Associations de parents endeuillés : retrouver du sens
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Associations de parents endeuillés : retrouver du sens
Les Chambres : Les parents Associations de parents endeuillés : retrouver du sens «Les bagouz à Manon », « Les amis de Claire », « L’Etoile de Martin »… toutes ces associations ont été fondées par des parents « désenfantés » par le cancer. Après avoir connu l’inacceptable, pourquoi ces pères et mères ont-ils enclenché un tel projet ? Eléments de réponses avec Nadine Beauthéac, psychothérapeute spécialisée dans l’accompagnement des personnes endeuillées. Aucun mot ne semble exister pour qualifier la douleur provoquée par la perte d’un enfant. Certains parents parviennent cependant à transformer l’inacceptable en une démarche constructive. C’est le cas d’ Anne Herbert-Bertonnier, fondatrice des « Bagouz à Manon », de Christine Mérine à l’origine des « Amis de Claire », de Servanne Jourdy, qui a lancé « L’étoile de Martin », et d’Anne Gouin, présidente d’ « Enfance et Cancer ». Pour ces quatre mamans, très soutenues par leur conjoint, la création d’une association était une suite logique, « un fil naturel » à leur histoire, précise Anne Gouin. Et surtout un moyen de rendre la disparition de leur enfant non vaine. « Pour moi, c’était une façon de poursuivre le combat de Manon. Je devais faire de cette tragédie quelque chose de positif», explique Anne Herbert-Bertonnier « Créer cette structure, c’était donner un sens à quelque chose qui n’en a pas », ajoute Servanne Jourdy. Une analyse que partage la psychothérapeute Nadine Beauthéac. «La mort d’un enfant est un non sens total. Un évènement qui, de nos jours, n’est pas dans l’ordre des choses, et qui provoque, chez les parents, une double révolte. Tout d’abord par rapport à ce qu’a enduré l’enfant. Et parce que c’est toute leur trajectoire de famille qui explose. Ces femmes, toutes actives, et d’une nature « communicante » – tout le monde ne peut en effet pas réagir ainsi – ont eu besoin de passer à l’acte pour donner un sens à quelque chose qui en est dépourvu. Bien sûr, il y a quelque chose de l’ordre de la survie là-dedans », note t-elle. Apprivoiser l’absence S’agit-il aussi de continuer à faire vivre, d’une certaine manière, son enfant disparu ? «Oui », répond Anne Herbert-Bertonnier « Sans doute », modère Anne Gouin. «Incontestablement, affirme de son côté Christine Mérine. D’autant plus que notre association a été créée du vivant de Claire. Un an avant qu’elle ne s’en aille, il y a eu un élan de générosité de notre entourage destiné à lui faire profiter de la vie au maximum. Notre structure a été créée pour elle et avec elle. Nous ne pouvions que poursuivre cette aventure». Selon Nadine Beauthéac, ces associations peuvent jouer le rôle « d’objet transitionnel » dans le parcours des personnes endeuillées. « L’objet transitionnel est un élément qui va aider le parent à apprivoiser l’absence, à intérioriser petit à petit le lien qu’il a avec son enfant. C’est une étape importante dans le processus du deuil qui consiste à passer de l’absence extérieure à la présence intérieure», explique-t-elle. Servanne Jourdy éprouve, de son côté, un sentiment différent. « L’association est née suite à la disparition de Martin, certes. Mais je considère son fonctionnement bien distinct de mon histoire avec mon fils, de notre intimité », explique-t-elle. « Dans ce cas précis, l’association marque visiblement une rupture entre la vie d’avant et celle d’après. Cette maman a la capacité de dissocier son vécu intime de l’action sociale. Mais chacune de ces mères, à sa façon, a consenti à passer un nouveau pacte avec la vie, tout en vivant son deuil», analyse Nadine Beauthéac Aider les autres pour s’aider soi-même Pour tous ces parents, l’objectif fort reste d’aider la recherche sur les cancers pédiatriques. « Lorsque mon fils, Hubert, était malade, j’ai été choquée de voir qu’en dehors de la leucémie, les connaissances en matière de cancers pédiatriques étaient assez limitées», s’indigne Anne Gouin de l’Association « Enfance et cancer ». Son association, comme les autres, a donc cette vocation première: récolter des fonds pour aider la recherche à trouver des traitements mieux ciblés, mieux différenciés, moins invasifs pour les enfants. Soutenir, mettre sa propre expérience au service des autres, être utile et se dire que peut-être un jour des enfants seront sauvés grâce à l’argent versé à la recherche est un véritable moteur pour ces parents, « un élément aidant », bien sûr. «Une thérapie », assurent même nos quatre mamans interviewées. « Cela veut aussi dire que ces parents sont capables de se transposer dans le futur en espérant donner à d’autres ce que leur enfant n’a pas eu. Au-delà de leur action, ils portent une vraie parole, car ils annoncent aux autres que l’on peut s’en sortir et continuer à vivre quand même. Ce sont donc des héros autant que des hérauts », conclut Nadine Beauthéac. Céline Roussel Publié le 12/01/2012 à 11h30 - Dernière modification le 13/01/2012 à 11h03