L`Année psychologique La communication engageante
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L’Année psychologique http://www.necplus.eu/APY Additional services for L’Année psychologique: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here La communication engageante : aspects théoriques, résultats et perspectives Fabien Girandola et Robert-Vincent Joule L’Année psychologique / Volume 112 / Issue 01 / April 2012, pp 115 - 143 DOI: 10.4074/S0003503312001054, Published online: 05 April 2012 Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0003503312001054 How to cite this article: Fabien Girandola et Robert-Vincent Joule (2012). La communication engageante : aspects théoriques, résultats et perspectives. L’Année psychologique, 112, pp 115-143 doi:10.4074/S0003503312001054 Request Permissions : Click here Downloaded from http://www.necplus.eu/APY, IP address: 78.47.27.170 on 18 Feb 2017 La communication engageante : aspects théoriques, résultats et perspectives Fabien Girandola* et Robert-Vincent Joule Aix-Marseille Université, Laboratoire de Psychologie Sociale, Aix-en-Provence RÉSUMÉ L’objectif de cet article est de montrer que le rapprochement entre les travaux sur l’engagement comportemental, d’une part, et les travaux sur la persuasion, d’autre part, est susceptible de déboucher sur un nouveau champ d’étude, sinon sur un nouveau paradigme : la communication engageante. Le principe de la communication engageante consiste à faire précéder la diffusion d’un message persuasif de la réalisation d’un acte préparatoire. Les attendus pratiques et théoriques de la communication engageante sont explicités (section 1). Les recherches expérimentales, ainsi que les recherches-actions, relevant de la communication engageante sont passées en revue (section 2). Les principales perspectives de recherche ouvertes par la communication engageante sont développées (section 3). Binding communication: Theoretical aspects, results and perspectives ABSTRACT This article aims to show that the association between the studies on behavioral commitment and the studies on persuasion is likely to result in a new field of research, if not a new paradigm: binding communication. In binding communication, the diffusion of a persuasive message is preceded by the performing of a preparatory act. The practical and theoretical grounds of binding communication are explained (section 1). The experimental researches as well as research-actions based on binding communication are reviewed (section 2). The main research orientations offered by binding communication are developed (section 3). ∗ Correspondance : Fabien Girandola, Aix-Marseille Université, Laboratoire de Psychologie Sociale, 29 avenue R. Schuman, 13621 Aix-en-Provence Cedex 1. E-mail : [email protected] ; ou Robert-Vincent Joule, Aix-Marseille Université, laboratoire de Psychologie Sociale, 29, avenue R. Schumann, 13621 Aix-en-Provence cedex1. E-mail : [email protected] L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 116 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule Récemment des auteurs (Girandola, 2005 ; Joule, 2000 ; Joule, Girandola, & Bernard, 2007 ; Joule, Bernard, & Halimi-Falkowicz, 2008) ont proposé un rapprochement entre deux types de travaux traditionnellement disjoints dans la littérature en psychologie sociale : celui concernant l’engagement par les actes (cf. Kiesler, 1971 ; Joule & Beauvois, 1998) et celui concernant la persuasion (par ex., Girandola, 2003 ; Chabrol & Radu, 2008). L’objectif de cet article est de montrer qu’un tel rapprochement est susceptible de déboucher sur un nouveau champ d’étude, sinon sur un nouveau paradigme : la communication engageante. Ce champ d’étude nous semble présenter un double intérêt : un intérêt pratique puisque, comme nous le verrons, le recours à la communication engageante peut déboucher sur une optimisation de certaines actions d’utilité sociétale visant le changement in situ des comportements ; un intérêt théorique ensuite, dans la mesure où la prise en compte des variables, dictées par le rapprochement entre engagement comportemental et persuasion, est susceptible d’offrir un nouvel angle à l’étude des processus en jeu dans le changement des attitudes et des comportements. Nous nous efforcerons d’abord, dans cet article, d’expliciter les attendus pratiques et théoriques de la communication engageante (section 1). Nous passerons, ensuite, en revue les recherches expérimentales réalisées ainsi que les recherches-actions conduites dans des champs finalisés (section 2). Nous terminerons en évoquant les principales perspectives de recherche ouvertes par la communication engageante (section 3). 1. LA COMMUNICATION ENGAGEANTE : ATTENDUS PRATIQUES ET THÉORIQUES D’un point de vue pratique, ce nouveau champ nécessite d’abord de s’interroger sur l’impact de la communication persuasive et celui de l’engagement sur les attitudes mais surtout sur les comportements. Les résultats obtenus en matière de changements, notamment comportementaux, sont rarement satisfaisants lorsque les chercheurs tablent uniquement sur l’information et sur la persuasion (McGuire, 1989 ; Perloff, 2003 ; Petty, Briñol, & Priester, 2008). Par exemple, Dorn et South (1985), sur la base d’un peu plus de 400 articles et rapports, n’ont pu conclure à l’efficacité des campagnes anti-alcool. Il en va de même des campagnes anti-tabac (MacAlister, 1981). Albarracín, Durantini et Earl (2006) ont montré, dans le domaine de la prévention du Sida, à l’aide d’une méta-analyse portant sur 350 campagnes de préventions réalisées dans un intervalle de huit années, que ces campagnes sont plus efficaces pour changer les L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 117 connaissances en matière de sida que pour modifier les comportements pour s’en protéger. Cela ne signifie pas qu’informer ou qu’argumenter ne sert à rien. L’information et l’argumentation servent au fil du temps, à modifier les savoirs, les attitudes et à provoquer des prises de conscience (Brown & Albarracin, 2005). L’information et l’argumentation sont donc nécessaires mais pas suffisantes (cf. Webb & Sheeran, 2006). Dès lors, une question se pose aux chercheurs et acteurs du changement social : comment parvenir à modifier les comportements et pas seulement les connaissances et les attitudes ? En matière de changement comportemental, les effets de l’engagement sur le court et le long terme (par ex. Dufourcq-Brana, Pascual, & Guéguen, 2006 ; Girandola & Roussiau, 2003 ; Guéguen, Meineri, Martin, & Grandjean, 2010) se traduisent par une stabilisation du comportement et par l’inscription de l’individu dans un cours d’actions pouvant s’avérer coûteux (c’est-à-dire escalade dans l’engagement, Girandola, 1999). Les effets de l’engagement au niveau attitudinel se traduisent par une stabilisation des attitudes initiales, voire dans certains cas par une radicalisation de celles-ci, lorsqu’il s’agit d’actes non problématiques, c’est-à-dire conformes aux attitudes et/ou aux motivations des individus. Kiesler, Mathog, Pool et Howenstine (1971) ont réalisé une recherche illustrant les effets de l’engagement dans un acte non problématique : la signature d’une pétition en faveur d’une cause à laquelle on croit. Le simple fait d’avoir signé une pétition (acte préparatoire engageant) modifie à la fois les opinions et les comportements ultérieurs. Ainsi, les femmes ayant signé la pétition sont plus favorables à une information sur la contraception et plus enclines à s’investir dans des activités militantes que celles n’ayant pas été sollicitées pour la signer. Cette recherche montre aussi qu’une contre-propagande persuasive, opérationnalisée sous forme de tract anti-contraception, a pour effet de donner aux femmes engagées davantage envie de s’adonner à des activités militantes (effet boomerang). Elle a l’effet inverse pour les femmes qui ne sont pas engagées : lorsqu’elles n’ont pas été sollicitées pour signer la pétition, elles se laissent influencer par la contre-propagande au point d’être moins disposées à faire du prosélytisme. Sur la base des développements précédents, il convient donc d’interroger les conditions d’optimalité des actions de communication, d’informations ou de sensibilisations basées sur l’argumentation persuasive, actions mises en œuvre dans le traitement de quelques grandes questions de société (Joule, Girandola, & Bernard, 2007). L’intérêt de la communication engageante n’est pas seulement, de notre point de vue, favoriser le changement d’attitude et d’intention comportementale. Il est aussi, et surtout, de favoriser le changement des comportements effectifs, répondant ainsi aux attentes de certains chercheurs (par ex. Agnew, L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 118 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule Carlston, Graziano, & Kelly, 2010 ; Baumeister, Vohs, & Funder, 2010 ; Morsella, Bargh, & Gollwitzer, 2009). On peut, en effet, déplorer avec eux un déficit de recherches en psychologie sociale dans lesquelles le comportement social a un statut de variable dépendante. Dans la mesure où le recours à la communication engageante est susceptible de déboucher sur les effets comportementaux recherchés (Joule, Girandola, & Bernard, 2007), cette dernière peut, par conséquent, être appréhendée comme une méthodologie de l’intervention susceptible d’être mise au service du traitement de certaines demandes sociales concernées par le changement comportemental, évidemment pour le meilleur ou pour le pire1 . D’un point de vue théorique, on connaît, depuis Lewin (1947), tout l’intérêt qu’il y a à obtenir des actes a priori anodins de la part de celles et de ceux dont on souhaite obtenir de nouveaux comportements. Dans les travaux sur l’engagement comportemental (pour synthèse : Joule & Beauvois, 1998), les changements de comportements attendus passent par l’obtention de tels actes préalables. Il peut s’agir d’actes préparatoires (par ex. remplir un questionnaire, cf. la procédure du pied-dans-la-porte : Burger, 1999 ; Freedman & Fraser, 1966 ; Guéguen, 2002 ; Joule & Beauvois, 2002) et/ou d’actes d’engagement (par ex., signer une charte, signer un formulaire d’engagement, cf. Roussiau & Girandola, 2002 ; Girandola & Roussiau, 2003 ; Katzev & Wang, 1994). Dans les travaux relevant de la persuasion, le changement d’attitude fait suite à la réception d’un message persuasif. Les premières recherches dans ce champ (par ex. Hovland, Janis, & Kelley, 1953) montrent, notamment, que l’efficacité du message dépend de certaines variables telles que : 1. les caractéristiques de la source (la crédibilité, sympathie, similarité, beauté, etc.) ; 2. la construction du message (type d’arguments : forts vs faibles, type d’argumentation : unilatérale vs bilatérale, type de conclusion : explicite vs implicite, etc.) ; 3. le contexte (agréable vs désagréable, choix vs contrainte ; appel à la peur vs non-appel à la peur, etc.). Les recherches sur la persuasion ont depuis bénéficié de certains apports montrant le rôle déterminant du traitement de l’information, en lien avec ces variables, dans la formation ou le changement d’une attitude. Par exemple, le modèle de la réponse cognitive (Greenwald, 1968), le modèle de probabilité d’élaboration (Petty & Wegener, 1999) et plus récemment le modèle de l’autovalidation (Briñol & Petty, 2009b) permettent une 1 Il va sans dire que si un chercheur peut mettre, par exemple, ses connaissances scientifiques au service de la lutte contre le tabagisme, il peut tout aussi bien mettre ces mêmes connaissances au service de l’industrie du tabac, la question pratique à traiter pouvant être : « Comment concevoir des actions de communication susceptibles de réduire la probabilité que des lycéens ne deviennent fumeur ? » comme elle peut être « Comment augmenter la probabilité qu’ils le deviennent ? ». L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 119 compréhension plus fine des processus persuasifs. Nous reviendrons sur ces modèles théoriques de la persuasion dans la section 3 de notre article. Le principe de la communication engageante consiste précisément à faire précéder la diffusion d’un message persuasif de la réalisation d’un acte préparatoire. Par exemple, dans l’expérience de Freedman et Fraser (1966), l’acte préparatoire utilisé revient à amener les ménagères de la condition expérimentale à participer à une courte enquête téléphonique : répondre à huit questions anodines sur leurs habitudes de consommation. Cet acte préparatoire doit, d’une part, relever de la même identification de l’action que le comportement attendu (cf. Vallacher & Wegner, 1985 ; Joule & Beauvois, 1998) et, d’autre part, être réalisé dans un contexte d’engagement (libre choix, absence de promesse de récompense ou de menace de punition, cf. Kiesler, 1971 ; Joule & Beauvois, 2002). Si dans une démarche de communication engageante les questions à traiter restent comme dans le cadre de la communication persuasive : « quelles sont les bonnes informations à transmettre à cette cible-là ? », « quels sont les arguments auxquels cette cible-là sera sensible ? », « quels sont les canaux, outils, médias, les plus appropriés ? », il convient donc de traiter deux questions supplémentaires : « quel est le bon niveau d’identification de l’action ? » et surtout « quel acte préparatoire doit-on obtenir de cette cible-là ? ». C’est, notamment, la prise en compte de cette dernière question qui, en conférant à la cible un statut d’acteur et pas seulement de récepteur, distingue une démarche de communication engageante d’une démarche de communication « classique » (Bernard & Joule, 2004, 2005 ; Girandola, 2003, 2005 ; Joule, Bernard, & Halimi-Falkowicz, 2008). En situation de communication engageante, les participants sont acteurs (réalisation d’actes préparatoires) et pas seulement passifs comme ils peuvent l’être dans certaines situations de communication persuasive. Nous formulons l’hypothèse générale selon laquelle la réalisation d’un acte préparatoire entretenant une relation de consistance avec un message persuasif subséquent facilite le changement d’attitude et le changement comportemental dans le sens de l’argumentation développée dans ce message. Nous rapporterons dans la section 2 de cet article des résultats expérimentaux allant dans le sens de cette hypothèse générale. Comme nous le verrons, les effets obtenus sont plus marqués dans une situation de communication engageante que dans une situation de persuasion ou que dans une situation d’engagement prise séparément. La section 3 de cet article sera, quant à elle, consacrée aux perspectives de recherche ouvertes par la communication engageante : prise en compte des variables antécédentes, mais aussi, de variables intermédiaires et subséquentes. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 120 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule 2. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES ET RECHERCHES-ACTIONS 2.1. Recherches expérimentales Les hypothèses mises à l’épreuve dans les premières recherches qui seront rapportées dans cet article sont les suivantes : les effets sur le plan des attitudes, comme sur le plan des intentions comportementales, devraient être plus marqués dans la condition de communication engageante (acte préparatoire + message persuasif) que dans la condition d’engagement (acte préparatoire seul) et que dans la condition de persuasion (message persuasif seul). En effet, la réalisation d’un acte préparatoire consistant avec le message présenté devrait faciliter le traitement de l’argumentation et, conséquemment, le changement. Nous y reviendrons (cf. Section 3). Quatre expérimentations ont été réalisées pour tester ces hypothèses. Dans la première expérimentation (Girandola, Michelik, & Boucharaa, 2007), l’acte préparatoire consistait à épingler sur sa veste un badge « Défi pour la Terre » et le message persuasif, un texte de 20 lignes, portait sur les avantages du recyclage. Comme attendu, les participants ayant accepté de porter le badge et ayant lu le message (condition de communication engageante) expriment 1. une attitude plus positive envers le recyclage et 2. une intention plus forte de recycler les déchets que les participants ayant seulement réalisé l’acte préparatoire (condition d’engagement) et que les participants ayant seulement lu le message (condition de persuasion). Les résultats d’une deuxième expérimentation (Girandola, Souchet, & Michelik, 2008) vont dans le même sens. L’acte préparatoire consistait à rédiger pendant dix minutes un message en faveur des économies d’énergie et le message persuasif, d’une quinzaine de lignes, portait sur la nécessité d’une meilleure maîtrise énergétique. Comme attendu, dans la condition de communication engageante (acte préparatoire + message) les participants 1. ont une attitude plus favorable vis-à-vis d’une augmentation des impôts visant à soutenir une politique d’économie énergétique et 2. expriment une plus forte intention de payer plus d’impôts que dans la condition engagement (acte préparatoire seul) que dans la condition persuasion (message seul). De plus, ils jugent leur attitude en faveur des économies d’énergie plus importante que ceux ayant seulement réalisé l’acte préparatoire ou seulement lu le message seul. Dans une troisième expérimentation (Zbinden, Girandola, Souchet, & Michelik, 2008), le degré d’engagement (faible vs fort) dans l’acte L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 121 préparatoire était manipulé, afin de réaliser deux conditions de communication engageante, une dans laquelle l’acte préparatoire qui précède le message persuasif est faiblement engageant, l’autre dans laquelle il est fortement engageant. L’acte préparatoire faiblement engageant consistait à prendre la décision de porter un petit badge en faveur du recyclage. L’acte préparatoire fortement engageant consistait à rédiger, dans un contexte de liberté, un essai en faveur du recyclage. Toutefois afin d’augmenter le niveau d’engagement les participants devaient signer leur essai, écrire leur nom et prénom sur la feuille ainsi que leur numéro de téléphone et leur adresse électronique. Le message persuasif portait sur les avantages du recyclage. Les variables dépendantes concernaient toujours l’attitude et l’intention comportementale. Comme attendu, les participants des deux conditions de communication engageante prises ensemble 1. ont une attitude plus favorable au recyclage et 2. expriment une intention plus forte de recycler les déchets que les participants de deux conditions d’engagement (badge et essai) prises ensemble et que les participants de la condition de persuasion. Conformément à la théorie de l’engagement, les effets les plus marqués sont observés dans la condition de communication engageante impliquant un acte préparatoire fortement engageant. Cette condition se distingue significativement de la condition d’engagement et de la condition de persuasion en ce qui concerne l’attitude et l’intention comportementale. Les résultats sont moins nets dans la condition de communication engageante impliquant un acte préparatoire faiblement engageant : si les différences restent significatives pour les deux variables dépendantes lorsqu’on la compare à la condition de persuasion seule, elles ne le sont plus lorsqu’on la compare aux conditions d’engagement. Ainsi, un acte préparatoire réalisé dans un contexte de fort engagement, avant la réception d’un message a-t-il plus d’impact qu’un acte préparatoire réalisé dans un contexte de faible engagement avant la réception du même message. La différence de nature des deux actes préparatoires (acceptation de porter un badge vs rédaction d’un essai), nous incite toutefois à relativiser la portée de cette conclusion. Le fait de trouver des arguments favorables au recyclage pendant la rédaction de l’essai, a pu, en effet, conduire les participants à s’autopersuader (Janis & Gilmore, 1965) et/ou a pu faciliter le processus de persuasion durant la lecture du message persuasif. Aussi, les différences observées entre la condition de communication engageante impliquant un acte préparatoire fortement engageant (essai) et celle impliquant un acte préparatoire faiblement engageant (badge) peuvent-elles être imputables à la nature des actes et non pas seulement à des niveaux différents d’engagement. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 122 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule La quatrième expérimentation a été réalisée dans le but de lever cette hypothèque. Dans cette nouvelle expérimentation (Michelik, Girandola, Joule, Zbinden, & Souchet, exp. 2, sous presse) un seul et même acte préparatoire (rédaction d’un essai en faveur de la pratique de la natation) était utilisée, acte dont le niveau d’engagement (faible : libre choix vs. fort : libre choix, conséquence de l’acte, caractère public) était manipulé. Le message persuasif mettait en avant les bienfaits de la natation. Le pattern de résultats obtenus est sensiblement le même que dans l’expérimentation précédente. Les participants de la condition de communication engageante avec acte préparatoire fortement engageant 1. ont une attitude plus favorable à la natation, et 2. expriment une intention plus forte de la pratiquer que les participants de la condition de persuasion et des deux conditions d’engagement. Bien qu’allant dans le même sens, les résultats n’atteignent plus la significativité statistique lorsqu’on compare la communication engageante avec acte préparatoire faiblement engageant à la condition de persuasion et aux conditions d’engagement. On peut donc considérer que les effets observés sont bien tributaires du niveau d’engagement (faible vs fort) de l’acte préparatoire. Prises dans leur ensemble ces quatre expérimentations débouchent sur la même conclusion : lorsqu’un message persuasif est précédé de la réalisation d’un acte préparatoire (communication engageante) - surtout si celui-ci est fortement engageant – les effets sur le plan des attitudes, comme sur celui des intentions comportementales, sont plus marqués que lorsque l’acte préparatoire (condition d’engagement) est réalisé seul et que lorsque le message persuasif n’est pas précédé d’un tel acte (condition de persuasion). Dans une autre recherche (Souchet, Girandola, & Lucas, 2008 dans Girandola, Bernard, & Joule, 2010) ce n’est plus l’attitude et l’intention qui étaient mesurées mais l’acceptation vs le refus de participer à une concertation citoyenne sur le recyclage (requête cible). L’acte préparatoire consistait à rédiger un texte en faveur du recyclage et le message persuasif portait sur les avantages du recyclage. Comme attendu, les participants de la condition de communication engageante sont plus nombreux à se porter volontaires (45 %), que les participants de la condition persuasion (20 %) et que ceux de la condition engagement (30 %). Notons, en outre, que seule la condition de communication engageante se différencie significativement d’une condition contrôle (20 %) dans laquelle on demandait directement aux participants de participer à la concertation et de la condition persuasion (20 %). Cette recherche nous rapproche des recherches-actions conduites dans des champs finalisés dans le but de peser sur les comportements effectifs. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 123 2.2. Recherches-actions conduites dans des champs finalisés 2.2.1. Communication engageante versus persuasion Certaines recherches finalisées opposent une condition de communication engageante à une condition de persuasion. C’est le cas, notamment, de celle de Deschamps, Joule et Gumy (2005) dont l’objectif était précisément de comparer l’efficacité d’une démarche de communication engageante à celle d’une démarche de persuasion pour conduire des citoyens suisses à voter lors de consultations électorales. Deux modalités de communication engageante étaient testées. Dans une condition de communication engageante l’acte préparatoire consistait à remplir un questionnaire sur les raisons de l’abstentionnisme électoral, dans l’autre il consistait à rédiger un essai contre l’abstentionnisme. Le message persuasif (une plaidoirie orale) soulignait la nécessité de se rendre aux urnes le jour J. Comme attendu, le taux de participation fut significativement plus élevé dans les conditions de communication engageante (respectivement de 77 % et de 79 %) que dans la condition de persuasion (50 %). La même conclusion peut être tirée d’un ensemble de recherches-actions visant la promotion de comportements pro-environnementaux et des comportements sanitaires. Joule, Py et Bernard (2004) ont testé deux démarches visant à promouvoir l’écocitoyenneté à l’échelle d’une ville2 . La première, une démarche de communication persuasive (affiches, brochures, etc.), était mise en œuvre durant plusieurs mois dans une ville A. La seconde, une démarche de communication engageante, était mise en œuvre durant la même période dans une ville B. Dans cette seconde ville, les mêmes supports de communication étaient utilisés, mais les habitants étaient amenés, à réaliser des actes préparatoires et à prendre des engagements. À cette fin, un collectif de personnes « relais » constitué d’élus, de responsables d’institutions locales, d’enseignants, d’animateurs d’associations et de commerçants était chargé de promouvoir une série d’actions en faveur de la protection de l’environnement en impliquant le plus de monde possible dans le cadre qui était le leur. Toutes ces actions, qui sont autant d’actes préparatoires, étaient rendues visibles lors d’une journée de créations événementielles. Cette journée était l’occasion d’obtenir des engagements concrets de la part des habitants invités à signer, en famille, un bulletin d’engagement. Parents et enfants choisissaient dans une liste 2 Elle a été mise en œuvre à la demande du Service Environnement et Énergie de la Région Provence-Alpes-Côtes- d’Azur. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 124 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule les engagements qu’ils souhaitaient prendre (par ex., éteindre la veille du téléviseur, installer une lampe à basse consommation). Résultats : durant l’année de l’intervention la consommation annuelle moyenne par foyer dans la ville B (communication engageante) a moins augmenté par rapport à l’année précédente que dans la ville A (communication persuasive) : 6 % vs 14 % d’augmentation. Il semble bien que cette action, conduite à l’échelle d’une ville, ait eu un impact sur les comportements effectifs. Dans la même veine, Joule, Bernard, Laganne et Girandola (2007, dans Girandola, Bernard et Joule, 2010 ; Bernard, Halimi-Falkowicz et Courbet, 2010) ont testé l’efficacité de deux démarches de communication pour amener les baigneurs à garder leur plage propre, en particulier pour les inciter à ne plus mettre les mégots de cigarettes dans le sable3 . La première démarche (condition de persuasion) consistait à confronter les baigneurs à des supports traditionnels de communication : (affiches persuasives, brochures). La seconde démarche (communication engageante) consistait à confronter les baigneurs aux mêmes supports de communication, mais en obtenant également d’eux, deux actes engageants : 1. participer à une courte enquête sur la propreté des plages ; 2. choisir parmi une liste d’une dizaine d’engagements possibles celui qu’ils souhaitaient prendre (et notamment, pour les fumeurs : ne pas jeter ses mégots de cigarette dans le sable). En fin de journée, les mégots se trouvant sur le sable étaient comptés. Conformément aux attentes, la seconde démarche s’avéra plus efficace que la première : 90 mégots jetés en moyenne par jour vs 176 mégots, soit près de deux fois moins. Les résultats obtenus par Eyssartier, Joule et Guimelli (2007) dans le cadre du don d’organes vont dans le même sens. Dans une condition, les participants étaient invités à signer une carte de donneur (comportement attendu) sur une base argumentative donnée (condition de persuasion). Dans une autre condition (condition de communication engageante) cette invitation, dont la base argumentative était maintenue constante, était précédée par l’obtention d’un acte préparatoire. Il s’agissait de répondre à quelques questions, comme, par exemple : « si vous deviez convaincre un de vos amis de prendre une carte de donneur d’organes que lui diriez-vous ? ». Dans cette dernière condition, les participants furent significativement plus nombreux à signer une carte de donneur d’organes que dans la condition précédente (52,2 % vs. 31,7 %, respectivement). Dans une 3 Recherche-action réalisée, dans le cadre d’un contrat Région Provence-Alpes-Côte d’Azur/Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, impliquant l’Office de la mer L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 125 autre recherche4 (Joule, Bernard, Geissler, Girandola, & Halimi-Falkowicz, 2010), le recours à la communication engageante a permis de diminuer significativement le taux de refus des dons d’organes par les familles des personnes décédées, comparativement à la communication persuasive : 65,2 % vs 15 % pour le prélèvement de cornée ; 76,2 % vs 62,3 % pour le prélèvement multi-organes sur des patients en état de mort encéphalique. Prises globalement ces recherches montrent que, s’agissant de la promotion de comportements effectifs, les démarches relevant de la communication engageante doivent être tenues pour plus efficaces que celles relevant de la communication persuasive. La même conclusion peut-être tirée en ce qui concerne la modification des intentions comportementales, que les recherches portent sur la promotion d’une activité physique (Michelik, 2011), qu’elles portent sur la prévention de la consommation d’alcool (Girandola & Michelik, 2008) sur la promotion de nouvelles pratiques de la part de fermiers (Lokhorst, van Dijk, Staats, van Dijk, & de Snoo, 2010), sur les comportements professionnels (Grandjean & Guéguen, sous presse ; Guéguen & Joule, 2010) ou qu’elles portent sur la protection contre les risques naturels majeurs (Weiss, Girandola, & Colbeau-Justin, 2011). 2.2.2. Communication engageante versus condition contrôle D’autres recherches-actions conduites dans des champs finalisés n’opposent plus une condition de communication engageante à une condition de communication persuasive, mais opposent une condition de communication engageante à une condition contrôle. C’est le cas, par exemple, d’une action de communication engageante (Joule, Masclef, & Jarmasson, 2006 dans Girandola, Bernard, & Joule, 2010) consistant à promouvoir l’écocitoyenneté chez les usagers de la mer (plaisanciers, professionnels de la mer)5 . La démarche ne se limite pas à informer et à convaincre mais repose aussi sur l’obtention de plusieurs actes préparatoires (accepter un entretien, accepter un livret sur la protection de la faune et de la flore marine, mettre un fanion sur son embarcation) et sur la signature d’un bulletin d’engagement (engagement, par exemple, 4 Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un contrat avec l’Agence de Biomédecine. Il a obtenu le prix PROGRES. Ce prix « récompense un projet améliorant la coordination, le prélèvement ou la greffe d’organe ». Il est attribué à une équipe de coordination hospitalière de prélèvement (CHU et CH agrées pour le prélèvement). 5 Elle a aussi été réalisée, dans le cadre d’un contrat Région Provence-Alpes-Côte d’Azur/Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, impliquant le collectif Ecogestes. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 126 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule à ancrer son embarcation dans le sable, à utiliser des savons naturels et/ou des détergents comportant un écolabel ; cf. Kettel & Häubl, 2011, pour les effets d’une signature). Les résultats attestent de l’efficacité de la démarche. Comparativement à une condition contrôle, les usagés de la mer impliqués dans la démarche de communication engageante sont significativement plus nombreux à ancrer dans le sable (75 % vs 60 %), à utiliser du savon naturel (53 % vs 39 %) ou des détergents comportant un écolabel (56 % vs 24 %). Ainsi, le dispositif de communication engageante utilisé, a-t-il permis d’obtenir les effets comportementaux recherchés, et durablement (Joule, Bernard, & Halimi-Falkowicz, 2008 ; Masclef, Joule, & Halimi-Falkowicz, 2008 dans Girandola, Bernard, & Joule, 2010 ; Bernard, Halimi-Falkowicz, & Courbet, 2010). Une autre action de communication engageante (le « Défi énergie ») a été mise en œuvre en Belgique6 (Moeman, Oona, & Joule, 2006) pour inciter les Bruxellois(es) à économiser l’énergie. Là encore, à la suite de plusieurs actes préparatoires (par exemple : répondre par courriel à cinq questions sur l’énergie, appeler un numéro vert gratuit, accepter de recevoir une brochure de conseils), les Bruxellois(es) étaient invités à s’engager à adopter une série de gestes simples pour économiser l’énergie sans perte de confort : couper le chauffage lors d’absences, préférer les douches aux bains, mettre un couvercle sur les casseroles, etc. La démarche s’est avérée efficace. Les relevés au compteur montrent, en effet, que les économies annuelles d’énergie s’élèvent à 20 % par ménage. D’autres recherches-actions attestent également de l’efficacité des démarches de communication engageante pour promouvoir des comportements écocitoyens chez les élèves en France (Joule & Halimi-Falkowicz, 20067 ) en France et en Belgique (Foncéa & Joule, 2006). Les recherches-actions qui viennent d’être rapportées nécessitent la présence sur le terrain d’un ou de plusieurs intervenants dont le rôle est, notamment de formuler explicitement la ou les requêtes portant sur le ou les comportements attendus (actes préparatoires, engagements). Peut-on utiliser une démarche de communication engageante sans recourir à des intervenants ? La littérature sur le pied-dans-la-porte nous incite à le penser, dans la mesure où elle montre qu’il n’est pas nécessaire (cf. pied-dans-la-porte avec demande implicite) de formuler explicitement 6 Action conduite par Bruxelles Environnement en collaboration avec le Réseau Eco-consommation, Négawatt de Sonecom et le laboratoire de psychologie sociale de l’université de Provence. Contrat blanc ANR ECOCITOYENANR-05-NT05144389. 7 Recherche réalisée la demande du service environnement et énergie de la région Provence-Alpes-Côte-D’azur et dans le cadre du projet de recherche européen ALTENER. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 127 la requête portant sur le comportement attendu (par ex. notamment, Uranowitz, 1975) pour l’obtenir. Une recherche-action (Blanchard & Joule, 2006, dans Girandola, Bernard, & Joule, 2010) a été précisément réalisée afin d’étudier s’il était possible de recourir efficacement à une procédure de communication engageante sur une aire d’autoroute (Aire Nîmes-Nord, A9) pour inciter les usagers à trier sélectivement leurs emballages, en faisant l’économie de tout contact direct avec eux8 . Se déplacer pour jeter ses déchets nous a semblé pouvoir constituer un acte préparatoire adéquat. Deux décisions ont été prises afin de favoriser l’obtention de cet acte. La première fut de supprimer tous les points poubelles classiques, la seconde de réduire le nombre de lieux où les usagers pouvaient jeter leurs ordures. Le tri était possible sur chacun de ces lieux : on y trouvait trois containers permettant le tri et une poubelle classique pour les déchets non recyclables. Ainsi, les clients amenés à se déplacer avec leurs déchets se trouvaient-ils placés devant un choix : trier (par exemple jeter une bouteille de verre dans le container « verres » et les déchets non recyclables dans la poubelle classique) ou ne pas trier (tout mettre dans la poubelle classique). Ce déplacement ayant le statut d’acte préparatoire, nous faisions l’hypothèse que s’étant déplacées dans un contexte d’engagement (libre-choix, coût, caractère public de l’acte) les personnes seraient enclines à trier leurs déchets, comme les messages persuasifs (affiches, messages audio) les incitaient à le faire. L’option prise permit de multiplier par 3 les emballages triés, sans que la propreté du site ne s’en trouve altérée (3 440 kg vs 1 020 kg). Prises dans leur ensemble les recherches-actions rapportées attestent de l’efficacité des démarches de communication engageante mises en œuvre. Certes, efficacité ne signifie pas efficience. Il reste que dans la plupart des recherches-actions dont il vient d’être question, il s’agissait d’optimiser des démarches de communication préexistantes à l’intervention des chercheurs dans le cadre d’appels d’offres : la démarche des membres de l’Office de la mer auprès de baigneurs (Joule, et al., 2007), celle des ambassadeurs du collectif Ecogestes auprès des usagers de la mer (Joule, Bernard, & Halimi-Falkowicz, 2008 ; Bernard, Halimi-Falkowicz, & Courbet, 2010), celle des coordinateurs de greffes d’un CHU auprès des familles de défunts (Joule, Bernard, Geissler, Girandola, & Halimi-Falkowicz, 2010). Qu’à ce jour les démarches de communication engageante élaborées par 8 L’action était conduite dans le cadre d’un partenariat impliquant, outre le laboratoire de psychologie sociale de l’université de Provence, les Autoroutes du Sud de la France (ASF), l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), le SITOM (Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères) du Sud Gard et Eco-Emballages. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 128 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule les chercheurs soient utilisées par l’Office de la mer, par Ecogestes et par des coordinateurs de greffes en lieu et place de leur démarche de communication antérieure plaide en faveur de leur efficience. Qu’à ce jour elles soient utilisées à une plus large échelle aussi. Il est d’ailleurs, pour nous, très encourageant de constater que plusieurs réseaux d’association en France et à l’étranger recourent aujourd’hui à des dispositifs de communication engageante. 3. PERSPECTIVES DE RECHERCHE OUVERTES PAR LA COMMUNICATION ENGAGEANTE Nous nous proposons, dans cette partie, d’expliciter quelques perspectives de recherche ouvertes par la communication engageante en nous limitant, pour l’essentiel, à celles ayant donné lieu aux premières investigations. Nous organiserons notre propos selon le statut des variables utilisées : celles antécédentes à la situation de communication engageante, celles intermédiaires, celles subséquentes permettant, quant à elles de mesurer les effets de cette communication. 3.1. Variables antécédentes 3.1.1. Nature de l’acte préparatoire Certains chercheurs (Eyssartier, Joule, & Guimelli, 2007, 2009 ; Souchet & Girandola, sous presse) ont tablé sur l’approche structurale des représentations sociales pour choisir la nature de l’acte préparatoire. Ils considèrent qu’un acte préparatoire activant des éléments centraux (essentiels dans la définition d’un objet d’attitude) devrait déboucher sur des effets cognitifs et comportementaux plus marqués qu’un acte préparatoire activant des éléments périphériques (moins important dans la définition d’un objet d’attitude). Les résultats obtenus sont conformes à ces attentes. Par exemple, Souchet et Girandola (sous presse) ont montré que des actes préparatoires activant des éléments centraux de la représentation sociale des économies d’énergie (par ex. « préservation de l’environnement ») sont plus efficaces pour déboucher sur les modifications attendues d’attitudes et de comportements que ceux activant des éléments périphériques (par ex. « moins utiliser la voiture ») de cette même représentation. Autre exemple, Zbinden, Girandola, Souchet et Bourg (2010) ont montré qu’une communication engageante impliquant un L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 129 acte préparatoire et un message activant uniquement des éléments centraux débouche sur des changements d’attitude (c’est-à-dire, attitude plus favorable envers la protection de l’environnement) plus importants et des intentions comportementales (c’est-à-dire, intention de ramasser des déchets) plus fortes qu’une communication engageante impliquant un acte préparatoire et un message activant uniquement des éléments périphériques. Toutefois de tels effets ne sont obtenus que lorsque l’acte préparatoire est fortement engageant. Les recherches à venir devraient nous éclairer sur les conditions dans lesquelles l’approche structurale des représentations sociales - et de façon plus générale l’étude de la représentation sociale de l’objet de la communication - est en mesure d’orienter le choix des actes préparatoires les plus à même de déboucher sur les effets cognitifs et comportementaux recherchés. 3.1.2. Les variables de la persuasion À côté des variables concernant l’acte préparatoire, la prise en compte des quatre variables classiques de la persuasion (c’est-à-dire, source, message, destinataire, contexte) et leurs paramètres respectifs (par ex. Bohner & Wänke, 2002 ; Girandola, 2003 ; Pornpitakpan, 2004) nous semble s’imposer. Une trentaine de paramètres pour chacune des quatre variables de la persuasion ont pu être identifiés (Girandola, 2002). Pour nous en tenir à une seule d’entre elle, le comportement non-verbal, Briñol et Petty (2008) ont montré que les mouvements ou postures du corps peuvent contribuer à l’élaboration, au changement ou à la résistance de l’attitude. Il s’agirait donc, par exemple, dans le droit fil de ces travaux, d’étudier l’impact des mouvements du corps dans une situation de communication engageante9 : réalisation d’un acte préparatoire engageant et/ou lecture d’un message persuasif en bougeant la tête de haut en bas pour signifier son acceptation, en étant debout ou assis (symbole du pouvoir vs de la soumission ; cf. Briñol, Petty, Valle, Rucker, & Becerra, 2007) ou encore le dos droit vs courbé (symbole de la confiance vs doute ; Briñol & Petty, 2007)10 . 9 Les auteurs remercient Pablo Briñol pour cette suggestion. Il s’agit de recherches notamment conduites aux Etats-Unis sous le terme de Embodied persuasion (par ex. Briñol, Petty, & Wagner, sous presse). 10 Par exemple, Briñol et Petty (2003) ont montré que les participants bougeant leur tête de haut en bas pour signifier « oui » (mouvement vertical) pendant l’écoute d’un message disent avoir plus confiance dans leurs pensées que ceux mimant le signe « non » (mouvement horizontal de droite à gauche). Ainsi, lorsque les participants sont amenés à traiter un message facilitant la production de pensées positives, ceux mimant un oui changent plus d’attitude que ceux mimant un non. À l’inverse, ceux traitant un message favorisant l’apparition de pensées négatives sont moins persuadés lorsqu’ils miment un oui qu’un non (Briñol, Petty, & Wagner, 2009). L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 130 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule 3.2. Processus intermédiaires au changement d’attitude dans les situations de communication engageante Cette perspective de recherche concerne l’impact de l’engagement sur le traitement de l’information persuasive. Trois variables permettent d’apprécier l’activité cognitive déployée lors du traitement de l’information (Petty & Cacioppo, 1986 ; Petty & Krosnick, 1995) : 1. L’effort cognitif alloué au traitement du message. Plus l’effort cognitif est élevé, plus le message fait objet d’un traitement approfondi. On demande ici aux participants s’ils pensent avoir produit « beaucoup de pensées » ou « peu de pensées » en lien avec le message. Les résultats montrent que l’effort cognitif dépend notamment de l’implication des participants. 2. Le rappel des arguments. On donne aux participants quelques minutes pour lister les arguments du message dont ils peuvent se souvenir. Les participants ayant réalisé un traitement approfondi de l’information rappellent généralement plus d’arguments que ceux n’ayant pas réalisé un tel traitement. 3. Les réponses cognitives. Selon Petty et Cacioppo (1981), une réponse cognitive « est une unité d’information en rapport avec un objet ou un thème, résultat du traitement cognitif ». Les participants doivent inscrire les pensées (ou réponses cognitives) qui leur sont venues à l’esprit pendant la lecture du texte (Greenwald, 1968). Elles sont ensuite classées en trois catégories : favorables au message, non favorables au message et neutres. Les pensées déterminent la direction et l’ampleur du changement d’attitude et sont fortement corrélées avec le changement d’attitude. Le nombre total de pensées est à considérer comme un indice d’un traitement approfondi de l’argumentation. Petty, Briñol et Tormala (2002), puis Briñol et Petty (2004), ont montré que la confiance exprimée en ses propres réponses cognitives médiatise le changement d’attitude. La prise en compte de ces variables dans les recherches sur la communication engageante devrait, notamment, nous permettre d’avancer dans le traitement des deux questions suivantes : l’acte préparatoire conduit-il le sujet à traiter l’argumentation persuasive subséquente d’une manière approfondie (voie centrale/systématique du traitement de l’information) ou superficielle (voie périphérique/heuristique du traitement de l’information) ? L’engagement suscite-t-il un traitement L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 131 relativement objectif ou biaisé de l’information persuasive ? Il va sans dire que si l’engagement biaise le traitement de l’information persuasive, une mauvaise argumentation devrait avoir le même effet qu’une bonne argumentation. 3.2.1. Les variables issues de la métacognition persuasive D’autres éléments de réflexion nous sont donnés par l’approche métacognitive de la persuasion (par ex. Briñol & Petty, 2009a,b ; Briñol, DeMarree & Petty, 2010 ; Petty & Brinõl, 2007, 2010a,b ; Petty, Fazio, & Briñol, 2009 ; Petty, Briñol, Tormala, & Wegener, 2007). Les derniers développements dans le cadre du modèle de probabilité d’élaboration (ELM, Petty, & Wegener, 1999) et de l’autovalidation (Briñol & Petty, 2009), permettent une appréhension détaillée des processus cognitifs et métacognitifs intervenant dans le traitement de l’information et, au-delà, dans le changement d’attitude et/ou d’intention. Du point de vue de l’autovalidation, le degré et la nature de la réflexion ou du traitement à propos d’une information sont plus importants que l’information transmise elle-même et le traitement d’une information ne détermine l’attitude que dans la mesure où les individus ont confiance en ce traitement (processus métacognitifs). Selon Briñol et Petty (2009b) puis Brinõl, DeMarree et Petty (2010), deux types de variables cognitives exercent un impact sur les attitudes : les variables cognitives de premier ordre et les variables cognitives de second ordre. Les premières relèvent du traitement de l’information et prennent principalement la forme de réponses cognitives ou pensées produites lors de la lecture de l’information. Les secondes concernent plus directement la validité que les personnes attribuent aux cognitions de premier ordre produites. Briñol et Petty ont pu montrer que la production de pensées ou réponses cognitives (cognitions de premier ordre) est une condition nécessaire, mais non suffisante, au changement d’attitude. Pour obtenir un changement, il faut que les participants valident, soit cognitivement, soit affectivement, ses pensées (cognitions de second ordre ou métacognitions). La validation cognitive s’exprime essentiellement par la confiance témoignée en ses pensées (« j’ai confiance en mes pensées »). Quant à la validation affective, elle peut s’exprimer par les états émotionnels (surprise, joie, la tristesse . . .) activées par ses pensées (Briñol, Petty, & Barden, 2007). De nombreuses recherches montrent que ces deux types de validation concourent au changement d’attitude (pour une revue cf. Petty, Briñol, Tormala, & Wegener, 2007). Dans le cadre de la communication engageante, L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 132 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule Briñol, Campourcy, Girandola et Petty (2010a,b) ont montré que des étudiants ayant préalablement réalisé un acte préparatoire produisent plus de pensées positives et expriment une plus grande confiance envers ces pensées positives produites lors de la lecture d’un texte de bonne qualité en faveur d’un examen de sélection que ceux n’ayant pas eu à réaliser d’acte préparatoire. En outre, les premiers se prononcent davantage en faveur de l’examen que les seconds. L’engagement faciliterait donc, dans ce cas, le traitement de l’information et la validation cognitive des pensées produites lors de la lecture du texte. D’autres recherches, actuellement en cours dans le cadre du MCM (Meta-Cognitive Model ou Modèle Métacognitif des attitudes ; par ex. Briñol & Petty, 2007 ; Briñol, Petty, & DeMarree, 2007) mesurent le degré de confiance comme fonction de l’engagement préalable et de l’implication persuasive. De façon plus générale, les recherches à venir devraient nous éclairer quant à la façon dont les variables qui viennent d’être passées en revue interviennent dans la relation entre engagement et persuasion. 3.3. Effets de la communication engageante : les mesures cognitives, d’intention et de comportement 3.3.1. Dimensions de l’attitude Les recherches récentes sur la persuasion s’intéressent aux dimensions de l’attitude et, en particulier, à celles caractéristiques de sa force telles l’importance que l’on porte à un objet d’attitude, l’accessibilité de cet objet en mémoire, son ambivalence (par ex. Bassili, 2008 ; Holbrook, Berent, Krosnick, Visser, & Boninger, 2005) ou encore le niveau de certitude que l’on possède envers cet objet. Par exemple, l’accessibilité de l’attitude, renvoie à l’association entre l’objet d’attitude et son évaluation. Plus l’association des deux éléments est forte, plus l’accessibilité de l’attitude est rapide en mémoire (Roskos-Ewoldsen, 1997). L’engagement rendant saillantes les cognitions ou croyances en rapport avec le comportement dans lequel l’individu a été engagé (Kiesler, 1971), il devrait favoriser l’accessibilité des cognitions en mémoire. Cette hypothèse a reçu une première confirmation dans une expérimentation opposant une condition de communication engageante à une condition de persuasion (Marchioli & Courbet, 2010). Il ressort de cette expérimentation que les dispositifs numériques associant la réalisation d’actes engageants – acte préparatoire et signature d’un engagement électronique – et lecture d’un message persuasif en faveur des préservatifs (communication engageante) rendent plus accessibles en mémoire l’attitude envers les préservatifs (temps L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 133 de réponse plus court) que les dispositifs numériques n’impliquant pas la réalisation d’actes engageants (communication persuasive). 3.3.2. L’attitude implicite Selon Greenwald et Banaji (1995), les attitudes implicites sont des traces de l’expérience passée qui polarisent affectivement et médiatisent les pensées, sentiments et jugements relatifs à des objets sociaux. Les attitudes implicites se mesurent, par exemple, à l’aide du test d’association implicite (IAT ou Implicit Association Test, cf. Blaison, Chassard, Kop, & Gana, 2006 ; Blanton, Jaccard, Christie, & Gonzales, 2007) élaboré par Greenwald, McGhee et Schwartz (1998 ; Greenwald & Nosek, 2008 ; Greenwald, Poehlman, Uhlmann, & Banaji, 2009). Une attitude implicite est une attitude dont le sujet n’est pas conscient et qu’il ne contrôle donc pas (cf. Gawronski & Bodenhausen, 2007, sous presse ; Gawronski & LeBel, 2008 ; Gawronski & Payne, 2010 ; Petty, Fazio, & Briñol, 2009). L’ambivalence implicite peut dès lors faire l’objet d’une mesure. Elle reflète une ambivalence dont le sujet n’a pas conscience, issue de l’expression d’une contradiction entre une attitude explicite et implicite (Petty & Briñol, 2009). La prise en compte des attitudes implicites, et pas seulement des attitudes explicites (cf. Petty, Fazio, & Briñol, 2009), dans de futures recherches sur la communication engageante est par conséquent susceptible de nous informer sur le processus de changement mobilisé dans les situations de communication engageante comparativement à des situations de persuasion simple et d’engagement simple. 3.3.3. La mémorisation La théorie de « profondeur de traitement » conduit à considérer que la mémorisation d’un matériel dépend de la nature de l’activité d’encodage qui a été mise en œuvre lors de la présentation (cf. Rhodes & Anastasi, 2000). Les niveaux de traitement ont été mis en évidence par Craik et Lockhart en 1972 (cités par Rhodes & Anastasi, 2000). Ce qui est retenu correspondrait davantage à une trace laissée par les processus de traitement qu’à un item stocké en mémoire, cette trace étant utilisée comme une source d’indice à propos de l’item traité. Les auteurs émettent l’hypothèse d’un continuum dans le traitement : plus le traitement de l’information est profond, plus les traces mnésiques sont durables et meilleure est donc la mémorisation. Lors d’une épreuve de rappel, les participants restitueraient, ainsi, plus facilement les items ayant fait l’objet d’un traitement profond que ceux ayant fait l’objet d’un traitement superficiel. On peut penser que le fait de réaliser des actes L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 134 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule préparatoires consistant avec un message persuasif permettra un encodage plus profond qui devrait déboucher sur de meilleures performances lors de la récupération des informations associées à l’événement. Deux recherches testent les effets d’une communication engageante sur la mémorisation. Dans la première (Bernard, Halimi-Falkowicz, & Courbet, 2010)11 , l’acte préparatoire consiste à changer des ampoules ordinaires par des ampoules basses consommation sur un site internet (en cliquant sur les ampoules ordinaires) avant d’être confronté à un message persuasif en faveur de l’usage des lampes basses consommation. Les résultats montrent que la rétention des informations contenues dans le message est meilleure dans cette condition de communication engageante que dans une condition de persuasion, condition dans laquelle les participants sont confrontés au même message persuasif pendant un temps identique, mais sans avoir à agir (les ampoules ordinaires sont remplacées automatiquement par des ampoules basses). Dans la deuxième (Goncalves, 2010), l’acte préparatoire consiste à accepter de participer à une enquête par internet sur le thème du tabac, avant d’être amené à lire un message persuasif anti-tabac. Là encore, la rétention des informations contenues dans le message s’avère meilleure dans cette condition de communication engageante que dans la condition de persuasion (confrontation directe au message). Sur la base de ces premiers résultats, il semble donc bien que le recours à la communication engageante favorise la mise en mémoire des informations contenues dans un message. 3.3.3. Intention et comportement Pour Ajzen et Fishbein (1980 ; Fishbein & Ajzen, 2010), l’intention doit être tenue pour le seul déterminant direct du comportement. C’est l’élément cognitif le plus proche du comportement. La réalisation d’un comportement par une personne est, selon eux, fonction de son intention de le réaliser : plus cette intention est forte, plus grande est la probabilité de réalisation du comportement. Toutefois, Sheeran (2002) a montré, dans le domaine de la prévention, que le pourcentage médian des individus ayant l’intention de se protéger, mais ne l’ayant pas fait, s’élève à 47 %. Ainsi, presque la moitié des participants ayant l’intention, par exemple, d’utiliser un préservatif, de passer un test de dépistage, de pratiquer un sport, ne le font-ils pas (cf. Webb & Sheeran, 2006 sur la prédiction des comportements 11 Contrat blanc ANR ECOCITOYEN – ANR-05-NT05144389 L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 135 par les intentions). Le recours à la communication engageante nous semble susceptible d’améliorer le lien entre intention et comportement, comme le donne à penser la recherche de Deschamps, Joule et Gumy (2005) évoquée plus haut (cf. section 2). En effet, dans cette recherche les mesures d’intentions comportementales ne permirent pas de déceler la moindre différence entre les conditions de communication engageante et celle de persuasion, les étudiants se déclarant prêts à aller voter, exactement dans les mêmes proportions, en l’occurrence dans des proportions extrêmement élevées, proches de 100 %. Il reste, nous l’avons vu que les étudiants des conditions de communication engageante sont significativement plus nombreux à se rendre effectivement aux urnes – et donc à se comporter conformément à leur intention – que les étudiants de la condition de persuasion. On trouvera dans le Tableau 1 les variables antécédentes, intermédiaires, cognitives et comportementales passées en revue. Ces variables nous semblent devoir être prise en considération dans les futures recherches sur la communication engageante. 4. CONCLUSION Le principe de la communication engageante consiste à faire précéder la diffusion d’un message persuasif de la réalisation d’un acte préparatoire consistant avec ce message. Une démarche de communication engageante se différencie donc à la fois d’une démarche de persuasion et d’une démarche d’engagement. Elle se différencie d’une démarche de persuasion dans la mesure où cette dernière n’implique pas la réalisation d’un acte préparatoire. Elle se différencie d’une démarche d’engagement dans la mesure où celle-ci n’implique pas la diffusion d’un message à visée persuasive. Deux conclusions nous semblent pouvoir être tirées des expérimentations et des recherches-actions qui ont été évoquées. La première conclusion concerne les résultats obtenus dans les cinq expérimentations opposant une condition de communication engageante (acte préparatoire et message), d’une part, à une condition de persuasion (message seul) et, d’autre part, à une condition d’engagement (acte préparatoire seul) : que les variables dépendantes concernent l’attitude, l’intention comportementale ou l’acceptation d’une requête, les effets obtenus sont plus marqués dans la condition de communication engageante que dans les deux autres conditions. L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 136 Fabien Girandola r Robert-Vincent Joule Tableau 1. Variables antécédentes, variables intermédiaires, et variables cognitives et comportementales en communication engageante Variables antécédentes Variables intermédiaires (entrées communication engageante) Acte préparatoire : - engagement (faible vs fort) Traitement de l’information (cognitions de 1er ordre) : - effort cognitif - rappel des arguments - activation d’éléments centraux vs périphériques - pensées (quantité et polarité) Variables cognitives et comportementales - mémorisation - attitude explicite, implicite - dimensions de l’attitude - force de l’attitude - attitude, ambivalence implicite Persuasion (variables et paramètres) - source Aspects métacognitifs (cognitions de 2e ordre) : - intention - message - public - confiance en ses pensées (validation cognitive) - comportement - contexte - importance des pensées - certitude dans ses pensées - affect et pensées (validation affective) La seconde conclusion concerne l’efficacité des démarches d’intervention sous-tendues par le principe de la communication engageantes (acte préparatoire et message) pour promouvoir de nouveaux comportements. Les résultats des recherches-actions comparant l’efficacité de telles démarches à celles relevant de la persuasion (message seul) L’année psychologique, 2012, 112, 115-143 La communication engageante 137 montrent l’efficacité des premières sur les secondes, qu’elles aient été conduites dans le champ de la santé publique, dans celui de la protection de l’environnement et, de façon plus générale, qu’elles concernent des causes d’utilités sociétales (pour synthèse cf. Joule, Bernard, & Halimi-Falkowicz, 2008). Pris dans leur ensemble, les résultats obtenus dans les recherches de laboratoire, comme dans celles de terrain, militent, de notre point de vue, en faveur d’une articulation des travaux sur l’engagement et des travaux sur la persuasion au sein d’un même paradigme de recherche. Il n’y a là rien de bien neuf. Carl Hovland, dans son ouvrage The Order of Presentation in Persuasion n’appelait-il pas déjà de ses vœux, au moins implicitement, une telle articulation. C’était en 1957 ! Reçu le 12 novembre 2008. Révision acceptée le 15 mars 2011. BIBLIOGRAPHIE Agnew, C. R., Carlston, D. E., Graziano, W. G., & Kelly, J. R. (2010). Then a miracle occurs: focusing on behavior in social psychological theory and research. London: Oxford University Press. Ajzen, I., & Fishbein, M. (1980). Understanding attitudes and predicting social behavior. Englewood Cliff, NJ: Prentice Hall. Albarracín, D., Durantini, M. R., & Earl, A. (2006). Empirical and theoretical conclusions of an analysis of outcomes of HIV-Prevention interventions. Current Directions in Psychological Science, 15, 73-78. Bassili, J. N. (2008). Attitude strength. In W. D. Crano., & R. Prislin, (Eds.), Attitudes and attitude change (pp. 237-260). New York: Psychology Press. Baumeister, R. F., Vohs, K. D., & Funder, D. C. (2010). Psychology as the science of self-reports and finger movements: whatever happened to actual behaviors? In. C. R. Agnew., D. E. Carlston., W. G. Graziano, & J. R. Kelly (Eds.). 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