Cruz de Tejeda et son Parador [brochure]

Transcription

Cruz de Tejeda et son Parador [brochure]
Les Piliers Du Ciel
“Ma patrie est une île,
Ma patrie est un roc,
Mon esprit est insulaire
Comme les escarpements où j’ai vu l’aurore”
(Nicolás Estévanez)
C T
RUZ
DE EJEDA
Et son Parador
D
ans l’Antiquité, une poignée de courageux aventuriers venus de
la Méditerranée accostèrent le rivage des Canaries. Les forts
courants entraînaient les audacieux vers les eaux des Caraïbes, et les
faisaient sombrer pendant la traversée. Nous avons vent toutefois de
Grecs, de Phéniciens et de Romains qui ont mis le pied sur les îles. L’un
d’eux fut le général Quintus Sertorius, que la mer amena de Lusitanie
vers le Ier siècle av. J-C. Un autre Romain, Plutarque, les baptisa « les îles
fortunées ». Les nouvelles d’alors sont encore vagues, vaporeuses,
empreintes d’exotisme. C’est avec l’expédition de Juba, roi de Maurétanie,
que Pline l’Ancien recueille dans ses écrits, que les îles prennent des traits
géographiques et culturels identifiables : palmiers, pins, hommes et
femmes qui travaillent la terre, fruits, miel, neige et brouillard, temples,
lézards et chiens, origine possible du nom de Canaries (du latin canis
canis, « ainsi appelées à cause des chiens de grande taille dont deux furent
envoyés à Juba »).
Entretemps, pirates et autres marins de rapine prennent le pli de piller
ces îles, dont ils réduisent aussi en esclavage les insouciants bergers, et
une nouvelle légende de l’Atlantide surgit d’entre les brumes, des lèvres de
Saint Brendan, un Irlandais qui jure s’être trouvé sur une île qui émerge
et replonge à son gré, regorgeant de merveilles naturelles paradisiaques.
Elle portera dès lors le nom de San Borondón : île-baleine ; on la situe
généralement à l’ouest de La Palma, El Hierro et La Gomera.
Des richesses réelles ou imaginaires attirent, aux siècles précédant la
conquête de l’Amérique, Génois, Portugais et Castillans. Le pillage de
l’archipel va s’accélérer. Les moutons des Canaries, volés et vendus,
paissent à leur aise en Europe. La situation se gâte quand le royaume de
Castille entreprend l’annexion de Lanzarote, au début du XVe. La
suivront Fuerteventura, El Hierro et La Gomera, pour lesquelles la
Castille rivalise avec le Portugal jusqu’au renoncement final de celui-ci
par le traité d’Alcaçovas, en 1479.
Un an plus tôt, sur l’ordre des Rois Catholiques, commençait la
conquête de la Grande Canarie, où les troupes espagnoles se heurtent pour
la première fois à la féroce résistance du peuple canarien. Une fois La
Palma et la Grande Canarie prises, seul Ténériffe résiste et se retranche
dans ce qui s’appellerait bientôt La Matanza (la tuerie) de Acentejo.
Cailloux tranchants, lances, massues, telles sont les armes de pauvres que
les Guanches (le peuple indigène) manient fort adroitement, au point de
parvenir à repousser l’ennemi. Mais l’Espagne nouveau-née est trop
puissante, et l’intérêt stratégique des îles pour la conquête de l’Amérique
trop important. Ténériffe tombe.
CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR
1
Eau,
Sucre et Esclavage
C
hristophe Colomb mouille l’ancre en Grande Canarie, et reprend
le large depuis La Gomera. L’eau et les vivres qui accompagnent
le découvreur vers les nouvelles terres seront les premières de la longue
série de marchandises qui sillonneront depuis lors l’Atlantique dans les
deux sens. Le peuple indigène continuera de se consacrer à son bétail et à
ses champs, mais ne tardera guère à accuser les effets de la colonisation
sur sa langue et sur son système économique. Hommes et femmes
d’Espagne métropolitaine prennent à présent racine sur les îles. De même
que les habitants préhistoriques, beaucoup des nouveaux venus s’installent
sur les sommets, mais c’est à présent la Couronne qui gère le territoire. À
Tejeda, les Rois Catholiques font distribuer les eaux de Manantial (source)
de La Mina, qui passe sous la juridiction du Cabildo (conseil municipal) et
alimente Las Palmas.
À côté des gens venus de Galice et d’Estrémadure, chargés de développer
l’agriculture, il y aura des colons portugais qui sauront mieux y faire.
d’Aragon incorpore à ses territoires les Amériques vierges, avait commencé
à prendre de l'importance quelques décennies plus tôt, plus précisément à
partir de 1452, lorsque Diego García de Herrera et son épouse héritèrent
de la seigneurie des Canaries. Sous leur direction, les chevauchées dans la
Berbérie occidentale furent permanentes. Semblables aux rafles des
pirates, ces pillages équestres rapportaient gros : or, ivoire, plumes
d’autruche et main d’œuvre esclave. Quelques-uns de ces esclaves africains
noirs, qui se mélangeraient plus tard à la population des îles, venaient du
Soudan. Ils n’avaient évidemment pas été capturés par les assaillants des
Canaries qui se bornaient à prendre par surprise de petits villages côtiers
sans défense : ils étaient la rançon payée par ces petites gens en échange
des otages pris par les catholiques lors de leurs chevauchées. Cette activité
corsaire précoce servit de modèle à la piraterie anglaise qui fit tant de
ravages dans les années suivantes, sur les côtes d’Europe, d’Afrique et,
aussi, des Canaries.
Un bel exemple en fut la tentative frustrée de Francis Drake, au XVIe
déjà, qui avec vingt-sept bâtiments prétendit débarquer sur la plage de
Santa Catalina. L’assaut fut bref mais féroce. Les hommes de
Pamochamoso parvinrent à refouler les pirates, grâce en bonne mesure à
l’efficacité défensive des châteaux de Santa Ana de la Luz qui, après la
bataille, se retrouvèrent presque en ruines. Drake en prit bonne note et
revint à l’assaut, avec cette fois 73 vaisseaux desquels débarquèrent 9 000
hommes. Bien que les envahisseurs eussent été finalement chassés à La
Gomera, la Grande Canarie fut dévastée par le feu qui réduisit en cendres
champs, récoltes, greniers, chapelles et villages.
La Route Des Indes
Mais la convoitise de la piraterie anglaise et hollandaise ne visait
évidemment pas les céréales et le bétail des îles, mais bien les
grandes richesses, rutilantes et faciles à transporter, qui provenaient
d’Amérique. Dès que Colomb eut entrepris sa première incursion, les Canaries
étaient devenues le lieu d’approvisionnement des marchandises les plus
diverses, ainsi que l’escale, le mouillage et le dépôt des chargements apportés
d’outre-mer. Les effets de la conquête furent donc, sur les îles, beaucoup plus
notoires qu’en Espagne continentale, et affectèrent non seulement leur
économie et leur organisation sociale, mais la constitution même de leur
identité en tant que peuple et de leur conscience de soi dans le nouvel horizon
géographique.
M
Dans les îles du domaine royal, de même que les Génois ont patronné la
conquête de l’Amérique, les Portugais accaparent les divers métiers et
revenus liés à l’industrie sucrière.
On attribue à Pedro de Vera, conquéreur de la Grande Canarie,
l'introduction de la canne à sucre. Sa culture et son exploitation seront le
début d’une longue liste d'espèces allogènes qui changeront la
physionomie de l'île et le mode de subsistance de ses habitants.
Cultivée à des altitudes inférieures à 500 m dans tout l’archipel, y
compris la rude Gomera, la canne a donné lieu à un prospère marché
d’exportation. On trouve déjà des références au sucre des Canaries en
1508 à Anvers. Vers le milieu du XVIe Thomas Nichols, courtier anglais,
fait état, rien qu’en Grande Canarie, de 12 sucreries où travaillent des
esclaves noirs.
En même temps, une bonne partie des îliens aborigènes conquis
s’embarquent pour l’Espagne, pour travailler au service des seigneurs de
la région du levant, et surtout à Séville, capitale commercial du trafic des
esclaves. La présence d’esclaves noirs aux Canaries et en Espagne
métropolitaine, d’autant plus demandée lorsque la couronne de Castille et
Dans les champs, les modes et les types de cultures changèrent. La
production de toutes les marchandises se multiplia à l’échelle que demandait le
commerce d’outre-mer. Les matériaux centenaires utilisés pour les instruments
agricoles, la poterie, les vêtements et pour tout l’appareillage culturel de la
civilisation guanche furent relégués et graduellement remplacés par ces autres
marchandises, diverses et commercialement plus profitables, provenant aussi
bien de l’ancien que du nouveau monde. Bien sûr, des produits autochtones
des Canaries prirent également le large afin de transformer et de cultiver les
nouvelles Espagnes d’Amérique. C’est le cas de la banane, qui provient, selon
le chroniqueur Gonzalo Fernández de Oviedo, de l’ordre séraphique du
quartier de Triana de Las Palmas de la Grande Canarie. Prirent également la
route des Indes « un certain nombre d’habitants de la Grande Canarie avec
leurs femmes », emmenés par Lope de Sosa parmi sa troupe en 1519.
Les besoins des colonies transatlantiques sont cependant si péremptoires et si
démesurés que les rois eux-mêmes foulent aux pieds la législation du Conseil
des Indes, qui limitait le trafic aux seuls produits de la terre, en autorisant
l’expédition de n’importe quel article. Miel, chaussures, vinaigre, conserves,
peaux, puis safran, mouchoirs, chemises en toile de Rouen, fusils, coupes à
fruits...
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Les Canaries Transatlantiques
L
e temps passant, la situation se retourne ; l’Amérique cesse
d’importer et commence à exporter des produits qui, pendant
des siècles, avaient été le monopole des Canaries, comme l’eau-de-vie. Par
ailleurs, la population des îles a connu une énorme croissance. Viennent la
peste, les pirates turcs, la sécheresse et, plus tard, la furie des volcans.
L’archipel est décimé. Pour une grande partie de la population des
Canaries, il n’y a pas d’autre issue que d’émigrer. L’Amérique a encore
besoin de repeuplement.
Franchir la mare comme seule fuite possible devant la misère : une
perspective présente dorénavant à l’esprit des Canariens comme une
fatalité qui les guette, ce que le poème de Pedro Lezcano Montalvo traduit
profondément :
Laissez Faire
La Contrebande
L
e trafic et le commerce des îles commence à être régulé en 1564,
lorsque la Maison des Contrats instaure des juges de registre qui
se chargent aussi bien des enclaves douanières que de l’optimisation des
chargements, ainsi que de l’exportation des excédents produits dans
l’archipel. Cette mesure, indispensable pour maintenir l’archipel sous
contrôle rigoureux de la métropole, est impulsée en grande partie par les
marchés andalous, dont la capitale était Séville, ville qui détenait le
monopole commercial des Indes. Mais comme il n’est guère possible de
fermer la campagne avec des portes ni la mer avec des barrières, ce que
cette régulation ôtait d'autonomie commerciale aux ports des Canaries
passait sous la mainmise des contrebandiers. Les eaux de l’archipel
grouillent d’activité depuis le jour où la Maison des Contrats, en 1532,
autorise la circulation de petits navires, pouvant charger moins de 80
tonnes.
Ce sont là des temps de grande prospérité pour toutes les îles. Les
chantiers navals, où les charpentiers sont très nombreux, travaillent sans
arrêt à réparer et fabriquer des embarcations. Des gens des conditions les
plus diverses, étrangères au métier des marchands, investissent dans la
fabrication de bateaux. La légèreté de ceux-ci facilite l’entrée illégale de
précieuses marchandises : or, argent, bois à teinter et à tailler (comme le
bois de Pernambouc), moyennant lesquelles on achète parfois des esclaves
au Cap Vert, à Sao Tomé ou aux fleuves de Guinée.
“Ma valise est déjà prête,
une grande valise en bois ;
celle que mon grand-père emporta à La Havane
et mon père au Venezuela.
Toute préparée : quatre photos,
une écuelle blanche, une bassine,
un livre de Galdós et une chemise
presque neuve.
Je l’ai déjà fermée et entourée
d’une ficelle en sisal.”
L’émigration vers, surtout, Saint-Domingue et Cuba, lente au XVIe
siècle, monte en flèche à la deuxième moitié du XVIIe. Le Venezuela
devient alors la terre d’accueil préférée par les émigrants des Canaries, qui
s’adonnent à la culture du cacao. D’autres contingents humains, consacrés
à la culture du tabac et du maïs fourrager, fondent vers la fin du siècle
Matanzas, à Cuba. La reprise économique des îles, notamment de la
Grande Canarie, est due à la pomme de terre, au maïs et à la tomate,
nouvelles cultures américaines qui commencèrent en ce temps-là à
dominer dans les champs et les vergers et à construire ce qui est devenu
depuis l’idiosyncrasie gastronomique des Canaries que nous connaissons.
Les habitants de Lanzarote font preuve du même esprit aigu et
entreprenant : l’idée leur vient de travailler les terres volcaniques, plus
jeunes.
Des familles entières, harcelées par la crise de la canne à sucre et des
autres cultures côtières, montent à Tejeda. La population s’accroît à tel
point que les autorités municipales se voient forcées de céder des terres
propres pour qu'elles soient défrichées et ensemencées. La concession, à
perpétuité, de 357 fanègues de terre distribuées par lots s’avérera très vite
insuffisante. La population crie famine. Comme si cela ne suffisait pas, le
mauvais temps gâte plusieurs récoltes à la suite. Tout ceci déclenche le
soulèvement de 1777, lorsque, sur l’instance du Corrégidor, le bailli de
Tejeda est arrêté, accusé de désobéissance, pour
n’avoir pas suivi l'ordre de reprendre les
terres du domaine royal usurpées par les
vilains pour les cultiver. Le peuple
entier, éperonné par le sacristain,
soutient son bailli, prend les armes
et défile vers la côte en exigeant sa
remise en liberté. Craignant pour sa
vie, le Corrégidor promet de cesser les poursuites contre
les intrus. Ce qui fut fait. Le vin, le gofio
(farine grillée) et le tabac circulent en
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abondance parmi les rebelles pour le célébrer.
À partir de l’obtention des Ports francs, en 1852, le Puerto de la Luz,
en Grande Canarie, connaît un véritable renouveau ce qui attire vers la
capitale des hommes d’affaires venant faire fortune. Les bénéfices
qu’apporte à la ville la moderne infrastructure portuaire se répercutent sur
le reste de l’archipel. À la fin du XIXe la navigation à vapeur, en plein
essor, impose aux navires marchands des escales pour se ravitailler. Le
Puerto de la Luz, au point de rencontre des routes commerciales, sait tirer
parti de sa situation. Les britanniques, bons connaisseurs des îles depuis
des siècles, profitent aussi des nouvelles infrastructures portuaires des
Canaries, en prenant dès lors les îles comme base de relais pour leurs
incursions en Afrique. Leur présence dans les îles atteint la densité d’une
colonie. Ils construisent des clubs, des bibliothèques, des hôpitaux, et
diffusent leur culture. Ils sont les protagonistes de « Smoking room »,
œuvre emblématique du modernisme canarien écrite par Alonso Quesada.
Ces Anglaises en porcelaine, ces Anglais gangrénés par le soleil,
Tejeda Et Les
Rochers Sacrés
E
Au centre de l'île, là où se trouve le Parador, le taraudage de
l’érosion volcanique est très accusé. Gouffres et ravins ravagent
les versants et imposent le lacis des chemins, la sinuosité des routes et le
semis tourbillonnant de hameaux. Depuis ces hauteurs on aperçoit le
Teide si proche, le plus haut sommet d’Espagne, les mers de nuages
modelées par les alizés, le monolithe naturel Roque Nublo duquel tout
celui qui vient en touriste finit par s’approcher. Enfin, le ciel, miroir et
camarade des îliens, auquel ils adressèrent dès les premiers temps les
messages chiffrés de leurs pétroglyphes.
Le Parador Cruz de Tejeda a été bâti en 1937, comme auberge, et
inauguré par un des hommes de confiance du « généralissime », Luis
Carrero Blanco. L’architecture extérieure du bâtiment n’a pas
sensiblement changé depuis lors. Comme tout celui qui monte jusqu’ici ne
manquera pas de le remarquer, il tire son nom de l’énorme croix de pierre
ici plantée de très longue date, qui marque le centre de l’île.
Avant de choisir un cap pour son excursion, le voyageur devrait
découvrir ce que lui propose le joli village de Tejeda, et quelques-unes des
singularités de ses environs. Le Parador se trouve à 35 km de la Grande
Canarie et à 9 km de Tejeda. Jonchaies, eaux latentes, grottes, petites
lagunes, sources, escarpements et touffes de laiches entourent le lieu, et
inspirent les noms des localités voisines. En allant vers Tejeda on
comprend l’importance du milieu naturel dans la culture et la survie du
peuple canarien. Bergers, paysans, muletiers, vanniers et charbonniers
mirent à profit les ressources naturelles, sans trop de dégâts, jusqu’au
milieu du XXe siècle.
Néanmoins, les pinèdes que nous voyons proviennent des différents
reboisements faits après la conquête. L’industrie navale d’alors avait
autant besoin du bois que de la poix pour calfater les navires, et tout cela
venait pour la plus grande partie de la pinède autochtone. Il reste de tout
cela, près du barrage de Los Hornos, au sud de la commune, les
dénommés Llanos de la Pez (plaines de la poix), actuellement redevenus
une pinède et qui sont une des destinations touristiques les mieux
équipées de l’île, très fréquentée le week-end par les habitants qui vont y
camper et faire leurs barbecues.
inconditionnels du thé et de ces bals « si sévères qu'on aurait dit des bals
de bureau », furent par ailleurs ce qui attira le tourisme international
grâce, en bonne mesure, à la publication de livres pittoresques et de guides
sur l’archipel. Les champs accuseront aussi l’empreinte britannique : ce
furent les Anglais qui stimulèrent la culture du bananier au point d’en
faire la monoculture du XXe siècle.
Tejeda, qui avait perdu sa sortie vers la mer au début du XIXe et s’était
vue privée d’une partie substantielle de son territoire, ne tire cependant
aucun bénéfice du port franc et du développement de la côte. Bien au
contraire, ce sont des temps difficiles pour cette localité qui subsiste grâce
à une pauvre agriculture et à la vente, à Las Palmas, de fruits, de
fromages et de cuirs.
Après la deuxième guerre mondiale, le progrès qu’apporte à l’ensemble
de l’île la construction de barrages et de routes se fait sentir aussi à Tejeda.
L’amandier, dont chaque floraison attire des Canariens par milliers à
Tejeda, est aussi un apport de l’homme et non une flore d’origine de ce
terroir, qui a cependant fort bien accueilli ces arbres parmi les siens.
Comme disait le poète : “Mi patria es de un almendro la dulce, fresca,
inolvidable sombra.” (« Ma patrie est d’un amandier l’ombre douce,
fraîche, inoubliable. ») Les amandes comestibles et les amandes amères
utilisées en cosmétique nourrirent toute la commune grâce aux postes de
travail crées par leur industrie, au début du XXe siècle.
Au ras du maquis, alors que nous approchons du village, la broussaille
envoie à tout-venant ses messages de parfums ancestraux. Ce sont des
buissons arrondis, de petite taille, de couleur vert émeraude et jaune.
Arrivés à Tejeda, nous pouvons approfondir sur l’importance des
traditions médicinales et des plantes au centre d’interprétation.
La, l´étranger va d’un jardin à l’autre, découvre les effets bienfaisants
de chaque espèce et se saoule d’arômes. L’ensemble, fruit de la ténacité
d’un anthropologue et des autorités municipales, cherche à nous
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dressèrent les murs, des menuisiers qui sculptèrent les portes...
À l’intérieur, de superbes icônes comme celle de la Vierge titulaire, taillée
par un natif de Santa Cruz de la Palma sur le modèle de l’image primitive
victime d’un incendie, et celle bien plus ancienne du Christ du Sang, du
XVIIe, qui survécut aux flammes et fut retrouvé parmi les décombres de
l’une des nefs.
Mais voici venu le moment de monter au Roque Nublo. Comme on l’aura
précisé au bureau de tourisme, plusieurs accès sont possibles. L'ascension
à pied est supportable car un chemin pavé de pierres conduit jusqu'aux
Cuevas del Rey (grottes du roi) elles-mêmes.
conscientiser, tout en nous délectant, sur le pouvoir guérissant de la flore
autochtone.
Le visiteur aura même l'occasion de goûter à l'une ou l'autre infusion. À
la fin de la visite, les propriétés balsamiques de la verveine, que les
amoureux partent cueillir le matin de la Saint-Jean, du millepertuis, de la
« fleur aux croix », capables de fermer les blessures ou de mitiger les
douleurs, n’auront plus de secrets pour vous. Le musée se trouve au
numéro 10 de la rue Párroco Rodríguez Vega.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, compte tenu que la commune
ne recense pas plus de 2 500 habitants, Tejeda possède encore deux autres
musées vraiment suggestifs, l'un sur les traditions, l'autre sur un
mémorable artiste du terroir. Il vaut mieux visiter d’abord le musée des
sculptures d’Abraham Cárdenas, rue Leocadio Cabrera sans numéro, car
en plus des œuvres de l’artiste, né dans le village en 1907, la mairie y tient
un bureau de tourisme dont les informations aideront le voyageur à mieux
planifier ses excursions.
Une fois orientés, on n’aura pas de mal à trouver les deux bâtiments
indispensables : l’église et le Musée des Traditions. La visite de ce dernier,
situé dans une maison traditionnelle récemment reconstruite par un atelier
de taille de pierre, est la meilleure manière de connaître de près l’histoire
de Tejeda. La tradition se joint à la technologie pour recréer l’histoire de
ces terres et de leurs gens. À côté d’une ancienne « tienda de aceite »
(magasins traditionnels où on ne vendait que de l’huile et du vinaigre) et
d’autres salles consacrées aux métiers ruraux, nous trouverons des salles
interactives et une salle audiovisuelle installée dans l’ancienne remise au
foin.
Quant à la paroisse de Notre-Dame-du-Bon-Secours, il y aurait
beaucoup à en dire car ses références remontent à 1536. Cependant, le
temple actuel date de 1930 (les flammes et d'autres inclémences ont rasé
les versions précédentes au cours du temps). L’église qui se montre au
voyageur a le mérite d’avoir été érigée par les habitants, de leurs propres
mains. Des muletiers qui apportèrent les pierres, des maçons qui
Quant au « Roque », cela intéressera l’étranger d’apprendre qu’il s’agit
d’un rocher basaltique surgi au pléistocène. Il y a là haut d’autres formes
monolithiques d’aspect singulier, possédant toutes leur nom et leur
légende. Mais c’est auprès du Roque Bentayga qu'est concentrée la plus
grande richesse archéologique, dans les dénommées Grottes du Roi : un
village aborigène doté de grottes d’habitation, de greniers, de peintures
rupestres et de sépultures. Cette singulière formation rocheuse renferme à
sa base la plus grande énigme : l’Almogarén, un carré creusé à-même le
roc, pourvu de canaux, et que quelques archéologues ont longtemps
considéré, et considèrent encore, comme un lieu de sacrifices. D’autres par
contre estiment prouvé que le seul rite pratiqué en ce lieu était celui de
vivre. Ces dernières hypothèses, fort plausibles, attribuent les énigmatiques
excavations dans la pierre à des travaux de rénovation et d’agrandissement
des structures d’habitation, ayant abouti à une juxtaposition diachronique
de deux sols avec des canaux d’écoulement.
D’aucuns croient cependant que ce lieu avait pour finalité de prédire et
d’observer les équinoxes et autres phénomènes solaires et lunaires liés au
calendrier des aborigènes.
Au nord-ouest du Roque Nublo El Fraile, le Prêtre, autre grand fantôme
de pierre, fait sa sempiternelle prière. La nature environnante nous offre
son patrimoine d’autres sites à visiter, des lieux où la pierre fait place à la
flore, comme les pinèdes d’Inagua et d’Ojeda ou, un peu plus loin, celle de
Los Pechos.
Sur La Côte
A
u Sud: Une excellente alternative pour ceux qui savent profiter
de la plage et un peu plus, est de mettre cap au sud par la route
GC60 jusqu’à la plage de Maspalomas, réputée la meilleure de l’île. Cette
plage se trouve en bordure de la réserve naturelle des Dunes de
Maspalomas, un paysage de sables, d’eau et de palmiers franchement
saisissant. La réserve est divisée en différentes zones, certaines à usage
restreint où l’on protège la surface de qualité biologique plus fragile, et
qui compose un paysage de dunes fixes et mobiles, d’autres à usage
général qui supportent l’afflux du public. Cette zone est dûment équipée
à cet effet, de parkings et autres infrastructures. La réserve propose en
outre aux visiteurs des itinéraires guidés, partant du centre
d’interprétation, permettant de parcourir les dunes et de s’en faire
expliquer l’évolution. Une de ces promenades va jusqu’au parc Tony
Gallardo (réalisé d’après le projet du sculpteur de ce nom). Informations
complémentaires au standard téléphonique du Cabildo (conseil
municipal) : (+34) 928-219-421. Pour réserver des visites guidées
gratuites : (+34) 928-765-242.
Au Nord: Las Palmas de Gran Canaria
La capitale de l’île, avec la belle plage de Las Canteras au sable doré et
aux eaux turquoise naturellement endiguées par un récif, mérite une
visite de plusieurs jours pour son architecture, ses musées et son
CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR
5
Las Palmas
de Gran Canaria
Gáldar
Arucas
ambiance urbaine. Parmi ses
principaux attraits on ne
manquera pas d’aller voir :
- le Castillo de la Luz
(château de la lumière):
principale défense de la
ville aux siècles de la
piraterie, aujourd’hui rangé
dans un jardin orné d'une
roseraie et dominant la
naissance de deux artères vitales
de la capitale : l’Avenida Marítima et
la rue León y Castillo.
- Vieille ville: Enserré jusqu’au siècle dernier dans les murailles qui le
protégeaient, le quartier Vigueta-Triana conserve des places anciennes, des
bâtiments emblématiques, des ruelles et des palmeraies qui expliquent
mieux que personne le devenir historique de la ville. Le plus pratique est
de partir de la Plaza de Santa Ana où se trouvent les maisons
consistoriales, la cathédrale avec sa cour aux orangers et le Palais de
l’Évêque, sans oublier le Palais du Régent.
- Museo Colón (musée Colomb): C’est le plus riche musée de la ville,
que ce soit pour le continent, un immeuble armorié aux nombreux patios et
aux plafonds à caissons, ou pour le contenu. Il ne fait pas qu’exposer des
collections qui documentent le passage du découvreur dans cette ville et des
tableaux, des objets et des documents ayant trait à la découverte, mais il
encourage en plus la recherche sur l’histoire de cette île et les rapports de
celle-ci avec le continent américain.
Le musée organise la visite autour de domaines thématiques qui
démarrent dans l’Amérique précolombienne, parcourent l’époque de
Colomb et s’achèvent dans l’île de Grande Canarie, dont l’évolution
urbaine est expliquée à l’aide de maquettes.
Par la GC-814 jusqu’à Teror, puis par la GC-21.
Teror
Jinámar
Parque Natural
de Tamadaba
Tejeda
Valdesequillo
de Gran Canaria
Telde
S. Nicolás
de Tolentino
Pasadilla
S. Bartolomé
de Tirajana
Parmi toutes les grandeurs et trouvailles gastronomiques des Canaries,
ce sont les Papas Arrugás et la variété illimitée de Mojos qui mettent bas
notre chapeau. Ce qui est indispensable pour préparer les Papa Arrugás,
ce sont les pommes de terre du lieu et, de préférence, pas celles de la
variété King Edward, mais plutôt une des nombreuses variétés anciennes
Gando
Ingenio
Parque Natural
de Pilancones
Savoureux Sommet Îlien
que les maraîchers cultivent pour eux depuis la découverte, par exemple
un des types de pomme de terre noire.
Ingrédients: 1kg. de pommes de terre. Gros Sel.
La préparation est simple : on trie les pommes de terre en les
choisissant de même taille pour qu’elles cuisent uniformément, on les lave
et on les cuit, non épluchées, à l’eau abondamment salée, pendant 25
minutes. Que ça ! Tout de même, il est bon de vérifier qu’elles soient à
point en les piquant à la fourchette.
Pour préparer le mojo verde (sauce ou mouillette verte) qui va avec, il
nous faut: Ingrédients: 4 gousses d’ail, Deux poivrons verts, Pas moins de
trois cuillérées à soupe de vinaigre, Autant d’huile que de vinaigre
(certains préfèrent l’huile de tournesol), Poivre vert (piment de Cayenne
moulu) (une ou deux pincées), Autant de cumin en poudre, Une botte de
coriandre (persil chinois), Gros sel.
T
out est savoir culinaire aux Canaries, fondé sur un amour
séculaire des matières premières, sur un plaidoyer pour les
saveurs et sur la joie simple aussi bien de cuisiner que de manger. Tejeda
apporte au tour de main canarien sa singularité géographique d'être au
sommet, et le savoir de ses gens qui surent pour ainsi dire prendre la terre
par les cornes aux temps de famine.
Qui vient jusqu’à Tejeda se doit de goûter à sa viande de porc, à ses
pot-au-feu aux pois-chiches, à son fromage artisanal, à tous les fruits qui
soient (de la banane à la poire, sans oublier la cerise), au vin jeune de sa
campagne et, aussi bien que l’on ait mangé, pour finir, au massepain et
au bienmesabe, (« j’trouve-ça-bon », dessert fait de biscuits, d’œufs et
d’amandes) fier étalage pâtissier de ce que les gens d’ici savent faire avec
leurs amandes...
Pour plus de détails, nous informons le convive : que le pot-au-feu aux
pois-chiches et chorizo comporte également de la citrouille, des tomates,
des patates douces, des pommes de terre, du poivre noir, des poivrons, des
haricots verts, des courgettes et du safran. Que les lettres de noblesse du
lait de chèvre de ses fromages a élevé l’île entière au rang de Capitale
mondiale du Fromage 2009. Et que le vin, rouge ou blanc, toujours jovial
et fruité, qui est le résultat de près de cinq siècles de production, a droit
aux éloges de Shakespeare en personne dans plusieurs de ses pièces...
LA RECETTE SECRÈTE
PAPAS ARRUGÁS Y MOJÁS (pommes de terre fripées et
mouillées, ou au mojo)
Préparation:
L’essentiel est que le coriandre soit frais, c’est ce qui donne son
caractère à ce mojo. Nous le hachons puis l’ajoutons aux autres ingrédients
(poivrons, cumin, poivre et sel) dans le mortier. Nous broyons le tout
(certains l’aiment plus broyé que d’autres) puis nous ajoutons l’huile et le
vinaigre ; c’est prêt. Au frigo dans un pot de verre fermé, le mojo peut se
garder des semaines. Ce revigorant des pommes de terre est aussi un
parfait allié des poissons.
Parador de Cruz de Tejeda
33550 Cruz de Tejeda. Gran Canaria
Tel.: 928 01 25 00 - Fax: 928 01 25 01
e-mail: [email protected]
Centrale de Reservations
Requena, 3. 28013 Madrid (España)
Tel.: 902 54 79 79 - Fax: 902 52 54 32
www.parador.es / e-mail: [email protected]
Textos: Juan G. D´Atri y Miguel García Sánchez Dibujos: Fernando Aznar
CRUZ DE TEJEDA ET SON PARADOR
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