La mémoire trouée - E

Transcription

La mémoire trouée - E
Fiche pédagogique
La mémoire trouée
Littérature jeunesse
Résumé
elle ne trouve plus le visage de sa
mère.
Avril 1994. Le Rwanda sombre dans
la folie génocidaire qui fera 800 000
victimes. Parmi elles, des mères
dont celle d’Emma.
Cachée derrière un fauteuil, la petite
fille, alors âgée de cinq ans, n’a rien
vu mais tout entendu. Neuf ans plus
tard, dans un Rwanda en difficile
reconstruction, l’adolescente tente
de vivre malgré ses cauchemars,
malgré sa mémoire verrouillée où
Soutenue par Mukecuru, figure
protectrice chez qui elle a trouvé
refuge, elle fait la connaissance de
Ndoli – étrange gamin à la tête
cabossée – et d’un psychologue
travaillant au dispensaire. Deux
rencontres déterminantes qui la
mèneront sur le chemin de son
passé.
Auteur : Elisabeth Combres
Editeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Scripto
Année d’édition : 2007
Public concerné : à partir de 12
ans
Matériel nécessaire : connexion
Internet
Mots-clés: Rwanda, Afrique,
génocide, médias, guerre.
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Objectifs
- Construire les notions de génocide
et de crime contre l'humanité.
- Se sensibiliser au droit et
institutions internationales,
- S’ouvrir au monde et découvrir
l’histoire contemporaine et la réalité
d’un pays africain,
- Créer des textes littéraires.
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Pistes pédagogiques
ANALYSE THEMATIQUE
COMPREHENSION GENERALE
1) L’histoire d’un génocide
1) Cerner et compléter les
connaissances des élèves sur le
Rwanda : localisation sur une carte
d’Afrique, pays limitrophes, histoire
coloniale, régime politique, etc.
- Dans le roman, relever les faits
historiques
:
extermination
radicale d’une « ethnie » (rappel :
au Rwanda, cette notion a été collée
sur ce qui n’était alors qu’un statut
social), les Tutsis, par une autre
affirmée supérieure (les Hutus),
cruauté / barbarie des actes
commis, exode massif vers les pays
voisins, entrée en résistance de
certains, intervention - tardive - des
Nations Unies, etc.
2)
Faire
émerger
les
représentations sur le drame
rwandais. Lever les confusions et
erreurs en relisant l’introduction du
roman et en relevant les informations
essentielles.
Disciplines et thèmes
concernés
Education aux citoyennetés :
Le rôle des Nations Unies dans le
maintien de la paix. Les
génocides dans le monde,
définition officielle du terme,
reconnaissance par l’ONU. Le
devoir de mémoire.
Education aux médias :
Le rôle des médias nationaux
dans les conflits. La couverture
médiatique d’un événement,
d’une guerre à l’étranger.
Géographie :
Géographie du continent africain
et plus particulièrement de la
région
des
Grands
Lacs :
Rwanda, Ouganda, Burundi,
République démocratique du
Congo.
Histoire :
Histoire de la colonisation du
continent
africain.
Histoire
contemporaine du Rwanda.
- Faire le parallèle avec d’autres
1
génocides, reconnus par l’ONU . Par
exemple, celui des Juifs et des
Tsiganes par les nazis, celui des
Arméniens par l'Empire ottoman.
Insister sur un fait : le drame
rwandais n’a pas seulement impliqué
le pouvoir en place mais aussi la
population embrigadée dans des
« milices ».
2) La difficile reconstruction du
pays
A partir d’extraits du roman, dresser
le portrait du Rwanda, neuf ans
après le conflit.
- Une population déstructurée :
avec beaucoup d’orphelins (Emma,
Ndoli) et de veuves, l’équilibre
fragile de la cohabitation entre
anciens Hutus (les plus nombreux),
Tutsis rescapés et Tutsi réfugiés
revenus au Rwanda après des
années d’exil.
A partir du roman, insister sur la
difficile réconciliation du pays, sur
les tensions et suspicions qui
continuent : évoquer la scène du
marché où une femme critique
Mukecuru, cette phrase d’Emma :
« Ils nous détestent toujours »
(p.74).
Prolonger la discussion : en 2003, la
constitution rwandaise a aboli les
références
ethniques.
Est-ce
suffisant pour assurer la paix ?
- La vie des rescapés : en prenant
l’exemple d’Emma ou de Ndoli,
s’interroger sur la prise en charge
des survivants (notamment des
enfants :
scolarisation,
suivi
psychologique…),
sur
les
indemnisations promises.
- Une justice débordée. A quoi
servaient les gacacas ? Apporter
quelques
compléments
d’information : les gacacas ont jugé
les auteurs présumés de génocide à
l’exception des planificateurs et
accusés de viol ; les premiers procès
ont eu lieu le 10 mars 2005 dans tout
le pays ; ils visaient à désengorger
les prisons où s’entassaient plus de
100 000 personnes.
Informer les élèves qu’Amnesty
International et Reporters sans
frontières (situer ces deux ONG)
critiquèrent
ces
tribunaux
populaires qui n’auraient pas
permis des procès équitables.
Revenir sur la séquence décrite par
Emma : Qui juge ? Qui témoigne ?
Qui est jugé ? Quels risques de
dérive apparaissent (règlements de
compte, relations fortes entre
victimes/bourreaux) ?
- Le devoir de mémoire : quel rôle
jouent
les
commémorations et
cérémonies de recueillement ?
Sont-elles
utiles,
suffisantes ? Pourquoi Emma a-t-elle
« l’impression que le pays tout entier
avait perdu la mémoire » ? Qu’en
pensent les élèves ?
3) Des histoires individuelles
- Emma. Insister sur le traumatisme
dont souffre la jeune fille : récurrence
des cauchemars, incapacité à
envisager l’avenir (« Plus tard ne
voulait
rien
dire »
p.21),
emprisonnement («disque rayé »,
« Tout s’était figé » p. 21) dans un
passé peuplé de fantômes, etc.
Insister sur le trouble mental dont
elle souffre : l’amnésie partielle.
Pourquoi ne parvient-elle « plus à se
souvenir
des
jours
heureux » (p.22) ? De quels visages
garde-t-elle la mémoire ? Lequel lui
« échappe »
(p.24) ?
Comment
parvient-elle à guérir et à retrouver
son passé ?
- Retracer l’épreuve vécue par
chacun des autres personnages. Par
exemple :
Mukecuru. Pourquoi a-t-elle décidé
d’aider Emma ? Quels risques
courait-elle alors ?
Ndoli, responsable de la mort des
siens enrôlés dans la rébellion.
Montrer qu’à la souffrance invisible
d’Emma répond la « tête cabossée »
du jeune garçon. Par quoi est-il
obsédé (sa trahison) ? Parviendra-til à se libérer de son passé ?
Le psychologue du dispensaire,
rescapé de génocides successifs.
ANALYSE STYLISTIQUE
1) Fiction ou documentaire ? A la
lueur de l’introduction du roman,
faire la distinction entre ces deux
genres. Qu’est-ce qui les différencie
dans ce cas précis (personnages
inventés mais contexte et faits
réels) ?
Montrer qu’à travers les portraits des
personnages,
la
transcription
d’événements, le roman remplit une
de ses fonctions : décrire et
interpréter le monde. Discuter de
ce rôle avec les élèves en faisant le
parallèle avec d’autres romans : Un
sac de billes de Joseph Joffo, Le
journal
d’Anne
Franck,
deux
biographies,
ou
encore
des
classiques, de ceux par exemple
écrits par Emile Zola.
narrateur extérieur omniscient qui
peut raconter la vie d’Emma mais
aussi de Ndoli ou Mukecuru ?
Evoquer la pudeur d’un style qui
exprime la douleur en décrivant des
gestes plus que des sentiments,
évoque l’horreur du génocide sans le
décrire,
évite
l’insistance
pathétique pour garder toute la
dignité
aux
victimes.
2) Un regard distancié. Pourquoi
l’auteur a-t-il fait le choix d’un
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Prolongements possibles
1) Les génocides. Organiser une recherche documentaire sur la définition
2
exacte de ce terme , les critères qui permettent de qualifier ainsi un crime
contre l’humanité, les institutions internationales qui les jugent et punissent
(distinguer le rôle des Tribunaux pénaux internationaux de celui de la
Cour pénale Internationale)3, etc.
2) Les « médias de la haine ». Ainsi furent appellés les médias rwandais,
qui à l’instar de la radio des « Milles collines » et du journal « Kangura »,
incitèrent à la haine ethnique avant et pendant les génocides. S’interroger
sur le rôle des médias dans des situations de conflits (propagande,
désinformation, etc.) à travers l’exemple de cette région où un même
média (la radio) favorisa des atrocités et contribua (« Radio Okapi »,
4
République démocratique du Congo ) plus tard à sauver des vies.
Poursuivre le débat sur le traitement médiatique du génocide en Europe.
Le visionnage des archives vidéos proposées par le site de l’INA5 permettra
d’aborder des points-clés : simplification des enjeux, amalgames, apparition
du terme « génocide », (absence de) critiques sur la lenteur d’intervention
des Nations Unies.
3) Pointer le métier de journaliste exercé par Elisabeth Combres et mener
une recherche sur les ouvrages qu’elle a écrits. En s’inspirant d’un des
événements racontés par exemple dans Mondes rebelles, les élèves
pourront à leur tour écrire un texte de fiction, à partir d’un fait réel, en se
posant certaines questions : quel personnage créer ? Quellle histoire
développer autour de lui ? Etc.
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Bibliographie
Alison des Forges, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda,
Human Rights Watch/FIDH, Karthala, 1999.
Le site de commémoration des Nations Unies :
http://www.un.org/french/events/rwanda/
Michael Caton-Jones, Shooting Dogs, DVD, M6 Vidéo, 2006.
Une nuit d’avril 1994, 2000 Tutsis se réfugient dans l'école de Joe Connor.
Les jours suivants, il assiste impuissant à l'évacuation des Occidentaux, au
départ des casques bleus qui laisse la voie libre aux tueurs.
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Cécile Desbois, rédactrice spécialisée Jeunesse et pédagogie, Genève,
octobre 2007.
(1) Liste dans ce document du Musée international de la Croix-rouge et du Croissantrouge.http://www.micr.ch/pdf/communiques_presse/dp_Cambodge%2019751979%20chroniques%20d%27un%20g%E9nocide%20-%2013%2009%200629%2001%2007.pdf
(2) Définition dans ce même document qui cherche à savoir si les crimes perpétrés par
les Khmers Rouges au Cambodge (1975-1979) peuvent s’y rattacher.
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_p%C3%A9nale_internationale
(4) http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&name=NewsPaper&file=arti
cle&sid=43114&mode=thread&order=0&thold=0
(5) http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?full=rwanda&action=ft&x=0&y=0