Paul Smith Un chic type - tabloid

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Paul Smith Un chic type - tabloid
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Paul Smith
Un chic type
À l’heure où vous émergez difficilement, Paul Smith
a déjà été à la piscine, fait un conf’call avec l’Asie et
planché sur ses nouvelles collections. Oui, l’homme se
lève à 5 heures du matin. La vie normale d’un créateur
de mode ? Pas vraiment. Aussi à l’aise avec les chiffres
qu’avec le milieu de la pop culture, Paul Smith est
devenu créateur par accident, au sens propre du
terme puisqu’à 17 ans, une grave chute a mis fin à ses
rêves de courses cyclistes.
Flashback : dans les sixties, Paul Smith vit le Swinging
London à fond et traîne avec la faune rock et arty
locale pour vendre des T-shirts. Très vite, il monte
sa première boutique. « Au début, je ne travaillais
qu’avec du tissu blanc car c’était le moins cher. C’est
de là qu’est venue l’idée d’ajouter des détails comme
des boutonnières rayées », raconte-t-il. Bien lui en a
pris puisque la marque de fabrique “Smithy” tient
justement dans cette approche du vêtement simple
mais toujours twisté. Car Paul Smith est assez loin du
cliché du créateur de mode : certes, il ne connaît pas
sa propre taille de chemise mais surtout, il n’a pas fait
d’études académiques : « C’est ma femme, formée au
Royal College of Art de Londres, qui a été ma prof. Je
ne sais pas bien dessiner et du coup, mon travail est
souvent basé sur la simplicité ce qui, heureusement
pour moi, fonctionne très bien. Je pense que je suis
probablement plus qu’un styliste. »
Aujourd’hui encore, il ne sait pas faire de croquis : un
manque qui n’en est pas
vraiment un, puisqu’il
aime par-dessus tout
communiquer avec son
équipe. Et comme un
vrai homme de terrain,
il se rend seul chaque
vendredi au marché de
Portobello pour chiner
du vintage et s’en
inspirer ensuite. Une
démarche particulière :
« Mon personnage est
gentiment excentrique,
ça peut être perçu
comme original. Du
moins, je l’espère ! »
du créateur
de mode…
Gentleman iconoclaste, Paul Smith est loin de l’image que l’on
peut avoir des créateurs de mode : capricieux, barrés, coupés
des réalités du monde. À la fois couturier et homme d’affaires,
il fait l’objet en novembre d’un livre et d’un documentaire.
Portrait d’un hyperactif. Texte Sandie Dubois
Si le personnage de Paul Smith
détonne de celui de ses confrères, ne
comptez pas sur lui pour se comparer
aux autres : « Parfois, les designers ont
l’impression qu’ils doivent justifier ce
terme de “créateur” et essayent de
trop en faire. Souvent, les vêtements
ne fonctionnent pas et semblent
ridicules. » Quand on tente de lui faire
cracher des noms en soufflant des
exemples comme Nicola Formichetti
ou Riccardo Tisci, il rétorque : « Vous
savez, j’ai une approche de la vie très
joyeuse et franchement, ça m’est
égal ce que font les autres. Je suis
content que les gens aiment ce que
je crée. L’ego, c’est le problème de
ce monde. » La mode homme est
intrinsèquement liée à l’histoire de Paul Smith, peutêtre encore plus aujourd’hui : « Je pense que les
hommes ont pris l’habitude de s’intéresser davantage
à leur apparence et de prendre soin d’eux. » Quand on
lui demande où est la limite entre être original et être
à la mode, il précise que dans son cas, ses vêtements
ont toujours été portables mais avec des détails à part.
Finalement, à quoi ressemble l’homme Paul Smith ?
« Au début, la clientèle était très créative : architectes,
acteurs, musiciens… et quand mes collections, ma
distribution, ma popularité ont grandi, la clientèle
s’est aussi étendue. » Effectivement, sa popularité est
très large : au Japon, c’est une vraie rockstar !
… au businessman
La maison Paul Smith gère plus d’une douzaine de labels
et licences dans le monde. Là où certains pourraient
se perdre entre les différentes collections selon les
continents et devenir schizophrènes avec toutes les
déclinaisons du label original, Paul Smith explique :
« Une de nos devises, c’est “think global, act local”.
On vend dans 70 pays et chacun d’eux a sa propre
façon de penser la mode. Alors tous les labels aident
la distribution et heureusement, je pense qu’ils ont
chacun un point de vue. » Paul Smith a créé un empire
en partant de rien, sans jamais emprunter le moindre
centime. Quand on lui demande ce qui le motive
encore, il nous affirme avec malice qu’ « il faut
s’intéresser à tout, aimer la vie ». Ça pourrait
sonner faux dans la bouche de n’importe qui
sauf que Paul Smith est un vrai fantasque,
du genre à s’attacher un boa en plumes en
guise de queue d’animal et à courir dans son
showroom. Mais sous ses airs d’amuseur public,
le businessman n’est jamais loin : « Ce dont je
suis le plus fier, c’est la croissance continue de
mon entreprise. » On tente une question sur sa
succession future : « Parfois j’y pense mais je
n’ai pas encore trouvé... »
Joyau de la couronne
Le créateur reçoit
des cadeaux envoyés
par ses fans du
monde entier, se
constituant ainsi un
cabinet de curiosités.
Si la marque gère son défilé
homme à Paris (au début,
Londres ne proposait pas de
Fashion Week masculine),
Paul Smith n’en est pas
moins le “British typique”.
Anobli par la Reine, le
créateur rajoute une couche
anglaise en roulant en Mini.
N’a-t-il pas l’impression
d’être un cliché ambulant ?
« Je conduis une Mini parce
que j’ai une petite place de
parking au studio et que la
Mini a la taille parfaite ! »
God saves Paul Smith.
Paul Smith, Notes d’Olivier Wicker,
Arte Éditions - éd. de La Martinière,
200 p., 32 2
Paul Smith, Gentleman Designer un
documentaire de Stéphane Carrel.
Diffusion sur Arte le 22 novembre à
22h20. En DVD chez Arte Éditions le
28 novembre

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