Hopital de demain CH Cahors

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Hopital de demain CH Cahors
HOPITAL DE DEMAIN
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Le Centre Hospitalier de Cahors : l’établissement urbain par excellence
Situé sur la principale voie touristique de Cahors, entre les boulevards et le pont Valentré, le Centre Hospitalier de Cahors ne peut être davantage
intégré dans une ville et son histoire. Établissement de 330 lits, essentiellement de court séjour, c’est le principal établissement de santé
du département et un centre économique essentiel. À partir d’un choix de maintien d’un hôpital en centre-ville, l’équipe dirigeante s’est attaché
à relever le défi de reconstruction de nombreux services, respectant toutes les normes modernes et assurant une qualité des soins remarquable.
Le projet a été engagé en 2000 et la restructuration a porté sur un espace global de 41.000 m2. Le projet, proposé par l’agence d’architecture
toulousaine Cardete & Huet, permettait de conserver l’infrastructure historique de l’hôpital, tout en l’accompagnant de nouvelles structures
plus modernes. L’opération avait donc pour objectif d’apporter une cohérence d’ensemble à une infrastructure disparate, datant à la fois de
la fin du XIXe siècle et des années 70, intégrée au site de façon plus ou moins efficace. Les voies d’accès publics principales de l’établissement
devaient également être modifiées, pour permettre un meilleur accueil et une meilleure gestion des flux au sein de l’établissement. Quinze ans
auront été nécessaires pour achever l’ensemble des composantes d’un projet majeur et lourd de contraintes. Grâce à cette opération, le Centre
Hospitalier de Cahors peut assurer toutes les missions d’un hôpital de référence départementale, tout en étant intégré dans la ville. La modernisation
de l’hôpital a aussi permis d’accompagner l’attractivité de l’établissement auprès de jeunes praticiens et de consolider plusieurs pôles d’excellence.
Présentation de l’établissement avec son directeur,
Marc Hector
Le Centre Hospitalier de Cahors...
Marc Hector : C’est un établissement de référence territoriale.
Cela lui confère deux responsabilités. Il doit d’abord assumer une mission
de proximité sur un bassin de 100.000 habitants. Il doit aussi être
l’établissement de santé de référence du territoire constitué par le
département du Lot. La richesse de l’offre de soins de Cahors lui permet
d’assurer cette mission un peu au-delà des limites d’un territoire
qui reste peu peuplé.
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Quelles sont les forces de votre établissement ?
M.H : La force principale tient à la structure même de son activité.
Pour des raisons historiques, confirmées par le SROS et la réorganisation de l’offre de soins du Lot, le CH de Cahors concentre son
activité autour du court séjour sanitaire, dans une proportion très
supérieure à celle d’établissements aux missions similaires. Il ne
gère pas d’EHPAD et quasiment pas d’activités financées par dotation
globale. À partir de ce constat, le projet médical a toujours mis l’accent
sur une volonté de conforter des spécialités médicales, chirurgicales
et obstétricales, mission qu’il assume bien depuis une dizaine d’années.
La prise en charge de proximité n’en est pas négligée pour autant,
puisque le CH de Cahors a réussi à être présent dans l’organisation
gériatrique et dans de nombreuses activités transversales, en partenariat avec la ville, les établissements médico-sociaux et les structures
associatives. Cette offre globale, riche de multiples compétences
médicales et paramédicales, est très diversifiée, pour un département
rural et moyennement peuplé. Cela nous permet de pouvoir assumer
un véritable rôle social et économique, car nous proposons un accès
aux soins et une offre assez remarquables.
Assumez-vous pleinement votre rôle de proximité ?
M.H : Lorsque le projet médical met la priorité sur le maintien et le
renforcement des compétences dans une palette aussi large que
celle de Cahors, il y a toujours un risque d’une prise en compte plus
modeste des besoins de proximité, par rapport au travail remarquable
des établissements de bassin. Je suis cependant attaché à cet objectif
totalement complémentaire et indispensable pour être vraiment l’hôpital
du bassin de Cahors. Je trouve que nous y parvenons plutôt bien, grâce
à une dynamique réelle des intervenants et au développement des partenariats
que je souhaite intensifier avec les autres structures du parcours du patient.
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Architecture hospitalière - numéro 12 - 2014 - Centre Hospitalier de Cahors
Quel est l’état de santé financière de votre établissement ?
M.H : Avec l’impact de l’hôpital neuf, le recrutement de compétences
médicales et la réorganisation de l’offre de soins sur le territoire,
le CH de Cahors a connu plusieurs années de croissance soutenue,
ce qui a été générateur de nombreuses ressources et de création d’emplois
entre 2008 et 2012. La structure, très centrée sur les activités financées
par T2A, a amplifié le mouvement. Chaque année, l’établissement a
ainsi dégagé des excédents d’exploitation qui ont permis de dynamiser
le potentiel d’investissement. En 2013, la situation s’est totalement
inversée. L’avantage de la dynamique T2A s’est transformé en menace
quand l’activité a atteint un plateau, ou quand le départ de certaines
compétences a entraîné un mouvement à la baisse. Alors que l’établissement devait prendre en charge des coûts aux proportions croissantes,
les recettes n’ont pas suivi et l’établissement s’est retrouvé brutalement et fortement déficitaire en 2013. Mon objectif est de ramener
l’établissement à l’équilibre, sans pour autant fragiliser sa dynamique
de croissance. La forte exposition à la T2A ne nous permet pas d’entreprendre subitement des économies d’échelles importantes en cas
de déficit, car les membres de l’hôpital ne le subissent pas au quotidien.
Nous devons donc mener une politique pragmatique pour atteindre
l’objectif le plus rapidement possible. Dans cette optique, j’ai proposé
au directoire, dans les semaines qui ont suivi ma prise de fonction,
un ensemble de dispositions privilégiant le développement d’activités
complémentaires et des efforts importants de valorisation, en plus
des habituelles mesures d’économie. L’impact de ce plan sera évalué
en fin d’exercice.
Quel a été votre constat à votre arrivée à la fin de l’année 2013,
alors que l’établissement achevait sa mutation ?
M.H : Ce projet de mutation a été réalisé en tranches successives,
mais il aura touché la quasi-totalité des activités du Centre Hospitalier,
y compris avec la nouvelle implantation du Centre de Long Séjour.
J’ai eu la chance, dans mon établissement précédent, de mener une
opération architecturale de grande ampleur - la construction d’un
hôpital neuf sur un pôle associant un Centre Hospitalier et une clinique
privée. En parcourant les locaux désormais mis à la disposition des
professionnels et de la population de Cahors et du Lot, je ne vois
pas vraiment la différence, hormis bien sûr les façades historiques
de la plupart des bâtiments. Nous passons ainsi d’un hôpital d’une
architecture classique du XXe siècle (avec des murs plus anciens
encore), à un hôpital neuf qui répond à tous les standards hôteliers,
techniques et de qualité. Je n’hésite d’ailleurs pas à adopter la sémantique de « l’hôpital neuf », un peu pour marquer les esprits, car bien
des personnes n’ont heureusement pas besoin de se rendre à l’hôpital
et ignorent de ce fait la qualité de l’équipement mis à leur disposition.
Comment ce nouvel outil va-t-il servir l’attractivité de votre
établissement auprès de la population et des professionnels
de santé ?
M.H : Ce projet est un enjeu majeur pour le département du Lot.
Nous avons investi beaucoup pour que la population dispose de cet
outil, mais les coûts de structure sont similaires, quelle que soit la
population servie. Le développement d’une spécialité se fait rarement
si l’établissement ne dispose pas d’au-moins trois praticiens dédiés.
La différence entre les établissements de santé traitant 300 000 ou
180 000 habitants réside moins dans leurs coûts de fonctionnement
que dans leurs recettes. Nous avons donc un besoin impératif de
mettre en place une relation très forte avec la population. Elle doit
parvenir à s’approprier ce nouvel outil, afin qu’il devienne son hôpital.
Si nous n’y parvenons pas, la tarification à l’activité ne nous épargnera
pas. Or, si nous devions réduire notre capacité, notre attractivité
s’en trouverait impactée négativement. Nous devons proposer aux
praticiens une structure intéressante en matière d’outils, de qualité
de travail, d’équipes et de compétences médicales et paramédicales.
La collectivité médicale et les acteurs de notre territoire sont parfaitement conscients qu’il nous faut attirer de jeunes praticiens et collaborer
avec le CHU. Aussi, nous mettons en place des postes d’assistants
partagés dès l’internat de spécialité, pour tenter d’attirer les jeunes
praticiens. Pour un établissement comme le nôtre, le plus important
est de parvenir à franchir le cap. Une fois que les jeunes médecins
et chirurgiens arrivent dans l’établissement, ils souhaitent souvent
s’y installer car ils y trouvent un intérêt professionnel évident. Et comme
dans un cercle vertueux, nous offrirons encore plus de services à la
population, plus d’atouts pour les entreprises désireuses de s’installer
dans le Lot.
Quelle importance accordez-vous aux collaborations ?
M.H : C’est fondamental. Comment assurer nos missions sans être
intégrés dans un vaste ensemble de partenariats, sans exclusive pour
ce qui me concerne. Nous devons mettre en place le plus de partenariats
possibles, en amont comme en aval de notre établissement, et en
premier lieu avec le CHU de Toulouse. Nous devons évoluer dans
une filière cohérente pour le patient et les personnels, notamment
le personnel médical. En aval, ces collaborations concernent aussi
les autres établissements hospitaliers du Lot. Il s’agit d’un facteur
indispensable au maintien de nos activités et des spécialités médicales.
Les équipes médicales du Centre Hospitalier de Cahors sont sensibilisées
sur ce sujet et organisent spontanément des activités de consultation,
d’intervention chirurgicale ou de centre de dépistage prénatal. Cette
démarche est indispensable et doit être complétée par un rapprochement
de notre établissement avec les professionnels de santé. Cela représente
un enjeu important, car la mise en place des collaborations se heurte
parfois encore à des antagonismes d’un autre siècle, entre l’hôpital
et la médecine de ville, entre la médecine libérale et la médecine
hospitalière. Les acteurs du monde de la santé doivent s’efforcer
de changer cette vision. Ils doivent assurer une évolution forte mais
progressive, afin de ne pas choquer l’interlocuteur et définir des
axes de partenariats qui nous permettraient de renforcer nos liens.
En outre, notre concurrent le plus important se situe en dehors du
département. Si nous ne parvenons pas à renforcer la cohésion des
professionnels de santé du Lot, nous ne ferons alors rien d’autre
qu’appauvrir notre propre département. La Vendée, le département
dans lequel j’exerçais précédemment, était très impliquée dans ces
partenariats qui mettent l’accent sur la qualité d’une filière de prise en
charge du patient. Cet objectif surpassait l’importance de l’établissement
chargé de la prise en charge du patient, que ce soit une clinique,
une structure de ville ou un hôpital. La prise en charge doit avant
tout être cohérente pour apporter une prestation optimale au patient,
assurer la sécurité de la prise en charge et la qualité du transfert
entre les intervenants, si besoin est. Le département du Lot doit aujourd’hui améliorer ces collaborations entre les structures, d’autant
plus que nos activités sont propices aux liens entre les EHPAD et
les centres hospitaliers. Enfin, il est également important que nous
mettions en place des relations et une véritable cohésion avec les
cliniques qui s’orientent vers les soins de suite et de réadaptation.
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En matière d’orientation et de pilotage stratégique, quelles
performances espérez-vous pour votre hôpital ?
M.H : Je pense que la stratégie gagnante pour Cahors est celle que
je viens de vous exposer, en matière d’offre et de réseaux. Cela n’est
pas toujours facile et il me faut convaincre. Il est impératif que notre
stratégie préserve les atouts actuels de l’établissement. Mais pour
y parvenir, nous devons consolider et diversifier notre offre ; nous
devons aussi cultiver et développer tous les réseaux du département.
Et d’abord, assurer le retour des équilibres économiques, sans quoi
rien ne sera possible. Cet équilibre financier produira des ressources
d’investissement elles-mêmes indispensables à la cohérence de
notre politique de maintien des spécialités. En effet, cette politique,
lorsqu’elle concerne des spécialités impliquant des équipements
lourds (la chirurgie, la réanimation, la gastrologie, la cardiologie),
nécessite que nous alimentions suffisamment notre section d’exploitation. Or, cela ne peut être réalisé actuellement que par le biais de
nos ressources d’exploitation. Étant donné que l’établissement ne
dispose pas d’une marge de manœuvre assez importante en ce qui
concerne ses dépenses, nous ne pouvons atteindre cet équilibre
qu’en augmentant nos recettes. Pour travailler ces dernières et obtenir
des ressources, nous devons disposer d’un lien fort avec notre territoire
et sa population.
Quelle importance accordez-vous au management des relations
humaines ?
M.H : Dans les établissements publics de santé, certains mouvements
importants issus d’éléments comme la T2A, peuvent parfois être
mal compris par les personnels, notamment les soignants. Nous devons
donc avoir un travail d’accompagnement important, afin d’entraîner
nos collaborateurs dans cette dynamique. C’est aussi un important
travail d’information et de communication, car bien peu connaissent
vraiment les enjeux et risques du fonctionnement actuel des établissements publics de santé. Ils doivent comprendre qu’une charge de
travail plus importante permet aussi de consolider notre outil de travail
et de dégager des marges sociales. Cette souplesse de management
ne peut fonctionner sans une implication forte du personnel d’encadrement. Mais j’attends beaucoup de l’information et de la mobilisation
des personnels, car je les sais fiers de leur établissement. Je les
considère comme des acteurs essentiels du changement. Je compte
également sur un nouveau projet social qui permettrait aux équipes
de s’associer plus activement à cette dynamique.
Quelle vision avez-vous de l’hôpital de demain ?
M.H : L’hôpital de demain sera avant tout un passage dans le parcours
de soins d’un patient, étape qui doit mobiliser de nombreuses ressources
dans un temps limité. La personne sera accueillie à l’hôpital, car son
parcours de soin nécessitera un plateau technique et la mobilisation
70
d’une équipe médicale. L’hôpital de demain devra donc assurer la
qualité de sa prestation et jouer pleinement le rôle que la collectivité
lui assignera. Il lui faudra également être conscient de la brièveté
du passage de la personne soignée, car la qualité de sa prise en
charge à l’hôpital dépendra alors de l’organisation en amont et en
aval de l’établissement. L’hôpital de demain le plus efficace sera
donc celui pour lequel la filière de la prise en charge du patient sera
la mieux organisée. L’hôpital purement « hospitalier », centré sur luimême, n’a que peu de sens aujourd’hui que les moyens de communication sont si développés. Par contre, l’hôpital de demain devra
aussi jouer pleinement son rôle dans l’organisation de l’ensemble
des acteurs de santé du territoire. Il devra alors être autant mobilisé
pour trouver des unités de prévention ou d’accompagnement de patients
sur l’ensemble du département, que pour réaliser des interventions
techniques.
L’hôpital d’aujourd’hui correspond-il à l’idéal que vous aviez
en début de carrière ?
M.H : J’ai intégré le milieu hospitalier en 1980, à la « période des
constructeurs ». Nous avions alors pour vocation première de positionner fortement l’hôpital public par rapport à des concurrences
importantes, émanant de cliniques privées. Les établissements se
positionnaient fortement sur les recrutements médicaux et les programmes architecturaux pour assurer un grand niveau de qualité
sur le plan médical. Étant formé dans ce milieu, ma génération a
baigné dans cette vision du service public hospitalier, cette mission
étant alors, avant tout, de faire de l’hôpital public la référence en matière
de soin, y compris dans les acquisitions d’équipements. Aujourd’hui,
l’hôpital ne peut plus porter cet objectif de manière exclusive. L’évolution
des enjeux financiers, de la politique territoriale, de l’accès au soin,
de la démographie médicale, a poussé les établissements à se modifier
profondément. Je regrette que cette mutation profonde ne soit pas
assez mise en valeur sur le plan national. Nous évoquons souvent
les changements des entreprises, mais les mutations de l’hôpital
public sur une période relativement courte sont considérables et
c’est à mettre au crédit des équipes. Mais ces équipes ont parfois
l’impression que les efforts faits ne sont pas appréciés à la juste
hauteur. C’est alors aux responsables de ces établissements d’anticiper
les changements vers lesquels l’hôpital et ses collaborateurs doivent
se diriger. En matière de productivité, une clinique sera souvent plus
efficace qu’un hôpital car elle a moins de contraintes. En revanche,
si l’enjeu porte sur l’organisation du service de santé d’un territoire,
l’histoire et les atouts de l’hôpital public nous placent en position
de force. Mais pour cela, il nous faut collaborer avec un certain nombre
de partenaires et jouer un rôle très actif à l’extérieur de nos murs.
Si nous parvenons à véhiculer ce message efficacement, l’hôpital
est promis à un bel avenir.

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