Les jeux post Les jeux post-traumatiques

Transcription

Les jeux post Les jeux post-traumatiques
Les jeux postpost-traumatiques
aux sources de la violence
Hélène Romano
[helene romano@hmn aphp fr]
[[email protected]]
Docteur en psychopathologie, psychothérapeute
Coordonnatrice de la Cellule d’Urgence
d Urgence Médico
Médico-Psychologique
Psychologique du SAMU 94
Hôpital Henri Mondor, Créteil
Colloque Aux sources de la violence octobre 2009
Introduction
Les enfants tout comme les adultes sont
susceptibles
p
d’être atteints p
par le traumatisme
et peuvent présenter des troubles qu’il est
nécessaire de repérer,
p
d’évaluer et de p
prendre
en charge.
Nous proposons une réflexion sur un des
symptômes de reviviscence susceptible d’être
exprimé par les enfants victimes d
d’événements
événements
traumatiques, le jeu post-traumatique.
Méthode
„
Notre travail s’inscrit dans le cadre d’une
activité clinique d
d’urgence
urgence médico
médicopsychologique
et
de
consultation
spécialisée de psychotraumatologie dont
la vocation est d’assurer la prise en
charge de sujets victimes d
d’événements
événements
traumatiques qu’ils soient de nature
intentionnelle (ex.
(ex violences,
violences viol,
viol guerres) ou
non intentionnelle (ex. catastrophe naturelle ou
industrielle, accident de transport).
En préalable
„
„
„
Nous entendons comme « traumatisme » non pas
l’événement mais la blessure qu’il produit dans le
psychisme du sujet.
Le traumatisme est lié à la confrontation violente
au réel
é l de
d la
l mortt ett à l’effet
l’ ff t de
d la
l déstructuration
dé t t ti
passagère du champ symbolique et des capacités
d’élaboration
d
élaboration du sujet impliqué.
impliqué
Ce qui fait d’un événement un évènement
traumatique
q
c’est ce q
qui reste irréductible au
savoir, c’est-à-dire ce déficit de figurabilité qui se
traduit par un phénomène de non réponse du
psychisme.
hi
Les troubles post
post--traumatiques chez
l’enfant
„
„
se caractérisent par des tableaux psychopathologiques
complexes avec une multitude de troubles qui ne
sauraient
i t se réduire
éd i au seull PTSD :
… troubles
psychotraumatiques
(reviviscence,
hypervigilance asthénie),
hypervigilance,
asthénie) troubles du sommeil,
sommeil
troubles du comportement, troubles anxieux et de
l’humeur, troubles réactionnels de l’attachement,
t bl
troubles
psychosomatiques,
h
ti
atteinte
tt i t du
d processus
de développement de la personnalité, impact dans
les domaines de la morale et de socialisation de
l’enfant
peuvent se manifester rapidement ou après un temps
d latence
de
l t
d plusieurs
de
l i
semaines
i
voire
i de
d plusieurs
l i
mois.
Le
L jjeu postpostt-traumatique
t
ti
„
„
„
„
„
Le jjeu post-traumatique
L
tt
ti
estt un des
d symptômes
tô
de
d
reviviscences susceptible de se manifester chez des enfants
confrontés à des événements traumatiques.
Le jeu post-traumatique est à comprendre comme un
symptôme attestant de ce qui reste en souffrance de
symbolisation de ces traces traumatiques.
A travers le jeu, les traces du traumatisme vont s’exprimer et
témoigner de l’intensité de la blessure psychique et du niveau
du travail d’élaboration post-traumatique à l’œuvre chez
l’ f t
l’enfant.
Le jeu post-traumatique peut s’exprimer à 3 niveaux :
… le jjeu traumatique,
q , le jeu
j abréactif et le re-enacment
Chacun de ces niveaux témoigne d’un degré d’atteinte
différent, ils peuvent se manifester successivement où rester à
un unique
q niveau de manifestation.
Distinguer le jeu ordinaire
du jeu postpost-traumatique -1
Similitude
Liée au fait que le jeu, consécutif ou non
d’une
d
une expérience traumatique,
traumatique délimite un
cadre qui signifie que les choses qui s’y
inscrivent ne doivent pas être traitées
comme celles qui sont à l’extérieur.
Distinguer
g
le jjeu ordinaire
du jeu postpost-traumatique -2
Différences
„
1 - Au niveau de la souffrance psychique ressentie par
l’enfant traumatisé et par les conséquences traumatiques
de cet événement qui ne fait pas sens, qui lui est
impossible de se représenter.
„
2 - Dans les modalités d’expression : l’enfant
tra matisé n’exprime
traumatisé
n’e prime aucun
a c n plaisir,
plaisir n’éprouve
n’épro e aucun
a c n
bonheur dans cette activité qui n’obéit pas aux règles des
créativités enfantines. Il ne rit pas, ne sourit pas mais
présente souvent un « masque » de tristesse et de
douleur infinie que rien ne semble pouvoir apaiser.
Distinguer le jeu ordinaire
du jeu postpost-traumatique -3
3 - Au niveau de la déliaison des interactions
intersubjectives
j
„ l’enfant traumatisé est hors de la scène symbolique. Son
activité ne permet aucune interaction avec ceux qui
ll’entoure
entoure : cc’est
est une impasse intersubjective
„ la pétrification émotionnelle de l’enfant traumatisé
contamine ceux qui sont témoins de l’expression de sa
so ffrance et deux
souffrance
de
t pes de réactions sont alors
types
fréquemment observées :
…
soit les témoins se mettent à rejeter violemment ce qui leur est
donné à voir ;
… soit ils expriment une fascination et ne parviennent pas à se
g g
de l’excitation p
provoquée
q
par la violence de cette
p
dégager
scène.
A - Le
e jeu ttraumatique
au at que
„
Activité à situer du côté de la reviviscence où l’enfant
« joue » en répétant dans une sorte de production
automatique répétitive et monotone
automatique,
monotone, pouvant devenir
une véritable compulsion de répétition, la même scène
traumatique qui vient d’être vécue.
„
Dû au dépassement des mécanismes de défense, à
l’échec de l’appareil
pp
p
psychique
y q à métaboliser l’afflux
d’excitations, à la fixation du psychisme à l’instant du
trauma.
„
Aucun apaisement de l’angoisse.
Exemple
e p e de jeu ttraumatique
au at que
„
„
„
„
„
Ryan (11 ans) et Alice (7 ans) sont libanais. Ils sont
présents lors du bombardement de leur maison où leurs
oncles et père meurent sous leurs yeux.
Rapatriés en France avec leur mère chez leur grand-mère,
il restent
ils
t t de
d longues
l
h
heures
d
dans
l
leur
chambre,
h b
chacun
h
installé sur un lit et se lançant indéfiniment un ballon, jour et
nuit.
Leur grand-mère a beau confisquer cette balle ils
reprennent ce « jeu » dès que possible.
Au cours de leur thérapie ils parviennent à expliquer que le
ballon est comme la bombe : « si on la lâche, si elle tombe,
on meurt ». Ce « jeu » leur permet d’avoir une illusion de
contrôle.
contrôle
Parvenu à décrypter le sens de ce « jeu », Ryan et Alice
cessent ces interminables échanges.
B- Le
e jeu ab
abréactif
éact
„
„
„
„
Marque une évolution par rapport au jeu traumatique car
ll’enfant
enfant est ici capable de faire évoluer son scénario
jusqu’à une fin quelconque sans être bloqué dans une
compulsion de répétition du trauma.
Ch
Chaque
répétition
é étiti
mise
i
en scène
è
d
dans
l jeu
le
j
abréactif
b é tif
s’accompagne d’émotions, de pensées, de sensations
physiques
y
rappelant l’état de détresse mais l’enfant
parvient ici à s’en dégager partiellement et à ne plus être
inévitablement projeté dans cette aire de souffrance.
La dimension d
d’auxiliaire
auxiliaire des processus de la
symbolisation est en partie restaurée.
Permet à l’enfant de reprendre le contrôle sur ce qu’il a
subi et d
d’assimiler
assimiler ses propres réactions et sentiments :
il ne témoigne plus du dépassement des mécanismes de
défense mais de leur début de restauration.
Exemple
e p e de jeu ab
abréactif
éact
„
„
„
„
„
Enfants victimes d’un grave incendie à l’origine du décès, par
asphyxie de 19 personnes.
asphyxie,
personnes
Dans la cour de l’école un des enfants passe en courant autour de
ses camarades, les bras écartés en criant « je suis le gaz de la
mort,, mourrez » et au fur et à mesure 19 camarades tombent au
sol ; puis ils organisent les obsèques et « plantent des fleurs » au
pied de leur immeuble qu’ils repeignent « couleur soleil ».
Ce jeu a la violence de l’événement traumatique : les enfants n’y
expriment
i
t aucun plaisir
l i i mais
i sontt envahis
hi par une émotion
é ti
mortifère qui semble les dépasser.
Mais ce jeu n’est pas un jeu traumatique car les enfants en
donnent une issue qui leur permet de se dégager de la scène
terrifiante de l’incendie et de la confrontation à la dizaine de corps
amoncelés au pied de l’immeuble.
Ce jeu abréactif devient pour chacun de ces enfants un véritable
auxiliaire au travail psychique de symbolisation qui leur permet de
se dégager de ce trou de jouissance lié à la fascination de la
scène traumatique.
C - Le reenacment
•
•
•
•
•
((reconstitution p
par le jjeu))
Défini par Terr en 1983.
C
Caractérisé
té i é par l’expression
l’
i
a posteriori
t i i de
d traces
t
traumatiques à travers le jeu et les investissements de
l’enfant qui intervient alors que l’enfant recouvre un
certain équilibre psychique.
Il ne s’agit pas d’une répétition automatique de
ll’événement
événement dans sa globalité mais seulement d
d’une
une
répétition de certains aspects du trauma.
L’enfant passe par une période de souffrance psychique
intense et met en scène,
scène en différé et par ll’intermédiaire
intermédiaire
de certaines activités, les souvenirs traumatiques
anciens encryptés dans son inconscient.
Il est plus
l
diffi il à repérer
difficile
é
que les
l
autres jeux
j
posttraumatiques.
Exemple de reenacment
„
„
„
Marine, 12 ans, a perdu son père et son frère dans
ll’incendie
incendie du tunnel du Mont
Mont-Blanc
Blanc. Son intérêt ss’est
est
porté plusieurs mois après la catastrophe, sur les
pompiers.
Elle ne manque jamais une période d’entraînement sur
la place du Mont Blanc, a recouvert ses murs de posters
de pompiers et collectionne tous les objets et les articles
de journaux se référant aux interventions de ces
secouristes.
En dehors de cette fixation spécifique au trauma et très
invalidante, elle ne présente aucun autre trouble.
Discussion
scuss o - 1
„
„
„
Les jeux post-traumatiques sont liées à « l’activité
séquellaire
é
ll i
d
du
t
traumatisme
ti
» ett des
d
processus
dynamiques sous-jacents.
Ils sont à comprendre comme des symptômes attestant
de ce qui reste en souffrance de symbolisation de ces
traces traumatiques.
Cette proposition de distinction entre les différentes
activités expressives de l’enfant suite à un événement
traumatique nous offre la possibilité par ll’observation
observation de
l’enfant de mieux évaluer l’impact du trauma et de
percevoir si ce qu’il manifeste peut tenir ou non le rôle
d « prothèse
de
thè
psychique
hi
» pour certaines
t i
f
fonctions
ti
psychiques rendues défaillantes par l’événement.
Discussion - 2
„
„
„
La distinction entre ces trois expressions posttraumatiques
q
n’est p
pas toujours
j
aisée car l’enfant p
peut,,
sur la base d’un même scénario post-traumatique, avoir
recours à ces différentes modalités d’expression.
C’est
C
est particulièrement le cas pour les enfants victimes de
violences graves et répétées (violences sexuelles,
contexte de guerre).
Mais qu’il
q ’il s’agisse du
d jeu
je traumatique,
tra matiq e du
d jeu
je abréactif
ou du re-enacment, le processus à l’œuvre dans le
passage de la passivité de l’expérience traumatique à
l’ ti ité du
l’activité
d jeu,
j
vise
i
à annuler
l l’effraction
l’ ff ti
subie
bi ett à
traduire rétroactivement la scène traumatique.
Conclusion
Co
c us o
„
„
„
„
Prendre en charge des enfants victimes d’événement
traumatique ne ss’improvise
improvise pas.
pas Cela nous oblige à
réinterroger nos manières d’être de soi à l’autre, nos
façons de faire de soi vers l’autre.
Dé
Décrypter
t les
l jeux
j
post-traumatiques
tt
ti
permett la
l mise
i en
œuvre d’un processus thérapeutique pour soigner ces
blessures invisibles.
Mais il ne faudrait pas se méprendre : le traumatisme ne
s’efface pas, l’innommable ne s’oublie pas. Il s’agit très
modestement d
d’accompagner
accompagner les enfants sur une rive où
ils pourront vivre avec le traumatisme et non plus
survivre contre le traumatisme.
Rendre le Je au jeu cc’est
est accompagner ll’enfant
enfant dans les
traces traumatiques de son jeu pour lui permettre de
retrouver les rives du Je et de l’altérité ; c’est enfin le
restaurer dans sa place d
d’enfant
enfant et le rendre sujet de
son histoire.
Quelques références…
„
„
„
„
„
TERR L. (1983) Chowchilla revisited: the effects of psychic trauma
four years after a school bus kidnapping, In Am J. Psychiatry, 140:
1543-1550.
BAILLY L.
L (1996) Les
L catastrophes
t t h ett leurs
l
conséquences
é
psychotraumatiques chez l'enfant, ESF Ed., Paris.
ROMANO H. (2008) Le jeu chez l’enfant victime d’événements
traumatiques Annales médico-psychologiques,
traumatiques,
médico psychologiques 2008,
2008 166 :702-710
:702 710
ROMANO H. (2006) Prise en charge des enfants et des adolescents
victimes d’événements traumatiques. Stress et Trauma 6 (4) : 239246.
ZEANAH CH, SCHEERINGA M. Evaluation of posttraumatic
symptomatology in infants and young children exposed to violence. In:
y JD, Fenichel E, editors. Islands of safety.Assessing
y
g and
Osofsky
treating young victims of violence. Washington: Zero to Three/National
Center for Infants, Toddlers and Families; 2002.p.9-14
Hélène Romano
Psychologue
P
h l
clinicienne
li i i
coordonnatrice
d
ti d
de lla C
Cellule
ll l
d’Urgence Médico-Psychologique du SAMU 94
Docteur en psychologie clinique
Psychothérapeute à la consultation de psychotraumatisme
au CHU Henri Mondor à Créteil
}SAMU 94 – 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny
94000 Créteil
[email protected]
Colloque Aux sources de la violence oct 2009