N°33 – La nudité (décembre)

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N°33 – La nudité (décembre)
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LANGUES ZONE N°33
ÉDITO
Sommaire :
Salut mes petits diplodocus !
Une fois n’est pas coutume, toute l’équipe
de Langues zOne s’est pliée en quatre pour
vous préparer un numéro d’exception !
Dossier : La nudité
FEMEN OU L’UTILISATION EXACERBÉE DE LA NUDITÉ (p.2)
*
NUDITÉ : POURQUOI LA FEMME
PLUTÔT QUE L’HOMME ? (p.3, 4)
*
POUR VIVRE HEUREUX : VIVONS
NUS ? (p.5)
*
LE TABOU DES POILS MIS À NU
(p.6, 7)
*
LA NORMALISATION DU NU
DANS LA PUBLICITÉ (p.8, 9)
*
MASCULIN/MASCULIN (p.10)
*
POÈME (p.11)
Mais la tâche n’était pas aisée ! Oh non ! On a
énormément réfléchi, tergiversé, flaburgasté
(quoi ?)... Bref, on s’est creusé la tête quant à
savoir si on allait, oui ou non, sauter le pas,
et oser le thème « la nudité ». Pas évident.
Pas évident parce que la solution de la facilité aurait été de vous parler de fesses. D’ailleurs, on a extrêmement été tentés. En même
temps, la facilité, c’est toujours tentant...
Figurez-vous : seize pages d’obscénités, de
dessins suggestifs, et de récits scabreux, à
peine dignes de figurer parmi les articles au
rabais, les retours, les invendus de la Bibliothèque Rose. De la sous-culture, tout juste
bonne à étayer les fantasmes malsains d’un
adolescent prépubère, en mal de reconnaissance de la gent féminine. Génial, non ?!
Maintenant que j’y réfléchis... Allez !
On remballe tout ! On recommence !
Tous aux sex-shops, tous branchés sur
XXL TV, et assiégeons fièrement les
marchands de journaux pour s’arracher la dernière copie de Maxim ! Miam !
Écriture libre
CRITIQUE : LE TRANCEPERCENEIGE (p.12)
*
COMÉDIES D’URSS (p.13)
*
BRÈVES DE COULOIR (p.14)
Comment ça, non ? Génie incompris pour
toujours et à jamais...
Nicolas SINDRES,
Rédacteur-en-chef
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LA NUDITÉ
FEMEN : OU L’UTILISATION
EXACERBÉE DE LA NUDITÉ
Mosquée de Paris le 3 avril 2013 où elles brûlent
un drapeau salafiste. Leurs seins, armes de combat,
sont ainsi représentés sur le logo du mouvement.
Ni tolérance, ni respect. La très médiatisée FEMEN, Inna Chevtchenko, voulant protester
contre la décision d’un tribunal ukrainien, a scié
à la tronçonneuse une croix catholique érigée en
mémoire des victimes du stalinisme. Lorsqu’on
l’interroge, elle ne semble pas comprendre qu’elle
offense de nombreuses personnes. Elle ne s’est
jamais excusée et trouve désormais refuge à Paris.
C’est bien beau de défendre de belles valeurs humanistes, mais les FEMEN s’avèrent dénuées de
tolérance envers les croyants du monde entier.
Lorsqu’elles décident de s’opposer à quelque chose,
elles sont prêtes à tout pour choquer le plus possible. Le mouvement n’utilise la nudité qu’à des
fins médiatiques. Leur but est de se faire entendre
à tout prix et par n’importe quel moyen. Au final,
c’est une manière de déprécier la nudité. En utilisant ainsi leurs corps, elles n’ont plus aucun respect pour la nudité féminine. Pourtant clairement
opposées à l’industrie du sexe, elles revendiquent
ainsi le « sextremism » c’est-à-dire exposer son
corps et sa sexualité afin de les maîtriser totalement. Par conséquent, certaines d’entre elles simulent des actes sexuels publics. Entre profanations
et orgies publiques, où est le véritable message ?
Les FEMEN disent combattre la marchandisation du corps par la nudité, où est la cohérence ?
Dans une société où la nudité est omniprésente,
les nombreux réseaux féministes, tels que FEMEN, Pussy Riot ou Slutwalk, préfèrent montrer
leurs seins plutôt que s’exprimer avec intelligence.
Kenzo Tribouillard ©AFP
En 2008, un nouveau mouvement féministe voit
le jour en Ukraine : les FEMEN. Il s’agit pour ce
mouvement de combattre les sociétés patriarcales et
de prôner l’égalité des sexes, les droits de l’homme
et la démocratie. Et pour transmettre leurs messages, les FEMEN n’hésitent pas à utiliser la nudité.
Ainsi, sur leur poitrine dénudée on peut par exemple
lire « Nudity is freedom » ou « Naked War ».
Leurs armes ? Leurs seins !
À Paris, c’est au Lavoir Moderne qu’elles ont installé un véritable camp d’entraînement. Tous les
jours, elles se préparent physiquement à mener
des actions chocs. Le mouvement est avant tout
basé sur des coups d’éclats médiatiques. Ainsi,
pour défendre la cause d’Amina¹, en avril dernier
une activiste se jette seins nus sur le président tunisien venu en France pour une visite privée. Les
FEMEN françaises multiplient leurs actions chocs
quand le 12 février 2013, pour montrer leur hostilité au Pape, huit d’entre elles investissent, poitrine
dénudée, la cathédrale Notre-Dame de Paris afin
de faire sonner les cloches historiques qui venaient
juste d’être restaurées. Opposées à toute religion,
elles s’attaquent de la même façon à la Grande
¹ Célèbre FEMEN tunisienne à qui le gouvernement tunisien a intenté un procès après avoir posté une photo d’elle
nue sur Internet. Elle s’est d’ailleurs retirée du mouvement
après l’incident de la Grande Mosquée de Paris. Elle est aujourd’hui considérée comme « traîtresse » par les FEMEN.
Clémence GILONNE
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LA NUDITÉ
NUDITÉ : POURQUOI LA FEMME
PLUTÔT QUE L’HOMME ?
De nos jours, nous avons affaire à une société où les clichés sont encore bien ancrés, avec d’un côté des misogynes toujours
présents et de l’autre des féministes réactionnaires. Certains luttent pour l’égalité des sexes, d’autres refusent d’y penser.
Lorsqu’il s’agit de concevoir la nudité, ce qui nous vient tout de suite à l’esprit est l’image d’un corps féminin. Pourquoi la
nudité se conçoit-elle d’abord par la femme ? Cette question à laquelle il est difficile de répondre fait l’objet ici d’un débat
entre deux femmes.
sique. De même qu’il y a des différences entre
Comment réagir lorsqu’on nous parle de l’iné- femme et homme, il est nécessaire de distinguer
galité du corps de la femme face à celui de chaque être humain. Cependant, il semble difficile de penser l’inégalité du corps nu. Corps
l’homme ?
féminins et masculins ne sont pas inégaux, ils
E.R. : Je ne suis pas médecin, mais il me semble que sont au contraire complémentaires. La nudité se
parler d’inégalité en matière de nudité, c’est un peu conçoit avec l’acceptation du corps de la femme
abuser des clichés sexistes. Si l’on poussait les petites et de l’homme. Il faut passer outre les clichés exfilles à faire du foot et à avoir une forte musculature trêmes, ceux des misogynes ainsi que ceux des
dès l’enfance, celles-ci ne seraient-elles pas sur un féministes. C’est pourquoi il ne faut pas compied d’égalité, en matière de force musculaire, avec battre le genre opposé mais plutôt imaginer la
les hommes ? En tout cas, loin des généralités, des nudité féminine et masculine sur le même plan.
cas particuliers permettent de renverser ce cliché
qui ne repose pas forcément sur la réalité. Maintenant si on parle de santé, sortons des chiffres : aujourd’hui l’espérance de vie des femmes en France
est d’environ 85 ans, et celle des hommes de 78 ans.
Dans le domaine de la sexualité, l’inégalité n’est
qu’une idée reçue, l’anatomie humaine est neutre
(faites passer un doigt dans un rond formé avec les
doigts de l’autre main, est-ce que le geste sous-entend qu’une main domine l’autre ?), mais les interprétations traditionnelles de l’acte voudraient faire
croire que l’une des deux parties est supérieure.
« Dans le domaine de la sexualité, l’inégalité n’est qu’une idée reçue, l’anatomie humaine est neutre. »
C.G. : Le corps de la femme et le corps de l’homme
sont bien distincts. En ce qui concerne l’inégalité, il ne
faut pas se leurrer. La femme est physiquement plus
faible que l’homme. Il ne s’agit pas pour elle d’être
inférieure, il s’agit simplement d’une différence phy-
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LA NUDITÉ
Qu’en est-il de la beauté du corps féminin ?
Que faut-il penser de l’omniprésence du corps
féminin ?
E.R. : Les musées du Louvre et d’Orsay regorgent
de nus de femmes, toujours plus rondes, plus faussement pudiques et plus blanches les unes que les
autres. On voit donc que la création de l’homme
pour l’homme ne date pas d’hier, car quand on regarde qui en sont les auteurs, on est rarement surpris : ce sont nos grands maîtres, qui vivaient dans
des sociétés assurément phallocrates, et qui exprimaient leurs fantasmes de femmes plus jeunes,
plus pures les unes que les autres. Heureusement,
on commence à se rendre compte que les nus masculins existaient aussi (voir l’article « Masculin/
Masculin », l’exposition au musée d’Orsay). Faisons
simplement remarquer que jusqu’à la période moderne, ces nus étaient dessinés par des hommes,
par fantasme ou pour des études académiques. Les
femmes ne savent pas dessiner, c’est bien connu…
E.R. : Désormais, pour vendre des chaussettes,
certains sont capables de montrer une femme nue
(voir la campagne de publicité Happy Socks). C’est
comme si la femme était un nombre d’or du marketing. On peut questionner ces procédés sans forcément adhérer aux groupes féministes : pourquoi les
mannequins féminins font-ils vendre ? N’est-ce pas
seulement parce que les personnes concevant les publicités veulent s’adresser à un public hétérosexuel
masculin ? Et le reste de la population ? En outre,
plus on montre de femmes nues, moins on favorise
la diversité des corps. Donc, en plus d’ignorer une
partie des consommateurs, on l’écrase en lui faisant
comprendre subtilement qu’elle n’est pas désirable.
C.G. : L’omniprésence de la nudité féminine est indéniable. Aujourd’hui, dans tous les arts ainsi que dans
les médias, le corps féminin est bien plus présent
que celui de l’homme. Or, il ne s’agit pas seulement
d’une représentation de la nudité féminine mais de
la marchandisation du corps féminin. Les femmes
sont surexposées uniquement pour faire vendre mais
surtout dans le but d’obéir à des codes esthétiques.
Du reste, on voit de plus en plus apparaître des
corps d’hommes nus, ce qui n’est pas pour déplaire
à la gent féminine. Ainsi, il est possible de voir de
plus en plus des publicités dans lesquelles on voit
apparaître des torses masculins. Plus étonnant encore, des magasins de vêtements tels qu’Abercrombie&Fitch ont construit leur notoriété sur leurs mannequins masculins dénudés. Ce qui détonne alors ce
n’est pas l’omniprésence d’un sexe ou d’un autre,
c’est surtout les codes esthétiques qui résultent
des représentations de la nudité. La femme se doit
d’être mince, voire maigre lorsqu’on observe l’évolution des mannequins de haute couture. Quant à
l’homme, il se doit d’avoir une musculature parfaite.
C.G. : Quoi de plus flatteur pour une femme que
d’être l’objet central d’un art aussi magnifique ? De
la Grèce antique à l’époque moderne, la femme
fut exaltée à de nombreuses reprises. Le thème du
corps féminin devrait plutôt être compris comme
un éloge de la nudité. Cette beauté du corps féminin, de nombreux artistes l’ont consacrée dans des
œuvres monumentales telles que la Naissance de Vénus ou Gabrielle D’Estrées et une de ses soeurs. Par ailleurs, il n’y a aucun problème à ce que ces artistes
aient été des hommes. Quelle femme n’aimerait
pas être peinte comme Rose dans le film Titanic ?
De plus, ce n’est pas pour rien si la beauté féminine est glorifiée dans les arts du monde entier. Les représentations de cette beauté lui permettent également d’être reconnue par tout le
monde. Les touristes, venus parfois de pays très
conservateurs, contemplent le corps féminin.
« Quoi de plus flatteur pour une femme que
d’être l’objet d’un art aussi magnifique ? »
Elizabeth RICHARD
& Clémence GILONNE
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LA NUDITÉ
POUR VIVRE HEUREUX,
VIVONS NUS ?
Imaginez un monde sans vêtements : un monde
nudiste institutionnalisée… Fashion TV, ô chaîne
parmi les chaînes, perdrait toute raison d’exister ;
Karl Lagerfeld, Giorgio Armani, Jean-Paul Gaultier et tous les autres talentueux créateurs, leurs
oeuvres condamnées à l’ignorance, se trouveraient acculés au désespoir, voire au suicide, sans
parler de tous ces malheureux moutons qui à force
de n’être plus tondus finiraient par ressembler à
de gros nuages sur pattes, victimes d’un fascisme
nudiste érigé en mode de gouvernement. Tout
comme les champs de coton, laissés à l’abandon,
qui formeraient ça et là des jungles de douceur...
libéré de la tyrannie de la pudeur, un retour à la
simplicité originelle des sociétés dites « primitives ».
L’espèce humaine entière ; des milliards d’hommes
et de femmes, vivant côte à côte tout nus : liberté,
égalité, nudité ! Tout nus chez eux faisant la cuisine, tout nus dans leurs voitures en partant bosser, tout nus au boulot. Le patron tout nu, la secrétaire toute nue, les clients et les cadres tous nus
avec leurs attachés-cases. Même la police : à poil.
Du président de la République au dernier planton
de l’armée : pas un vêtement, même pas la moindre
cravate. La moindre imperfection, le plus intime
grain de beauté offert à la vue de tout un chacun.
La transparence absolue. Plus de mensonges, plus
de soutiens-gorge rembourrés, plus de vannes sur
la taille du zizi (et oui, tout le monde saurait tout...).
Le corps de tout le monde offert aux yeux de tout le
monde. Imaginez les potins entre collègues derrière
le café : au lieu de « Tu vois qui c’est Josette, celle
du service compta ? », on aurait droit à « Tu vois
qui c’est Josette, celle qui a un gros bouton sur la
fesse droite ? ». Imaginez des sites de films X sur
le net où une pulpeuse jeune femme, à la plastique
parfaite, pour exciter le public, enfilerait une culotte
en gémissant d’un air lascif... Oh la coquine, qu’on
se dirait ! Comme elle y va dis donc ! ! ! Un monde
libéré des dictats de l’apparence ? En réalité, quels
moyens nous resterait-il alors pour exprimer notre
personnalité, notre style, notre classe ou notre ringardise ? Comment faire pour avoir l’air tendance ?
« La moindre imperfection, le plus intime
grain de beauté offert à la vue de tout un
chacun. La transparence absolue. »
Crise du monde moderne dans sa globalité, alors
qu’en revanche les culturistes célèbres tels Arnold
Schwarzenneger ou Jean-Claude Van Damme se
verraient dotés d’un nouveau statut de visionnaire.
Ils deviendraient alors ceux qui avaient compris
avant tout le monde cette incontestable vérité :
que la vraie personnalité, l’originalité, réside dans
le muscle, l’épilation et l’huile de corps, tout le
reste n’étant que mirage et illusion. Alors, sublimés
par ces nouveaux prophètes d’une ère de transparence et de vérité crue, les générations de convertis,
adeptes du piercing et du tatouage, se mettraient
alors à leur vouer un culte en hommage en leur
sculptant de magnifiques statues les représentant
dans le plus simple appareil. Cherchant par tous
les moyens à se rendre originaux, ils auraient fini
par se ficher dans les cheveux des guirlandes de
plumes multicolores. Fatalement, ils finiraient par
se rassembler autour de ces totems de la nouvelle
ère, chantant et dansant joyeusement en cercle,
exprimant leur retour à la simplicité sauvage avec
force, guturalité, couverts de tatouages, piercings
et plumages : quel pas de géant pour l’humanité !
On peut décemment prévoir une explosion du business du tatouage, du piercing et de la coiffure par
compensation. Après tout un dreadeux à poil reste
un dreadeux, un skinhead à poil reste un skinhead,
un punk aussi. Quoi qu’il en soit, le coup porté par
une révolution nudiste globale aux marques de prêtà-porter serait probablement fatal à une immense
majorité de l’industrie textile mondiale : toutes ces
maisons qui fleurissent au nom du chic et du style...
Finies, terminées, ruinées ou bien forcées de se recycler dans un domaine en accord avec une société
Arthur RIVAS
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LA NUDITÉ
LE TABOU DES POILS MIS À NU
Si l’on en croit Darwin (et loin de moi l’idée de
sance !), au Japon, c’était une autre histoire.
« Dans le Japon ancien des ères Heian et Edo, les
peintres d’estampes abusaient dans leurs rouleaux et
ukiyo-e (« images du monde flottant ») les plus crus
de pénis et vagins surdimensionnés cerclés d’interminables poils hirsutes. ». Tout un programme. Là,
je cite Michel Temman, qui a écrit pour un dossier
spécial de Libération, un article fascinant nommé
« Le Japon à rebrousse-poil », dans lequel il est question de la façon dont la vision du poil a évolué dans
la société nippone. Suite au puritanisme amené par
les américains en 1945, et la naissance d’une éducation sexuelle portée sur la chasteté, le poil fut banni.
Dans les années 60, quelques visionnaires ont bravé
l’interdit en montrant dans des productions cinématographiques des touffes sous les aisselles, et ailleurs, plus fournies les unes que les autres (c.f Rêve
Éveillé de Tetsuji Takechi, en 1964). De nos jours,
l’épilation pubienne est en hausse, le charmant gazon étant « peu esthétique », « l’envers du glamour ».
lancer un conflit idéologico-religio-socio-déterministe stérile), l’Homme descend du singe. Enfin
de son cousin. D’où les poils. Mais il faudrait être
aveugle pour ne pas se rendre compte qu’entre nos
amis velus et n’importe quel fier représentant de
l’espèce humaine, quelque chose, quelque part, à un
moment donné, a créé une césure pileuse. En bons
animaux homéothermes (dont le corps crée de la
chaleur) que nous sommes, la découverte du tissu et,
par extension, du vêtement, a petit à petit provoqué
un sentiment profond et complexe de frustration
et d’inutilité chez nos chers poils, qui ont décidé de
faire la grève de la pousse, si l’on exclut quelques irréductibles, qui semblent ne pas être au courant que
la guerre est perdue. Moi, j’appelle ça de l’asymétrie de l’information, rien de moins. Quoi qu’il en
soit, nous voici, hommes modernes, fièrement vêtus, glabes (non-poilus) et bien dans nos Richelieu.
Sauf qu’en sous-main, sournoisement, s’est développée une véritable psychose, un tabou étonnant
sur nos compagnons des temps immémoriaux. Finalement, si on y réfléchit, c’est tout de même assez
étrange. D’aucuns avanceraient ici l’argument hygiéniste, que l’on pourrait résumer ainsi : « Les poils,
c’est cracrabouya. ». Mais des peaux poilues propres
n’ont rien à envier à des épidermes glabes, certes,
mais à l’hygiène douteuse. Il doit y avoir autre chose...
Pour ce qui est de l’Islam, c’est encore une autre
paire de manches. Enlever les poils des aisselles, du
pubis et raser la moustache sont des pratiques approuvées. D’ailleurs, plus qu’approuvées, elles font
parties de ce que la religion musulmane appelle la
« fitra » (état de nature ; naturel), « l’attitude naturelle par laquelle nous irions vers Dieu ». Le sens
de la vie pourrait se rencontrer dans le cadre d’une
pratique spirituelle permanente, mais pas seulement religieuse. La connaissance de Dieu en serait,
évidemment, le sommet de l’accomplissement.
Mais il y aurait aussi, tout en bas de l’échelle des
valeurs de la fitra, une composante physique, qui
comprend essentiellement cinq éléments sine quibus
non, qui sont la circoncision, le fait de se couper les
ongles, mais aussi, l’épilation des aisselles, le fait
de se raser le pubis et de se tailler la moustache.
« Sauf qu’en sous-main, sournoisement,
s’est développée une véritable psychose, un
tabou étonnant sur nos compagnons des
temps immémoriaux. »
En fait, c’est, vous vous en doutez, encore une
question de culture. Au moment où nous, prudes
occidentaux, on cachait savamment tout poil, si
bien que tous nos modèles ressemblaient tous à
des enfants ayant grandi trop vite (ah, la Renais-
Par ailleurs, saviez-vous que le poil représente la
sexualité dans le monde religieux occidental ? Ah,
on tient quelque chose... Ne vous êtes-vous jamais
demandé pourquoi toutes les statues gréco-ro-
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LA NUDITÉ
La Liberté guidant le Peuple, peinture à l’huile d’Eugène Delacroix (1830), où la Liberté a du poil
aux aisselles, et les cadavres des poils pubiens ?
maines, les peintures de la Renaissance, deux sociétés éminemment imprégnées de culte religieux,
représentaient leurs sujets sans poils ? Si je peux
me permettre d’avancer une hypothèse un peu
osée, ces derniers n’étaient certainement pas nés
imberbes. Vous voyez ce que c’est un bouc ? C’est
poilu, non ? Et vous savez de qui cet animal est le
symbole, à part le treizième régiment de tirailleurs
algériens en 1962 ? Satan ! Incarnation de tous les
vices du monde, le Diable, arbore ses poils fièrement, lien direct avec le monde de la bestialité. Il
était donc parfaitement impensable que les modèles
d’oeuvres empreintes de vœux pieux comme Die klugen und die törichten Jungfrauen, peinture à l’huile (1813
– 1819) de Peter von Cornelius, soient représentés
avec le moindre poil rebelle (en particulier quand
ce tableau met directement en scène Jesus Christ) !
« Par ailleurs, saviez-vous que le
poil représente la sexualité dans
le monde religieux occidental ? »
Évidemment, ce n’est qu’un élément parmi tant
d’autres... Mais la taille d’une feuille de papier m’empêche de m’étendre davantage sur le sujet... Je vous
laisse néanmoins ces pistes : le culte de l’extrême jeunesse (les mannequins Dior remplacés par des adolescentes), l’éternelle différenciation entre hommes
et femmes malgré l’accès de ces dernières aux
mêmes sphères de pouvoir et de responsabilité que
les hommes (elles sont devenues nos égales ? Trouvons quand même un moyen de nous différencier !)
Il faut croire que cette idée selon laquelle le poil représente la sexualité, la bestialité, et finalement, le
Démon lui-même, a inconsciemment fait son petit
bout de chemin dans le cerveau humain. Comment
expliquer autrement le choc et les scandales provoqués par des tableaux tels que l’Origine du Monde,
peinture à l’huile de Gustave Courbet (1866) ou
Nicolas SINDRES
7
LA NUDITÉ
LA NORMALISATION DU NU
DANS LA PUBLICITÉ
© Starbucks
Doit-on donc en conclure que l’augmentation,
voire la banalisation de la nudité dans la société
est à assimiler à la disparition de la gêne liée à la
sexualité en France et dans le monde occidental
depuis une quarantaine d’années ? Nombreuses
sont les pistes qui pourraient éclairer ce raisonnement. Peut-être est-ce dû à la baisse du nombre
de croyants dans l’Occident ? Peut-être est-ce dû
à l’introduction des enfants de plus en plus jeunes
à la nudité et la sexualité via l’Internet, les jeux vidéo ainsi que les films ? Ou bien est-ce tout simplement dû au choc culturel et idéologique apporté par des artistes populaires, tels que Madonna,
qui ont secoué cette société un peu rigide, et ouvert une brèche non négligeable à la publicité ?
© Annie Pastor, Les pubs que vous ne verrez plus jamais. 100 ans de publicités sexistes, racistes ou stupides...
Début des années 1970, un bouleversement
majeur commence dans la société occidentale...
L’un des outils du système économique actuel, la
publicité, voit les changements dont le peuple est
acteur et s’adapte au marché, à l’image du consommateur. Notamment via l’observation des changements de regards sur différents sujets de société
ou culturels tels que le sujet dont nous allons traiter ici, sujet dont la permissivité s’est ô combien
accrue depuis bientôt cinquante ans : la nudité.
La réponse peut aussi être simplement marketing. En
effet, l’utilisation de la nudité selon le produit éveille
chez nous une sensibilité qui diffère beaucoup selon
l’individu ciblé et le produit que l’on veut vendre.
Nous le savons tous, ce que nous voyons sur les publicités n’est que très rarement le fruit de l’imagination des publicitaires, et suit généralement des « tendances ». En effet, la publicité se plie facilement aux
effets de mode du moment afin de plaire le plus aisément au plus grand nombre (par exemple, l’adaptation du logo McDonald’s du rouge au vert pour convenir au public français sensible à l’effort écologique,
ou encore les nombreuses évolutions des logos
des sociétés tels que la Caisse d’Épargne ou Renault).
L’adolescent ou l’homme avant la quarantaine sera
particulièrement visé s’il s’agit d’un produit destiné à la gent masculine, introduit par une femme «
légèrement vêtue ». La femme d’âge moyen, quant
à elle, verra sa sensibilité éveillée à la vue d’une
femme nue présentant un produit de soin du corps
(référence à la douceur et à la délicatesse du corps
féminin). Ou encore, l’unité via la diversité, promue
dans certaines pubs télé, l’aspect universel et unique
8
LA NUDITÉ
du corps humain quelque soit la pigmentation de la
personne, le tout pour la promotion d’un produit
dont le nom évoquerait des origines exotiques...
Malgré tout cela, d’une manière générale, la présence
d’un individu du sexe opposé nu provoque une attention bien plus accrue chez la personne visée.
décennies, ce qui serait une ignominie sans
nom ! (Influence de la nudité en publicité sur l’attention
portée et l’annonce et la marque d’Eric Lombardot).
Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, son utilisation est très diverse et variée, et n’a pas finie de
se définir via notre observation et notre jugement de tous les jours sur cette question, vraie
fenêtre sur l’évolution culturelle de notre société.
Qu’elle soit dans le but de susciter l’émotion, la curiosité, ou le vice profond caché en chacun de nous,
il a été prouvé dans une étude de Reichert et Ramirez en 2000 que la nudité n’est ni nécessaire, ni suffisante pour qu’un stimulus soit considéré comme
sexuel. Une étude marketing poussée, consultable
sur internet, étudie depuis les années 70 toutes les
études, expériences menées et observations afin
d’établir une réelle conclusion sur l’utilisation et
l’effet sur la personne de la nudité dans la publicité. Malheureusement sans résultats réellement
concluants du au manque de méthodologie expérimentale, cette étude nous apprend néanmoins
que rien, depuis le début de l’utilisation de la nudité
ne fut laissé au hasard. Ce n’est que le reflet d’un
besoin purement marketing d’attirer efficacement
le consommateur. Et cela se traduit au niveau sensoriel bien sûr, mais aussi émotionnel et culturel,
et ne doit en aucun cas être considéré comme une
simple tentative de choc perdurant sur plusieurs
Le sujet, ou plutôt la question générée par cet article,
est celle de la vision de notre société présentée par
le monde de la publicité, ô combien représentative
de ce que nous sommes. Cela bien sûr, sans pour
autant que nous en soyons vraiment conscients
(car au final, toutes ces publicités, quelques soient
leurs moyens d’attraction, nous attirent tous d’une
manière ou d’une autre). C’est ici, je pense, que la
prise de conscience et la remise en question doivent
avoir lieu, et ce à l’échelle de la société occidentale.
Doit-on donc voir en ce changement de moyen
d’attraction vers le nu des entreprises via la publicité, via le miroir qui nous est imposé à travers ces
publicités, une perversité croissante de la société?
Ou peut-on voir, dans ce mal être qui entoure le nu dans la publicité, un problème d’acceptation quant aux transformations de nos
valeurs, et de libéralisation culturelle, pouvant être bien mal perçues par nos aïeuls?
Les débats faits autour de cette question ne peuvent
paraître, après cette analyse, n’être qu’un moyen de
distraction, comme par ailleurs d’autres débats en
France. Afin de nous détourner des priorités, et la
parole primant malheureusement toujours sur la remise en question, de la réelle problématique : nous
devons-nous d’accepter la transformation de la société telle que nous la vivons, et telle que nous la
faisons vivre au quotidien ? La question n’est pas
de diaboliser nos enfants à travers ces publicités,
mais d’une simple évolution (marketing et culturelle) dans l’appel à la sensibilité de chacun (certes
parfois exagérée) via la nudité du corps humain...
© Annie Pastor, Les pubs que vous ne verrez plus jamais. 100 ans de publicités sexistes, racistes ou stupides...
Mouhamadou SECK
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LA NUDITÉ
MASCULIN/MASCULIN
Nous ne pouvions pas, dans un numéro consacré à la nudité, échapper à l’éternelle réflexion sur le
nu dans l’art. Fort heureusement l’actualité s’y prête
particulièrement, car il y a jusqu’au 2 janvier 2014
au Musée d’Orsay Masculin/Masculin, une exposition consacrée exclusivement aux nus d’hommes.
Selon Guy Cogeval, le directeur du musée, c’est
parce que « les musées en sont pleins mais [que]
généralement la plupart des hommes et des femmes
détournent le regard et sont gênés par le nu masculin » qu’une exposition qu’il qualifie de « différente des autres » s’imposait. En effet, dans l’esprit
bourgeois pudibond, s’il est naturel de s’extasier
sur des nus féminins, le corps de l’homme (comprendre : du chef de foyer [sic]), doit être couvert, ne pas se montrer intégralement, cacher ses
points vulnérables. Aujourd’hui on peut enfin se
permettre de faire une exposition où sujets classiques côtoient des représentations très érotisées
du corps masculin, parce que les mentalités ont
évolué et qu’on prend peut-être plus de recul face
à ce qui nous est présenté (parce que nos regards
sont tout de même plus habitués à voir des corps
nus qu’autrefois). C’est aussi un geste politique de
la part des commissaires de l’exposition, car après
des mois de débat sur le mariage pour tous, montrer une exposition de nus masculins dont beaucoup des artistes sont homosexuels permet de privilégier un certain point de vue, et de leur faire la
part belle dans une période où ils en ont besoin.
Les nus masculins abondent dans les musées. En
effet, depuis la Renaissance et jusqu’à la fin du
XIXième siècle, l’académie (dessin de nu d’après
modèle vivant) était un exercice obligatoire à
l’Académie des Beaux-Arts, et les modèles étaient
tous masculins, pour empêcher toute accusation de relation sexuelle (les rares élèves femmes
étant priées de quitter la salle lors de l’exercice).
Très souvent d’ailleurs, et pour cette même raison, les peintres faisaient poser des hommes qu’ils
transformaient ensuite en femmes (on peut admirer
un croquis « corrigé » pour transformer l’homme
en femme au cabinet d’arts graphiques, une salle
du musée d’Orsay). Il faut aussi savoir que souvent,
on faisait un croquis de nu pour ensuite l’habiller.
L’exposition en montre un exemple avec une étude
de nu de Balzac par Rodin, réalisée en 1892. Pour
l’anecdote, on précisera que Rodin avait demandé à
un homme ressemblant à Balzac de poser pour lui,
celui-ci étant mort en 1850, et que le premier essai
étant jugé trop corpulent, on lui avait demandé d’en
refaire un d’apparence plus jeune et plus mince.
L’exposition présente aussi énormément de travaux
de Pierre et Gilles, un couple d’artistes (encore vivants) travaillant sur des photographies pour les
rendre les plus kitsch possibles, mais aussi des dessins
de Jean Cocteau, des peintures de David Hockney…
faisant la part belle aux artistes gays. En revanche,
sur les cent quatre-vingts œuvres présentées, seules
cinq sont celles de femmes. Ainsi, le regard féminin sur le corps masculin est tu, mis entre parenthèses, finalement on s’adresse encore aux hommes
: la femme est sous-représentée. Finalement, la
révolution symbolique de cette exposition n’est
pas complète, et peut-être même un peu bancale.
Masculin/Masculin est donc un pêle-mêle assez jouissif de fessiers, de toutes époques et sous toutes les
formes, assumé par les commissaires de l’exposition
comme étant volontairement ludique, à prendre
parfois au second degré, et si dans le fond, le choix
des œuvres (abondance de Pierre et Gilles, mais
aucun Keith Haring par exemple) et le manque de
diversité de points de vue (féminin/gay) peut laisser un arrière-goût de déséquilibre, on en sort tout
de même l’esprit apaisé, comme si finalement, ça
faisait du bien de regarder là où il n’est pas permis.
Élisabeth RICHARD
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LA NUDITÉ
POÈME
Le diplomate
Démasquez ce visage au regard avisé,
Qui ne se révèle qu’à l’ombre des archères,
Pour qu’enfin se dévoile le dessein derrière
Le ton désarmant d’une diction maîtrisée.
A qui m’adressais-je ? L’esthète dévêtu ?
Que les courbes inspirent, tant il s’ingénie,
Ou le brutal stratège à la ruse infinie,
Au-devant d’une joute oratoire impromptue ?
J’implore celui qui délivre tour à tour
Ses messages usant d’ineffables détours,
De perdre son attitude protocolaire
Et chasser la fadeur d’un discours convenu :
Qu’il rayonne, cet être à l’esprit téméraire,
Dans sa sobre splendeur, sans fard ni retenue.
W. F. SHEN
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CULTURE
CRITIQUE :
LE TRANSPERCENEIGE
Révolté par ces injustices, Curtis (Chris Evans) décide de mener ses compagnons jusqu’à l’avant du
train pour reprendre le contrôle de leurs existences.
Si la prémisse peut prêter à confusion (Comment les survivants sont-ils entrés dans le train ?
Comment son créateur avait-il pu prévoir un tel
écosystème indépendant ? Comment les rails
tiennent-ils sans entretien ?), ces questions se révèlent rapidement futiles : derrière le fantastique
et l’action, la thématique de fond du film est celle
de la contestation de l’ordre établi. La catastrophe
originale ne sert qu’à créer les conditions dans
lesquelles un microcosme de société est formé au
sein du Transperceneige et Bong Joon-Ho, loin de
traiter ce sujet de manière superficielle, parvient à
nous amener progressivement au cœur de la lutte
des classes grâce à cet échantillon d’humanité.
Après une sortie réussie en Corée du sud, Le
Transperceneige est arrivé en France le 31 octobre
2013. Adapté d’une bande dessinée française tombée dans l’oubli, ce film est la nouvelle création
de Bong Joon-Ho. Après avoir manié avec succès
des genres tels que le thriller (Mother, Memories of
a Murder) ou le film à monstre (The Host), le réalisateur coréen s’est attaqué au film catastrophe.
La séance commence par une brève explication
de la situation : en 2014, afin de combattre le réchauffement climatique, la décision a été prise de
disperser dans l’air un agent refroidissant, le CW7.
Les effets du produit sont dévastateurs et incontrôlables : une nouvelle ère glaciaire est née. Les
seuls survivants de ce cataclysme sont les passagers d’un train fantastique inventé par un industriel
excentrique. Dix-sept années à bord de cet engin
perpétuellement en mouvement suffisent alors à
reproduire une société de classe : à l’avant du train,
les passagers privilégiés vivant dans le luxe, confinés à l’arrière, les plus malchanceux vivant dans la
crasse et nourris de blocs protéinés peu ragoûtants.
Le Transperceneige marque, par son casting principalement anglophone, Chris Evans, Tilda Swinton et Ed
Harris notamment, même si le réalisateur a gardé
une place de choix pour deux de ses acteurs fétiches :
Song Kang-Ho (The Host, Memories of a Murder), incarnant à merveille Namgong Minsoo, ingénieur
déchu désormais junkie désabusé poursuivant ses
propres objectifs, et Ko Asung (The Host), jouant
le rôle de sa fille. Par contraste, Chris Evans semble
manquer de profondeur dans certaines scènes. Si le
film ne mise pas particulièrement sur la personnalité des protagonistes, ce manque empêche le film
de toucher les spectateurs à certains moments forts
du scénario. Quoi qu’il en soit, après Stoker de Park
Chan-Wook et The Last Stand de Kim Jee-Won, deux
films anglophones sortis en 2013, Le Transperceneige
confirme que le cinéma coréen a plus que jamais
l’ambition de se tailler une place à l’international.
(Pour la suite, rendez-vous sur le site de Langues zOne :
http://langueszone.wordpress.com)
Paul MIAZGA
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CULTURE
COMÉDIES D’URSS
Ирония
судьбы или с легким паром, Кавказская
пленница, Бриллиантовая рука, Иван Васильевич
меняет профессию, vous connaissez ? Non ? Curieux… Je sais, peut-être qu’en traduisant les titres
ça ira mieux ? Ainsi donc : L’ironie du sort, Ivan
Vassilievitch change de profession, Le bras de diamant,
La prisonnière du Caucase. Comment ? Ça ne vous
dit toujours rien ?! Ah, mes amis, quelle lacune…
Il est temps de corriger cela. Laissez-moi vous
emmener dans le monde magique et merveilleux
de la Russie des années 70. Là où tout le monde
chante, tombe amoureux, voyage dans le temps
et prend le mauvais avion au mauvais moment à
cause de quelques verres (… de vodka, oui) en trop.
Que savez-vous de la Russie soviétique ? C’étaient
tous des communistes qui aimaient donc le rouge
plus que de raison, possédaient tous une faucille et un marteau et aimaient bien défiler sur
la Place Rouge par cohortes entières. Mais savez vous qu’elle avait aussi un cinéma comique
de premier ordre, absolument culte en Russie
jusqu’à nos jours et totalement inconnu ailleurs ?
Laissez-moi donc vous faire découvrir quelques
petites pépites du cinéma soviétique comique.
Le premier, L’ironie du sort, conte une histoire entre
le rire et les larmes. Un homme ivre est mis par
erreur dans un avion pour Saint-Pétersbourg, où,
du fait de l’uniformisation, il retrouve les mêmes
rues, appartements et serrures standards qu’à Moscou. Mais pas la même femme. De coïncidences en
quiproquos, c’est toute la vie de cet homme qui va
changer en cette nuit du Nouvel An.
La prisonnière du Caucase a comme personnage principal Chourik, un jeune étudiant qui part dans les
montagnes du Caucase pour y étudier les rites et
le folklore locaux. Après avoir fait la connaissance
d’une jeune fille, il est entraîné dans de multiples
aventures qui le mèneront de l’asile psychiatrique à
une folle poursuite en voiture, à cheval et à tonneau.
Le bras de diamant partage avec le précédent le
même humour bon enfant et les mêmes aventures
rocambolesques. Un homme assez simple part en
croisière où il fait la connaissance d’un escroc dont il
prend la place par erreur. Il se retrouve avec un bras
cassé, dans le plâtre duquel ont été cachés des bijoux
de contrebande. Commence alors un jeu du chat et
de la souris entre les gangsters, le héros et la police.
Ivan Vassilievitch change de profession, enfin, est une
comédie toute en rebondissements qui reprend
le personnage de Chourik devenu, ici, l’inventeur d’une machine à voyager dans le temps.
Un gardien d’immeuble, en compagnie d’un escroc, passe à l’époque d’Ivan le Terrible tandis
que ce dernier atterrit au XXième siècle. Les uns
comme les autres sont bloqués à leurs époques
respectives après une avarie de la machine.
Ces films font partie des perles du cinéma soviétique comique, que le cinéma russe actuel peine à
égaler et ne surpasse certainement pas. Ce sont des
comédies légères, qui mettent en scène l’amour et
l’amitié, s’interrogent sur la morale, sur la justice…
Mais ils le font en souriant, et ils portent en eux
une verve et un humour si heureux, que quelques
notes d’une de leurs chansons suffisent à réchauffer
le cœur. Car oui, ces films sont truffés de chansons.
Cela peut étonner, d’autant plus que ce ne sont pas
à proprement parler des comédies musicales. Il n’y
a peut être pas d’autre explication à leur présence
que le goût russe pour les chansons. Elles sont
là pour, en quelques mots, transmettre la joie ou
le chagrin. Elles sont simples, mais sonnent juste
et rajoutent encore au charme de chaque film.
Alors, cher lecteur, cours vite découvrir ces films !
Regarde-les sans les juger trop sévèrement. Oui,
ils ont vieilli et leur humour peut paraître potache. Mais ils portent en eux la joie des plaisirs
simples, ils soulagent le spectateur de ses peines
et lui (re)donnent le sourire. Et qu’attendons-nous
d’autre d’une bonne et tranquille comédie ?
Pauline CEAUSESCU
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Évènements à l’INALCO !
Cycle Cinéma chinois :
* Lundi 16 décembre 18h30, amphi 6. Le gardien de
chevaux (1982) de Xie Jin.
* Lundi 27 janvier, 18h, auditorium. Red
White de Chen Xinzhong, sur l’après tremblement de
terre au Sichuan.
Cinéchaï :
* Mardi 28 janvier, 12h à 14h. What’s love’s got to do
with it.
* Journée de l’Afrique le mardi 3 décembre.
* Rencontre avec Han Fongfang le jeudi 9 janvier :
Mon combat pour les travailleurs chinois, proposé par
Jean-François Huchet et Chin’alco.
Crédits photo pour la première de couverture :
Rudolf Nureyev, © Richard Avedon (1961)
John Lennon sur la couverture de Rolling Stone,
© Annie Leibovitz (1981)
© Ruth Bernhard
Autres : Stock photos de 123FR.com
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