nord-eclair - Le Grand Mix

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nord-eclair - Le Grand Mix
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8 TOURCOING
NORD ÉCLAIR
SAMEDI 29 OCTOBRE 2016
Le Grand Mix aide la prison
à libérer la créativité vidéo
TOURCOING. Pour la première fois, le Grand Mix a organisé un atelier audiovisuel au centre
pénitentiaire d’Annœullin. Huit détenus, déjà rompus aux techniques vidéo, ont imaginé et créé trois
vidéos d’animation avec deux artistes : Loup Blaster pour le côté graphique et Numérobé pour le son.
de voitures griffonnées sur un
carton. Plus loin, Ismaël a, lui, recréé l’arche de Noé avec ses animaux enfermés pour gagner la
terre promise. Il réfléchit à animer
ses animaux et à créer des sons. Le
producteur de musique, Numérobé, est là pour les aider. « On les
guide pour trouver les sons et ensuite, on leur apprend à se servir d’un
logiciel gratuit qu’ils pourront retrouver dehors pour continuer à faire
des montages. » Comme un lien
entre l’intérieur et l’extérieur.
Ce jour-là, Antonio et Dominique
peaufinent le décor de leur vidéo.
Ils ont reconstitué une… cellule de
prison avec des bouts de carton et
de la récup. Ils ont également écrit
le scénario et commencent l’animation. « C’est une personne qui
écrit un courrier pour s’inscrire sur
les listes électorales. Son co-détenu
engage la conversation sur la politique mais on a voulu que ce soit plutôt drôle. » Saïd, le formateur,
vient leur expliquer comment
animer leurs personnages à l’aide
d’un enchaînement de photos.
Les deux hommes écoutent. Cela
fait plusieurs semaines qu’ils
suivent une formation audio vidéo et ils étaient volontaires pour
cet atelier d’une semaine. « On en
découvre un peu plus chaque jour.
Moi, je n’avais jamais touché un ordinateur ; aujourd’hui, je sais travailler les sons. Cela nous passionne
même le soir en cellule, on réfléchit à
notre vidéo », confie Dominique.
Antonio renchérit. « On oublie que
l’on est entre quatre murs, ici. Ça
nous évade même si nous avons reproduit notre quotidien pour cette vidéo. »
Chacun
aura
apporté sa connaissance.
Ici, on redonne
une place à l’humain.”
Saïd assure, depuis quatre ans,
cette formation audio vidéo au
sein du centre de détention. « Certains y participent depuis un an et
ont maintenant de vraies connaissances alors qu’ils peinaient avec
l’écriture ou l’ordre chronologique. »
Mais surtout, cette formation, ouverte aux longues peines, peut
leur permettre de mieux accepter
les conditions de détention. « Il y a
ici un esprit de groupe, de resocialisation. Si on réussit à créer quelque
chose, ce sera le succès du groupe.
Chacun aura apporté sa connaissance. Ici, on redonne une place à
l’humain. »
Les quatre clips, créés pendant
cette semaine avec les deux artistes du Grand Mix, seront rassemblés sur un CD qui sera remis
aux participants. ● ANNE COURTEL /
MÉTAPHORES DE LA DÉTENTION
Plus loin, Khaled a lui dessiné son
synopsis avant de le mettre en
scène. L’histoire d’un SDF qui regarde passer les voitures dans un
tunnel dont on ne voit pas le bout.
Une métaphore de la détention.
« J’ai écrit l’histoire et je ferai la voix
off. Je trouve cet atelier plaisant et enrichissant. Je n’ai aucune prétention,
je veux juste apprendre quelque
chose. » Sur le tableau blanc, ses
dessins semblent s’animer autour
Les détenus ont du faire avec « les moyens du bord » pour créer leur clip d’animation.
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La mission du Grand Mix
L’atelier audiovisuel du centre pénitentiaire d’Annœullin.
1251.
La salle de concert tourquennoise n’est pas qu’un lieu de diffusion. Dès sa création, le Grand
Mix a souhaité développer de
nombreux projets en direction de
différents publics. Que ce soit à
l’école, à l’hôpital, en maison de
retraite, le Grand Mix intervient
pour sensibiliser à l’art. « Nous
ne sommes pas spécialistes des formations ; en revanche, nous avons
les contacts avec les artistes », explique Juliette Callot, responsable
de l’action culturelle.
Depuis dix ans, le Grand Mix
propose des concerts dans les
prisons. Mais ses responsables
n’ont pas voulu se contenter de
la diffusion. Pour la première
fois, trois ateliers sont menés
(aux centres pénitentiaires de
Lille-Annœullin, de Sequedin et
de Quiévrechain). Après Annœullin, la maison d’arrêt des
femmes de Sequedin accueillera
une artiste folk, Saso. « Il existe
une nursery à la maison d’arrêt de
Sequedin. Cela nous a donné l’idée
de faire des ateliers d’écriture pour
inventer des comptines. Mais cet
atelier sera ouvert à toutes les
femmes qui le souhaitent et pas
seulement à celles qui ont leur enfant avec elles. La création de comptines devrait permettre l’extériorisation des émotions. » Les comptines seront compilées sur un
CD, qui pourra faire un beau cadeau de Noël. ●