Le Pè le rin de l`Imma culée
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Le Pè le rin de l`Imma culée
LE ROYAUME, N° 168, Juillet-Août 2004 Le Pape Jean-Paul II à Lourdes: Le Pèlerin de l’Immaculée Les 14 et 15 août 2004, à l’occasion du 150e anniversaire de la définition du dogme de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, le Pape Jean-Paul II s’est fait à Lourdes le Pèlerin de l’Immaculée. C’était sa deuxième visite en la cité mariale où il s’était rendu le 15 août 1983 («Je reviendrai», avait-il dit alors aux pèlerins) et sa septième visite en France (la huitième, si l’on compte sa visite à l’île de la Réunion). À son arrivée à l’aéroport de Tarbes-Lourdes, où il a été accueilli vers 11h par le président de la République française, Jacques Chirac, le Saint-Père a confié son désir de s’unir «aux millions de pèlerins qui, de toutes les parties du monde, convergent chaque année à Lourdes, pour confier à la Mère du Seigneur les intentions qu’ils portent dans leur coeur et pour demander son aide et son intercession». Et le Saint-Père de citer, en soulignant le 60e anniversaire du «débarquement de Provence», une intention très chère à son coeur: «la concorde entre les peuples [afin qu’ils] participent au renouvellement de leur engagement commun dans la recherche et la construction de la paix». Le Pape a conclu en rappelant la devise de la République française, «Liberté, Égalité, Fraternité», à laquelle l’Église peut apporter un souffle nouveau: «Dans le respect des responsabilités et des compétences de chacun, l’Église catholique désire offrir à la société sa contribution spécifique en vue de l’édification d’un monde dans lequel les grands idéaux de liberté, d’égalité, de fraternité puissent constituer la base de la vie sociale, dans la recherche et la promotion incessante du bien commun.» Prenant place dans sa papamobile, le Saint-Père s’est ensuite dirigé vers les Sanctuaires de Lourdes, salué au passage par les applaudissements nourris des dizaines de milliers de pèlerins massés le long de ce parcours de 16 km. Une foule souriante, heureuse de se retrouver en la cité mariale pour prier Marie Immaculée qui y est apparue à Bernadette en 1858 (six millions de pèlerins viennent chaque année à Lourdes) est heureuse d’accueillir le SaintPère qui manifeste à la Madone un amour si profond. Les cloches des églises sonnaient à toute volée pour le Pape pèlerin, tandis que les rues arboraient, en plus des guirlandes blanc et bleu en l’honneur de l’Immaculée, des fanions blanc et jaune, couleurs du Vatican. Dans les ruelles étroites du centre de Lourdes, le cortège papal avait du mal à se frayer un chemin à travers la foule dont les bras tendus effleuraient la papamobile; on voyait des gens pleurer et l’on remarquait la présence très nombreuse des jeunes. Le Pape s’est d’abord rendu à la grotte de Massabielle où l’on avait donné rendez-vous aux malades pour la prière de l’Angélus. Comme tous les pèlerins, son premier geste a été de boire de l’eau de la source miraculeuse avant de se recueillir quelques instants. Il a offert une rose d’or à la Vierge Immaculée en l’honneur de Son Immaculée Conception, puis son premier discours, adressé aux malades, a été lu par le Cardinal Roger Etchegaray: «Je suis avec vous, chers frères et soeurs, comme un pèlerin auprès de la Vierge: je fais miennes vos prières et vos espérances; je partage avec vous un temps de vie marqué par la souffrance physique, mais non pour autant moins fécond dans le dessein admirable de Dieu. (...)» Après la prière de l’Angélus, le Pape Jean-Paul II, qui avait choisi de partager la vie des pèlerins souffrants, s’est rendu à la petite chambre qu’il avait fait réserver pour lui à l’Accueil Notre-Dame, résidence de 904 lits pour les malades, située non loin de la grotte et dont deux étages avaient été retenus pour le Souverain Pontife et sa suite. En fin d’après-midi, à bord de sa papamobile, le Saint-Père s’est joint aux pèlerins pour un «chapelet itinérant»: de la grotte à la Basilique de Lourdes, les pèlerins ont médité les mystères lumineux du Rosaire, ces mystères que le Pape Jean-Paul II a proposés à toute l’Église dans sa lettre apostolique Le Rosaire de la Vierge Marie (octobre 2002). Avant la récitation du chapelet, le Saint-Père s’est adressé à la foule: «Chers frères et soeurs, m’agenouillant ici près de la grotte de Massabielle, je ressens avec émotion que j’ai atteint le terme de mon pèlerinage. Cette grotte, où est apparue Marie, est le coeur de Lourdes. Elle fait penser à la grotte du mont Horeb où Élie rencontra le Seigneur (...). Cette grotte est devenue le siège d’une étonnante école de prière, où Marie enseigne à tous à contempler avec un ardent amour le visage du Christ.» Entouré de Monseigneur Jacques Perrier, Évêque de Tarbes et Lourdes, et de Jean Vanier, ce Canadien fondateur de l’Arche, le Pape a ouvert la procession, allant à la rencontre d’autres pèlerins qui les attendaient à l’une des cinq «stations» choisies pour y méditer un des mystères lumineux: d’abord aux piscines pour le rappel du premier mystère lumineux, le Baptême du Seigneur au Jourdain; puis la tente de l’Adoration où des religieuses veillaient le Saint Sacrement en méditant le 2e mystère, les Noces de Cana; l’Accueil Notre-Dame pour le 3e mystère, l’Annonce du Royaume; la Chapelle de la Réconciliation, 4e mystère, la Transfiguration; la Basilique Notre-Dame-du-Rosaire, rappel du 5e mystère, l’Institution de l’Eucharistie. Le Pape a conclu le chapelet par une prière à Marie: «Je te salue, Marie, Femme pauvre et humble, bénie du Très-Haut!» «Je te salue, Marie, Femme pauvre et humble, bénie du Très-Haut! Vierge de l’espérance, prophétie des temps nouveaux, nous nous associons à ton hymne de louange pour célébrer les miséricordes du Seigneur, pour annoncer la venue du Règne et la libération totale de l’homme. (...) Je te salue, Marie, Femme de douleur, Mère des vivants! Vierge épouse auprès de la Croix, nouvelle Ève, sois notre guide sur les routes du monde, enseigne-nous à vivre et à répandre l’amour du Christ, enseigne-nous à demeurer avec Toi auprès des innombrables croix sur lesquelles ton Fils est encore crucifié. «Je te salue, Marie, Femme de foi, première entre les disciples! Vierge, Mère de l’Église, aide-nous à rendre toujours compte de l’espérance qui est en nous, ayant confiance en la bonté de l’homme et en l’amour du Père. Enseigne-nous à construire le monde, de l’intérieur: dans la profondeur du silence et de l’oraison, dans la joie de l’amour fraternel, dans la fécondité irremplaçable de la Croix. Sainte Marie, Mère des croyants, Notre-Dame de Lourdes, prie pour nous. Amen.» S.S. Jean-Paul II En soirée, avant la traditionnelle procession aux flambeaux qu’il a suivie depuis la terrasse de l’Accueil Notre-Dame, le Pape s’est adressé aux pèlerins, leur demandant de s’unir à lui pour invoquer «la Vierge Marie afin qu’elle obtienne au monde le don tant attendu de la paix»: «Que naissent en nous des sentiments de pardon 9 et de fraternité! Que soient déposées les armes et que s’éteignent la haine et la violence dans nos coeurs! Que tout homme voie dans l’autre non pas un ennemi à combattre, mais un frère à accueillir et à aimer, pour construire ensemble un monde meilleur. «Invoquons ensemble la Reine de la paix et renouvelons notre engagement au service de la réconciliation, du dialogue et de la solidarité. Nous mériterons ainsi la béatitude que le Seigneur a promise aux “artisans de paix” (Mt 5, 9).» Exceptionnellement ce soir-là, les pèlerins étant si nombreux, ils n’ont pas tous pris part à la procession aux flambeaux: bon nombre étaient retenus par des barrières dressées le long du parcours et c’est la Vierge Immaculée, portée sur un brancard, qui a pérégriné dans la foule, comme un signe de Sa présence agissante en notre monde. DIMANCHE 15 AOÛT Le dimanche matin, Sa Sainteté Jean-Paul II a présidé la messe de l’Assomption de la Vierge Marie sur le podium de la prairie du Sanctuaire; concélébraient avec lui 20 Cardinaux, plus de 80 Évêques et 1 200 prêtres. Une foule recueillie, estimée à plus de 300 000 personnes, avait répondu à l’invitation de «venir prier avec le Pape» qui a démontré une nouvelle fois son invincible courage, malgré la maladie qui l’accable: il a lutté pour livrer lui-même l’important message de son homélie, devant faire de nombreuses pauses pendant lesquelles la foule l’encourageait de ses applaudissements. Voici la conclusion de cette homélie: «Chers Frères et Soeurs! De la grotte de Massabielle, la Vierge Immaculée nous parle à nous aussi, chrétiens du troisième millénaire. Mettons-nous à son écoute! «Écoutez d’abord, vous les jeunes, vous qui cherchez une réponse capable de donner sens à votre vie. Vous pouvez la trouver ici. C’est une réponse exigeante, mais c’est la seule réponse qui vaut. En elle, réside le secret de la vraie joie et de la paix. «De cette grotte, je vous lance un appel spécial à vous, les femmes. En apparaissant dans la grotte, Marie a confié son message à une fille, comme pour souligner la mission particulière qui revient à la femme, à notre époque tentée par le matérialisme et par la sécularisation: être dans la société actuelle témoin des valeurs essentielles qui ne peuvent se percevoir qu’avec les yeux du coeur. À vous, les femmes, il revient d’être sentinelles de l’Invisible! «À vous tous, frères et soeurs, je lance un appel pressant pour que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour que la vie, toute vie, soit respectée depuis la conception jusqu’à son terme naturel. La vie est un don sacré, dont nul ne peut se faire le maître. «La Vierge de Lourdes a enfin un message pour tous: le voici: soyez des femmes et des hommes libres! Mais rappelez-vous: la liberté humaine est une liberté marquée par le péché. Elle a besoin elle aussi d’être libérée. Christ en est le libérateur, Lui qui “nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres” (Ga 5, 1). Défendez votre liberté! «Chers amis, pour cela nous savons que nous pouvons compter sur Celle qui, n’ayant jamais cédé au péché, est la seule créature parfaitement libre. C’est à elle que je vous confie. Marchez avec Marie sur les chemins de la pleine réalisation de votre humanité!» À la fin de la messe, un dernier message à la foule, avant la prière de l’Angélus: «(...) Le christianisme est source de vie et Marie est la première gardienne de cette source. Elle la montre à tous, leur demandant de renoncer à l’orgueil, de se faire humbles, pour puiser à la miséricorde de son Fils et prendre part ainsi à l’avènement de la civilisation de l’amour.» Dans l’après-midi, le Pape a rencontré les membres du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France; puis, en papamobile, il a pris le chemin de l’aéroport de Tarbes pour retourner à Rome, non sans s’être arrêté à la grotte de Massabielle pour une dernière prière personnelle à Marie, concluant ainsi son 104e voyage apostolique hors d’Italie. Interviewé à la télévision française juste avant l’arrivée du Saint-Père, le Cardinal Etchegaray a confié ces paroles que le Pape lui avait dites un jour qu’il l’accompagnait en Pologne: «Vois-tu, vois-tu, ce qui compte dans la vie, c’est d’avoir confiance en Marie.» C’est toute l’âme de ce géant de notre temps qui se dévoilait en ces paroles! 15 août 2004 Sylvie Payeur-Raynauld