ré Mi Fa Sol La Si Do
- 1e note = fondamentale appelée tonique, 8e (dernière) note = octave de la tonique
- structure associée à des intervalles entre notes, repérables à l’oreille
* Intervalles élémentaires à la base des gammes
- ton (noté T : Do Ré), demi-ton (noté d : Mi Fa), ton et demi (noté G : La Do) :
- exemple 1 : Do ⎵ Ré ⎵ Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do
T
T
d
T
T
T
d
- altérations : hausse d’un demi-ton = dièse ♯ , baisse d’un demi-ton = bémol♭
exemple 2 : Mi ⎵ Fa♯ ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do♯ ⎵Ré♯ ⎵ Mi
T
T
d
T
T
T
d
11 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
* Fondamentale et harmoniques émis par une corde vibrante
- jusqu'au 17e s. en Occident : gammes "naturelles" issues de sons harmoniques issus d’une corde vibrante
. la corde tendue, vibrant sur toute sa longueur, produit un son appelé la fondamentale
. elle émet parallèlement d’autres sons plus faibles, les harmoniques, reproductibles en la touchant à la
moitié de sa longueur, au tiers, au quart, au cinquième…
- les harmoniques sont en consonance avec la fondamentale, formant l’accord parfait majeur Mi Sol♯ Si :
fondamentale Mi - Sol♯ tierce majeure (2 tons) - Si quinte (3 tons et demi), à la base du mode majeur
* Harmoniques et longueurs de corde
- fréquences des 4 premières harmoniques audibles du Mi 1 (corde grave de la guitare) :
(La 3 = La du diapason = La aigu sur la corde la plus aiguë = 440 Hz)
toucher :
à vide
harm. à L/2
harm. à L/3
harm. à L/4
harm. à L/5
intervalle :
1e octave
quinte
2e octave
tierce majeure
note :
Mi 1
Mi 2
Si2
Mi 3
Sol♯ 3
fréquence : F = 82.5
2F
3F
4F
5F
- l’émission des harmoniques correspond à la loi physique de HELMHOLTZ précisée au 19e s. :
fréquence F d’un son émis par une corde tendue de longueur L = inversement proportionnelle à L
=> si corde touchée au n-ième de L , alors son (harmonique) de fréquence n F
12 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
- Comment les Anciens pouvaient-ils mesurer des fréquences ? - * Instrument à cordes conçu dans ce but : le monocorde
. inventé par PYTHAGORE , philosophe et mathématicien grec - 6e s. avant J.C.
(d’après le philosophe néoplatonicien BOÈCE (6e s.), auteur de ”Consolation de la philosophie”)
. existait probablement avant en Egypte
. 1 caisse de résonance
. 1 corde unique tendue entre les deux extrémités d'une planchette
. 1 chevalet mobile, sorte d'arête, partageant la corde en 2 parties
* Mesure d’un intervalle par des rapports de longueurs de corde
. démontré par PYTHAGORE :
hauteur du son inversement proportionnelle à la longueur de corde
. hauteur d’1 note émise par chaque partie de corde : en relation directe avec sa longueur
=> intervalle entre 2 notes mesuré par le rapport des longueurs des parties correspondantes
(N.B.: HELMHOLTZ /19e s. => rapport des fréquences = inverse des rapports de longueur)
13 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
* Conception de la première gamme naturelle par PYTHAGORE
- accord des instruments à sons fixes en usage jusqu'à la fin du Moyen Âge : attribué à PYTHAGORE
par des textes médiévaux, mais depuis découverte de textes babyloniens du 4e millénaire avant J.C.
décrivant l'utilisation d'accords similaires
-
harmoniques Hn, n = 2 et 3 : rapports de fréquence 2 (octave: 6 tons) et 3/2 (quinte: 3 tons et demi)
=> construction des 12 notes (6 tons : 12 demi-tons) de la gamme chromatique par le cycle des quintes :
* Tableau de construction
(corde grave) (octave)
Note :
Mi 1
Mi 2
Fréquence : F/2
F=165
Fa 6
(3/2)7 F
(5te suiv.) (5te suiv.)
Si 2
Fa♯ 3
(3/2) F (3/2)2 F
Do 7
(3/2)8 F
Sol 7
(3/2)9 F
(5te suiv.) (5te suiv.) (5te suiv.) (5te suiv.)
Do♯ 4
Sol♯ 4
Ré♯ 5
La♯ 5
(3/2)3 F (3/2)4 F (3/2)5 F (3/2)6 F
Ré 8
La 8
Mi 9
(3/2)10 F (3/2)11 F (3/2)12 F
14 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
* Problème de l’écart final entre le cycle des 12 quintes et celui des 7 octaves associées
- F fréquence de Mi 2 => fréquence de Mi 9 (après 12 quintes) = (3/2)12 F ≃ 129.75 F
- Mi 9 devrait, comme 7e octave de Mi 2 , être de fréquence = 27 F = 128 F
(cette différence infime entre 7 octaves et 12 quintes = comma pythagoricien)
* La "quinte du loup"
- Les 12 quintes du cycle des quintes comportent :
. 11 premières quintes justes (3 tons et demi)
. la dernière quinte très dissonante (dépendant de la note de départ choisie pour la gamme): quinte du loup
(son désagréable : phénomène de forts battements sonores rappelant le hurlement du loup)
- Calcul du rapport de fréquence de la quinte du loup : enlever 11 quintes aux 7 octaves
=> rapport de fréquence = 27 / (3/2)11 = 218 / 311 ≃ 1,48 ≠ 3/2
15 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
* Idée de ZARLINO pour perfectionner la gamme naturelle
ZARLINO (16e s.) complète la construction de PYTHAGORE en utilisant avec les harmoniques H2 et H3
l’harmonique H5 de rapport de fréquence associé 5/4 (tierce majeure : 2 tons) :
Fréquences des 5 premières harmoniques du Mi 1 (corde grave de la guitare)
(La 3 = La du diapason = La aigu sur la corde la plus aiguë = 440 Hz)
toucher :
intervalle :
note :
fréquence :
à vide
harm. à L/2
1e octave
Mi 1
Mi 2
F = 82.5
2F
harm. à L/3
quinte
Si2
3F
harm. à L/4
2e octave
Mi 3
4F
harm. à L/5
tierce majeure
Sol♯ 3
5F
* Méthode de construction de la gamme majeure
Mi 2 ⎵ Fa♯ 2 ⎵ Sol♯ 2 ⎵ La2 ⎵ Si 2 ⎵ Dol♯ 3 ⎵ Ré♯ 3 ⎵ Mi 3
T
T
d
T
T
T
d
fréquence : F=165
(?)F
(5/4)F
(?)F (3/2)F
(?)F
(?)F
(2)F
note :
=> ZARLINO utilise pour calculer les fréquences les notes de 3 accords parfaits majeurs
(fondamentale - fondamentale + 2 tons : tierce majeure - fondamentale + 3 tons et demi : quinte) :
1er issu de la fondamentale Mi 2 :
Mi 2 - Sol ♯ 2 - Si 2
2e issu de la quinte Si 2 de la fondamentale Mi 2 :
Si 2 - Ré ♯ 3 - Fa ♯ 3
3e issu de la note La 1 dont la fondamentale Mi 2 est la quinte :
La 1 - Do ♯ 2 - Mi 2
16 A4. Construction de gammes naturelles via des harmoniques
* Calculs par quintes
. fréquence (Si 2) = (3/2) F
. F fréquence (Mi 2) = (3/2) fréquence (La 1) = (3/2)(1/2) fréquence (La 2) => fréquence (La 2) = (4/3) F
. de même fréquence (Fa♯ 2) = (3/4) fréquence (Si 2) = (3/4)(3/2)F => fréquence (Fa♯ 2) = (9/8) F
* Calculs par tierces majeures
. fréquence (Sol♯ 2) = (5/4) F
. fréquence (Ré♯ 3) = (5/4) fréquence (Si 2) = (5/4)(3/2)F => fréquence (Ré♯ 3) = (15/8) F
. fréquence (Do♯ 3) = (5/4) fréquence (La 2) = (5/4)(4/3)F => fréquence (Do♯ 3) = (5/3) F
* Fréquences finales de la gamme majeure
Mi 2 ⎵ Fa♯ 2 ⎵ Sol♯ 2 ⎵ La2 ⎵ Si 2 ⎵ Dol♯ 3 ⎵ Ré♯ 3 ⎵ Mi 3
T
T
d
T
T
T
d
fréquence : F=165
9/8 F
5/4 F
4/3 F
3/2 F
5/3 F 15/8 F
2F
note :
17 A5. De la gamme tempérée aux gammes majeure et mineure
* Problème avec les gammes naturelles pour transposer une œuvre dans une autre tonalité
gamme "naturelle" non satisfaisante si on change de tonalité :
faibles écarts entre intervalles de fréquence non constants =>
impossible de modifier d'un même intervalle la fréquence de toutes les notes d'une œuvre pour la transposer
* La gamme "tempérée" (1e moitié 18e s. - BACH : "Clavier bien tempéré", RAMEAU)
- proche de la gamme naturelle
- "tempérament" égal : division de l'octave en 12 demi-tons égaux
- fréquence d'un son = fréquence du précédent multipliée par d = 21/12 (racine douzième de 2)
(donc intervalles de fréquence : constants)
- écart avec les harmoniques réelles extrêmement faible (très peu perceptible par sensibilité humaine)
- facilité d'utilisation
18 A5. De la gamme tempérée aux gammes majeure et mineure
* Construction de la gamme tempérée avec 12 demi-tons égaux
. d = 21/12 => d12 = (21/12)12 = 21 : d12 = 2 ( élévation à la puissance : (an)p = anp )
. F fréquence de la tonique (fondamentale de la gamme) => (Mi majeur) :
note :
Mi ⎵ Fa♯ ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do♯ ⎵ Ré♯
T
fréquence :
F
T
d2 F
d
d4 F
T
d5 F
T
d7 F
T
d9 F
⎵ Mi
d
d11 F
d12 F = 2 F
* Instruments naturels ou tempérés
- instruments à son fixe, ou instruments tempérés, fondés sur la gamme tempérée :
claviers, cordes à frettes fixes (guitare…), instruments à vent avec clés ou pistons (trompette…)
- instruments non fondés sur la gamme tempérée = instruments naturels :
voix, cordes frottées sans frettes (violon..), instruments à vent sans clés ou pistons (trombone…)
19 A5. De la gamme tempérée aux gammes majeure et mineure
Avec la gamme tempérée, en musique occidentale souvent seulement 2 types possibles de tonalités
* Gamme majeure
- séquence de 7 notes de la gamme tempérée, à la tonalité décrite comme plutôt "joyeuse »
- exemple : Mi majeur = Mi ⎵ Fa♯ ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do♯ ⎵ Ré♯ ⎵ Mi
T
T
d
T
T
T
d
* Gamme mineure harmonique relative d’une gamme majeure
- séquence de 7 notes de la gamme tempérée, à la tonalité décrite comme plutôt "mélancolique »
- construction => presque les mêmes notes que la gamme majeure relative :
. note fondamentale (tonique) : 1 ton et demi sous celle de la tonalité majeure
Do♯ ⎵ Ré♯ ⎵ Mi ⎵ Fa♯ ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do♯
T
d
T
T
d
T
T
e
e
. intervalle modifié entre 7 et 8 notes pour avoir 1 demi-ton sous l’octave de la tonique (comme en majeur)
=> altération accidentelle caractéristique de la tonalité mineure
7e note (la sensible) haussée d’1 demi-ton , à 1 ton et demi (G) de la 6e note :
Do♯ ⎵ Ré♯ ⎵ Mi ⎵ Fa♯ ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Do ⎵ Do♯
T
d
T
T
d
G
d
20 B - Défilé de quelques modes et gammes du monde
1. Notion de mode, de l’Antiquité au Moyen Âge
2. Introduction aux modes proche-orientaux (maqâms)
3. Introduction aux modes d’Inde du Nord (râgas)
4. Liens entre modes du flamenco, Proche-Orient, et Inde du Nord
!
!
!
21 B1. Notion de mode, de l’Antiquité au Moyen Âge
* Notion de mode
. "mode" : sens plus général que "tonalité"
. mode musical = atmosphère ("couleur modale") autour d'une gamme
(musique traditionnelle d’Inde : mode pour chaque heure de la journée)
. musique orientale = modale : modes nombreux (râgas, maqâms…)
* Caractères d’un mode
. mode = mêmes notes que gamme + sonorité et ambiance spécifiques :
- rôle de la tonique et des intervalles entre tonique et autres notes
- utilisation particulière de tournures mélodiques ou ornements…
. caractère modal associé à une culture : divers modes dans le monde
. correspond symboliquement à un voyage vers le Ciel,
relié par l'esprit ou le cœur à la tonique (jouant le rôle de la Terre, point d'attache et de retour)
* Dominante
. dominante : note la plus privilégiée dans la structure du mode après la tonique (1e note de la gamme)
. = 5e note de la gamme : 1 quinte (3 tons et demi) au-dessus de la tonique
exemple : dans la gamme de Mi, Si est la dominante
22 B1. Notion de mode, de l’Antiquité au Moyen Âge
* Des modes "grecs antiques" aux modes "médiévaux liturgiques"
- Antiquité : une tonalité engendre 7 modes (PYTHAGORE : 572 av. J.C.)
- 6e s. : chant grégorien les renommant avec confusions => 7 modes "médiévaux liturgiques" jusqu'au 17e s. :
. dorien "grec antique" = phrygien "médiéval liturgique"
. phrygien "grec antique" = dorien "médiéval liturgique" …
- 18e s. : musique polyphonique + jeu sur claviers avec gamme tempérée => seuls modes majeur et mineur
* 7 modes par décalage successif de 1 degré dans une tonalité (exemple : Do majeur)
-
départ du 1er degré Do : Do ⎵ Ré ⎵ Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do
T
T
d
T
T
T
d
= mode "grec antique" lydien ("médiéval liturgique" : hypolydien)
-
décalage de 1 degré => départ du 2e degré Ré : Ré ⎵ Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do ⎵ Ré
T
d
T
T
T d
T
= mode "grec antique" phrygien ("médiéval liturgique" : dorien)
- nouveau décalage de 1 degré => départ du 3e degré Mi : Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do ⎵ Ré ⎵ Mi
d
T
T
T
d
T
T
= mode "grec antique" dorien ("médiéval liturgique" : phrygien)
= mode flamenco "andalou", maqâm Kurd, râga Bhairavi
23 B2. Introduction aux modes proche-orientaux (maqâms)
- L’âge d’or islamique * Âge d’or islamique du milieu du 8e s. jusqu’au milieu du 13e s.
- la grande civilisation islamique s'approprie l'héritage des mondes méditerranéen et indien antiques
- elle développe à partir de 850 une immense culture unifiée par la langue arabe, le commerce et la religion
- => artistes, ingénieurs, érudits, poètes, philosophes, musiciens, géographes, commerçants :
à l’origine de nombreuses connaissances en science et art diffusées en Occident pendant plusieurs siècles
* Interaction avec les moines au Moyen Âge
- échanges fructueux avec les moines
- résonances avec leurs connaissances issues du celtisme et du druidisme (secrètes, interdites par l’Eglise)
- => filiation de la connaissance en rapport avec l'Inde, les Celtes, l'Égypte, la Perse, la Grèce
24 B2. Introduction aux modes proche-orientaux (maqâms)
- Des tétracordes aux maqâms * Altérations en musique proche-orientale
modes proche-orientaux (maqâms) =>
. demi-bémol (♭) : abaisse la note d'un quart de ton
. demi-dièze (♯) : élève la note d'un quart de ton
* Le tétracorde, base du système musical proche-oriental
- tétracorde = succession de 4 notes consécutives
1e et 4e séparées par une quarte (parfois augmentée ou diminuée d’un demi-ton) : 2 tons et demi
exemple : Do ⎵ Ré ⎵ Mi ⎵ Fa
T
T
d
- 3 types très courants de tétracordes :
Hijaz : d G d
Kurd : d T T
Nahawand : T d T
* Constitution d’un maqâm à partir de 2 tétracordes
2 tétracordes principaux, complétés par 1 ton pour arriver à une octave (6 tons), forment un maqâm :
. le 1er, dit inférieur, partant du 1er degré - la tonique
. le 2e, dit supérieur, peut partir :
- du 4e degré : octave = 1er tétracorde + 2e tétracorde + 1 ton (jonction avec la tonique à l’octave)
- du 5e degré (dominante) : octave = 1er tétracorde + 1 ton + 2e tétracorde
25 B2. Introduction aux modes proche-orientaux (maqâms)
- 3 maqâms courants n’utilisant que des altérations occidentales usuelles . Maqâm Hijaz Nahawand (variation "orientalisante" du mode flamenco "andalou")
intervalles séparant les notes consécutives :
d G d (tétracorde Hijaz) - T d T (tétracorde Nahawand) - T (raccord avec tonique à l’octave)
La ⎵ Si♭ ⎵ Do# ⎵ Ré ⎵ Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La
d
G
d
T
d
T
T
. Maqâm Kurd (= râga Bhairavi d‘Inde du Nord = mode flamenco "andalou »)
intervalles séparant les notes consécutives :
d T T (tétracorde Kurd) - T d T (tétracorde Nahawand) - T (raccord avec tonique à l’octave)
La ⎵ Si♭ ⎵ Do ⎵ Ré ⎵ Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La
d
T
T
T
d
T
T
. Maqâm Hijaz Kar (= râga Bhairava d‘Inde du Nord)
intervalles séparant les notes consécutives :
d G d (tétracorde Hijaz) - T (raccord d’1 ton intermédiaire) - d G d (tétracorde Hijaz à partir du 5e degré)
La ⎵ Si♭ ⎵ Do♯ ⎵ Ré ⎵ Mi ⎵ Fa ⎵ Sol♯ ⎵ La
d
G
d
T d
G
d
26 B3. Introduction aux modes d’Inde du Nord (râgas)
* Quelques caractéristiques des râgas
- façon de monter et descendre la gamme
- tonique : 1e (8e) note de la gamme, la plus importante
dominante : 5e note de la gamme, la plus importante après la tonique
- subtile polarisation autour de notes différentes de tonique ou dominante
- altération de notes par de quarts de tons (comme pour les maqâms), dièse ♯ (tirva), bémol♭(komal)
=> atmosphère particulière dûe au musicien improvisateur
- dizaine de râgas de base (dont : râga Bilawal = mode majeur, râga Asavari = mode mineur)
centaines de râgas dérivés
* Pas de hauteur absolue et de fréquences fixées
- musique occidentale => chaque note a une fréquence précise (La3 du diapason = 440 hertz)
- Inde du Nord => pas de diapason pour s'accorder, comme pour le chant grégorien médiéval
hauteur absolue non importante , essentiel = notes chantées ou jouées aisément
- fréquence de la tonique variable avec le chanteur et l’instrumentiste qui accorde selon l’instrument
27 B3. Introduction aux modes d’Inde du Nord (râgas)
* Notes principales (svaras) = noms de position, sans fréquences fixées
Sa (tonique) Ri Ga Ma Pa (dominante) Dha Ni Sa
Mi
Fa Sol La Si
Do Ré Mi
* Origine légendaire des noms des notes : associés aux sons d’animaux
- Sa = Shadjam : cri du paon voyant les nuages noirs annonçant une averse - Ri = Rishabam : beuglement de la vache à qui on a enlevé son veau
- Ga = Gandharam : bêlement de la chèvre
- Ma = Madhyamam : cri du héron
- Pa = Panchamam : chant du rossignol au printemps
- Dha = Dhaivatham : hennissement du cheval
- Ni = Nishadam : barrissement de l'éléphant
28 B3. Introduction aux modes d’Inde du Nord (râgas)
* Tonique et dominante axes du râga
- tonique Sa et dominante Pa reliées précisément par 1 quinte (3 tons et demi) :
rôle fondamental dans la montée ou descente de la gamme
- jouer continuellement tonique et sa dominante : y relier chaque note par l’intervalle associé
- importance de tout mouvement même minuscule d’1 autre note :
position changée vis à vis de Sa et Pa => atmosphère modifiée
* Exemple : râga Bhairava (= maqâm proche-oriental Hijaz Kar)
- guitare : 5e corde La -> Si, 4e corde Ré ->Mi, 3e corde Sol ->Sol♯
- tonique Mi sur 3 cordes : basse (6e), en bourdon avec 4e et 1e
- dominante Si sur 2 cordes : basse (5e), en bourdon avec 2e
- gamme : Sa
Ri Ga
Ma Pa Dha Ni
Sa
Mi ⎵ Fa ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do ⎵ Ré♯ ⎵ Mi
d
G
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T
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G
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29 B4. Liens entre modes du flamenco, Proche-Orient, et Inde du Nord
- Le flamenco issu de l’histoire du peuple gitan –
* Origines de la musique arabo-andalouse
. début du VIIIe s. : Arabes en Andalousie, pour plus de 5 siècles
. 822 : musicien Zyriab ("Oiseau noir") arrivant de Bagdad à Cordoue
noubat (singulier : nouba) : issues des milliers de chansons apportées
.1492 : "Reconquista" par les chrétiens => persécutions : fuite des juifs et musulmans vers le Maghreb
=> fusion des musiques : musique arabo-andalouse
* Naissance du flamenco : arrivées de gitans en Andalousie
. XVe s. : arrivées en Andalousie de gitans, nomades chassés d’Inde du Nord début XIe s.
traditions musicales au fil des voyages => bases du futur flamenco
. fin de XVIe s. : minorité "gênante" => se cacher ou se convertir au catholicisme ?
. XVIIIe s. : le roi d’Espagne leur donne un statut => naissance réelle du flamenco en Andalousie
. XIXe s. : professionnalisation dans les cafés cantantes de Séville
* Le flamenco aujourd’hui
. années 70 => flamenco nuevo (traditionnel + rumba, jazz) : guitariste Paco de LUCIA
. fusion actuelle avec musiques d’Afrique noire et Cuba : guitariste Diego EL CIGALA
30 B4. Liens entre modes du flamenco, Proche-Orient, et Inde du Nord
* Les 3 modes du flamenco
. musique modale comme les musiques orientales, jouée sur 3 modes (dont majeur et mineur)
. mode flamenco "andalou" (= râga Bhairavi = maqâm Kurd) :
Mi ⎵ Fa ⎵ Sol ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do ⎵ Ré ⎵ Mi
d
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T
T
d
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T
avec variation "orientalisante" (maqâm Hijaz Nahawand) :
Mi ⎵ Fa ⎵ Sol♯ ⎵ La ⎵ Si ⎵ Do ⎵ Ré ⎵ Mi
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G
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d
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T
* Position sur la guitare du jeu en mode flamenco
. soit en haut du manche ( por arriba) :
Mi Fa Sol (Sol♯) La Si Do Ré Mi
. soit au milieu du manche ( por medio) :
La Si♭ Do (Do♯) Ré Mi Fa Sol La
31 B4. Liens entre modes du flamenco, Proche-Orient, et Inde du Nord
* Jeu musical proche de celui des luths hindous
. jeu presque continuel de tonique (Mi, La) et dominante (Si, Mi)
. jeu de chaque note reliée à tonique et dominante par les intervalles
. => intéressantes dissonances caractéristiques du flamenco
* Accords flamencos en partant du haut du manche (por arriba)
on décale successivement de 1 touche (demi-ton) ou 2 touches (ton) :
. Mi :
Mi Majeur =>
Mi
Si
Mi
Sol♯
Si Mi
. Fa flamenco : Fa Majeur "flamenquisé" pour faire entendre Mi (Mi aigu 1e corde), Si (Si aigu 2e corde)
=> Fa Do
Fa
La
Si Mi
. Sol flamenco : Sol Majeur "flamenquisé" => Sol Ré
Sol Si Si Mi
. La flamenco : La mineur "flamenquisé" => La La (5e) La
Do Si Mi
. Si flamenco : Si mineur "flamenquisé" =>
Si Fa Ré (4e) Ré Si Mi
. Do flamenco : Do Majeur "flamenquisé" => Do Sol
Do
Mi Si Mi
. Ré flamenco: Ré mineur "flamenquisé" => Ré La (5e) Ré Fa
Si Mi
32 Annexe sur les intervalles
1 - Les différents intervalles selon les tons et demi-tons
- dénomination des intervalles variant au fil de l’histoire
- intervalle de type Q (quarte, quinte) : jamais majeur ou mineur
- catalogue :
Do - Do#: seconde mineure (demi-ton)
Do - Ré : seconde majeure (1 ton)
Do - Ré# : tierce mineure (1,5 ton)
Do - Mi : tierce majeure (2 tons) = quarte diminuée
Do – Fa : quarte juste (2,5 tons)
Do - Fa# : quinte diminuée = quarte augmentée (3 tons) = triton
Do – Sol : quinte juste (3,5 tons)
Do - Sol# : sixte mineure (4 tons) - quinte augmentée
Do - La : sixte majeure (4,5 tons) = septième diminuée
Do - La# : septième mineure (5 tons)
Do - Si : septième majeure (5,5 tons)
Do – Do : octave (6 tons embrassant les 8 notes consécutives, ou degrés, d’une gamme)
33 Annexe sur les intervalles
2 - Deux intervalles au rôle particulier
*Triton (3 tons)
- 3 tons (6 demi-tons) = demi-octave => passage de fréquence F à F (2 1/12)6 = F 21/2 = F √2
- engendre une tension, considéré classiquement comme dissonant
- évité à la fin du Moyen Âge car jugé trop dur à l'oreille :
surnommé "Diabolus In Musica"
(maléfique pour l'inconscient populaire => pas de triton entre 2 cloches dans un clocher…)
- utilisé par : BACH dans "Le clavier bien tempéré", STRAVINSKY dans ”L’Oiseau de feu”,
le hard rock et le heavy metal, les klaxons (=>sonorité agressive) et sonneries…
* Septième diminuée
- accord de 4 sons partant du 7e degré de la gamme, se succédant tous les 1 ton et demi :
gamme de Mi => Mi - Sol - Si♭- Do #
(tierce mineure, quinte diminuée, septième diminuée : 2 tritons : Mi - Si♭, Sol - Do #)
- situation harmonique instable => enchaînements de renversements de l’accord
- seulement 3 types possibles de ces accords : Mi Sol Si♭Do # - Fa La♭Si Ré - Fa # La Do Ré #
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