Pierre-Yves Bournazel Bertrand delanoë
Transcription
Pierre-Yves Bournazel Bertrand delanoë
Renseignements généraux politburo Bertrand Delanoë raconté PAR Pierre-Yves Bournazel Ils sont tous deux élus du xviiième et s’invectivent régulièrement lors de séances du Conseil de Paris. Un portrait de Bertrand Delanoë, maire de la capitale, par Pierre-Yves Bournazel, conseiller municipal UMP. je devine d’avance la colère de Bertrand Delanoë lorsqu'il découvra ces lignes, la même qu’il y a quelques mois lors de l’un de nos échanges au Conseil de Paris. Prenant soin de me rappeler qu’il avait réalisé un score supérieur au mien dans le xviiième arrondissement, je précisais qu’il y était effectivement mieux élu, mais depuis plus longtemps surtout. Et pour cause : je n’étais pas encore né lorsque Bertrand Delanoë a été élu pour la première fois au Conseil de Paris ! Ma remarque, qu’il avait perçue comme impertinente, avait déclenché son courroux. Elle visait en réalité à lui rappeler qu’émergeait une jeune génération capable de préparer l’avenir. La politique est un lieu formidable pour éprouver les hommes et leur caractère. On dit Bertrand Delanoë autoritaire et colérique. Il y a sans doute une part de vrai dans ces qualificatifs. J’ai très vite pu le mesurer lorsque, dénonçant sa politique de gestion des fonctionnaires, il m’a lancé un virulent « On se retrouvera ! ». Autoritaire? Il est incontestable que les élus de l’opposition ont été peu consultés ces dix dernières années. Sa personnalité a pu irriter, jusque dans les rangs de sa propre majorité. Comment cependant ne pas rendre hommage à l’orateur d’excep- 4 Charles tion ? Bertrand Delanoë est sans conteste l’un des tribuns les plus brillants de la scène politique. Repéré par Mitterrand pour ses prouesses rhétoriques, ce dernier est très vite devenu son mentor. Je crois d’ailleurs pouvoir dire que nous partageons cette même fascination pour l’ancien président. Son parcours politique, son aura, sa pensée auront marqué toute une génération et même au-delà : aujourd’hui encore, bien malin celui qui prétend saisir l’homme dans toute sa complexité. Originaire de l’Aveyron, Bertrand Delanoë n’avait probablement pas envisagé devenir un jour maire de Paris. Sa carrière politique avait d’ailleurs mal commencé : l’échec de son parachutage à Avignon l’avait conduit à quitter la vie politique… momentanément. Tiraillé entre entreprise et politique, Bertrand Delanoë n’a jamais véritablement tranché. Celui qui se décrit comme un maire « manager » a su tirer de cette expérience une force. François Mitterrand lui aurait alors dit : « Vous avez eu raison de partir, cela vous va bien. » En 2001, il est élu maire de Paris à la surprise générale : l’animal politique aura su triompher d’adversaires de poids au Parti socialiste et profiter des divisions d’une droite dépassée. Belle revanche pour ceux qui, au sein même de son propre parti, ne l’avaient pas vu venir ! En bon communicant, Bertrand Delanoë a acquis la culture du coup médiatique, succombant souvent, trop souvent même, à la tentation de substituer la communication à l’action. Difficile de ne pas voir dans sa fameuse phrase « Oui je suis libéral et socialiste » (propos bien vite enterrés) autre chose qu’une volonté de provoquer à quelques mois du Congrès de Reims. De même, Paris Métropole, tentative avortée de reprendre à son compte le projet du Grand Paris initié par l’État, apparaît davantage une coquille vide qu’un véritable outil de décision politique. Que restera-t-il de l’« ère » Delanoë en 2014, au terme de son dernier mandat ? Il serait malhonnête d’affirmer que Bertrand Delanoë a été un mauvais maire. Intuitif, il a su percevoir les attentes des Parisiens et a tenté d’y apporter des réponses. Vélib’, Autolib’, la Nuit blanche, Paris Plages sont des succès indéniables à mettre au crédit du maire de Paris. Être élu d’opposition ne doit pas être synonyme de fermeture et je salue bien volontiers ces initiatives. Il lui aura néanmoins manqué ce qui différencie l’homme poli- tique de l’homme d’État : la vision d’avenir, la capacité à anticiper et le courage de contredire ses amis. Il lui aura manqué l’audace qui l’aurait conduit à initier le projet du Grand Paris, à faire de la capitale un pôle mondial et attractif, à bâtir une métropole durable exemplaire. Bertrand Delanoë est d’abord l’homme du consensus, quitte à ne pas décider pour mieux satisfaire tout le monde. L’impopularité lui est insupportable. Au lendemain de la publication d’une tribune que j’avais rédigée, il m’avait interpellé: « Vous êtes sectaire… mais moins que vos amis », et s’était empressé d’ajouter « Pourquoi ne m’aimez-vous pas ? ». Il aurait pourtant dû suivre le propos plein de sagesse de François Mitterrand, qui affirmait que « gouverner n’est pas plaire ». C’est peut-être aussi ce manque de vision à long terme qui explique son échec à devenir Premier secrétaire du Parti socialiste puis candidat à l’élection présidentielle. Sans doute a-t-il espéré secrètement être le prochain hôte de l’Élysée en prenant la mairie de Paris en 2001. Bertrand Delanoë ne sera pas parvenu à marcher dans les pas de Jacques Chirac. Il lui manquait sûrement un passage par la Corrèze… numéro 3 — 5