1. Pierre de Ronsard, Second livre des Odes, IX, 1550 2. Pierre de
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1. Pierre de Ronsard, Second livre des Odes, IX, 1550 2. Pierre de
1 ère L 2014-2015 Poésie et quête du sens, Groupement complémentaire, L’eau, source d’inspiration poétique 1 1. Pierre de Ronsard, Second livre des Odes, IX, 1550 « A LA FONTAINE BELLERIE » 1 5 O Fontaine1 Bellerie, Belle Fontaine chérie De nos Nymphes, quand ton eau Les cache au creux de ta source Fuyantes le Satyreau2, Qui les pourchasse à la course Jusqu'au bord de ton ruisseau, Tu es la Nymphe éternelle De ma terre paternelle; 3 10 Pour ce en ce pré verdelet Vois ton Poète qui t'orne D'un petit chevreau de lait, A qui l'une et l'autre corne Sortent du front nouvelet. Le modèle de Ronsard : une ode du poète latin Horace (64-8 av. J.-C.) (traduction en prose). O fontaine de Bandusie, plus resplendissante que le cristal, bien digne de vin doux, sans oublier des fleurs, demain tu recevras l’offrande d’un chevreau, que son front gonflé de cornes naissantes destine à Vénus et aux combats : en vain ! car en ton honneur il teindra de son sang vermeil tes eaux glacées, cet enfant du troupeau folâtre ! Toi, l’affreuse saison de la canicule ardente ne peut t’atteindre, tu donnes une aimable fraîcheur aux taureaux las du soc, au troupeau vagabond. Tu deviendras, toi aussi, l’une des sources illustres, puisque je célèbre l’yeuse perchée sur le rocher creux d’où tes eaux bavardes bondissent et s’écoulent. 15 L'Été, je dors ou repose Sur ton herbe, où je compose, Caché sous tes saules verts, Je ne sais quoi, qui ta gloire4 Enverra par l'univers, 20 Commandant à la Mémoire Que tu vives par mes vers. L'ardeur de la Canicule Ton vert rivage ne brûle, Tellement qu'en toutes parts5 25 Ton ombre est épaisse et drue Aux pasteurs6 venant des parcs7, Aux boeufs las de la charrue Et au bestial8 épars. Iô! 9 tu seras sans cesse 30 Des fontaines la princesse, Moi célébrant10 le conduit Du rocher percé, qui darde11 Avec un enroué bruit L'eau de ta source jasarde12 Qui trépillante13 se suit. 1 « Fontaine » : source (sens étymologique). 2 « fuyante le satyreau » : fuyant le satyre 3 « Pour ce » : pour cela. 4 « qui ta gloire/ enverra » inversion : qui enverra ta gloire 5 « Tellement qu’en » : si bien que. 6 « pasteurs » : bergers 7 « parcs » : pâturages. 8 « bestial » : bétail. 9 « Io ! » Exclamation de joie que prononçaient les Bacchantes pour célébrer Dionysos. 10 « Moi célébrant »Tournure latine (ablatif absolu) car je célèbre…(voir le texte d’Horace) 11 « darde » : lance 12 « jasarde » : bavarde 13 « trépillante » : trépidante. 2. Pierre de Marbeuf (1595-1645) Recueil de vers, 1628 « À PHILIS » Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage, Et la mer est amère, et l’amour est amer, L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer, Car la mer et l’amour ne sont point sans orage. 5 10 Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage, Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer, Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer, Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. La mère de l’amour eut la mer pour berceau, Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau, Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes. Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. 1 ère L 2014-2015 Poésie et quête du sens, Groupement complémentaire, L’eau, source d’inspiration poétique 2 3. Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, III « La nuit et ses prestiges », « Ondine », (1842) « ONDINE » 1 5 « Écoute ! - Écoute ! - C'est moi, c'est Ondine qui frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi. Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l'air. Écoute ! - Écoute ! - Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! » * 10 Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l'époux d'une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs. Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus. 4. Man Ray et Paul Éluard, « La Plage » Les Mains Libres, 1936 LA PLAGE Tous devaient l’un à l’autre une nudité tendre De ciel et d’eau d’air et de sable Tous oubliaient leur apparence Et qu’ils s’étaient promis de ne rien voir qu’eux-mêmes