Ministre et homosexuel - Eglise évangélique réformée du canton de

Transcription

Ministre et homosexuel - Eglise évangélique réformée du canton de
Conclusion
Dans les faits, l’Eglise se trouve confrontée à un dilemme embarrassant. Refuser
aux homosexuels l’accès au ministère les heurtera certainement. En revanche,
recevoir l’homosexuel à toutes les responsabilités inhérentes à la vie de l’Eglise
sera perçu comme une approbation de leur comportement. Dès lors, certains
quitteront notre Eglise. Dans un cas comme dans l’autre, les options prises
entraîneront des blessures. Cette issue inéluctable nous attriste. Mais il incombe à
notre Eglise de se déterminer à la lumière des Ecritures.
Ministre et homosexuel ?
Un ministre vivant une relation homosexuelle, peut-il exercer un
ministère dans l’Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud ?
Ce document présente des arguments répondant par la négative.
Nous répondons négativement à la question de savoir si un ministre vivant
une relation homosexuelle peut exercer un ministère dans l’Eglise
Evangélique Réformée du canton de Vaud.
Les signataires de la présente réflexion, tous engagés dans l’EERV, demandent aux
membres de notre Eglise de tenir compte de cette prise de position avec attention.
Devant un tel enjeu, nous nous appelons mutuellement à la prière, propice à
l’ouverture de nos intelligences. Nous nous engageons tout aussi fermement à
accueillir et aimer l’homosexuel et la lesbienne, à l’égal de tout prochain. Sans que
pour autant nous n’approuvions leur style de vie. Nous nous engageons
personnellement à œuvrer pour que l’Eglise soit pour eux aussi un lieu de
rencontre et de communion fraternelle, un lieu d’espoir et de vie renouvelée.
Autrement dit, nous préconisons une écoute fraternelle qui ne condamne pas,
mais qui cherche à comprendre. Nous n’oublions pas que c’est sur cette capacité
d’amour et de bienveillance que nous serons jugés.
Luc Badoux, pasteur ; Jean-François Bédert, diacre, Charles Dvorak, médecin ;
Jean-Michel Keller, diacre ; Jacqueline Menétrey, pasteure ; Pierre Meylan,
médecin ; Jean-Jacques Raymond, pasteur ; Alain Wirth, pasteur.
Cet argumentaire a été adressé aux membres du Synode, au Conseil synodal, à
tous les Conseils de notre Eglise via leur président, ainsi qu’à toute personne qui le
souhaite. Pour toute utilisation de ce document, s’en référer préalablement à JeanMichel Keller, Grand’Rue 3, 1338 Ballaigues, 021 843 45 15,
[email protected].
Mars 2004
Préambule
Notre espérance pour notre Eglise : Elle accueille avec amour les lesbiennes et les
homosexuels, en tant qu’individus, également aimés de Dieu. Elle manifeste
autant d’égards et de sollicitude qu’elle en a pour tout prochain. Elle confesse avec
humilité le tort qu’elle a pu, historiquement, leur porter.
Nous distinguons avec tout autant de force la personne de son comportement.
Pour nous, l’homosexualité est un agir, un style de vie. D’une part, ce
comportement ne préjuge pas de l’amour que nous devons manifester au nom du
Christ. D’autre part, à la lecture de la Bible, ce comportement pose problème.
Notre accueil ne doit pas nous empêcher d’oser un regard critique sur celui-ci.
L’Eglise devrait être pour ces personnes un lieu de rencontre et de communion
fraternelle, un lieu d’espoir de vie renouvelée, avec l’espérance d’une libération.
La grâce de Dieu est adressée à chacun. Dieu m’accueille tel que je suis et désire
entrer en relation avec moi. Ainsi accepté et reconnu, je ne suis pas, pour Lui,
d’abord constitué par ce que je fais ou ne fais pas. Mon identité fondamentale
n’est pas à confondre avec mes orientations et pratiques sexuelles. Cette identité,
c’est d’être une personne sous le regard gracieux de Dieu.
Si nous disons notre désapprobation de la pratique homosexuelle, nous ne le
faisons pas sans confesser en parallèle nos propres manquements sexuels. Nous
reconnaissons que nous avons tous suffisamment à balayer devant notre porte.
Nous nous soucions avant tout de nos dysfonctionnements avant de nous
prononcer quant à ceux d’autrui.
Notre regard sur l’homosexualité
Ce chapitre donne quelques arguments condensés d’ordre théologique ou
psychologique. A notre sens, ils attestent que la pratique homosexuelle soulève de
nombreuses interrogations.
Altérité
« Dieu créa l’homme à son image, mâle et femelle ils les créa » (Genèse 1:27, TOB).
L’altérité « homme-femme », souhaitée par Dieu, donne un sens particulier à la
relation propre au couple hétérosexuel. Laquelle n’existe pas dans un « couple »
pratiquant l’homosexualité. Le Créateur attend des conjoints qu’ils s’attachent à
un « autre » que soi-même. Leur altérité sexuée est le signe qu’ils ont
fondamentalement besoin l’un de l’autre pour véritablement former un couple. La
procréation en est un signe. Ce projet du couple hétérosexuel figure dans les
premiers chapitres de la Bible. Cette place privilégiée implique que seul le projet
hétérosexuel fonde le couple. Tout autre projet de « couple » passe à côté de celui
établi par Dieu.
Confusion, désordre
L’altérité implique la différenciation sexuelle qui fait écho aux nombreuses autres
différenciations qui jalonnent le livre du Lévitique. Nous trouvons aux chapitres 18
et 20 le souci d’éviter différentes formes d’indifférenciations et de confusions.
Dieu demande à son peuple de ne pas se conformer aux pratiques païennes
d’alors, car elles amènent à un retour au chaos originel. Dieu exige ainsi de son
peuple, Israël, de ne pas pratiquer l’homosexualité. Lorsque cela ne contrevient
pas au message du Nouveau Testament, ce que Dieu attend d’Israël, Il l’attend
aussi des chrétiens.
Péché ?
En Romains 1:18-32, Paul présente l’homme séduit par des passions qui
l’asservissent. Par son rejet du Dieu créateur, l’être humain s’est livré à elles sans
limites. Parmi elles, Paul cite l’homosexualité. Dans la pratique homosexuelle,
l’homme s’enferme dans son désir illimité, n’étant pas confronté à la différence. Le
péché fondamental est la rupture relationnelle d’avec Dieu. Comme d’autres
pratiques citées en Romains 1, l’homosexualité est une conséquence de ce péché
fondamental.
Immaturité
Un pan de la psychologie présente le désir homosexuel comme un des stades
intermédiaires du développement de la personnalité. L’homosexualité traduit une
blessure narcissique. Elle est une faille dans la construction de l’identité, laquelle
est maintenue inachevée et immature. Elle relève alors plus d’un manque, d’une
souffrance que d’un acte blâmable.
Désordre ou faute éthique, la question reste ouverte.
Critères pour l’exercice d’un ministère
Ethique
A l’encontre du courant socio-politique actuel permettant à chacun un libre choix
de son style de vie, nous ne considérons pas l’homosexualité comme une option
légitime, qui serait équivalente à celle de l’hétérosexualité. Au contraire, osons ne
pas redoubler le message qui justifie l’homosexualité sous le prétexte d’un fait
accompli. Nous désirons adresser un signal clair, qui correspond à une éthique
critique des valeurs proposées par le discours actuel.
Vie privée - ministère
La première lettre à Timothée (3:1-10) présente une liste des qualités attendues
pour un ministre. Elle demande entre autres qu’ils soient « irréprochables ». La
question de l’homosexualité soulevant la polémique, cette pratique ne répond pas
à ce critère. De plus, vie privée et exercice du ministère sont manifestement
imbriqués aux yeux de l’apôtre. On ne peut pas simplement décider de ranger
l’homosexualité dans une sphère strictement privée, qui n’aurait aucune incidence
sur la pratique professionnelle. L’Eglise peut attendre de la part de ses ministres
un choix de vie qui ait valeur d’exemple. Ainsi, notre attente à l’égard d’un ministre
ou d’un responsable d’Eglise (dont la tâche est par nature exposée) est
légitimement plus grande qu’à l’égard d’un paroissien. Non pas qu’ils doivent être
« meilleurs » en tant que tels. Ce qui est en jeu, c’est la représentativité de leur
fonction d’autorité et la crédibilité de leur message.
Interprétation biblique
Au moment de recevoir sa consécration, le ministre s’engage à « annoncer la
Parole de Dieu ». Or, au vu des textes bibliques, même dans une lecture très
contextuelle, l’Ecriture s’oppose à la pratique homosexuelle. Reconnaître tout de
même un ministre homosexuel amènerait notre Eglise, fondée sur l’Ecriture, à se
livrer à une véritable « contorsion intellectuelle ».
Rôle d’un ministre
Le ministre s’engage « à former » ses « frères et sœurs ». Le ministre, on l’écoute,
on le regarde. Auprès des enfants et des jeunes en particulier, le ministre exerce
une influence certaine. Or, nous avons relevé que l’homosexuel souffre d’un
développement inachevé de la personnalité. Nous avons établi sa difficulté à
entrer dans l’expérience de l’altérité. Les membres de notre Eglise doivent pouvoir
trouver en leur ministre un conseiller, un formateur et un accompagnant. Par
conséquent, l’Eglise choisit de demander à ses responsables une certaine maturité
affective.
Recherche de l’unité
Le ministre s’engage « à rechercher ce qui unit et non ce qui divise ». Vu le
caractère polémique de la question qui nous occupe, le ministre homosexuel aura
par essence de la difficulté à répondre à ce critère. Sans parler des paroissiens, les
organes décisionnels (conseils paroissial, régional et de service communautaire)
se trouveront devant des conflits de loyauté qui provoqueront des déchirements.
Liens avec les autres communautés religieuses
Enfin, notre collaboration avec les autres communautés chrétiennes (Eglise
catholique, communautés évangéliques, …) risque d’être entravée si notre Eglise
répond favorablement à la question posée en titre. La question est loin de faire
l’unanimité même dans la grande famille des Eglises réformées. De plus, la
tradition juive n’entre pas en matière pour une légitimation théologique de
l’homosexualité. D’où la question : Sommes-nous suffisamment convaincus et
unanimes pour oser « aller plus loin que ces autres », avec lesquels nous
partageons par ailleurs de nombreuses traditions communes ? Nous ne le sommes
pas. Nous ne prendrons donc pas le risque d’une telle démarcation.