Philosophie et éthique du service public

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Philosophie et éthique du service public
Dernière mise à jour : 03 octobre 2012
ECOLE PROVINCIALE D’ADMINISTRATION DE LIEGE
PHILOSOPHIE ET ETHIQUE DU SERVICE PUBLIC
_______________________________________________________________________
Alain COENEN
Secrétaire communal de
Beyne-Heusay
LES OBJECTIFS D’UN COURS DE PHILOSOPHIE ET ETHIQUE DU SERVICE
PUBLIC
LES OBJECTIFS
- Savoir mieux réfléchir sur les concepts fondamentaux – démocratie, impartialité,
service ... - qui sous-tendent l’action des services publics, particulièrement au niveau
local.
- Aiguiser sa capacité d’analyse et son sens critique et les appliquer au contexte dans
lequel il travaille.
- Pouvoir comprendre, conseiller et orienter les agents et les usagers du service public
dans la triple perspective suivante :
- la juste application des procédures administratives,
- une meilleure efficacité du service apporté au citoyen,
- la recherche du bien-être des agents au travail.
- Être davantage conscient de la nécessité de se remettre en question et de poursuivre
sans cesse l’amélioration du service au citoyen.
- Mieux se situer dans le contexte sociétal agité du XXIème siècle :
- des citoyens de plus en plus informés et de plus en plus exigeants,
- une explosion du contentieux judiciaire,
- l’influence grandissante de la presse écrite, parlée et télévisée,
- les nouvelles techniques d’information et de communication
- Faire passer l’idée que le service à la fois est mieux rendu et plus agréable à rendre
lorsque les agents publics sont plus accueillants, plus motivés, plus polyvalents ,
plus proactifs, plus responsables.
- Bien loin d’une accumulation de détails à mémoriser et restituer, le cours est
essentiellement conçu comme un exercice de réflexion sur l’institution – la commune –
dans laquelle chacun travaille. Lorsqu’elles peuvent être éclairantes, des comparaisons
sont faites avec les autres pouvoirs publics locaux ( provinces, C.P.A.S, associations de
communes...).
LA METHODE
- L’exercice de réflexion doit autant que possible se réaliser par un échange entre le
chargé de cours et les étudiants.
- Par ce dialogue, le chargé de cours tentera de faire apparaître et de structurer
des connaissances que les étudiants ont déjà, fût-ce de manière empirique ou
incomplète.
- Chaque cours commence par une nouvelle explication de ce qu’il convient de
retenir du cours précédent, avec séances de questions-réponses.
- Les questions sont suscitées à tout moment du cours.
LES SUPPORTS
- Le présent plan détaillé
- Alain COENEN – Les communes à la croisée des chemins – Éditions La Charte
( Bruges et Bruxelles) , 2003.
- Alain COENEN – A propos de l’éthique dans la gestion publique locale dans Le
Mouvement Communal, février 2006
- Alain COENEN – Cours de droit communal – École provinciale d’administration
de Liège ( mise à jour 2011).
- Alain COENEN – Le secrétaire communal dans le tumulte sociétal du XXI ème siècle
Éditions La Charte ( Bruges et Bruxelles) , 2012.
PREMIERE PARTIE - LES CONCEPTS
A - La philosophie
Étymologiquement : l’amour de la sagesse . La philosophie est une discipline
intellectuelle qui consiste essentiellement à se poser des questions sur les concepts
fondamentaux que la science n’a pas encore élucidés :
– pourquoi y a-t-il quelque chose (les galaxies, las planètes, la vie, le règne
– minéral, végétal, animal…) plutôt que rien ?
– quelle est l’origine de la vie ?
– quel est le sens de la vie ?
– qu’y a –t-il après la mort ?
– qu’est- ce que l’infini ?
– y a-t-il un être suprême, une transcendance… ?
Dans ce sens, la philosophie tente d’aller investiguer où la science n’a pas
encore trouvé des lois vérifiables. On tente d’aller ainsi « au-delà de la physique – meta ta
phusika » : la métaphysique.
Le philosophe se pose des questions librement, en dehors de tout dogme ; il
fait appel à sa seule raison Son but : atteindre une certaine lucidité et, de là, la sagesse et le
mieux-être. Et, finalement, une forme d’accord avec soi-même ( l’ataraxie).
On explique pour donner du sens. On donne du sens pour améliorer la qualité
des actions que chacun est amené à poser : l’individu, le parent, le citoyen, le mandataire
politique,l’agent de service public…
Il faut d’ailleurs savoir que, au-delà de la philosophie savante ( les grandes
constructions théoriques, parfois ésotériques, voire rébarbatives), on philosophe dès qu’on
se pose des questions sur le sens de quelque phénomène ou institution que ce soit. On oublie
parfois que Socrate, considéré par Montaigne comme le « maître des maîtres »1 n’a écrit
aucun livre. Il raisonnait et discourait ( la dialectique) et le faisait tellement librement qu’il
fut condamné à mort pour impiété, étant obligé de boire la cigüe. Une de ses phrases
célèbres fut assurément le « Connais-toi toi-même – knauto tau ton » )
Socrate fut l’initiateur du raisonnement maïeutique ( appelé aussi socratique) .
Il voulait « accoucher » les esprits, les cerveaux, des pensées et connaissances qu’ils
contenaient sans que, bien souvent, les individus concernés le sachent. IL faut dire que
Socrate était le fils d’une sage-femme. Platon fut le disciple de Socrate. Aristote fut celui de
Platon, avant de prendre ses distances par rapport à son maître.
Il n’est donc pas nécessaire de se lancer dans une métaphysique pure, parfois
rebutante et compliquée, pour « philosopher ». On philosophe en effet chaque fois qu’on
s’interroge sur le sens d’une question, d’une institution, en l’occurrence le service public.
1 André COMTE – SPONVILLE – La Philosophie - Presses Universitaires de France – collection Que
Sais-je ? – 2005, page 5.
Deux phrases significatives d’un philosophe moderne, André ComteSponville :
« Tous les philosophes n’ont pas écrit. Mais tous ont parlé, mais tous ont raisonné ; ils ne
seraient pas philosophes autrement. »2
« Ce ne sont pas ses objets qui définissent la philosophie, c’est la façon dont elle les traite :
une certaine radicalité ouverte au questionnement, la puissance conceptuelle, la poursuite
indéfinie de la rationalité, la quête d’une explication première ou ultime, l’exigence de vérité,
mais sans preuve… » 3
2
André COMTE – SPONVILLE – La Philosophie - Presses Universitaires de France – collection Que
Sais-je ? – 2005, page 6.
3
André COMTE – SPONVILLE – La Philosophie - Presses Universitaires de France – collection Que
Sais-je ? – 2005, page 20.
B - L’éthique
L’ étymologie grecque (ethikos = mœurs) est synonyme de l’étymologie latine
(mores = mœurs). L’éthique est donc l’équivalent de la morale . Dans l’un et l’autre cas,
il s’agit aussi de se poser des questions mais cette fois sur ce qui doit être fait en fonction
d’une série de valeurs, de distinctions entre le Bien et le Mal.
Mais qu’est- ce que le Bien ? altruisme, égalité, liberté, solidarité…volonté de
Dieu… ? Il faut directement insister sur la relativité des concepts éthiques ou moraux, des
valeurs (ce qui représente le bien pour moi ne l’est pas nécessairement pour vous).
L’éthique ou la morale représentent un ensemble de règles de conduite, individuelles
ou collectives, qu’on se donne non pas parce qu’on ne peut rien faire d’autre que les respecter
(c’est le domaine du droit, de la contrainte) mais parce qu’on est intimement persuadé qu’elles
doivent l’être en fonction d’un ensemble de valeurs. Le« Que dois-je faire ? » de Kant.
Dans son ouvrage La République, Platon utilise une parabole qui fait bien comprendre
ce que peut être la morale. Le berger Gygès trouve une bague et se rend compte qu’en en
tournant le châton, il devient invisible et invincible. Platon pose alors la question suivante :
celui qui posséderait un tel pouvoir et qui pourrait donc voler, tuer, violer sans être puni et qui
ne volerait pas, ne tuerait pas, ne violerait pas, le ferait en fonction d’une morale qu’il
s’impose et non de sanctions judiciaires dont il aurait peur.
« La morale nous a été léguée par l’humanité, comme le cœur de la civilisation et le
contraire de la barbarie ».4
4
André COMTE – SPONVILLE – La Philosophie - Presses Universitaires de France –
collection Que Sais-je ? – 2005, page 97.
C – Le service public
Comme le concept de police, le concept de service public doit recevoir deux sens :
– le sens organique : les administrations, les outils en quelque sorte (demain, je dois
aller à l’administration communale)
– le sens fonctionnel : l’accomplissement d’une mission d’intérêt général
Le service public au sens organique
Il s’agit ici des services publics sont les administrations centralisées et décentralisées
(services publics fédéraux, régionaux, communautaires, provinciaux, communaux…), les
organismes d’intérêt public (établissements publics et associations de droit public…) créés
pour « assurer la satisfaction d’un ou de plusieurs besoins collectifs »5, « pour assurer la
satisfaction des besoins collectifs et assurer des missions d’intérêt général »6
Par le fait qu’ils sont créés pour satisfaire des besoins d’intérêt général et non
des intérêts privés ou corporatifs, les services publics obéissent à un certain nombre de
caractéristiques
1°) Ils sont créés par les autorités publiques qui ont émis le choix politique d’accomplir telle
ou telle mission (l’enseignement, la sécurité sociale, la lecture publique, la sécurité des biens
et des personnes, la lutte contre l’incendie, la lutte contre l’indigence, le logement…).
Et cette création ne peut émaner que d’une loi, d’un décret, d’une ordonnance, voire d’un
arrêté du pouvoir exécutif mais alors en vertu d’une habilitation légale, décrétale ou
ordonnantielle 7.
En exigeant cela, on fait en sorte que ce soit les élus directs de la population qui régissent tel
ou tel aspect de la vie de leurs mandants, dans une conception qui est en phase avec notre
système démocratique. Un individu – aussi respectable et louable soient ses buts – ne crée pas
un service public mais il peut évidemment créer une association, une fondation
philanthropique de droit privé.
2°) Ils sont contrôlés par les pouvoirs publics :
– contrôle administratif hiérarchique,
– contrôle administratif de tutelle,
– contrôle juridictionnel (Conseil d’État, cours et tribunaux…)
Les pouvoirs publics supérieurs ont ainsi « le pouvoir du dernier mot…en ce qui concerne les
règles d’organisation, de fonctionnement…et de suppression »8
3°) Ils sont soumis à un régime juridique dérogatoire du droit commun ; ce qu’on appelle
le régime spécial de droit public.
5
Jacques DEMBOUR – Droit administratif – Université de Liège et M. Nijhoff, La Haye 1972, page 85.
6
Philippe BOUVIER – Éléments de droit administratif – De Boeck et Larcier -2002, page 67.
7
Voir en ce sens : Ann Lawrence DURVIAUX et Damien FISSE – Droit administratif- tome
I – L’action publique – Larcier, 2011, page 145.
8
Ann Lawrence DURVIAUX et Damien FISSE – Droit administratif- tome I - L’action
publique – Larcier, 2011, page 147.
LE REGIME JURIDIQUE SPECIAL DE DROIT PUBLIC
Les décisions les plus importantes des services publics sont exécutoires par elles-mêmes :
les principes du préalable et de l’exécution d’office.
Un particulier qui veut obtenir un titre exécutoire à l’encontre de son voisin doit passer par
une juridiction et c’est le jugement qui sera alors exécutoire
La plupart des contrats passés par les services publics sont soumis à des règles spécifiques :
les marchés publics de travaux, de fournitures et de services.
Les biens du service public sont soumis au régime de la domanialité et certains d’entre eux
(ceux du domaine public) bénéficient d’une protection importante, justement parce qu’ils
existent au bénéfice de tous les citoyens (rues, places publiques…). Ils sont alors incessibles,
insaisissables et imprescriptibles.
Les deniers publics sont régis par des règles spécifiques relatives à la comptabilité publique,
souvent soumise au contrôle de la Cour des Comptes9.
Parce que l’intérêt général dont les services publics sont porteurs doit primer sur les intérêts
particuliers, les administrations disposent de pouvoirs exorbitants :
– exproprier pour cause d’utilité publique,
– réquisitionner,
– imposer des servitudes d’utilité publique.
Le contentieux suscité par l’action des services publics relève le plus souvent de la
compétence des juridictions administratives, essentiellement le Conseil d’État
Ainsi, la plupart des décisions des autorités administratives sont susceptibles de recours en
suspension et annulation devant le Conseil d’État10 , le cas échéant après épuisement des
recours administratifs préalables.
Le service public est soumis à trois grandes lois :
– la loi du changement : « Cette loi…implique que l’autorité doit toujours pouvoir
adapter sa politique et l’exécution de celle-ci aux changements possibles des
exigences de l’intérêt général »11
– le principe de continuité : « Toute activité érigée en service public étant, par
hypothèse, une activité d’intérêt général, doit se poursuivre d’une manière régulière
et continue, sans interruption fantaisiste ou intempestive »12
– la loi d’égalité des usagers ; les principes d’égalité et de non-discrimination sont
inscrits dans les articles 1, 11 et172 de la Constitution)
L’emploi des langues en matière administrative est réglementé, en fonction de la Région
linguistique dans laquelle se trouve le service public13
Le service public au sens fonctionnel
9
Ce n’est pas le cas pour les communes ; ce ne l’est plus pour les provinces. Leur comptabilité est
soumise au contrôle de tutelle exercé par le collège provincial pour les premières, par le
gouvernement wallon pour les secondes.
10
Article 14 des lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État
11
Philippe BOUVIER – Éléments de droit administratif – De Boeck et Larmier -2002, page 86.
12
Philippe BOUVIER – Éléments de droit administratif – De Boeck et Larcier -2002, page 86.
13
Lois coordonnées sur l’emploi des langues en matière administrative, du 18 juillet 1966.
Il ne s’agit plus ici de l’outil administratif mais des missions de celui-ci. Et là, on
retrouve presque systématiquement le concept du bien collectif, de la mission d’intérêt
général consistant à assurer des services à la collectivité. Il s’agit de services que les élus
directs (le Parlement fédéral, régional…) estiment dus à chacun des membres de la
collectivité, pour contribuer ainsi au bonheur, à l’équilibre, à la sécurité, à la tranquillité, à
l’éducation… de chacun de ceux-ci.
Quelques formulations illustrent cette recherche du bien commun :
– « … pour assurer la satisfaction des besoins collectifs… mission d’intérêt
général… »14
– « une activité ou une tâche dont l’accomplissement est, aux yeux du législateur,
indispensable à la réalisation du bien commun : le service de la sécurité sociale, de
l’enseignement primaire, de l’assistance publique, des transports en commun… » 15
– «… pour assurer la satisfaction des besoins collectifs jugés essentiels…nécessité de
satisfaire les besoins sociaux »16
– « …entreprise destinée à la satisfaction des besoins collectifs d’intérêt primordial
dont le fonctionnement défectueux ou irrégulier serait susceptible de provoquer un
désordre social.17
– « …le service public, c’est celui dont l’exécution régulière est réputée par le
législateur entreprise présenter pour l’utilité publique un intérêt assez important pour
être assurée par l’ensemble des procédures de droit public… »18
– « …dans la seconde acception, dite fonctionnelle, c’est la mission d’intérêt général
seule qui est prise en considération … »19
– « …toute activité dont l’accomplissement doit être assuré par les gouvernants parce
que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au
développement de l’interdépendance sociale et qu’elle est de nature telle qu’elle ne
peut être réalisée complètement que par la force gouvernante … »20
14
Philippe BOUVIER – Éléments de droit administratif – De Boeck et Larcier -2002, page 67.
15
Jacques DEMBOUR – Droit administratif – Université de Liège et M. Nijhoff, La Haye - 1972, page 83.
16
Maurice-André FLAMME – Droit administratif - éditions de l’Université libre de Bruxelles et Bruylant,
1989 – pages 39 et 40.
17
Tribunal de commerce d’Anvers, 25 mars 193 ; cité par Maurice-André FLAMME – Droit administratif
- éditions de l’Université libre de Bruxelles et Bruylant, 1989 – pages 45.
18
Définition donnée par R. LATOURNERIE ; cité par Maurice-André FLAMME – Droit administratif éditions de l’Université libre de Bruxelles et Bruylant, 1989 – pages 45.
19
A. MAST, A. ALEN et J.DUJARDIN – Précis de droit administratif belge - éditions Story Scientia
1989, page 65
20
Définition de Léon DUGUIT ; cité par André BUTTGEN BACH – Théorie générale des modes de
gestion des services publics en Belgique – Éditions Larcier 1952, page 20.
Le schéma est classique. Au fur et à mesure que les hommes quittent l’ état de
nature pour adhérer au contrat social décrit par Jean-Jacques Rousseau, les collectivités se
structurent et il apparaît vite que des tâches essentielles doivent être réalisées au bénéfice de
tous. On commence vraisemblablement par assurer la sécurité, la santé et donc la survie du
groupe ; d’où les services publics de l’armée, de la police, de la justice, de l’entraide
alimentaire ou autre. On on passe ensuite à des tâches moins basiques qui apparaissent au fil
de l’évolution et qui peuvent différer d’un endroit à un autre et être érigées là en service
public , ailleurs non.
Il n’est rien qui, par nature, ne puisse être érigé en mission de service public et en
service public organique ; celui-ci existant pour assurer celle-là. C’est ainsi que les régimes
politiques soviétiques et satellites avaient érigé le commerce en service public ( entreprises et
magasins d’État) où les pays du bloc de l’ouest le laissaient pour l’essentiel à l’initiative
privée.
Il n’est malheureusement pas de définition univoque du bien commun. IL suffit de
rappeler que tant l’Allemagne nazie que l’Union soviétique s’étaient dotées d’une
administration - donc d’un service public organique - pour gérer les camps de concentration et
d’extermination : l’inspection des camps de concentration du côté de l’Allemagne nazie, la
direction principale des camps de travail – dont l’acronyme russe était goulag 21-du côté
soviétique. De là à dire que ces sinistres administrations poursuivaient un but d’intérêt
général, même s’il devait être regardé comme tel par ceux qui les avaient mises sur pied.
L’évolution sociétale foudroyante de ces dernières années, l’apparition de problèmes
de plus en plus interpellant pour l’espèce humaine, ont amené les autorités à prendre en
charge ce qui ne l’était pas jusque là : l’urbanisme, l’environnement, la mobilité, la sécurité
nucléaire ; l’approvisionnement énergétique.
L’évolution constitutionnelle des dernières décennies a fait apparaître, à côté des
droits-libertés (liberté d’association, de réunion, d’expression, d’enseignement, d’exercice
d’un culte, inviolabilité du domicile…) des droits-créances permettant de mieux situer dans
quelle direction doit aller le législateur lorsqu’il crée des services publics.
Article 11 : …la loi et le le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités
idéologiques et philosophiques aux femmes
Article 11bis : La loi, le décret…garantissent aux femmes et aux hommes l’égal exercice de
leurs droits et libertés, et favorisent notamment leur égal accès aux mandats électifs et
publics.
Article 22 bis : Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique
et sexuelle. La loi, le décret…garantissent la protection de ce droit.
Article 23 : Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi ,le décret…garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes,
les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
– le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle…le droit à des
conditions de travail et à une rémunération équitable, ainsi que le droit d’information,
de consultation et de négociation collective,
– le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et
juridique,
– le droit à un logement décent,
– le droit à la protection d’un environnement sain,
– le droit à l’épanouissement cultuel et social aux femmes et aux hommes l’égal
exercice de leurs droits et libertés, et favorisent notamment leur égal accès aux
mandats électifs et
On pourrait aussi penser à des traités internationaux, dont la Convention européenne des
droits de l’homme et des libertés fondamentales (Conseil de l’Europe) ou au pacte des droits
civils et politiques (Nations Unies).
Il n’est pas très difficile de retrouver les services publics qui sont chargés de concrétiser ces
valeurs fondamentales élevée à la dignité de principes constitutionnels.
Ériger une activité en service public constitue pour l’essentiel un choix politique.
L’idéal démocratique est que le choix émane des élus directs, donc de la loi, du décret,
de l’ordonnance et que le service public organique poursuive une vraie mission
d’intérêt général.
Il est dès lors facile de comprendre que la détermination des missions et du champ
d’action des services publics est étroitement liée à la forme – démocratique ou non –
de la société politique.
Il en va de même avec les concepts emblématiques de l’autonomie provinciale et
communale : l’intérêt provincial et l’intérêt communal que l’article 162 de la Constitution
attribue à la compétence des conseils provinciaux et communaux. Il s’agit de concepts souples
et évolutifs qui permettent aux services publics décentralisés que sont les provinces et les
communes de prendre toutes les initiatives qui ne leur sont pas expressément interdites par le
loi, le décret et l’ordonnance et qui sont de nature à améliorer la vie commune dans la
province ou la commune. Ainsi, dans un jugement rendu en 1949, le tribunal civil de
Bruxelles a très clairement et très élégamment précisé que « Les autorités communales ont
le pouvoir de s’occuper de tout ce qui représente un intérêt matériel, moral et social pour les
habitants de la commune et d’apprécier ce qui est d’intérêt local »21.
Dans un ouvrage déjà ancien, Robert Wilkin posait le principe suivant lequel
« l’intérêt communal comporte le nécessaire, l’utile et l’agréable de la collectivité
communale » 22.
Les services publics apparaissent ainsi comme des institutions - créées par ou en vertu
de la loi, contrôlées par les pouvoirs publics et obéissant à un régime juridique spécial
de droit public ( ASPECT ORGANIQUE) et - poursuivant un but dont la définition
tourne toujours autour des concepts suivant : mission d’intérêt général et satisfaction
des besoins collectifs (ASPECT FONCTIONNEL).
Le service public organique est centralisé ou décentralisé
Nous avons vu que, en droit belge, un service public ne peut être créé que par ou en vertu
21
Tribunal civil de Bruxelles 7 février 1949 – Pasicrisie 1949, III, page 114.
22
Robert WILKIN – Précis de droit communal - Éditions Bruylant, Bruxelles 1959 – page 93. Sur le
concept d’intérêt communal voir aussi :
– Alain COENEN - L’évolution du contenu et des modes de gestion de l’intérêt communal - Le
Mouvement communal 1992/1, 1992/2 et 1992/3 ;
– Alain COENEN – Les communes à la croisée des chemins – Éditions La Charte, Bruges,
2003, pages 148 à 163.
d’un acte du pouvoir législatif (loi, décret, ordonnance). Or, dans notre Belgique fédérale,
seuls l’État fédéral lui-même, les Régions et les Communautés disposent d’un pouvoir
législatif au sens constitutionnel du terme : le parlement fédéral, les parlements régionaux et
communautaires. Le pouvoir créateur d’un service public est donc nécessairement
l’assemblée élue de l’État, de la Région ou la Communauté.
Pour gérer au quotidien les missions du service public ainsi créé, le pouvoir créateur a
le choix .
- Soit il assume les missions lui-même, par ses propres services : les services publics,
anciennement ministères, fédéraux, régionaux ou communautaires. On parle alors de
services publics centralisés ; il n’y a pas, dans cette hypothèse, de création d’une personne
juridique distincte de celle du pouvoir créateur.;
- Soit il estime préférable de créer une personne juridique distincte de lui-même et de
lui confier les missions de service public ; on parle alors de services publics décentralisés ;
par exemple, les provinces, les communes sont des services publics décentralisés parce que
dotées d’une personnalité juridique distincte de celle du pouvoir public créateur et d’une
autonomie toutefois limitée par la tutelle. Elles existent en application de l’article 162 de la
Constitution et des lois puis décrets et ordonnances qui ont été prises sur cette base : les lois
provinciales et communales de 1836 puis le code wallon de la démocratie locale et de la
décentralisation, le décret communal flamand, l’ordonnance bruxelloise modifiant la nouvelle
loi communale…
La plupart des services publics décentralisés se voient attribuer la gestion d’une ou
quelques compétences bien déterminées ( Belgacom, La Poste, une intercommunale de
distribution d’eau…) ; on parle alors de décentralisation par service.
Parmi les services publics décentralisés, deux bénéficient d’une compétence plus
large ; celle de s’occuper de toute question qui pourrait se poser sur leur territoire et qui ne
serait pas pas expressément soustraite à leur compétence par la loi, le décret ou l’ordonnance.
En charge de l’intérêt provincial ou communal, ils relèvent de la décentralisation territoriale et
on peut dire, en quelque sorte, que les conseils provinciaux et communaux sont compétents
pour déterminer …leurs compétences. Nous sommes ici en décentralisation territoriale.
La déconcentration
Il s’agit cette fois d’une question d’organisation et d’attribution de pouvoirs à
l’intérieur d’un même service public. Ainsi, le fonctionnaire-délégué de la Région wallonne,
qui est un organe subordonné au ministre dispose de pouvoirs importants en matière
d’urbanisme. Ce procédé relève de la déconcentration au sein d’un même service public ; en
l’occurrence le service public centralisé de la Région wallonne. Quand il exerce ce pouvoir
dans les limites fixées par le code wallon de l’urbanisme23, le fonctionnaire-délégué engage la
Région wallonne. Il y a ici déconcentration dans un service public centralisé.
Quand le secrétaire communal ou un autre agent-sanctionnateur impose des amendes
administratives dans le respect des conditions posées par l’article 119 bis de la loi
communale, il engage la commune. Il y a ici déconcentration dans un service public
décentralisé.
La commune (et la province) agissent aussi bien en décentralisation qu’en
déconcentration
23
Le C.W.A.T.U.P.E. : code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, du patrimoine et de
l’énergie.
Mais rien n’est simple et il arrive encore que les communes soient utilisées comme
leviers locaux de l’État, de la Région ou de la Communauté et qu’elles soient amenées à agir
au nom et pour le compte dudit pouvoir central. Lorsque, à la création de la Belgique, il a été
décidé de mettre en place une gestion de l’état civil, l’État aurait très bien pu créer, dans les
provinces voire les arrondissements… des services déconcentrés des ministères de l’intérieur
ou de la justice, comme il a créé des recettes et contrôles des impôts. Mais partant du principe
qu’il faudrait en créer beaucoup et que les services publics de proximité par excellence – les
communes – existaient déjà, l’État leur a confié des missions en son nom . L’état civil, en
instituant au passage le bourgmestre ou un échevin délégué en qualité d’officier d’état civil et
le collège en qualité de gardien des registres 24 bien sûr mais aussi la gestion des registres de
population et des étrangers, la gestion des passeports, de la milice, des permis de conduire 25…
Il ne s’agit plus ici de déconcentration à l’intérieur d’ un service public centralisé ou
décentralisé mais d’une utilisation déconcentrée de certains organes et services d’une
administration décentralisée par le service public central.26 Le professeur Jacques Dembour
parle, dans un traité déjà ancien mais qui continue à faire autorité d’un concours, dans le chef
d’une même autorité, de la qualité d’agent centralisé et d’agent décentralisé 27tellement
24
Article 164 de la Constitution. Article 125 de la nouvelle loi communale.
25
Quelles lois ?
26
Philippe BOUVIER – Éléments de droit administratif – De Boeck et Larcier -2002, page 76.
27
Jacques DEMBOUR – Droit administratif – Université de Liège et M. Nijhoff, La Haye 1972, page 108.
La commune en
décentralisation
territoriale.
Matières d’intérêt Autonomie dans
communal.
l’initiative et dans le choix
des modes de gestion : la
commune choisit d’agir ou
de ne pas agir.
Exemples : gestion
d’un hall
omnisports, d’une
piscine, d’un musée
communal…
Si elle décide d’agir, elle
choisit le mode de gestion
( directe, régie,
intercommunale...).
La commune en
décentralisation
par service.
Les compétences sont
libres, dans les limites du
contrôle de tutelle.
Matières d’intérêt Pas d’autonomie dans
mixte à général.
l’initiative : la commune
est obligée de gérer ce
domaine, en vertu d’une
loi, d’un décret…
Exemples :
urbanisme,
environnement,
logement,
enseignement…
Elle n’a pas le choix des
modes de gestion : elle
doit agir comme la loi, le
décret…le prévoit.
La commune en
déconcentration.
Matières de pur
intérêt général.
Les compétences sont liées
(il reste, à la marge, un
pouvoir d’appréciation de
la commune ; par exemple
de décider si un projet est,
ou non, de bon
aménagement), avec un
contrôle de tutelle.
Pas d’ autonomie dans
l’initiative, ni dans le
choix des modes de
gestion.
Les compétences sont
ligotées, avec un contrôle
hiérarchique.
Exemples : étatcivil, population,
étrangers, casier
judiciaire,
passeports, permis
de conduire…
Et le raisonnement vaut mutatis mutandis pour les provinces, qui agissent – suivant les
matières :
– parfois en décentralisation territoriale, avec contrôle de tutelle : gestion du patrimoine
de la province, création d’un domaine touristique…
– parfois en décentralisation par service, avec contrôle de tutelle : enseignement
– parfois en déconcentration, avec contrôle hiérarchique : tutelle du collège provincial
sur les délibérations des communes.
D – Nous allons philosopher à propos du service public
Dans la (lointaine) foulée de Socrate, qui réfléchissait, discourait et philosophait sur
tous les aspects de la nature et de la vie, nous allons nous poser des questions sur ce que nous
faisons quotidiennement - assurer un service au public – et tenter de faire apparaître les
éléments de réponse que nous avons en nous sans toujours le savoir ( méthode maïeutique ou
socratique) .
En fait, les questions de philosophie et d’éthique peuvent être posées à propos de
toutes les activités humaines, et donc à propos du concept de service public et de la manière
dont il est appliqué.
Une des caractéristiques de l’époque actuelle est précisément que peu de personnes se
posent encore des questions sur le sens de ce qu’ils font. Or, c’est en donnant du sens qu’on
peut espérer améliorer la qualité du service public, en même temps que la lucidité le bien-être
de ceux qui rendent ledit service.
Il faut remarquer que, pour des raisons qui ont évolué au fil des siècles (dogmes
religieux, pouvoirs totalitaires, sociétés d’hyper-consommation…), peu de personnes se
posent encore les questions fondamentales qui donnent du sens.
Sont-ils nombreux les agents des services publics (communaux et autres) qui se posent
encore des questions telles que :
–
fondamentalement, qu’est-ce qu’un service public ?
–
qu’est- ce qu’une constitution ?
–
quel est le sens fondamental de l’état civil, des registres de la population ?
–
quelle est la raison d’être de l’urbanisme ?
Il faut parfois retourner aux concepts de base. Les êtres humains auraient d’abord été
des solitaires dans un univers basé sur la seule loi du plus fort, sur la prédominance de la force
physique. Ils auraient ensuite constitués des couples (en vue de la reproduction), puis des
groupements familiaux et, enfin des collectivités allant au-delà des regroupements purement
familiaux (les cités, les villes et communes, les peuples …). Et c’est surtout à ce dernier stade
d’une évolution, déjà décrite par Aristote 28,que l’on conçoit l’organisation de services des uns
aux autres, ébauche de nos services publics.
Dans l’acception qui est la leur dans nos sociétés démocratiques modernes, les services
publics concrétisent donc l’aide que la collectivité apporte à chacun de ses membres. D’une
part parce que chacun de ceux-ci ne peut plus vivre en autarcie et accomplir toutes les tâches
indispensables à la survie individuelle et celle du groupe. D’autre part parce qu’il convient de
protéger les sujets moins forts, qui ne pourraient résister longtemps dans un état de nature
livré à la loi du plus fort.
En fait, l’importance qu’une société va donner à ses services publics dépend de choix
fondamentaux entre une vision individualiste et une vision collectiviste – avec toutes les
variantes intermédiaires – de la vie en société. Entre la compétition et l’émulation. Entre
l’égoïsme et la solidarité. Entre la cupidité et le désintéressement. Sachant que, comme le
disait déjà Plaute L’homme est un loup pour l’homme29. Ce qui n’empêche pas un auteur du
siècle des Lumières – Jean-Jacques Rousseau – de considérer que, avent d’adhérer au contrat
social, l’être humain vivait dans un état de nature fait de bonheur et de félicité.
28
ARISTOTE - Les Politiques ( ta politika) -Éditions Flammarion « Les grands philosophes », 2008
29
PLAUTE : auteur latin né au troisième siècle avant J.C. Son homo homini lupus a été repris par de
nombreux auteurs tels que Rabelais, Montaigne, Érasme et même Freud.
E – Quelles sont les lignes de conduite de nos services
publics ?
Nous avons vu que, pour jouer adéquatement leur rôle – accomplir des missions
d’intérêt général – les services publics doivent fonctionner en respectant certains principes. Ils
doivent s’adapter sans cesse à la réalité sociétale ( loi du changement), ils ne peuvent s’arrêter
sans raison (principe de continuité) et ils doivent traiter chaque usager de la même manière
(principe d’égalité).
C’est pour tendre vers des services publics qui respectent ces principes fondamentaux
que de nombreux devoirs s’imposent à celles et ceux qui assument concrètement les missions
de service public : les agents des différentes administrations et entreprises publiques.
Il nous appartiendra d’essayer de comprendre pourquoi l’image du service public s’est
à ce point brouillée dans les quelques décennies grosso modo comprises entre 1960 et 1990.
Car il faut le clamer chaque fois que c’est possible : les services publics n’ont pas toujours eu
la mauvaise image qu’ils ont chopée pendant les trente moins glorieuses où on a un peu fait
n’importe quoi. Pensons à l’image des grandes administrations – finances, intérieur, affaires
étrangères- mais aussi aux maîtres d’école, aux gardes champêtres, aux facteurs, aux
fonctionnaires communaux jusque dans les années cinquante. Pensons à l’image prestigieuse
– même si elle est un peu compassé - qu’ont conservé les grands corps du service public
français : le Conseil d’État, l’inspection des finances, le corps des mines…
Pourquoi une descente aux enfers ? Pourquoi cette dérive vers ce que j’ai appelé
ailleurs la maladministration ? Comment améliorer ? …
F – L’évolution vers la maladministration
L’évolution de l’image du service public
Les images véhiculées à propos du service public : lent, coûteux , politisé, inefficace.
Ces images sont souvent exagérées jusqu’à la caricature mais pas toujours complètement
usurpées. Mais posons dès à présent un principe fondamental : cette image n’est pas une
fatalité. Au nom de quoi le parti pris pour la solidarité, le service serait-il quelque chose de
ringard, de compassé, de honteux ? Alors que, d’un autre, jusqu’aux années soixante du siècle
dernier (grosso modo), des pans entiers du service public avaient une excellente image :
– l’enseignement,
– la police et la gendarmerie,
– les grands ministères,
– les administrations communales,
– la poste….
Pourquoi l’image s’est-elle brouillée entre 1960 et 1990, grosso modo ? Pour une série de
raisons tenant à ce que j’ai appelé ailleurs la mal administration 30.
Les caractéristiques de la mal administration
a - Des pratiques de recrutement parfois critiquables, en contradiction avec :
– les principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination prévus par les articles
10 et 11 de la Constitution.
– le but de tout acte administratif, qui est la poursuite de l’intérêt général et non la
satisfaction exclusive d’un intérêt particulier.
En fait, la nomination exclusivement partisane, clanique, familiale (clientélisme,
népotisme…) peut être analysée comme un détournement de pouvoir. Ainsi, un conseil
communal modifie les conditions de nomination du secrétaire, non pas aux fins d’assurer le
bon fonctionnement des services communaux, mais en vue d’avantager le candidat de son
choix31. Philippe Bouvier précise que « le détournement de pouvoir est un vice qui tient aux
arrière-pensées de son auteur »32.
Il va de soi que le détournement de pouvoir n’est pas facile à établir puisque, bien
souvent, il est concocté dans le secret de caucus d’arrière-boutiques et qu’il est camouflé au
mieux.
L’article 14 des lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État fait du
détournement de pouvoir une cause d’annulation d’un acte.
Il est assez clair que l’obligation de motiver formellement les actes administratifs à
portée individuelle – loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes
administratifs – a rendu plus difficiles les détournements de pouvoir. L’ensemble des règles
éthiques et l’augmentation des exigences de qualité du service public aussi.
Il n’en reste pas moins vrai que, aujourd’hui encore, les services publics charrient
encore l’un ou l’autre dinosaure dont l’image n’est pas précisément de nature à améliorer
30
Alain COENEN – Les communes à la croisée des chemins – Éditions La Charte, Bruges et
Bruxelles, 2003 - pages 109 et suivantes
31
Jacques DEMBOUR – Droit administratif – Université de Liège et M. Nijhoff, La Haye - 1972, page
108. Voir aussi : Ann Lawrence DURVIAUX et Damien FISSE – Droit administratif- tome I - L’action
publique – Larcier, 2011, page 40.
32
Philippe BOUVIER – Éléments de droit administratif – De Boeck et Larcier -2002, page 76.
celle de l’ensemble du service dans lequel ils sévissent. La faute est souvent – pas toujours –
dans les critères qui ont guidé le recrutement.
J’ai écrit ailleurs 33qu’il appartient au secrétaire communal moderne de gagner les
autorités politiques à la cause de ce principe fondamental ; tout le monde y perd – y compris
les mandataires politiques – à engager des personnes qui ne sont manifestement pas à la
hauteur des tâches qui leur sont confiées. Il y va de l’image et de l’efficacité des services
publics communaux.
b - Des règles de fonctionnement kilométriques , obscures, parfois contradictoires34 qui
confirment souvent cette affirmation de Coluche : « Le technocrate (mais cela vaut aussi pour
le bureaucrate), c’est un mec, tu lui poses une question et quand il a fini de répondre, tu ne
comprends même plus ta propre question ».
Quelques exemples :
– les circulaires relatives à l’organisation de l’enseignement,
– les dispositions relatives aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services,
– les directives relatives aux élections communales : …2.000 pages (deux mille) au
Moniteur belge du 29 août 2012 !!!et, malgré cette logorrhée, on a du mal à trouver la
réponse aux questions pointues(exemple : l’encadrement complémentaire des
premières et deuxièmes années).
Et que dire parfois de la forme, de la lisibilité35… !
Conséquences de cette diarrhée textuelle : insécurité juridique, déficit d’image,
incompréhensions, découragement de ceux – agents des services publics – chargés
d’appliquer vaille que vaille ces dispositions.
c – C’est peu de dire que l’accueil du citoyen n’a pas toujours été à la hauteur. On a même
eu l’impression que, parfois, le citoyen devenait un emmerdeur.
Exemples : - service des travaux de Beyne-Heusay en 1983, - cimetière de Chênée dans les
années nonante, - bureau de poste de Beyne-Heusay, - « accueil » téléphonique, - accusé de
réception et suivi du courrier, - disposition des locaux accessibles au public …
Il faut chaque fois se demander quel sera l’impact chez l’usager. Quelle image du service
public ira-t-il véhiculer (parfois avec exagération) ?
Le service public doit soigner les moindres détails du contact avec le citoyen (raisonnable) :
– parce que c’est son métier de servir le public,
– parce qu’il y va de son image et qu’il est difficile d’accepter qu’on n’ait pas la fierté
de répercuter une image correcte,
– parce qu’une certaine opinion et une certaine presse sont à l’affût du moindre
manquement,
– enfin parce que c’est en améliorant son image que le service public aura des arguments
sérieux à opposer aux privatiseurs lorsqu’ils se manifestent (je dis depuis des années
qu’il fallait sortir de la RTT – régie des télégraphes et téléphones – mais pas rentrer
33
Alain COENEN – Le secrétaire communal dans le tumulte du XXIème siècle – Éditions LaCharte,
Bruges et Bruxelles, 2012, page 86.
34
Pour des illustrations de cette hypercomplexité à la limite décadente, voir: Alain COENEN – Le
secrétaire communal dans le tumulte du XXIème siècle – Éditions La Charte, Bruges et Bruxelles,
2012, pages 64 et suivantes.
35
Alain COENEN – Rédaction d’actes administratifs – École provinciale d’administration de Liège, 2011.
dans Belgacom ou dans France Télécom)
Excès de la citoyenneté exacerbée : l’hyperindividualisme citoyen36.
– L’évolution vers la démocratie participative ( entre la démocratie directe et la
démocratie représentative)
– La société du tout à l’ego ( Régis Debray).
– Le client-roi est devenu le citoyen-roi .
– Les enfants désirés de l’après-guerre.
– Le dénigrement systématique des autres catégories sociales.
d – L’évolution vers la transparence de l’action administrative
Article 32 de la Constitution : Chacun a le droit de consulter chaque document administratif
et de s’en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret…
On a ainsi inversé un mécanisme qui avait pris un tour délirant : c’était le citoyen (l’amateur
en la matière, en quelque sorte) qui devait justifier (par une loi, un arrêté…) qu’il avait le droit
de consulter… Et bien souvent – par facilité et incompétence – on répondait au citoyen qu’il
n’avait pas le droit de voir…Il va de soi qu’en agissant de la sorte, on accréditait l’idée que
l’administration cachait des choses alors que, la plus souvent, les informations demandées
pouvaient parfaitement être divulguées.
Le citoyen a désormais le droit de consultation (c’est devenu le principe) et il appartient
désormais au professionnel (l’agent public) de lui produire le texte de loi qui s’oppose à une
consultation, à une copie… On a ainsi redressé une hérésie qui n’était évidemment pas faite
pour réconcilier les citoyens avec leurs services publics.
Articles L 3211-1 à L 3231-9 du Cwadel : la publicité active et passive
- la publicité active ( L 3211-1 à L 3211-3) : indication de l’agent-traitant sur le
courrier, organigramme, agent en charge de la communication et mention des délais de
recours sur les actes à portées individuelle
- la publicité passive : droits de consulter, obtenir des explications et recevoir des
copies (L 3231-1 à L 3231-9) ; c’est l’application de
Attention : on est parfois passé de l’opacité à une publicité excessive (des comités pour tout)
e – L’évolution vers la remise en question des procédures et la recherche de la qualité
En caricaturant, on peut dire que – sauf exceptions – le début des années nonante fut l’an zéro
de la gestion des ressources humaines .Jusque là, on se contentait de gérer administrativement
les dossiers, les carrières.
La charte de l’utilisateur de service public ( 1992).
La révision générale des barèmes en 1994 :
– l’évaluation à considérer comme une occasion de progresser plutôt que comme une
sanction
– l’évolution de carrière non plus sur base des places vacantes et de la pure ancienneté
mais en tenant compte de deux éléments tenant au mérite : l’évaluation et les
formations,
– les formations
– les démarches qualités :
36
Alain COENEN – Le secrétaire communal dans le tumulte du XXIème siècle – Éditions La Charte,
Bruges et Bruxelles, 2012, pages 93 à 97.
– fixation d’objectifs,
– procédures,
– management
– le pacte pour la fonction publique solide et solidaire
– l’évaluation modernisée,
– le licenciement pour inaptitude, même des statutaires,
– la nouvelle conception des épreuves de recrutement et de promotion,
– les comités de sélection,
– la reprise des nominations.
- La désegmentation horizontale et la désegmentation verticale.
e – - Les différents lois et décrets destinés à remettre de l’éthique dans le droit des
collectivités locales 37 :
– financement public des campagnes électorales,
– limitation des dépenses électorales,
– limitation des cumuls,
– limitation des rémunérations,
– obligation de déclarer les mandats,
– incompatibilités, empêchements et conflits d’intérêts,
– renforcement de la tutelle dans les cas problématiques ( décret de 2007),
– système de désignation semi-directe du bourgmestre,
– pacte de majorité et motion de méfiance.
Le redressement de la qualité et de l’image est en cours
– Le service au citoyen est redevenu l’objectif fondamental : cet impératif est proclamé
(sinon appliqué) à tous les niveaux des services publics.
– Le service public a retrouvé sa raison d’exister.
– La poursuite de la qualité est la meilleure défense du service public, dans un univers
qui, depuis plus de trois décennies, ne leur est pas fondamentalement favorable :
– parce que le citoyen y a droit,
– parce qu’il est plus difficile de s’attaquer à des services publics qui fonctionnent
bien.
– mais le chemin est long et compliqué. Les progrès ne sont jamais acquis. Et il est
clair qu’on descend plus vite qu’on ne remonte. Il faut dire que la nature humaine
est ainsi faite que le choix va plus facilement dans la direction de l’intérêt
individuel que dans celui de l’intérêt général.« En effet, on prend fort peu de soin
de ce qui est commun à un très grand nombre de gens : les individus en effet
s’occupent principalement de ce qui leur est propre et moins de ce qui est
commun, ou seulement dans la mesure où chacun est concerné. »38
G – Le sociogramme communal
Tous les acteurs du sociogramme communal doivent contribuer à l’amélioration du
fonctionnement des services publics locaux.
37
Alain COENEN – A propos de l’éthique dans la gestion publique locale dans Le Mouvement
Communal, février 2006
38
ARISTOTE - Les Politiques ( ta politika) - Éditions Flammarion « Les grands philosophes » - 2008,
page 61.
Tout part des électeurs-citoyens et tout arrive aux citoyens-électeurs. C’est le propre de la
démocratie :
– les électeurs – citoyens choisissent leurs représentants tous les six ans,
– les représentants élus directs ( les conseillers communaux) élisent à leur tour des élus
au second degré :
– le collège communal ( pacte de majorité),
– le conseil de l’action sociale,
– le conseil de police,
– les représentants de la commune dans les intercommunales, les sociétés de
logements, les ASBL communales…
– les élus prennent des décisions au bénéfice des citoyens-électeurs : aménagement du
domaine public, construction d’écoles…
– les élus n’étant pas des techniciens, ils sont éclairés, aidés par le personnel communal
placé sous l’autorité du secrétaire communal.
Et ainsi, la boucle est bouclée, de l’électeur-citoyen au citoyen-électeur. Et c’est donc dans
le cours de ce processus éminemment démocratique que le personnel a un rôle important à
jouer. Faut-il s’étonner que l’on réclame de toutes parts qu’il le joue avec compétence,
dynamisme et serviabilité ?
Chacun des pôles du sociogramme doit faire des efforts :
– les citoyens pour s’éloigner de la malcitoyenneté :
– hyperindividualisme,
– contestation systématique,
– égoïsme,
– le café du commerce : les yaqu’à, le syndrome Nimby…
– les élus pour s’éloigner de la malgouvernance :
– libertés prises avec l’éthique,
– dysfonctionnements…
– les agents publics pour s’éloigner de la maladministration :
– voir le profil des dinosaures.
H – Le tumulte sociétal
– Le dogme de la marchandisation39.
– La judiciarisation folle : l’explosion du contentieux40.
– Le rôle d’une partie de la presse 41 :
– la mise au pilori de l’autorité,
– la peopolisation,
– la hitparadisation
LES DROITS ET DEVOIRS DES AGENTS42
Le pouvoir de définir les droits et obligations participe intimement du pouvoir de fixer
le statut administratif du personnel. On entre là dans le « cœur battant de la fonction
publique…un domaine fondamental par où s’exprime la philosophie que l’on a de la fonction
publique »43 et ce, dans la mesure où ce balisage est étroitement lié à la conception que l’on a
du rôle du service public comme à la place qui doit être réservée aux agents, par rapport à .
l’employeur public et au citoyen -usager.
Il arrive fréquemment que droits et devoirs puissent être regardés comme les deux
faces d’une même réalité, comme l’avers et l’envers d’une même pièce. Ainsi, les agents ont
le droit d’obtenir toutes informations et formations utiles à l’exercice de leur emploi ; ils ont
par contre l’obligation de se former et de s’informer sur les mêmes matières. Ainsi encore, ils
ont le droit d’être protégés contre le harcèlement sexuel ou moral mais ils ont aussi
l’obligation de ne pas se livrer à ce genre de comportement envers leurs collègues,
subordonnés ou non.
En réalité, c’est d’une manière générale que les droits sont balisés par les devoirs
comme ceux-ci sont limités par ceux-là. Les obligations imposées aux fonctionnaires réserve, loyalisme, secret professionnel - ont pour limites, les droits reconnus par la
Constitution et les conventions internationales. Le Conseil d’État a souvent eu l’occasion de
mettre en balance droits et obligations44 et d’affirmer, par exemple, que l’obligation de secret
doit être compatible avec la liberté d’expression ou que les devoirs de réserve et de loyalisme
ne peuvent faire disparaître les libertés d’opinion, de réunion et d’association.
39
Alain COENEN - Le secrétaire communal dans le tumulte sociétal du XXI ème siècle - Éditions La
Charte, Bruges et Bruxelles 2012, pages 98 à 100
40
Alain COENEN – op. cit. - pages 101 à 104.
41
Alain COENEN – op. cit. - pages 107 à 109.
42
Alain COENEN – Vade-mecum de la fonction publique locale wallonne – Éditions La Charte, Bruges et
Bruxelles 2007, pages II-5-23 et suivantes.
43
Jean SAROT et al. – Précis de fonction publique – Bruylant, Bruxelles – 1994 – page 215.
44
C.E. n° 91.625, du 13 décembre 2000 ( Tirentijn).
I - LES DROITS DE L’AGENT
1 – LES DROITS CLASSIQUES
Le droit au paiement du traitement, à l’avancement et aux différentes allocations et
indemnités prévues par le statut - pécule de vacances, allocations de fin d’année, allocations
de diplôme... – le droit à la pension et à la protection sociale se trouvent de toute évidence en
bonne place parmi les droits des agents des services publics.
Il faut également parler du droit à des conditions de travail correctes, notamment celles
qui concernent la sécurité, l’hygiène et, de manière générale, le bien-être au travail. Ajoutonsy le droit d’ être informé des vacances des emplois accessibles par promotion.
2 – LA LIBERTE D’EXPRESSION, DE REUNION ET D’ASSOCIATION
Article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme
Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et le
droit de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y
avoir ingérence d’autorités publiques…
Article 19 de la Constitution belge
La liberté des cultes…celle de manifester ses opinions en toute matière sont garanties sauf
la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés…
Article 8 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents jouissent de la liberté d’expression, à l’égard des faits dont ils ont connaissance
dans l’exercice de leurs fonctions.
Il leur est uniquement interdit de révéler des faits qui ont trait à la sécurité nationale, à la
protection de l’ordre public, aux intérêts financiers de l’autorité, à la répression des faits
délictueux, au secret médical, aux droits et libertés du citoyen ( notamment au respect de la
vie privée) ; ceci vaut également pour les faits qui ont trait à la préparation de toutes les
décisions.
Cette interdiction ne s’applique pas aux cas où la loi ou le décret prévoit expressément le
droit du citoyen à la consultation ou à la communication d’un document administratif
Les dispositions des alinéas précédents s’appliquent également aux agents qui ont cessé
leurs fonctions.
Tant l’article 19 de la Constitution que l’article 10 de la Convention européenne des
droits de l’homme garantissent le droit de s’exprimer – par la parole, l’écrit ou l’image - et de
manifester librement ses opinions. Les articles 26 et 27 de notre Pacte fondamental y ajoutent
la liberté de se réunir et d’adhérer à une association.
Ces droits valent évidemment pour les agents des pouvoirs locaux, qui sont aussi des
citoyens, mais il convient que leur exercice soit compatible avec le métier de servir l’intérêt
général, qu’ils ont choisi. Ainsi, la liberté d’expression ne peut déborder en divulgations de
dossiers couverts par le secret professionnel ou en dénigrements systématiques de l’autorité.
Les devoirs de discrétion et de réserve, comme le secret professionnel constituent, ainsi des
limites à la liberté d’expression.
Notons aussi que le droit d’association ne peut aller, pour un agent public, jusqu’à
adhérer à un groupement terroriste, dont l’objet serait de renverser les institutions par des
voies et procédés qui seraient en contradiction totale avec la Constitution et les lois de notre
pays.
Les choses ne sont pas immuables . Ainsi, alors qu’à une certaine époque, les statuts
faisaient de l’obligation de discrétion le principe, et de la liberté d’expression l’exception, le
rapport semble s’être renversé au profit de la liberté d’expression, devenue la règle. Ce
renversement est à situer dans la ligne de l’évolution générale de la fonction publique, au sein
de laquelle le règne du secret fait progressivement place à celui de la transparence.
3 – LE DROIT DE CONSULTER SON DOSSIER PERSONNEL ET LES AUTRES
DROITS DE LA DEFENSE
Article 32 de la Constitution
Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire remettre une
copie
Article L 1215-13 du Cwadel
A partir de la convocation à comparaître devant l’autorité disciplinaire …l’intéressé et son
défenseur peuvent consulter le dossier disciplinaire…
Article 10 du statut administratif de Beyne-Heusay
Tout agent a le droit de consulter son dossier personnel
Ce droit de consulter son dossier est particulièrement important en matière
disciplinaire, où il a d’ailleurs été consacré par l’article L 1215-13 du Cwadel. Il y côtoie
d’autres droits de la défense tels ceux d’être entendu, de se faire assister par un défenseur
librement choisi, de demander l’audition des témoins et même de demander la publicité de
l’audition lorsqu’elle a lieu devant le conseil communal. Ces différents aspects seront traités
plus loin, lorsque nous examinerons le régime disciplinaire.
4 – LE DROIT A LA MOBILITE
La mobilité volontaire est un droit qui permet aux membres du personnel statutaire
des communes et C.P.A.S. de demander leur passage d’une administrations dans l’autre. Ces
dernières ne peuvent plus procéder à des recrutements nouveaux tant qu’elles n’ont pas
satisfait aux demandes de mobilité. Et cette fois, les grades légaux sont concernés.
Il faut bien reconnaître que – hors cette mobilité entre une commune et son C.P.A.S. la perméabilité entre les communes et, a fortiori entre les communes et les autres personnes
de droit public, est très peu importante en droit belge alors qu’elle est, par exemple, un
principe inscrit dans les règles de fonctionnement de la fonction publique territoriale en
France45. Nous croyons pourtant que, lorsqu’elle est organisée sur base volontaire, la mobilité
peut apporter un dynamisme nouveau dans les services publics, en donnant un nouvel élan à
la carrière et la motivation des agents qui choisiraient de passer d’un service public à un autre,
dans une fonction correspondante. Il semblerait logique de ne plus exiger d’eux qu’ils
passent sous les fourches caudines de l’ensemble des épreuves, fussent-elles les plus
élémentaires et les plus scolaires. Un entretien permettant d’évaluer la mesure dans laquelle le
profil de l’agent peut coller au nouveau contexte devrait être suffisant.
5 – LE DROIT DE GREVE
Article 18 de l’A.R. de principes généraux du 22 décembre 2000
La participation de l’agent à une cessation concertée de travail ne peut entraîner, pour cet
agent, que la privation de son traitement
On ne sait peut-être pas assez que ce n’est qu’en 192146 qu’a été supprimé l’article 310
du code pénal de 1867, qui faisait de la grève un délit, en prévoyant des peines
correctionnelles à l’égard de « toute personne qui, dans le but de forcer la hausse ou la
baisse des salaires, ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail, aura
commis des violences…menaces…soit contre ceux qui travaillent, soit contre ceux qui font
travailler. Il en sera de même de tous ceux qui, par des rassemblements près des
établissements où s’exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, auront
porté atteinte à la liberté des maîtres et des ouvriers… »
45
DEXIA – Le personnel des collectivités locales dans les quinze pays de l’Union européenne - Éditions
Dexia, Paris – 2001 – Page 105.
46
Loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d’association - Moniteur belge du 28 mai 1921.
Acquis en droit privé du travail, le droit de recourir à la grève dans les services publics
a été longtemps contesté, au nom du principe de la continuité. Jusque 1960, il arrivait
régulièrement que des agents publics fussent révoqués parce qu’ils avaient pris part à des
actions de grève47. En réalité, le droit n’est devenu incontestable que lorsque, à l’article 27 de
la Constitution, qui consacre la liberté d’association , est venu se superposer l’article 6-4 de la
Charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961 et approuvée par la loi belge du
11 juillet 1990. Une Charte qui « n’opère aucune distinction entre les travailleurs du secteur
public et ceux du secteur privé »48. Dorénavant, la formule en usage est la suivante : « La
participation de l’agent à une cessation concertée de travail ne peut entraîner, pour cet agent
que la privation de sont traitement »
La Charte sociale admet – en son article 31 – que l’exercice du droit de grève puisse
être soumis à des restrictions par la loi ;ce qui a par exemple été fait par l’article 126 de la loi
du 7 décembre 1998 sur la police intégrée. Lorsque la loi est muette – c’est le cas du Cwadel
– on voit des communes se donner des règles officieuses quant aux services à assurer en cas
de grève, notamment l’état civil, les funérailles, le déneigement…
Il va de soi que le recours abusif à la grève peut constituer une faute, dont la sanction
sera contrôlée par le Conseil d’État
6 – LES DROITS A L’INFORMATION ET A LA FORMATION
Ils seront envisagés plus loin, lorsqu’il sera question de l’envers de l’avers, à savoir
l’obligation qu’a l’agent de se tenir au courant de l’évolution technologique, juridique ou
administrative du domaine qu’il gère et celle de suivre les formations ad hoc.
7 – LE TABLEAU DES DROITS DE L’AGENT
Les droits classiques
Les droits fondamentaux
Les droits de la défense
Le droit à la mobilité
Le droit de grève
Les droits à l’information et à la formation
- Les droits pécuniaires.
- Le droit à la pension.
- Le droit au bien-être au travail.
- La liberté d’expression.
- La liberté de réunion.
- La liberté d’association.
- Le droit de consulter son dossier.
- Le droit d’être défendu.
- Le droit de demander l’audition de
témoins…
- Actuellement limité à la mobilité entre
la commune et son C.P.A.S.
- Consacré par la Charte sociale
européenne.
- Ces droits constituent aussi des devoirs
(voir infra ).
47
A. MAST, A. ALEN et J. DUJARDIN – Précis de droit administratif belge – Éditions Story Scientia,
Bruxelles – 1989 – Page 149.
48
Philippe BOUVIER – Les droits et devoirs des agents communaux – Administration Publique 2000/4,
page 263.
II - LES OBLIGATIONS DE L’AGENT
1 – LE RESPECT DE LA LEGALITE ET L’OBLIGATION DE LOYAUTE
Article 3 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents de la commune doivent, en toutes occasions, veiller à la sauvegarde des intérêts
de la commune.
Le respect de l’environnement légal, décrétal et réglementaire s’impose à chaque
citoyen, a fortiori à ceux qui ont prêté le serment de fidélité au Roi et d’obéissance à la
Constitution et aux lois du peuple belge.
L’obligation de loyauté impose aux agents d’avoir en permanence le souci de servir
efficacement l’intérêt public ; elle n’est en tout cas pas celle d’adhérer aux idées des partis
politiques au pouvoir à un moment donné. L’exigence de loyauté trouve également son
fondement dans le serment de fidélité au Roi, d’obéissance à la Constitution et aux lois du
peuple belge . Un serment que le décret du 20 juillet 1831, toujours en vigueur, impose
d’ailleurs « à tous les fonctionnaires de l’ordre judiciaire et administratif, aux officiers de
l’armée et en général à tous les citoyens chargés d’un ministère ou d’un service public ».
Serait ainsi déloyal, le fonctionnaire qui soutiendrait ouvertement les idées d’un mouvement
visant à prendre le pouvoir par la force, à aliéner l’indépendance du pays... 49 serait également
déloyal, l’agent communal qui ne chercherait pas à veiller en toutes circonstances – et dans le
respect de la légalité - aux intérêts de la commune qui l’emploie.
2 – L’OBLIGATION DE DENONCER CRIMES ET DELITS
Article 29 du code d’instruction criminelle
Tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d’un
crime ou d’un délit, sera tenu d’en donner avis sur-le-champ au procureur du Roi…et de
transmettre à ce magistrat, tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont
relatifs »
Le Conseil d’État50 a confirmé que cette obligation ne concerne que les
fonctionnaires , c’est-à-dire ceux qui disposent d’une parcelle de la puissance publique, ce
qu’on appelle l’imperium. Et encore faut-il qu’ils aient eu connaissance du crime ou du délit les contraventions ne sont pas concernées - dans l’exercice de leurs fonctions
49
C.E. n° 15.446, du 12 juillet 1972 ( Zumkir).
50
Arrêt du Conseil d’État n° 20.736, du 27 novembre 1980.
3 – L’OBLIGATION D’ASSURER LA CONTINUITE DU SERVICE PUBLIC
Ce principe implique que les agents ne peuvent interrompre leur travail sans
autorisation, expresse ou tacite, de l’autorité. Ce serait le cas d’un agent qui s’absenterait
sans justification, ou qui quitterait son service sans en demander l’autorisation.
Nous savons déjà que, depuis la ratification de la charte sociale européenne par une loi
belge , le droit de grève a été consacré pour les services publics aussi et que le cessation
concertée de travail , le plus souvent précédée d’un préavis, ne peut donner lieu qu’à une
privation de traitement.
4 – LE DEVOIR DE ZELE ET D’OBEISSANCE
Article 3 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents de la commune sont tenus d’accomplir personnellement et consciencieusement
les obligations de service qui leur sont imposées par les arrêtés ou règlements en vigueur
dans l’administration dont ils font partie.
Ils exécutent ponctuellement les ordres de service et accomplissent leurs tâches avec zèle et
exactitude
Ils sont tenus à la plus stricte politesse, tant dans leurs rapports de service avec leurs
supérieur, collègues ou inférieurs (sic) que dans les rapports avec le public.
Ils doivent s’entraider dans la mesure où l’exige intérêt du service.
Article 5 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les membres du personnel ne peuvent, directement ou par personne interposée, exercer un
commerce ou remplir un autre emploi que moyennant l’accord préalable du collège …Des
dérogations …pourront être accordées par le collège lorsque l’emploi, la profession ou
l’occupation n’est manifestement pas de nature à nuire au bon exercice de la fonction
communale et n’est pas contraire à la dignité de celle-ci. Ces autorisations sont toujours
révocables.
Il y a d’abord l’obligation de se consacrer à la fonction ; elle participe d’une logique
certaine dans la mesure où le service public n’est censé recruter que pour s’adjoindre les
forces de travail nécessaires à l’exercice efficace de sa mission. Ce n’est que dans cette
mesure que le principe d’efficience trouve son compte.
De cette obligation fondamentale découle le principe de l’interdiction des cumuls
d’emplois, même si des autorisations limitées peuvent être données, à la double condition
que les activités supplémentaires soient compatibles avec l’obligation de se consacrer à la
fonction et que, d’autre part, elles ne soient pas de nature à porter atteinte à l’honorabilité du
service public. Il faut de suite préciser que le refus d’autoriser l’exercice d’activité
complémentaire constitue un acte administratif et doit, à ce titre, reposer sur des motifs exacts
et pertinents51.
51
C.E. n° 75.790, du 16 septembre 1998 (Lacave)
L’obligation de se consacrer à la fonction n’est pas que quantitative ; elle emporte
aussi l’obligation de travailler avec zèle, diligence, rigueur et conscience professionnelle. Elle
entraîne aussi l’obligation d’obéir aux ordres et directives légitimes – en tout cas non
manifestement illégaux 52- des supérieurs hiérarchiques. Elle suppose enfin une collaboration
loyale avec les collègues, dans l’intérêt du service.
Il semble difficile de demander l’omniscience et l’infaillibilité mais il peut à tout le
moins être exigé de l’agent qu’il se comporte en bon père de famille, comme l’agent lambda,
normalement compétent, diligent et soucieux de sa mission de service public. Dans un arrêt
déjà ancien53, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser, à propos des devoirs de réserve et
de discrétion il est vrai , que le comportement de l’agent devait être apprécié en fonction des
« …normes minimales d’un genre de vie décent auxquelles un fonctionnaire doit se tenir dans
l’intérêt du service et selon les conceptions généralement admises du moment ».
5 – L’INTERDICTION DU HARCELEMENT ET DE LA VIOLENCE AU TRAVAIL
Article 4 du statut administratif de Beyne-Heusay
Tout acte quelconque de harcèlement sexuel sur les lieux de travail est strictement interdit.
On entend, par harcèlement sexuel, toute forme de comportement verbal, non verbal ou
corporel de nature sexuelle, dont celui ou celle qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir
qu’il affecte la dignité de femmes et d’hommes sur les lieux de travail.
Cet article est prolongé par les article 22 et suivants du règlement de travail.
L’interdiction de toute forme de harcèlement participe, somme toute, des relations
harmonieuses qui doivent exister entre les agents de l’administration. Le harcèlement
constitue, à n’en pas douter, un manquement aux devoirs professionnels54.
Les notions de harcèlement sexuel, de harcèlement moral et de violence au travail
sont définies dans l’article 32 ter de la loi du 4 août 1996 relative au bien être des travailleurs
lors de l'exécution de leur travail55, telle que modifiée en 200256 . Cette loi a en outre été
prolongée par un arrêté royal du 11 juillet 2002, relatif à la protection contre la violence et le
harcèlement moral ou sexuel au travail57.
La violence au travail s’entend de toute situation de fait où un travailleur - ou une
travailleuse - est persécuté, menacé ou agressé, physiquement ou psychiquement, lors de
l’exécution de son travail. La violence au travail vise essentiellement des comportements
instantanés d’agression physique ou verbale, telles que des injures, des insultes, des
brimades...
Le harcèlement sexuel au travail concerne toute forme de comportement verbal, non
52
C.E. n° 49.435, du 5 octobre 1994 et n° C.E. n° 54.139 du 30 juin 1995.
53
C.E. n° 11.865, du 8 juin 1966 (Holemans).
54
C.E. n° 73.587, du 12 mai 1998 (Coppens).
55
Moniteur belge du 18 septembre 1996.
56
Loi du 11 juin 2002 – Moniteur belge du 22 juin 2002.
57
Moniteur belge du 18 juillet 2002.
verbal ou corporel - gestes, paroles, attouchements... - de nature sexuelle, dont celui ou celle
qui s’en rend coupable sait ou doit savoir qu’il affecte la dignité d’hommes et de femmes sur
les lieux de travail.
Quant au harcèlement moral au travail – on parle parfois de mobbing – il vise les
conduites abusives et répétées de toute origine, interne ou externe à l’administration, qui se
manifestent notamment par des comportements, des paroles, des intimidations, des actes, des
gestes et des écrits unilatéraux ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la
personnalité, la dignité ou l’intégrité physique d’un travailleur ou d’une travailleuse lors de
l’exécution de son travail, de mettre en péril son emploi ou de créer un environnement
intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Ce type de harcèlement peut se
manifester de différentes manières. Par exemple :
–
en critiquant le(la) travailleur(euse) par rapport à une caractéristique
individuelle : handicap, maladie, caractéristique physique…
–
en l’isolant physiquement ou relationnellement,
–
en l’intimidant par des comportements agressifs,
–
en le déstabilisant par des attitudes ambivalentes,
–
en le mettant en échec professionnel, ce qui sera le cas si on ne lui confie plus
de travail, si on le contraint à exécuter des tâches absurdes ...,
–
en le discréditant devant des collègues ou des supérieurs,
–
en établissant des discriminations – tenant par exemple aux horaires, aux
congés...- à son égard,
–
en compromettant sa santé.
Le pouvoir public local est tenu de prendre une série de mesures pour protéger les
travailleurs contre des actes de harcèlement sexuel ou moral au travail. Au nombre de ces
mesures figurent la désignation d’une ou plusieurs personnes de confiance au sein du
personnel de même que celle d’un conseiller en prévention. Le travailleur ou la travailleuse
qui s’estime victime d’actes de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail pourra
alors s’adresser, selon son choix, aux personnes de confiance ou au conseiller en prévention.
La personne de confiance tentera une conciliation et , si celle-ci n’aboutit pas, elles
passera le flambeau au conseiller en prévention qui, lui, ouvrira un dossier individuel de
plainte. Il examinera en toute impartialité la plainte motivée, pourra entendre des témoins et
organiser des réunions, étant entendu que toutes les personnes impliquées et entendues
recevront une copie de leur déclaration. Après avoir recueilli toutes les informations utiles , le
conseiller dressera un rapport assorti de recommandations à l’employeur. Si les actes de
violence ou de harcèlement subsistent après la mise en œuvre des mesures appropriées ou si
l’employeur s’abstient de prendre les mesures adéquates, le conseiller externe, en concertation
avec la victime, pourra saisir l’inspection médicale du ministère de l’emploi et du travail.
L’article 32 terdecies de la loi du 4 août 1996 prévoit une protection spéciale de
l’agent qui a introduit une plainte au motif de violence ou de harcèlement subis. Dès que la
plainte a été introduite, il appartient au conseiller en prévention de prévenir l’employeur et,
dès ce moment, celui-ci ne pourra mettre fin à la relation de travail ou modifier
unilatéralement les conditions de travail que pour des motifs totalement étrangers à la plainte.
La protection s’étend aux personnes qui interviennent comme témoins dans le litige.
6 – LE DEVOIR DE VEILLER A LA BONNE MARCHE DES SERVICES
Article 3 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents répondent, vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques, du bon fonctionnement
des services dont la direction leur est confiée. Ils sont, de ce fait, tenus de réprimer ou de
provoquer la répression des abus, négligences ou infractions aux lois et règlements qu’ils
seraient amenés à constater dans l’exercice de leur fonction ;
Le supérieur est responsable des ordres qu’il donne.
Cet article du statut administratif constitue un descriptif succinct de la fonction de chef
de service. A l’opposé de ce qui a parfois existé – et qui existe peut-être encore à la marge l’accession à un emploi de chef de service ne peut plus se limiter à une amélioration de la
situation pécuniaire du titulaire. Elle signifie aussi un surcroît de responsabilités et un risque
d’impopularité, lié à l’obligation de dire des choses qui ne vont pas toujours dans le sens de la
quiétude de l’agent. Le rôle du chef de service moderne ne se conçoit qu’en respectant, sans
arbitraire et dans la clarté, une ligne de conduite qui peut être schématisée comme suit : il est
exigeant et rigoureux vis-à-vis de son personnel mais, lorsque celui-ci répond à ses
demandes, il le défend avec une énergie sans faille auprès de la hiérarchie et du public. Qui
n’aperçoit que ces objectifs ne peuvent être atteints qu’en soignant sans cesse la
communication ?
Dans une commune, le secrétaire communal apparaît comme une espèce de chef des
chefs, un capo dei capi en quelque sorte. Ce rôle émerge notamment dans la coordination de
la marche générale des services, dans l’obligation légale de joindre un rapport aux dossiers
disciplinaires du personnel ou encore dans le rôle d’évaluateur, au besoin d’évaluateur des
évaluateurs.
7 – LE DEVOIR D’INTEGRITE ET DE DESINTERESSEMENT
Articles 246 et 247 du code pénal
Est constitutive de corruption passive, le fait pour une personne qui exerce une fonction
publique de solliciter ou d’accepter, directement ou par interposition de personnes, une
offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour
…accomplir un acte de sa fonction juste mais non sujet à salaire…un acte injuste…
Article 1 § 4 du code de la fonction publique wallonne
Les agents ne peuvent solliciter, exiger ou recevoir, directement ou par personne interposée,
même en dehors de leurs fonctions mais à raison de celles-ci, des dons, gratifications ou
avantages quelconques .
Article 130 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré
à deux niveaux
Il est interdit aux membres du personnel de solliciter, d’exiger ou d’accepter, directement
ou par personne interposée, même en dehors de leurs fonctions mais à raison de celles-ci,
des dons, gratifications ou avantages quelconques .
En considération du principe suivant lequel le traitement couvre toutes les prestations
à effectuer par les agents des services publics, le code pénal a incriminé, entre autres
comportements délictueux spécifiques, le détournement, la corruption passive ou la
concussion. En conséquence, les agents publics ne peuvent solliciter ou accepter des dons ou
des promesses pour accomplir les actes - justes ou injustes – qui sont inhérents à leur fonction.
C’est la définition de la corruption. Ils ne peuvent non plus « …ordonner de percevoir,exiger
ou recevoir ce qu’ils savent ne pas être dû ou excéder ce qui est dû au titre de droits, taxes,
contributions… » ; c’est là l’objet du délit de concussion prévu par l’article 243 du code
pénal.
Le souci de veiller constamment à l’intégrité commande aussi d’éviter les situations
dans lesquelles un agent pourrait se trouver assis entre les deux chaises que sont, d’une part,
l’intérêt général qui est porté par la service public et, d’autre part, ses intérêts personnels. Il
s’agit donc de poser des interdictions de nature à prévenir les conflits d’intérêt. Si ceux-ci
sont surtout prévus pour les mandataires, ils sont parfois étendus aux membres du personnel.
C’est particulièrement clair pour les centres publics d’action sociale, où les conflits d’intérêt,
prévus par l’article 37 de la loi organique, concernent aussi les membres du personnel, en
application de l’article 50 de la même loi. Dans le cas des communes, l’article L 1125-10 du
Cwadel les étend aux secrétaires communaux.
Pour des raisons évidentes, le législateur a pris un soin particulier à incriminer les
conflits d’intérêt potentiels dans la domaine de marchés publics de travaux, de fournitures et
de services. Tout d’abord, l’article 10 de la loi du 24 décembre 1993 58 interdit aux
fonctionnaires et agents publics d’intervenir d’une façon quelconque, directement ou
indirectement, dans la passation et la surveillance de l’exécution d’un marché dès qu’ils ont
un intérêt - direct ou par personne interposée - dans l’une des entreprises soumissionnaires.
L’article 245 du code pénal incrimine très clairement l’ingérence dans des intérêts privés en
ces termes : « Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service
public qui, soit directement, soit par interposition de personnes ou actes simulés, aura pris ou
reçu quelqu’intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises…dont il avait , en
tout ou en partie l‘administration ou la surveillance…sera puni d’une emprisonnement de
trois mois à deux ans…d’une amende…et pourra, en outre, être condamné à l’interdiction de
remplir des fonctions, emplois ou offices publics… »
L’article 10 de la loi de 1993 et l’article 245 du code pénal constituent des barrières
mais celles-ci sont insuffisantes, à notre sens, dans la mesure où elles ne semblent pas
interdire des cas de figure potentiellement dangereux en termes d’éthique. Ainsi, il ne paraît
interdit à un agent communal de prendre part à un marché public organisé par son employeur,
à la condition qu’il n’intervienne pas dans la procédure de passation et d’exécution dudit
marché! Dans une petite commune, l’agent qui gère l’état civil pourrait ainsi soumissionner
pour son employeur au motif que, ne travaillant pas au service des travaux – le bureau
adjacent au sein – il n’intervient pas dans la dossier de passation et d’exécution dudit marché !
Une telle interdiction existe pourtant pour le personnel des C.P.A.S., en application des
articles 37 et 50 de la loi organique du 8 juillet 1976.
L’interdiction d’exercer un commerce, qui est prévue pour les secrétaires et les
receveurs communaux par les articles L 1124-5 et L 1124-38 du Cwadel, peut aussi être
interprétée comme une mesure de prévention en ce qu’elle vise des situations potentiellement
équivoques, donc dangereuses.
58
Moniteur belge du 22 janvier 1994.
8 – LE DEVOIR DE DISCRETION ET LE SECRET PROFESSIONNEL
Article 458 du code pénal
…et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur
confie qui, hors les cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ( ou devant une
commission d’enquête parlementaire) ,et celui où la loi les oblige à faire connaître ces
secrets, les auront révélés seront punis d’une emprisonnement de huit jours à six mois et
d’une amende de cent francs à cinq cents francs (sic)
Article 8 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents jouissent de la liberté d’expression, à l’égard des faits dont ils ont connaissance
dans l’exercice de leurs fonctions.
Il leur est uniquement interdit de révéler des faits qui ont trait à la sécurité nationale, à la
protection de l’ordre public, aux intérêts financiers de l’autorité, à la répression des faits
délictueux, au secret médical, aux droits et libertés du citoyen ( notamment au respect de la
vie privée) ; ceci vaut également pour les faits qui ont trait à la préparation de toutes les
décisions.
Cette interdiction ne s’applique pas aux cas où la loi ou le décret prévoit expressément le
droit du citoyen à la consultation ou à la communication d’un document administratif
Les dispositions des alinéas précédents s’appliquent également aux agents qui ont cessé
leurs fonctions.
Dans certains domaines, particulièrement sensibles, les agents des communes
deviennent les confidents obligés des citoyens. C’est notamment le cas lorsqu’ils sont appelés
à traiter des informations qui concernent le casier judiciaire, l’état civil, les registres de la
population, la fiscalité, l’aide sociale... Longtemps, le principe a été celui du secret.
L’interdiction de révéler était la règle première, clairement formulée dans des textes
fondamentaux comme le statut des agents de l’État de 1937. Depuis le début des années mil
neuf cent nonante – et dans la foulée de l’article 10 de la Convention européenne des droits de
l’homme - la liberté de s’exprimer est devenue la règle première et les restrictions
n’apparaissent plus que comme des exceptions59.
C’est en fait un contrat de confiance et de confidence qui lie les citoyens à leur
administration. Les coups de couteau qui pourraient y être donnés peuvent constituer une
simple infraction disciplinaire mais aussi – si les éléments constitutifs en sont réunis – un
délit de violation du secret professionnel, incriminé par l’article 458 du code pénal.
Il va de soi que la révélation ne sera considérée comme fautive, voire dolosive, qu’en
fonction d’un certain nombre de circonstances qui tiennent à la nature des faits révélés, à la
place du révélateur dans la hiérarchie, au lien entre les faits révélés et l’emploi…
59
C.E. n° 47.689, du 31 mai 1994 (Leclercq).
9 – LE DEVOIR DE DIGNITE ET DE RESERVE
Article 3 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents doivent, dans le service comme dans la vie privée, éviter tout ce qui pourra
porter atteinte à la confiance du public ou compromettre l’honneur ou la dignité de leur
fonction.
Comme le devoir de discrétion, celui qui prône la réserve apparaît comme une
restriction à la liberté d’expression. Il ne s’agit plus cette fois d’une interdiction de révéler des
faits confidentiels mais d’une obligation de s’abstenir de toute action, propos, manière de
vivre qui pourrait porter atteinte à la dignité de la fonction et, en conséquence, à la confiance
que le public doit avoir en elle.
Les comportements prohibés tiennent aussi bien à la vie privée qu’à l’activité
professionnelle. « Concrètement, des sanctions disciplinaires ont été infligées pour les faits
suivants relevant de la vie privée : le fait de vivre continuellement au-dessus de ses moyens
avec, pour conséquence, l’impécuniosité permanente de l’intéressé et l’application à son
encontre de mesures coercitives à la demande des créanciers ; le fait, pour un commissaire
de police adjoint, d’installer des machines à sous dans des cafés et d’en encaisser les recettes
en dehors des heures de service ; le fait, pour un agent de police, d’inciter à la bagarre en
dehors de l’exercice de ses fonctions ; le fait de publier des accusations calomnieuses
contre d’autres fonctionnaires »60.
L’appréciation de la mesure dans laquelle des faits relevant de la vie privée peuvent
constituer une transgression du devoir de réserve va dépendre d’un certain nombre de
paramètres : la place occupée par l’agent en cause dans la hiérarchie, la mesure dans laquelle
il a des contacts avec le public, les lieu et moment auxquels les faits ont été commis, le lien
plus ou moins étroit entre les faits commis et la fonction 61.
Il est certain que la liberté d’expression est indissociable de la possibilité d’émettre des
remarques, voire des critiques, à l’encontre de la marche des services. « Le devoir de réserve
n’est ni une obligation au silence ni une incitation au conformisme » 62. Encore faut-il – et
c’est une question de fait – que la critique sa fasse de manière raisonnable et modérée. Le
Conseil d’État considérera que la mesure est dépassée lorsque l’agent devient vraiment
irrespectueux, méprisant, injurieux, voire diffamant à l’égard de collègues63. Il est clair que,
en se conduisant de la sorte, il peut porter atteinte à la crédibilité du service public qui doit à
tout moment apparaître comme digne, honorable, impartial et efficient.
60
André BERTOUILLE et Fernand KOEKELBERG - e régime disciplinaire du personnel communal, du
personnel des C.P.A.S. et des membres des services de police – U.G.A., Heule – 2002 – page 60.
61
André BERTOUILLE et Fernand KOEKELBERG - Le régime disciplinaire du personnel communal, du
personnel des C.P.A.S. et des membres des services de police - U.G.A., Heule – 2002 – page 61.
62
Jean SAROT et al. – Précis de fonction publique – Bruylant, Bruxelles – 1994 – page 224.
63
Arrêts C.E. n° 11.633, du 8 février 1968 (Mertens) ; n° 13.449, du 18 mars 1969 (Van
Dijck) ; n°
29.125, 13 janvier 1988 (François) ; n° 35.032 du 1er juin 1990 (Wartel).
Voir aussi la déclaration de la Commission européenne des droits de l’Homme du 3 mai 1988 in Le
Journal des Procès du 24 juin 1988, page 28.
10 – LE DEVOIR DE NEUTRALITE ET D’IMPARTIALITE
Article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales
La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée,
sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale,
l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Articles 10, 11 et 11 bis de la Constitution belge
Principes d’égalité et de non-discrimination
Principe de l’égalité entre hommes et femmes dans l’exercice de leurs droits et libertés.
Article 3 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents doivent traiter les usagers de leurs services avec compréhension et sans
discrimination.
L’agent doit de toute évidence assurer les services dont il est chargé au profit de tous
les citoyens, sans discrimination qui serait fondée sur le sexe, la race, la couleur, la religion, la
nationalité, les opinions politiques ou philosophiques, la naissance, la fortune, les préférences
sexuelles… Il y va de la crédibilité du service public qui doit toujours apparaître comme le
garant de l’intérêt général, au-dessus de la mêlée des intérêts particuliers ou partisans.
Cette obligation d’impartialité constitue, à n’en pas douter, la contrepartie du droit
qu’ont les citoyens d’être traités de façon égale par leurs services publics t ce, sur base de
l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre 1950 mais
aussi des principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination, déposés dans les
articles 10, 11 et 11 bis de notre Constitution.
Les agents ne peuvent utiliser leurs fonctions pour promouvoir des convictions
politiques ou philosophiques, serait-ce même au bénéfice de ceux qui sont au pouvoir dans la
commune. Certains fonctionnaires, au-delà de leur devoir de neutralité, peuvent même être
astreints à un véritable devoir d’objectivité, eu égard aux particularités de leurs fonctions ;
c’est le cas des journalistes du service public de radio et télévision64.
L’obligation d’agir de manière impartiale en leur qualité d’agents publics n’empêche
cependant pas ceux-ci – en leur qualité de citoyen cette fois – d’avoir une activité politique, à
la condition expresse que les deux univers ne s’entrechoquent pas. Le Conseil d’État a ainsi
reconnu le caractère inconstitutionnel de la décision d’un ministre d’interdire aux agents de
son département de se présenter aux élections communales65.
64
Jean SAROT - Traité de fonction publique - Bruylant - Bruxelles - 1994, page 245.
65
C.E. n° 1.755, du 12 juillet 1952 ( Bogaert et Debunne).
11 – L’OBLIGATION DE RESIDENCE
Article 2 du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 16 septembre 1963
Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler
librement et d’y choisir librement sa résidence
Article 12 du pacte international relatifs aux droits civils et politiques, signé à New York le
19 décembre 1966
Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler
librement et d’y choisir librement sa résidence
Article L 1212-1 du Cwadel
Le conseil communal peut exiger, lors de toute nomination définitive des membres du
personnel communal, que les intéressés aient et conservent leur domicile et leur résidence
effective sur le territoire communal. Le conseil communal motive sa décision.
Ainsi, l’article L 1212-1 du Cwadel permet toujours au conseil communal d’exiger,
lors d’une nomination définitive, que l’agent prenne et conserve son domicile dans la
commune. Il doit motiver sa décision.
Il est pourtant admis que cette disposition, appliquée de façon automatique, va à
l’encontre d’un certain nombre de principes fondamentaux . La liberté d’aller et venir est tout
d’abord fondée sur le principe de la liberté individuelle, qui est consacré par l’article 12 de la
Constitution. De manière plus précise, la liberté de choisir son domicile est consacrée par
l’article 2 du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de
l’homme et par l’article 12 du pacte international relatifs aux droits civils et politiques, signé
à New York le 19 décembre 1966 et approuvé par la loi belge du 5 mai 1981.
Dans un arrêt n° 32.786, du 26 juin 1990, le Conseil d’État a expressément reconnu
que la Constitution et les dispositions internationales « sont d’application directe et
garantissent le libre choix de la résidence ». A ce principe du libre choix de la résidence, la
Haute juridiction administrative n’admet de restriction qu’en fonction de nécessités inhérentes
au service, dûment établies et motivées66. Serait ainsi admissible, l’obligation faite à certains
agents d’être domicilié dans un rayon leur permettant d’ être présent sur leur lieu de travail
dans un délai de quelques minutes, en cas de rappel urgent. On peut penser à un commissaire
de police, à un commandant du service d’incendie, à un agent chargé du déneigement ou du
service de dépannage urgent du réseau de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité.
En tout état de cause, la disposition qui se bornerait à indiquer, sans le moindre motif,
que l’agent doit être domicilié sur le territoire de la commune ne peut plus être admise comme
telle67.
66
C.E. n° 32.786, du 26 juin 1990 (Evers) ; C.E. n° 32.623, du 23 mai 1989 (syndicat CHR) ; C.E. n°
38.138, du 20 novembre 1991 (Grahame) ; C.E. n° 41.149, du 25 novembre 1992 (Tourneur) ; C.E.
n°48.002, du 15 juin 1994 (Minet)
67
Cf Sylvie MARIQUE – Jurisprudence relative au personnel - Le Mouvement Communal 1996/5, p 289.
12 – LES OBLIGATIONS SPECIFIQUES DES ENSEIGNANTS COMMUNAUX
Articles 14 et 15 du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des
membres du personnel subsidié de l’enseignement officiel subventionné
Les membres du personnel doivent respecter les obligations fixées par écrit dans l’acte de
nomination, qui découlent du caractère spécifique du projet éducatif du pouvoir
organisateur auprès duquel ils exercent leurs fonctions
Est incompatible avec la qualité de membre du personnel d’un établissement de
l’enseignement officiel subventionné, toute occupation qui serait de nature à nuire à
l’accomplissement des devoirs qui découlent du caractère spécifique du projet éducatif… »
Les devoirs et incompatibilités du personnel enseignant des provinces et des
communes se trouvent, pour l’essentiel, dans les articles 5 à 17 du décret de la Communauté
française du 6 juin 1994. Ils sont largement comparables à ceux du personnel non enseignant.
Notons toutefois cette obligation spécifique, posée par les article 14 et 15, de respecter les
dispositions qui découlent du caractère spécifique du projet éducatif de leur pouvoir
organisateur. L’article 15 interdit à l’enseignant toute occupation qui serait de nature à nuire à
l’accomplissement des devoirs qui découlent du caractère spécifique du projet éducatif.
Il va de soi que ces articles ne peuvent avoir pour conséquence de heurter de front les
principes qui, dans la Constitution et les traités applicables en Belgique, garantissent les droits
et libertés fondamentaux.
La spécificité du projet éducatif peut résulter aussi bien du caractère – confessionnel
ou non – de l’établissement que d’une orientation pédagogique donnée68.
13 – LES OBLIGATIONS DE FORMATION ET D’INFORMATION
Article 9 du statut administratif de Beyne-Heusay
Les agents ont droit à l’information pour tous les aspects utiles à l’exercice de leurs tâches
Les agents ont droit à la formation continue pour satisfaire aux conditions de l’évolution de
carrière et de la promotion.
Articles 19 § 3 du statut administratif de la ville de Namur
Cet article exige des agents qu’ils se tiennent au courant de l’évolution des techniques,
réglementations et recherches dans les matières dont ils sont professionnellement chargés.
Le statut namurois exige aussi que les agents veillent à enrichir leurs connaissances de la
ville et leur culture administrative générale69.
68
Philippe BOUVIER – Les droits et devoirs des agents communaux – Administration Publique 2000/4,
page 274. Les projets éducatifs, pédagogiques et d’établissement sont prévus par les articles 63 à 71
du décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de
l’enseignement – Moniteur belge du 23 septembre 1997.
69
Philippe BOUVIER – Les droits et devoirs des agents communaux – Administration Publique 2000/4,
page 269.
REVISION GENERALE DES BAREMES
Une importance fondamentale est apportée à la formation du personnel. Désormais cette
dernière conditionnera quasi l’ensemble des avancements barémiques et des promotions. Il
faudra donc harmoniser et actualiser les formations qui permettent les évolutions
barémique…et suggérer de nouvelles initiatives susceptibles de rencontrer les besoins
nouveaux de nos administrations communales. Pour cela, je proposerai prochainement la
création d’un conseil de la formation.
C’est à dessein que nous avons mentionné les deux exemples de statuts communaux.
L’un fait de l’information un droit pour les agents et, dès lors, une obligation pour la
hiérarchie. L’autre envisage plutôt le problème sous l’angle de l’obligation de se tenir au
courant. Rien d’étonnant dans la mesure où nous avons déjà fait observer que le formation et
l’information apparaissent aussi bien comme des droits que comme des devoirs.
En partant du principe que le personnel travaille mieux lorsqu’il agit en connaissance
de cause, il semble logique d’estimer que l’agent et l’administration doivent œuvrer, chacun
de son côté, à une amélioration constante du know how professionnel et de la culture
administrative. C’est ainsi que les agents peuvent demander à être tenus au courant des
publications qui concernent leur mission. La commune peut, en contrepartie, leur demander
de ne pas rester insensibles à toutes informations dont ils pourraient à leur tour faire bénéficier
le service, dans sa marche quotidienne. L’observation, voire l’ importation de ce qui marche
bien ailleurs – le benchmarking – relève assurément de la proactivité qui , aujourd’hui plus
qu’hier, est attendue des agents.
Conscient de la quasi inexistence des formations dans la fonction publique locale
avant 1995, la Région wallonne a intégré cette problématique dans la révision générale des
barèmes et en a fait un accélérateur d’évolution de carrière . Celle-ci, à l’opposé de la
promotion, ne suppose ni place vacante ni changement de niveau. Elle permet à un agent
d’accéder à une échelle barémique plus intéressantes, pour autant que certaines conditions
soient remplies : l’écoulement d’un certain laps de temps depuis la dernière évolution
barémique, une évaluation au moins positive et la réussite d’une formation reconnue. Cette
dernière condition réduit fortement l’ancienneté requise ; elle va jusqu’à la diviser par deux.
Depuis l’entrée en vigueur de la R.G.B., l’ancienneté n’est donc plus jamais le critère
unique qu’elle a été naguère, parfois jusqu’à la débilité. Elle est dorénavant pondérée par deux
autres critères, en principe liés au mérite puisqu’ils tiennent au résultat à l’évaluation et aux
efforts de formation qui ont été consentis par l’agent.
Le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser que, même s’il n’est pas question de
procédure disciplinaire, le refus d’accorder le droit de suivre une formation ne peut être
opposé sans que l’agent ait pu faire valoir ses arguments, sur base du principe audi alteram
partem70.
70
C.E. n° 64.342, 31 janvier 1997 (Guelinckx).
Une politique globale de formation a donc été mise en place par la Région wallonne,
sous l’égide d’un conseil régional de la formation créé sur base d’un décret du 6 mai 1999 71.
Des correspondants locaux à la formation ont été désignés dans les communes ; ils travaillent
en réseau, sous la supervision d’un correspondant régional. Des plans de formation ont été
demandés aux communes et, pour les réaliser, des subventions ont été octroyées par le
ministre de la Région wallonne. De nombreuses circulaires ont commencé à systématiser la
politique de formation ; leur liste est reprise dans le tableau suivant.
14 – LE TABLEAU DES DEVOIRS DE L’AGENT
Le respect de la légalité et l’obligation de
loyauté
L’obligation de dénoncer crimes et délits
L’obligation d’assurer la continuité du
service
Le devoir de zèle et d’obéissance
L’interdiction de harcèlement et de violence
au travail
Le devoir de veiller à la bonne marche des
services
Le devoir d’intégrité et de désintéressement
Le devoir de discrétion et le secret
professionnel
Le devoir de dignité et de réserve
Le devoir de neutralité et d’impartialité
L’obligation de résidence
Les obligations spécifiques des enseignants
communaux
Les obligations de formation et
d’information
- Résultent du serment constitutionnel
- Article 29 du code d’instruction
criminelle
- La ponctualité.
- L’aspect quantitatif : les cumuls.
- L’aspect qualitatif.
- Le harcèlement sexuel.
- Le harcèlement moral.
- La violence au travail.
- Le rôle du chef de service.
- La corruption passive.
- La concussion.
- Les conflits d’intérêt.
- Les interdictions d’exercer le commerce.
- Dans certains cas, les agents deviennent
les
confidents obligés des citoyens.
- Concerne aussi les faits et attitudes qui
tiennent à la vie privée
- Contrepartie des principes
constitutionnels
d’égalité et de non-discrimination.
- Uniquement en fonction de motifs
inhérents
aux caractéristiques de la fonction.
- Respect du projet éducatif.
- La politique wallonne de formation.
- La liste des circulaires wallonnes.
71
Décret wallon du 6 mai 1999 portant création du conseil régional de la formation – Moniteur belge du
22 juin 1999.

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