Maroc : Des mariages sans noces

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Maroc : Des mariages sans noces
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Maroc : Des mariages sans noces
Maroc
Posté par: Redacteur
Publiée le : 11/6/2007 0:09:12
Pour des raisons surtout économiques, parfois culturelles, de plus en plus de jeunes refusent
d’investir dans les festivités traditionnelles pour leur mariage. Au grand dam de leurs
familles. Illustration d’un conflit de générations.
“Une fête de mariage, c’est du n’importe quoi !”, lâche nerveusement
Adil, un de ces nombreux jeunes qui rechignent à l’idée de gaspiller leur argent dans des
cérémonies “coûteuses et inutiles”, alors qu’ils feraient mieux de
l’investir dans “les choses sûres” de la vie d’un couple :
l’acquisition d’un logement et son ameublement. Adil et sa
fiancée projetaient de se marier cet été. Dans leur tête, le scénario était tout tracé : un petit dîner
familial sympathique et un voyage de noces dont ils se rappelleraient toute leur vie. Mais
c’était sans compter sur l’entêtement des parents. Ces derniers exigent une grande
fête, à laquelle ils inviteraient famille et amis, pour partager leur joie et dire à tout le monde que leurs
enfants chéris ont réussi leur vie. Les tractations s’annoncent difficiles et, plutôt que de
céder, les deux tourtereaux choisissent, à contrecœur, de reporter leur union sine die.
Ce genre de cas est loin d’être isolé. Chaque été, lorsque la saison des mariages bat son
plein, de nombreuses familles marocaines sont secouées par un tel débat. Des négociations difficiles
démarrent, surtout avec les mères, gardiennes du temple de la tradition. Elles sont accompagnées
par leurs lots de pleurs et de culpabilisation : “Je t’ai élevée pendant 28 ans pour que
tu viennes m’humilier de la sorte. Que diront les voisins ? Que j’ai marié ma fille dans
le silence, parce qu’elle n’était pas vierge”, pleurniche Fatima,
s’adressant à sa fille. Choquée par cette addiction maladive au ce qu’on dira-t-on,
cette dernière s’enflamme : “Je n’en ai rien à faire de l’avis des
autres. Je ne veux pas devenir une marionnette dans les mains des neggaffate et des
traiteurs”. La mère crie son désespoir. La fille s’enferme dans son choix.
Un mariage de rêve ? Pas évident…
Ce bras de fer est-il le résultat d’un conflit de génération ? Ou simplement une réaction de
bon sens face aux coûts exorbitants d’une cérémonie de mariage ? “Les deux,
répond le sociologue Abdelkader Ziraoui. Le décalage des âges est pour beaucoup dans ce genre
de conflits. Les enfants quittent le cocon familial très tôt. Ils deviennent plus indépendants, mais
aussi beaucoup plus pragmatiques dans le démarrage de leur vie de couple”.
Et parfois, le décalage aboutit à des solutions radicales. Après cinq ans de fréquentation, Samir et
Najia se sont mariés dans leur “propre” maison, autour d’un dîner familial très
“intime” : une douzaine de personnes en tout. Ni les pères, ni les mères n’ont
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émis d’objection. “Ils étaient comme des figurants dans une pièce de théâtre que
nous avons orchestrée de A à Z”, raconte le mari qui “déteste l’extravagance
par principe”. Ce soir-là, il s’est contenté de mettre un jeans, alors que la jeune
mariée, voulant préserver un petit “chouïa” de traditions, a quand même cédé à une
takchita.
En fait, lorsque les parents laissent leurs enfants faire leur choix, la levée de bouclier contre les
fastes d’un mariage à la marocaine devient souvent la règle. Le père de Habiba lui a donné
carte blanche dans l’organisation de sa cérémonie. Résultat : elle a commencé par opter
pour une petite fête l’après-midi plutôt que le soir. Motif : ne pas déranger les voisins !
Ensuite, notre jeune mariée a édicté ses conditions : pas de “labsa fassia”, très peu
de maquillage, une seule tenue moderne et, pour couronner le tout, au beau milieu de la fête, elle
s’est éclipsée, accompagnée de son mari, pour ne pas avoir à monter sur une
“âammariya”. “Je n’ai de comptes à rendre à personne. C’était
ma soirée et j’en fais ce que je veux”, tient-elle à préciser.
Mais nous sommes bien au Maroc. Autant de liberté donnée aux rejetons reste encore du domaine
de l’exception. La plupart des parents lâchent rarement prise quand il s’agit
d’orchestrer “la nuit de rêve” de leurs enfants. Il est donc erroné de croire à
une rupture complète des jeunes Marocains avec les traditions du mariage. Dans le bras de fer
jeunes - parents, on finit généralement par trouver un terrain d’entente.
Entre autres, pour mettre leurs enfants au pied du mur, certaines familles proposent de financer une
partie de la fête de mariage, voire son intégralité. Les couples finissent par céder, car
“personne ne veut entrer dans un conflit ouvert dès le départ”, fait remarquer Ziraoui.
Et c’est là que les futurs époux tentent de négocier de nouvelles formules pour leur
apparition publique. Objectif : éviter un rituel trop lourd, qui tourne à la corvée pour les mariés
eux-mêmes. “Je déteste la ‘berza’ (fauteuils où s’installent les
mariés). Tout le monde vous regarde de loin, comme une chose précieuse à ne pas toucher”,
se lâche Adil, révolté par l’idée d’être exhibé devant une assistance qui traque ses
moindres faits et gestes. “Si fête il y aura, je serai entouré de mes amis et je leur servirai de
l’alcool s’ils le désirent”, tonne-t-il.
Les filles résistent !
Si les hommes sont plus enclins à en découdre avec les fêtes de mariage, il n’en va pas de
même pour leurs douces moitiés. Chez la gent féminine, la révolte est bien moins évidente, vu leur
éducation et la formidable pression exercée par leurs mères. Au départ, beaucoup se rangent du
côté de leur prétendant, mais quand il faut prendre une décision, elles sont les premières à se
montrer plus conciliantes. “Financièrement et culturellement, beaucoup d’aspects me
dérangent dans les fêtes de mariage. Pour autant, j’ai envie de vivre ce moment inoubliable
comme toutes les filles de ma génération”, espère Lamia, fiancée de Adil. Il est clair que le
faste et les paillettes habitent encore l’esprit de ces demoiselles, avec un côté rêveur et fleur
bleue très prononcé. Exemple : cette future mariée qui rêve d’avoir “un million de
dirhams sur (son) compte bancaire pour (se) permettre toutes les folies”. Ainsi, à côté de
l’inévitable troupe de musique traditionnelle, elle verrait bien sa cérémonie animée
par… les rappeurs de H-Kayne. Côté habits, elle souhaiterait certes se permettre deux tenues
somptueuses, mais pas plus. Quant aux invités, elle voudrait bien séparer vieux oncles et jeunes
copains… Bref, comme beaucoup de jeunes mariés, Lamia cherche à faire plaisir à tout le
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monde, pour que chacun y trouve son compte.
Une chose est sûre : si les futurs couples ont envie de faire valoir leurs préférences, ils ne sont pas
prêts à assumer une coupure sociale pour autant. Les idées originales ou excentriques ne les attirent
pas plus que cela. Exit donc les petites fêtes organisées en boîte de nuit, dans un restaurant, encore
moins les vœux prononcés au cours d’un saut en parachute ! “Malgré tout, les
Marocains restent attachés à la cérémonie de mariage. Nous avons reçu une fois des jeunes mariés
à 2 heures du matin, mais qui avaient déjà fait la fête en famille”, précise le gérant
d’un des night-clubs les plus huppés de Casablanca. Ce qui est courant par contre,
c’est que les jeunes, bizarrement plus de filles que de garçons, enterrent leurs vies de
célibataire. “Les filles s’éclatent vraiment entre elles. Mais un homme marocain
n’enterre pas sa vie de célibataire”, argumente notre source. Mais ce qui est sûr,
c’est que les mariés cherchent aujourd’hui à faire une fête qui leur ressemble. Et si
on les laissait faire ?
Tendance : Entre luxe et originalité
Pourquoi la cérémonie du mariage rebute-t-elle autant les jeunes ? La réponse est simple : elle coûte
de plus en plus cher. Le marché se professionnalise, tirant à la hausse les prix des prestations.
“Ce qui coûte le plus, c’est le traiteur. Une bonne table avec salades, plats et petits
fours commence à 2500 DH et peut atteindre les 3500 en fonction des menus servis”,
explique Fathia Rahib, patronne de la FR Event, société spécialisée dans l’organisation de
réceptions. Créée en août 2006, sa société se charge des mariages “clés en main”,
selon le concept américain de “Wedding planner”. Le Jour J, les mariés et leurs
familles débarquent comme des invités, débarrassés des tracas du traiteur, neggaffa et autres
maquilleuses… “Je prends tout en charge jusqu’aux fantasmes les plus fous
des mariés”, indique Fathia. Bien évidemment, les prix dépendent des prestations fournies.
Mais sachez qu’ils dépassent dans tous les cas les 180 000 DH. À partir de ce seuil,
l’imagination prend le relais. Certaines familles sont prêtes à dépenser plus d’un
million de dirhams pour offrir à leur progéniture une fête unique : ambiance mille et une nuits, soirée
à thème… La palme de l’originalité est à décerner à ce couple casablancais, dont la
soirée de noces comportait une distribution de dragées assurée par… des nains enfourchant
des poneys !
TelQuel - Nadia Lamlili
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