Hopital de demain CH Cahors
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Hopital de demain CH Cahors
HOPITAL DE DEMAIN 1-MAGAZINE ARCHI - N°12-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 03/11/14 21:53 Page67 Le Centre Hospitalier de Cahors : l’établissement urbain par excellence Situé sur la principale voie touristique de Cahors, entre les boulevards et le pont Valentré, le Centre Hospitalier de Cahors ne peut être davantage intégré dans une ville et son histoire. Établissement de 330 lits, essentiellement de court séjour, c’est le principal établissement de santé du département et un centre économique essentiel. À partir d’un choix de maintien d’un hôpital en centre-ville, l’équipe dirigeante s’est attaché à relever le défi de reconstruction de nombreux services, respectant toutes les normes modernes et assurant une qualité des soins remarquable. Le projet a été engagé en 2000 et la restructuration a porté sur un espace global de 41.000 m2. Le projet, proposé par l’agence d’architecture toulousaine Cardete & Huet, permettait de conserver l’infrastructure historique de l’hôpital, tout en l’accompagnant de nouvelles structures plus modernes. L’opération avait donc pour objectif d’apporter une cohérence d’ensemble à une infrastructure disparate, datant à la fois de la fin du XIXe siècle et des années 70, intégrée au site de façon plus ou moins efficace. Les voies d’accès publics principales de l’établissement devaient également être modifiées, pour permettre un meilleur accueil et une meilleure gestion des flux au sein de l’établissement. Quinze ans auront été nécessaires pour achever l’ensemble des composantes d’un projet majeur et lourd de contraintes. Grâce à cette opération, le Centre Hospitalier de Cahors peut assurer toutes les missions d’un hôpital de référence départementale, tout en étant intégré dans la ville. La modernisation de l’hôpital a aussi permis d’accompagner l’attractivité de l’établissement auprès de jeunes praticiens et de consolider plusieurs pôles d’excellence. Présentation de l’établissement avec son directeur, Marc Hector Le Centre Hospitalier de Cahors... Marc Hector : C’est un établissement de référence territoriale. Cela lui confère deux responsabilités. Il doit d’abord assumer une mission de proximité sur un bassin de 100.000 habitants. Il doit aussi être l’établissement de santé de référence du territoire constitué par le département du Lot. La richesse de l’offre de soins de Cahors lui permet d’assurer cette mission un peu au-delà des limites d’un territoire qui reste peu peuplé. 68 Quelles sont les forces de votre établissement ? M.H : La force principale tient à la structure même de son activité. Pour des raisons historiques, confirmées par le SROS et la réorganisation de l’offre de soins du Lot, le CH de Cahors concentre son activité autour du court séjour sanitaire, dans une proportion très supérieure à celle d’établissements aux missions similaires. Il ne gère pas d’EHPAD et quasiment pas d’activités financées par dotation globale. À partir de ce constat, le projet médical a toujours mis l’accent sur une volonté de conforter des spécialités médicales, chirurgicales et obstétricales, mission qu’il assume bien depuis une dizaine d’années. La prise en charge de proximité n’en est pas négligée pour autant, puisque le CH de Cahors a réussi à être présent dans l’organisation gériatrique et dans de nombreuses activités transversales, en partenariat avec la ville, les établissements médico-sociaux et les structures associatives. Cette offre globale, riche de multiples compétences médicales et paramédicales, est très diversifiée, pour un département rural et moyennement peuplé. Cela nous permet de pouvoir assumer un véritable rôle social et économique, car nous proposons un accès aux soins et une offre assez remarquables. Assumez-vous pleinement votre rôle de proximité ? M.H : Lorsque le projet médical met la priorité sur le maintien et le renforcement des compétences dans une palette aussi large que celle de Cahors, il y a toujours un risque d’une prise en compte plus modeste des besoins de proximité, par rapport au travail remarquable des établissements de bassin. Je suis cependant attaché à cet objectif totalement complémentaire et indispensable pour être vraiment l’hôpital du bassin de Cahors. Je trouve que nous y parvenons plutôt bien, grâce à une dynamique réelle des intervenants et au développement des partenariats que je souhaite intensifier avec les autres structures du parcours du patient. 1-MAGAZINE ARCHI - N°12-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 03/11/14 21:53 Page68 Architecture hospitalière - numéro 12 - 2014 - Centre Hospitalier de Cahors Quel est l’état de santé financière de votre établissement ? M.H : Avec l’impact de l’hôpital neuf, le recrutement de compétences médicales et la réorganisation de l’offre de soins sur le territoire, le CH de Cahors a connu plusieurs années de croissance soutenue, ce qui a été générateur de nombreuses ressources et de création d’emplois entre 2008 et 2012. La structure, très centrée sur les activités financées par T2A, a amplifié le mouvement. Chaque année, l’établissement a ainsi dégagé des excédents d’exploitation qui ont permis de dynamiser le potentiel d’investissement. En 2013, la situation s’est totalement inversée. L’avantage de la dynamique T2A s’est transformé en menace quand l’activité a atteint un plateau, ou quand le départ de certaines compétences a entraîné un mouvement à la baisse. Alors que l’établissement devait prendre en charge des coûts aux proportions croissantes, les recettes n’ont pas suivi et l’établissement s’est retrouvé brutalement et fortement déficitaire en 2013. Mon objectif est de ramener l’établissement à l’équilibre, sans pour autant fragiliser sa dynamique de croissance. La forte exposition à la T2A ne nous permet pas d’entreprendre subitement des économies d’échelles importantes en cas de déficit, car les membres de l’hôpital ne le subissent pas au quotidien. Nous devons donc mener une politique pragmatique pour atteindre l’objectif le plus rapidement possible. Dans cette optique, j’ai proposé au directoire, dans les semaines qui ont suivi ma prise de fonction, un ensemble de dispositions privilégiant le développement d’activités complémentaires et des efforts importants de valorisation, en plus des habituelles mesures d’économie. L’impact de ce plan sera évalué en fin d’exercice. Quel a été votre constat à votre arrivée à la fin de l’année 2013, alors que l’établissement achevait sa mutation ? M.H : Ce projet de mutation a été réalisé en tranches successives, mais il aura touché la quasi-totalité des activités du Centre Hospitalier, y compris avec la nouvelle implantation du Centre de Long Séjour. J’ai eu la chance, dans mon établissement précédent, de mener une opération architecturale de grande ampleur - la construction d’un hôpital neuf sur un pôle associant un Centre Hospitalier et une clinique privée. En parcourant les locaux désormais mis à la disposition des professionnels et de la population de Cahors et du Lot, je ne vois pas vraiment la différence, hormis bien sûr les façades historiques de la plupart des bâtiments. Nous passons ainsi d’un hôpital d’une architecture classique du XXe siècle (avec des murs plus anciens encore), à un hôpital neuf qui répond à tous les standards hôteliers, techniques et de qualité. Je n’hésite d’ailleurs pas à adopter la sémantique de « l’hôpital neuf », un peu pour marquer les esprits, car bien des personnes n’ont heureusement pas besoin de se rendre à l’hôpital et ignorent de ce fait la qualité de l’équipement mis à leur disposition. Comment ce nouvel outil va-t-il servir l’attractivité de votre établissement auprès de la population et des professionnels de santé ? M.H : Ce projet est un enjeu majeur pour le département du Lot. Nous avons investi beaucoup pour que la population dispose de cet outil, mais les coûts de structure sont similaires, quelle que soit la population servie. Le développement d’une spécialité se fait rarement si l’établissement ne dispose pas d’au-moins trois praticiens dédiés. La différence entre les établissements de santé traitant 300 000 ou 180 000 habitants réside moins dans leurs coûts de fonctionnement que dans leurs recettes. Nous avons donc un besoin impératif de mettre en place une relation très forte avec la population. Elle doit parvenir à s’approprier ce nouvel outil, afin qu’il devienne son hôpital. Si nous n’y parvenons pas, la tarification à l’activité ne nous épargnera pas. Or, si nous devions réduire notre capacité, notre attractivité s’en trouverait impactée négativement. Nous devons proposer aux praticiens une structure intéressante en matière d’outils, de qualité de travail, d’équipes et de compétences médicales et paramédicales. La collectivité médicale et les acteurs de notre territoire sont parfaitement conscients qu’il nous faut attirer de jeunes praticiens et collaborer avec le CHU. Aussi, nous mettons en place des postes d’assistants partagés dès l’internat de spécialité, pour tenter d’attirer les jeunes praticiens. Pour un établissement comme le nôtre, le plus important est de parvenir à franchir le cap. Une fois que les jeunes médecins et chirurgiens arrivent dans l’établissement, ils souhaitent souvent s’y installer car ils y trouvent un intérêt professionnel évident. Et comme dans un cercle vertueux, nous offrirons encore plus de services à la population, plus d’atouts pour les entreprises désireuses de s’installer dans le Lot. Quelle importance accordez-vous aux collaborations ? M.H : C’est fondamental. Comment assurer nos missions sans être intégrés dans un vaste ensemble de partenariats, sans exclusive pour ce qui me concerne. Nous devons mettre en place le plus de partenariats possibles, en amont comme en aval de notre établissement, et en premier lieu avec le CHU de Toulouse. Nous devons évoluer dans une filière cohérente pour le patient et les personnels, notamment le personnel médical. En aval, ces collaborations concernent aussi les autres établissements hospitaliers du Lot. Il s’agit d’un facteur indispensable au maintien de nos activités et des spécialités médicales. Les équipes médicales du Centre Hospitalier de Cahors sont sensibilisées sur ce sujet et organisent spontanément des activités de consultation, d’intervention chirurgicale ou de centre de dépistage prénatal. Cette démarche est indispensable et doit être complétée par un rapprochement de notre établissement avec les professionnels de santé. Cela représente un enjeu important, car la mise en place des collaborations se heurte parfois encore à des antagonismes d’un autre siècle, entre l’hôpital et la médecine de ville, entre la médecine libérale et la médecine hospitalière. Les acteurs du monde de la santé doivent s’efforcer de changer cette vision. Ils doivent assurer une évolution forte mais progressive, afin de ne pas choquer l’interlocuteur et définir des axes de partenariats qui nous permettraient de renforcer nos liens. En outre, notre concurrent le plus important se situe en dehors du département. Si nous ne parvenons pas à renforcer la cohésion des professionnels de santé du Lot, nous ne ferons alors rien d’autre qu’appauvrir notre propre département. La Vendée, le département dans lequel j’exerçais précédemment, était très impliquée dans ces partenariats qui mettent l’accent sur la qualité d’une filière de prise en charge du patient. Cet objectif surpassait l’importance de l’établissement chargé de la prise en charge du patient, que ce soit une clinique, une structure de ville ou un hôpital. La prise en charge doit avant tout être cohérente pour apporter une prestation optimale au patient, assurer la sécurité de la prise en charge et la qualité du transfert entre les intervenants, si besoin est. Le département du Lot doit aujourd’hui améliorer ces collaborations entre les structures, d’autant plus que nos activités sont propices aux liens entre les EHPAD et les centres hospitaliers. Enfin, il est également important que nous mettions en place des relations et une véritable cohésion avec les cliniques qui s’orientent vers les soins de suite et de réadaptation. 69 1-MAGAZINE ARCHI - N°12-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 03/11/14 21:53 Page69 En matière d’orientation et de pilotage stratégique, quelles performances espérez-vous pour votre hôpital ? M.H : Je pense que la stratégie gagnante pour Cahors est celle que je viens de vous exposer, en matière d’offre et de réseaux. Cela n’est pas toujours facile et il me faut convaincre. Il est impératif que notre stratégie préserve les atouts actuels de l’établissement. Mais pour y parvenir, nous devons consolider et diversifier notre offre ; nous devons aussi cultiver et développer tous les réseaux du département. Et d’abord, assurer le retour des équilibres économiques, sans quoi rien ne sera possible. Cet équilibre financier produira des ressources d’investissement elles-mêmes indispensables à la cohérence de notre politique de maintien des spécialités. En effet, cette politique, lorsqu’elle concerne des spécialités impliquant des équipements lourds (la chirurgie, la réanimation, la gastrologie, la cardiologie), nécessite que nous alimentions suffisamment notre section d’exploitation. Or, cela ne peut être réalisé actuellement que par le biais de nos ressources d’exploitation. Étant donné que l’établissement ne dispose pas d’une marge de manœuvre assez importante en ce qui concerne ses dépenses, nous ne pouvons atteindre cet équilibre qu’en augmentant nos recettes. Pour travailler ces dernières et obtenir des ressources, nous devons disposer d’un lien fort avec notre territoire et sa population. Quelle importance accordez-vous au management des relations humaines ? M.H : Dans les établissements publics de santé, certains mouvements importants issus d’éléments comme la T2A, peuvent parfois être mal compris par les personnels, notamment les soignants. Nous devons donc avoir un travail d’accompagnement important, afin d’entraîner nos collaborateurs dans cette dynamique. C’est aussi un important travail d’information et de communication, car bien peu connaissent vraiment les enjeux et risques du fonctionnement actuel des établissements publics de santé. Ils doivent comprendre qu’une charge de travail plus importante permet aussi de consolider notre outil de travail et de dégager des marges sociales. Cette souplesse de management ne peut fonctionner sans une implication forte du personnel d’encadrement. Mais j’attends beaucoup de l’information et de la mobilisation des personnels, car je les sais fiers de leur établissement. Je les considère comme des acteurs essentiels du changement. Je compte également sur un nouveau projet social qui permettrait aux équipes de s’associer plus activement à cette dynamique. Quelle vision avez-vous de l’hôpital de demain ? M.H : L’hôpital de demain sera avant tout un passage dans le parcours de soins d’un patient, étape qui doit mobiliser de nombreuses ressources dans un temps limité. La personne sera accueillie à l’hôpital, car son parcours de soin nécessitera un plateau technique et la mobilisation 70 d’une équipe médicale. L’hôpital de demain devra donc assurer la qualité de sa prestation et jouer pleinement le rôle que la collectivité lui assignera. Il lui faudra également être conscient de la brièveté du passage de la personne soignée, car la qualité de sa prise en charge à l’hôpital dépendra alors de l’organisation en amont et en aval de l’établissement. L’hôpital de demain le plus efficace sera donc celui pour lequel la filière de la prise en charge du patient sera la mieux organisée. L’hôpital purement « hospitalier », centré sur luimême, n’a que peu de sens aujourd’hui que les moyens de communication sont si développés. Par contre, l’hôpital de demain devra aussi jouer pleinement son rôle dans l’organisation de l’ensemble des acteurs de santé du territoire. Il devra alors être autant mobilisé pour trouver des unités de prévention ou d’accompagnement de patients sur l’ensemble du département, que pour réaliser des interventions techniques. L’hôpital d’aujourd’hui correspond-il à l’idéal que vous aviez en début de carrière ? M.H : J’ai intégré le milieu hospitalier en 1980, à la « période des constructeurs ». Nous avions alors pour vocation première de positionner fortement l’hôpital public par rapport à des concurrences importantes, émanant de cliniques privées. Les établissements se positionnaient fortement sur les recrutements médicaux et les programmes architecturaux pour assurer un grand niveau de qualité sur le plan médical. Étant formé dans ce milieu, ma génération a baigné dans cette vision du service public hospitalier, cette mission étant alors, avant tout, de faire de l’hôpital public la référence en matière de soin, y compris dans les acquisitions d’équipements. Aujourd’hui, l’hôpital ne peut plus porter cet objectif de manière exclusive. L’évolution des enjeux financiers, de la politique territoriale, de l’accès au soin, de la démographie médicale, a poussé les établissements à se modifier profondément. Je regrette que cette mutation profonde ne soit pas assez mise en valeur sur le plan national. Nous évoquons souvent les changements des entreprises, mais les mutations de l’hôpital public sur une période relativement courte sont considérables et c’est à mettre au crédit des équipes. Mais ces équipes ont parfois l’impression que les efforts faits ne sont pas appréciés à la juste hauteur. C’est alors aux responsables de ces établissements d’anticiper les changements vers lesquels l’hôpital et ses collaborateurs doivent se diriger. En matière de productivité, une clinique sera souvent plus efficace qu’un hôpital car elle a moins de contraintes. En revanche, si l’enjeu porte sur l’organisation du service de santé d’un territoire, l’histoire et les atouts de l’hôpital public nous placent en position de force. Mais pour cela, il nous faut collaborer avec un certain nombre de partenaires et jouer un rôle très actif à l’extérieur de nos murs. Si nous parvenons à véhiculer ce message efficacement, l’hôpital est promis à un bel avenir.