Cruz de Tejeda et son Parador [brochure]
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Cruz de Tejeda et son Parador [brochure]
Les Piliers Du Ciel “Ma patrie est une île, Ma patrie est un roc, Mon esprit est insulaire Comme les escarpements où j’ai vu l’aurore” (Nicolás Estévanez) C T RUZ DE EJEDA Et son Parador D ans l’Antiquité, une poignée de courageux aventuriers venus de la Méditerranée accostèrent le rivage des Canaries. Les forts courants entraînaient les audacieux vers les eaux des Caraïbes, et les faisaient sombrer pendant la traversée. Nous avons vent toutefois de Grecs, de Phéniciens et de Romains qui ont mis le pied sur les îles. L’un d’eux fut le général Quintus Sertorius, que la mer amena de Lusitanie vers le Ier siècle av. J-C. Un autre Romain, Plutarque, les baptisa « les îles fortunées ». Les nouvelles d’alors sont encore vagues, vaporeuses, empreintes d’exotisme. C’est avec l’expédition de Juba, roi de Maurétanie, que Pline l’Ancien recueille dans ses écrits, que les îles prennent des traits géographiques et culturels identifiables : palmiers, pins, hommes et femmes qui travaillent la terre, fruits, miel, neige et brouillard, temples, lézards et chiens, origine possible du nom de Canaries (du latin canis canis, « ainsi appelées à cause des chiens de grande taille dont deux furent envoyés à Juba »). Entretemps, pirates et autres marins de rapine prennent le pli de piller ces îles, dont ils réduisent aussi en esclavage les insouciants bergers, et une nouvelle légende de l’Atlantide surgit d’entre les brumes, des lèvres de Saint Brendan, un Irlandais qui jure s’être trouvé sur une île qui émerge et replonge à son gré, regorgeant de merveilles naturelles paradisiaques. Elle portera dès lors le nom de San Borondón : île-baleine ; on la situe généralement à l’ouest de La Palma, El Hierro et La Gomera. Des richesses réelles ou imaginaires attirent, aux siècles précédant la conquête de l’Amérique, Génois, Portugais et Castillans. Le pillage de l’archipel va s’accélérer. Les moutons des Canaries, volés et vendus, paissent à leur aise en Europe. La situation se gâte quand le royaume de Castille entreprend l’annexion de Lanzarote, au début du XVe. La suivront Fuerteventura, El Hierro et La Gomera, pour lesquelles la Castille rivalise avec le Portugal jusqu’au renoncement final de celui-ci par le traité d’Alcaçovas, en 1479. Un an plus tôt, sur l’ordre des Rois Catholiques, commençait la conquête de la Grande Canarie, où les troupes espagnoles se heurtent pour la première fois à la féroce résistance du peuple canarien. Une fois La Palma et la Grande Canarie prises, seul Ténériffe résiste et se retranche dans ce qui s’appellerait bientôt La Matanza (la tuerie) de Acentejo. Cailloux tranchants, lances, massues, telles sont les armes de pauvres que les Guanches (le peuple indigène) manient fort adroitement, au point de parvenir à repousser l’ennemi. Mais l’Espagne nouveau-née est trop puissante, et l’intérêt stratégique des îles pour la conquête de l’Amérique trop important. Ténériffe tombe. CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR 1 Eau, Sucre et Esclavage C hristophe Colomb mouille l’ancre en Grande Canarie, et reprend le large depuis La Gomera. L’eau et les vivres qui accompagnent le découvreur vers les nouvelles terres seront les premières de la longue série de marchandises qui sillonneront depuis lors l’Atlantique dans les deux sens. Le peuple indigène continuera de se consacrer à son bétail et à ses champs, mais ne tardera guère à accuser les effets de la colonisation sur sa langue et sur son système économique. Hommes et femmes d’Espagne métropolitaine prennent à présent racine sur les îles. De même que les habitants préhistoriques, beaucoup des nouveaux venus s’installent sur les sommets, mais c’est à présent la Couronne qui gère le territoire. À Tejeda, les Rois Catholiques font distribuer les eaux de Manantial (source) de La Mina, qui passe sous la juridiction du Cabildo (conseil municipal) et alimente Las Palmas. À côté des gens venus de Galice et d’Estrémadure, chargés de développer l’agriculture, il y aura des colons portugais qui sauront mieux y faire. d’Aragon incorpore à ses territoires les Amériques vierges, avait commencé à prendre de l'importance quelques décennies plus tôt, plus précisément à partir de 1452, lorsque Diego García de Herrera et son épouse héritèrent de la seigneurie des Canaries. Sous leur direction, les chevauchées dans la Berbérie occidentale furent permanentes. Semblables aux rafles des pirates, ces pillages équestres rapportaient gros : or, ivoire, plumes d’autruche et main d’œuvre esclave. Quelques-uns de ces esclaves africains noirs, qui se mélangeraient plus tard à la population des îles, venaient du Soudan. Ils n’avaient évidemment pas été capturés par les assaillants des Canaries qui se bornaient à prendre par surprise de petits villages côtiers sans défense : ils étaient la rançon payée par ces petites gens en échange des otages pris par les catholiques lors de leurs chevauchées. Cette activité corsaire précoce servit de modèle à la piraterie anglaise qui fit tant de ravages dans les années suivantes, sur les côtes d’Europe, d’Afrique et, aussi, des Canaries. Un bel exemple en fut la tentative frustrée de Francis Drake, au XVIe déjà, qui avec vingt-sept bâtiments prétendit débarquer sur la plage de Santa Catalina. L’assaut fut bref mais féroce. Les hommes de Pamochamoso parvinrent à refouler les pirates, grâce en bonne mesure à l’efficacité défensive des châteaux de Santa Ana de la Luz qui, après la bataille, se retrouvèrent presque en ruines. Drake en prit bonne note et revint à l’assaut, avec cette fois 73 vaisseaux desquels débarquèrent 9 000 hommes. Bien que les envahisseurs eussent été finalement chassés à La Gomera, la Grande Canarie fut dévastée par le feu qui réduisit en cendres champs, récoltes, greniers, chapelles et villages. La Route Des Indes Mais la convoitise de la piraterie anglaise et hollandaise ne visait évidemment pas les céréales et le bétail des îles, mais bien les grandes richesses, rutilantes et faciles à transporter, qui provenaient d’Amérique. Dès que Colomb eut entrepris sa première incursion, les Canaries étaient devenues le lieu d’approvisionnement des marchandises les plus diverses, ainsi que l’escale, le mouillage et le dépôt des chargements apportés d’outre-mer. Les effets de la conquête furent donc, sur les îles, beaucoup plus notoires qu’en Espagne continentale, et affectèrent non seulement leur économie et leur organisation sociale, mais la constitution même de leur identité en tant que peuple et de leur conscience de soi dans le nouvel horizon géographique. M Dans les îles du domaine royal, de même que les Génois ont patronné la conquête de l’Amérique, les Portugais accaparent les divers métiers et revenus liés à l’industrie sucrière. On attribue à Pedro de Vera, conquéreur de la Grande Canarie, l'introduction de la canne à sucre. Sa culture et son exploitation seront le début d’une longue liste d'espèces allogènes qui changeront la physionomie de l'île et le mode de subsistance de ses habitants. Cultivée à des altitudes inférieures à 500 m dans tout l’archipel, y compris la rude Gomera, la canne a donné lieu à un prospère marché d’exportation. On trouve déjà des références au sucre des Canaries en 1508 à Anvers. Vers le milieu du XVIe Thomas Nichols, courtier anglais, fait état, rien qu’en Grande Canarie, de 12 sucreries où travaillent des esclaves noirs. En même temps, une bonne partie des îliens aborigènes conquis s’embarquent pour l’Espagne, pour travailler au service des seigneurs de la région du levant, et surtout à Séville, capitale commercial du trafic des esclaves. La présence d’esclaves noirs aux Canaries et en Espagne métropolitaine, d’autant plus demandée lorsque la couronne de Castille et Dans les champs, les modes et les types de cultures changèrent. La production de toutes les marchandises se multiplia à l’échelle que demandait le commerce d’outre-mer. Les matériaux centenaires utilisés pour les instruments agricoles, la poterie, les vêtements et pour tout l’appareillage culturel de la civilisation guanche furent relégués et graduellement remplacés par ces autres marchandises, diverses et commercialement plus profitables, provenant aussi bien de l’ancien que du nouveau monde. Bien sûr, des produits autochtones des Canaries prirent également le large afin de transformer et de cultiver les nouvelles Espagnes d’Amérique. C’est le cas de la banane, qui provient, selon le chroniqueur Gonzalo Fernández de Oviedo, de l’ordre séraphique du quartier de Triana de Las Palmas de la Grande Canarie. Prirent également la route des Indes « un certain nombre d’habitants de la Grande Canarie avec leurs femmes », emmenés par Lope de Sosa parmi sa troupe en 1519. Les besoins des colonies transatlantiques sont cependant si péremptoires et si démesurés que les rois eux-mêmes foulent aux pieds la législation du Conseil des Indes, qui limitait le trafic aux seuls produits de la terre, en autorisant l’expédition de n’importe quel article. Miel, chaussures, vinaigre, conserves, peaux, puis safran, mouchoirs, chemises en toile de Rouen, fusils, coupes à fruits... CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR 2 Les Canaries Transatlantiques L e temps passant, la situation se retourne ; l’Amérique cesse d’importer et commence à exporter des produits qui, pendant des siècles, avaient été le monopole des Canaries, comme l’eau-de-vie. Par ailleurs, la population des îles a connu une énorme croissance. Viennent la peste, les pirates turcs, la sécheresse et, plus tard, la furie des volcans. L’archipel est décimé. Pour une grande partie de la population des Canaries, il n’y a pas d’autre issue que d’émigrer. L’Amérique a encore besoin de repeuplement. Franchir la mare comme seule fuite possible devant la misère : une perspective présente dorénavant à l’esprit des Canariens comme une fatalité qui les guette, ce que le poème de Pedro Lezcano Montalvo traduit profondément : Laissez Faire La Contrebande L e trafic et le commerce des îles commence à être régulé en 1564, lorsque la Maison des Contrats instaure des juges de registre qui se chargent aussi bien des enclaves douanières que de l’optimisation des chargements, ainsi que de l’exportation des excédents produits dans l’archipel. Cette mesure, indispensable pour maintenir l’archipel sous contrôle rigoureux de la métropole, est impulsée en grande partie par les marchés andalous, dont la capitale était Séville, ville qui détenait le monopole commercial des Indes. Mais comme il n’est guère possible de fermer la campagne avec des portes ni la mer avec des barrières, ce que cette régulation ôtait d'autonomie commerciale aux ports des Canaries passait sous la mainmise des contrebandiers. Les eaux de l’archipel grouillent d’activité depuis le jour où la Maison des Contrats, en 1532, autorise la circulation de petits navires, pouvant charger moins de 80 tonnes. Ce sont là des temps de grande prospérité pour toutes les îles. Les chantiers navals, où les charpentiers sont très nombreux, travaillent sans arrêt à réparer et fabriquer des embarcations. Des gens des conditions les plus diverses, étrangères au métier des marchands, investissent dans la fabrication de bateaux. La légèreté de ceux-ci facilite l’entrée illégale de précieuses marchandises : or, argent, bois à teinter et à tailler (comme le bois de Pernambouc), moyennant lesquelles on achète parfois des esclaves au Cap Vert, à Sao Tomé ou aux fleuves de Guinée. “Ma valise est déjà prête, une grande valise en bois ; celle que mon grand-père emporta à La Havane et mon père au Venezuela. Toute préparée : quatre photos, une écuelle blanche, une bassine, un livre de Galdós et une chemise presque neuve. Je l’ai déjà fermée et entourée d’une ficelle en sisal.” L’émigration vers, surtout, Saint-Domingue et Cuba, lente au XVIe siècle, monte en flèche à la deuxième moitié du XVIIe. Le Venezuela devient alors la terre d’accueil préférée par les émigrants des Canaries, qui s’adonnent à la culture du cacao. D’autres contingents humains, consacrés à la culture du tabac et du maïs fourrager, fondent vers la fin du siècle Matanzas, à Cuba. La reprise économique des îles, notamment de la Grande Canarie, est due à la pomme de terre, au maïs et à la tomate, nouvelles cultures américaines qui commencèrent en ce temps-là à dominer dans les champs et les vergers et à construire ce qui est devenu depuis l’idiosyncrasie gastronomique des Canaries que nous connaissons. Les habitants de Lanzarote font preuve du même esprit aigu et entreprenant : l’idée leur vient de travailler les terres volcaniques, plus jeunes. Des familles entières, harcelées par la crise de la canne à sucre et des autres cultures côtières, montent à Tejeda. La population s’accroît à tel point que les autorités municipales se voient forcées de céder des terres propres pour qu'elles soient défrichées et ensemencées. La concession, à perpétuité, de 357 fanègues de terre distribuées par lots s’avérera très vite insuffisante. La population crie famine. Comme si cela ne suffisait pas, le mauvais temps gâte plusieurs récoltes à la suite. Tout ceci déclenche le soulèvement de 1777, lorsque, sur l’instance du Corrégidor, le bailli de Tejeda est arrêté, accusé de désobéissance, pour n’avoir pas suivi l'ordre de reprendre les terres du domaine royal usurpées par les vilains pour les cultiver. Le peuple entier, éperonné par le sacristain, soutient son bailli, prend les armes et défile vers la côte en exigeant sa remise en liberté. Craignant pour sa vie, le Corrégidor promet de cesser les poursuites contre les intrus. Ce qui fut fait. Le vin, le gofio (farine grillée) et le tabac circulent en CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR 3 abondance parmi les rebelles pour le célébrer. À partir de l’obtention des Ports francs, en 1852, le Puerto de la Luz, en Grande Canarie, connaît un véritable renouveau ce qui attire vers la capitale des hommes d’affaires venant faire fortune. Les bénéfices qu’apporte à la ville la moderne infrastructure portuaire se répercutent sur le reste de l’archipel. À la fin du XIXe la navigation à vapeur, en plein essor, impose aux navires marchands des escales pour se ravitailler. Le Puerto de la Luz, au point de rencontre des routes commerciales, sait tirer parti de sa situation. Les britanniques, bons connaisseurs des îles depuis des siècles, profitent aussi des nouvelles infrastructures portuaires des Canaries, en prenant dès lors les îles comme base de relais pour leurs incursions en Afrique. Leur présence dans les îles atteint la densité d’une colonie. Ils construisent des clubs, des bibliothèques, des hôpitaux, et diffusent leur culture. Ils sont les protagonistes de « Smoking room », œuvre emblématique du modernisme canarien écrite par Alonso Quesada. Ces Anglaises en porcelaine, ces Anglais gangrénés par le soleil, Tejeda Et Les Rochers Sacrés E Au centre de l'île, là où se trouve le Parador, le taraudage de l’érosion volcanique est très accusé. Gouffres et ravins ravagent les versants et imposent le lacis des chemins, la sinuosité des routes et le semis tourbillonnant de hameaux. Depuis ces hauteurs on aperçoit le Teide si proche, le plus haut sommet d’Espagne, les mers de nuages modelées par les alizés, le monolithe naturel Roque Nublo duquel tout celui qui vient en touriste finit par s’approcher. Enfin, le ciel, miroir et camarade des îliens, auquel ils adressèrent dès les premiers temps les messages chiffrés de leurs pétroglyphes. Le Parador Cruz de Tejeda a été bâti en 1937, comme auberge, et inauguré par un des hommes de confiance du « généralissime », Luis Carrero Blanco. L’architecture extérieure du bâtiment n’a pas sensiblement changé depuis lors. Comme tout celui qui monte jusqu’ici ne manquera pas de le remarquer, il tire son nom de l’énorme croix de pierre ici plantée de très longue date, qui marque le centre de l’île. Avant de choisir un cap pour son excursion, le voyageur devrait découvrir ce que lui propose le joli village de Tejeda, et quelques-unes des singularités de ses environs. Le Parador se trouve à 35 km de la Grande Canarie et à 9 km de Tejeda. Jonchaies, eaux latentes, grottes, petites lagunes, sources, escarpements et touffes de laiches entourent le lieu, et inspirent les noms des localités voisines. En allant vers Tejeda on comprend l’importance du milieu naturel dans la culture et la survie du peuple canarien. Bergers, paysans, muletiers, vanniers et charbonniers mirent à profit les ressources naturelles, sans trop de dégâts, jusqu’au milieu du XXe siècle. Néanmoins, les pinèdes que nous voyons proviennent des différents reboisements faits après la conquête. L’industrie navale d’alors avait autant besoin du bois que de la poix pour calfater les navires, et tout cela venait pour la plus grande partie de la pinède autochtone. Il reste de tout cela, près du barrage de Los Hornos, au sud de la commune, les dénommés Llanos de la Pez (plaines de la poix), actuellement redevenus une pinède et qui sont une des destinations touristiques les mieux équipées de l’île, très fréquentée le week-end par les habitants qui vont y camper et faire leurs barbecues. inconditionnels du thé et de ces bals « si sévères qu'on aurait dit des bals de bureau », furent par ailleurs ce qui attira le tourisme international grâce, en bonne mesure, à la publication de livres pittoresques et de guides sur l’archipel. Les champs accuseront aussi l’empreinte britannique : ce furent les Anglais qui stimulèrent la culture du bananier au point d’en faire la monoculture du XXe siècle. Tejeda, qui avait perdu sa sortie vers la mer au début du XIXe et s’était vue privée d’une partie substantielle de son territoire, ne tire cependant aucun bénéfice du port franc et du développement de la côte. Bien au contraire, ce sont des temps difficiles pour cette localité qui subsiste grâce à une pauvre agriculture et à la vente, à Las Palmas, de fruits, de fromages et de cuirs. Après la deuxième guerre mondiale, le progrès qu’apporte à l’ensemble de l’île la construction de barrages et de routes se fait sentir aussi à Tejeda. L’amandier, dont chaque floraison attire des Canariens par milliers à Tejeda, est aussi un apport de l’homme et non une flore d’origine de ce terroir, qui a cependant fort bien accueilli ces arbres parmi les siens. Comme disait le poète : “Mi patria es de un almendro la dulce, fresca, inolvidable sombra.” (« Ma patrie est d’un amandier l’ombre douce, fraîche, inoubliable. ») Les amandes comestibles et les amandes amères utilisées en cosmétique nourrirent toute la commune grâce aux postes de travail crées par leur industrie, au début du XXe siècle. Au ras du maquis, alors que nous approchons du village, la broussaille envoie à tout-venant ses messages de parfums ancestraux. Ce sont des buissons arrondis, de petite taille, de couleur vert émeraude et jaune. Arrivés à Tejeda, nous pouvons approfondir sur l’importance des traditions médicinales et des plantes au centre d’interprétation. La, l´étranger va d’un jardin à l’autre, découvre les effets bienfaisants de chaque espèce et se saoule d’arômes. L’ensemble, fruit de la ténacité d’un anthropologue et des autorités municipales, cherche à nous CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR 4 dressèrent les murs, des menuisiers qui sculptèrent les portes... À l’intérieur, de superbes icônes comme celle de la Vierge titulaire, taillée par un natif de Santa Cruz de la Palma sur le modèle de l’image primitive victime d’un incendie, et celle bien plus ancienne du Christ du Sang, du XVIIe, qui survécut aux flammes et fut retrouvé parmi les décombres de l’une des nefs. Mais voici venu le moment de monter au Roque Nublo. Comme on l’aura précisé au bureau de tourisme, plusieurs accès sont possibles. L'ascension à pied est supportable car un chemin pavé de pierres conduit jusqu'aux Cuevas del Rey (grottes du roi) elles-mêmes. conscientiser, tout en nous délectant, sur le pouvoir guérissant de la flore autochtone. Le visiteur aura même l'occasion de goûter à l'une ou l'autre infusion. À la fin de la visite, les propriétés balsamiques de la verveine, que les amoureux partent cueillir le matin de la Saint-Jean, du millepertuis, de la « fleur aux croix », capables de fermer les blessures ou de mitiger les douleurs, n’auront plus de secrets pour vous. Le musée se trouve au numéro 10 de la rue Párroco Rodríguez Vega. Aussi surprenant que cela puisse paraître, compte tenu que la commune ne recense pas plus de 2 500 habitants, Tejeda possède encore deux autres musées vraiment suggestifs, l'un sur les traditions, l'autre sur un mémorable artiste du terroir. Il vaut mieux visiter d’abord le musée des sculptures d’Abraham Cárdenas, rue Leocadio Cabrera sans numéro, car en plus des œuvres de l’artiste, né dans le village en 1907, la mairie y tient un bureau de tourisme dont les informations aideront le voyageur à mieux planifier ses excursions. Une fois orientés, on n’aura pas de mal à trouver les deux bâtiments indispensables : l’église et le Musée des Traditions. La visite de ce dernier, situé dans une maison traditionnelle récemment reconstruite par un atelier de taille de pierre, est la meilleure manière de connaître de près l’histoire de Tejeda. La tradition se joint à la technologie pour recréer l’histoire de ces terres et de leurs gens. À côté d’une ancienne « tienda de aceite » (magasins traditionnels où on ne vendait que de l’huile et du vinaigre) et d’autres salles consacrées aux métiers ruraux, nous trouverons des salles interactives et une salle audiovisuelle installée dans l’ancienne remise au foin. Quant à la paroisse de Notre-Dame-du-Bon-Secours, il y aurait beaucoup à en dire car ses références remontent à 1536. Cependant, le temple actuel date de 1930 (les flammes et d'autres inclémences ont rasé les versions précédentes au cours du temps). L’église qui se montre au voyageur a le mérite d’avoir été érigée par les habitants, de leurs propres mains. Des muletiers qui apportèrent les pierres, des maçons qui Quant au « Roque », cela intéressera l’étranger d’apprendre qu’il s’agit d’un rocher basaltique surgi au pléistocène. Il y a là haut d’autres formes monolithiques d’aspect singulier, possédant toutes leur nom et leur légende. Mais c’est auprès du Roque Bentayga qu'est concentrée la plus grande richesse archéologique, dans les dénommées Grottes du Roi : un village aborigène doté de grottes d’habitation, de greniers, de peintures rupestres et de sépultures. Cette singulière formation rocheuse renferme à sa base la plus grande énigme : l’Almogarén, un carré creusé à-même le roc, pourvu de canaux, et que quelques archéologues ont longtemps considéré, et considèrent encore, comme un lieu de sacrifices. D’autres par contre estiment prouvé que le seul rite pratiqué en ce lieu était celui de vivre. Ces dernières hypothèses, fort plausibles, attribuent les énigmatiques excavations dans la pierre à des travaux de rénovation et d’agrandissement des structures d’habitation, ayant abouti à une juxtaposition diachronique de deux sols avec des canaux d’écoulement. D’aucuns croient cependant que ce lieu avait pour finalité de prédire et d’observer les équinoxes et autres phénomènes solaires et lunaires liés au calendrier des aborigènes. Au nord-ouest du Roque Nublo El Fraile, le Prêtre, autre grand fantôme de pierre, fait sa sempiternelle prière. La nature environnante nous offre son patrimoine d’autres sites à visiter, des lieux où la pierre fait place à la flore, comme les pinèdes d’Inagua et d’Ojeda ou, un peu plus loin, celle de Los Pechos. Sur La Côte A u Sud: Une excellente alternative pour ceux qui savent profiter de la plage et un peu plus, est de mettre cap au sud par la route GC60 jusqu’à la plage de Maspalomas, réputée la meilleure de l’île. Cette plage se trouve en bordure de la réserve naturelle des Dunes de Maspalomas, un paysage de sables, d’eau et de palmiers franchement saisissant. La réserve est divisée en différentes zones, certaines à usage restreint où l’on protège la surface de qualité biologique plus fragile, et qui compose un paysage de dunes fixes et mobiles, d’autres à usage général qui supportent l’afflux du public. Cette zone est dûment équipée à cet effet, de parkings et autres infrastructures. La réserve propose en outre aux visiteurs des itinéraires guidés, partant du centre d’interprétation, permettant de parcourir les dunes et de s’en faire expliquer l’évolution. Une de ces promenades va jusqu’au parc Tony Gallardo (réalisé d’après le projet du sculpteur de ce nom). Informations complémentaires au standard téléphonique du Cabildo (conseil municipal) : (+34) 928-219-421. Pour réserver des visites guidées gratuites : (+34) 928-765-242. Au Nord: Las Palmas de Gran Canaria La capitale de l’île, avec la belle plage de Las Canteras au sable doré et aux eaux turquoise naturellement endiguées par un récif, mérite une visite de plusieurs jours pour son architecture, ses musées et son CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR 5 Las Palmas de Gran Canaria Gáldar Arucas ambiance urbaine. Parmi ses principaux attraits on ne manquera pas d’aller voir : - le Castillo de la Luz (château de la lumière): principale défense de la ville aux siècles de la piraterie, aujourd’hui rangé dans un jardin orné d'une roseraie et dominant la naissance de deux artères vitales de la capitale : l’Avenida Marítima et la rue León y Castillo. - Vieille ville: Enserré jusqu’au siècle dernier dans les murailles qui le protégeaient, le quartier Vigueta-Triana conserve des places anciennes, des bâtiments emblématiques, des ruelles et des palmeraies qui expliquent mieux que personne le devenir historique de la ville. Le plus pratique est de partir de la Plaza de Santa Ana où se trouvent les maisons consistoriales, la cathédrale avec sa cour aux orangers et le Palais de l’Évêque, sans oublier le Palais du Régent. - Museo Colón (musée Colomb): C’est le plus riche musée de la ville, que ce soit pour le continent, un immeuble armorié aux nombreux patios et aux plafonds à caissons, ou pour le contenu. Il ne fait pas qu’exposer des collections qui documentent le passage du découvreur dans cette ville et des tableaux, des objets et des documents ayant trait à la découverte, mais il encourage en plus la recherche sur l’histoire de cette île et les rapports de celle-ci avec le continent américain. Le musée organise la visite autour de domaines thématiques qui démarrent dans l’Amérique précolombienne, parcourent l’époque de Colomb et s’achèvent dans l’île de Grande Canarie, dont l’évolution urbaine est expliquée à l’aide de maquettes. Par la GC-814 jusqu’à Teror, puis par la GC-21. Teror Jinámar Parque Natural de Tamadaba Tejeda Valdesequillo de Gran Canaria Telde S. Nicolás de Tolentino Pasadilla S. Bartolomé de Tirajana Parmi toutes les grandeurs et trouvailles gastronomiques des Canaries, ce sont les Papas Arrugás et la variété illimitée de Mojos qui mettent bas notre chapeau. Ce qui est indispensable pour préparer les Papa Arrugás, ce sont les pommes de terre du lieu et, de préférence, pas celles de la variété King Edward, mais plutôt une des nombreuses variétés anciennes Gando Ingenio Parque Natural de Pilancones Savoureux Sommet Îlien que les maraîchers cultivent pour eux depuis la découverte, par exemple un des types de pomme de terre noire. Ingrédients: 1kg. de pommes de terre. Gros Sel. La préparation est simple : on trie les pommes de terre en les choisissant de même taille pour qu’elles cuisent uniformément, on les lave et on les cuit, non épluchées, à l’eau abondamment salée, pendant 25 minutes. Que ça ! Tout de même, il est bon de vérifier qu’elles soient à point en les piquant à la fourchette. Pour préparer le mojo verde (sauce ou mouillette verte) qui va avec, il nous faut: Ingrédients: 4 gousses d’ail, Deux poivrons verts, Pas moins de trois cuillérées à soupe de vinaigre, Autant d’huile que de vinaigre (certains préfèrent l’huile de tournesol), Poivre vert (piment de Cayenne moulu) (une ou deux pincées), Autant de cumin en poudre, Une botte de coriandre (persil chinois), Gros sel. T out est savoir culinaire aux Canaries, fondé sur un amour séculaire des matières premières, sur un plaidoyer pour les saveurs et sur la joie simple aussi bien de cuisiner que de manger. Tejeda apporte au tour de main canarien sa singularité géographique d'être au sommet, et le savoir de ses gens qui surent pour ainsi dire prendre la terre par les cornes aux temps de famine. Qui vient jusqu’à Tejeda se doit de goûter à sa viande de porc, à ses pot-au-feu aux pois-chiches, à son fromage artisanal, à tous les fruits qui soient (de la banane à la poire, sans oublier la cerise), au vin jeune de sa campagne et, aussi bien que l’on ait mangé, pour finir, au massepain et au bienmesabe, (« j’trouve-ça-bon », dessert fait de biscuits, d’œufs et d’amandes) fier étalage pâtissier de ce que les gens d’ici savent faire avec leurs amandes... Pour plus de détails, nous informons le convive : que le pot-au-feu aux pois-chiches et chorizo comporte également de la citrouille, des tomates, des patates douces, des pommes de terre, du poivre noir, des poivrons, des haricots verts, des courgettes et du safran. Que les lettres de noblesse du lait de chèvre de ses fromages a élevé l’île entière au rang de Capitale mondiale du Fromage 2009. Et que le vin, rouge ou blanc, toujours jovial et fruité, qui est le résultat de près de cinq siècles de production, a droit aux éloges de Shakespeare en personne dans plusieurs de ses pièces... LA RECETTE SECRÈTE PAPAS ARRUGÁS Y MOJÁS (pommes de terre fripées et mouillées, ou au mojo) Préparation: L’essentiel est que le coriandre soit frais, c’est ce qui donne son caractère à ce mojo. Nous le hachons puis l’ajoutons aux autres ingrédients (poivrons, cumin, poivre et sel) dans le mortier. Nous broyons le tout (certains l’aiment plus broyé que d’autres) puis nous ajoutons l’huile et le vinaigre ; c’est prêt. Au frigo dans un pot de verre fermé, le mojo peut se garder des semaines. Ce revigorant des pommes de terre est aussi un parfait allié des poissons. Parador de Cruz de Tejeda 33550 Cruz de Tejeda. Gran Canaria Tel.: 928 01 25 00 - Fax: 928 01 25 01 e-mail: [email protected] Centrale de Reservations Requena, 3. 28013 Madrid (España) Tel.: 902 54 79 79 - Fax: 902 52 54 32 www.parador.es / e-mail: [email protected] Textos: Juan G. D´Atri y Miguel García Sánchez Dibujos: Fernando Aznar CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR 6