Cour de cassation de Belgique Arrêt
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Cour de cassation de Belgique Arrêt
23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N° P.14.0238.F 1. M. K. A.H., 2. M. K. A. S., 3. M. K. A. R., 4. M. K. A. M., 5. Z.B. S. A. M., 6. M. K. A. M., 7. M. K. A.S., 8. M. K. A. M., S. S., inculpés, demandeurs en cassation, représentés par Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149/20, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseil Maître Fernand de Visscher, avocat au barreau de Bruxelles, contre 23 SEPTEMBRE 2015 1. P.14.0238.F/2 F.A., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Selma Benkhelifa, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Josse-ten-Noode, chaussée de Haecht, 55, 2. B. S. R. W., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Véronique van der Plancke, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue du Congrès, 49, 3. LE CENTRE FEDERAL POUR L'ANALYSE DES FLUX MIGRATOIRES, LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES ETRANGERS ET LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ETRES HUMAINS, anciennement dénommé CENTRE POUR L’EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Royale, 138, 4. R. S., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Selma Benkhelifa, mieux identifiée ci-dessus, 5. Z. F., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Zaverio Maglioni, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Joie, 56, 6. PAYOKE, association sans but lucratif, ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Alexis Deswaef, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue du Congrès, 49, 7. A. M., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Alexis Deswaef, mieux identifié ci-dessus, 8. B. H.F., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Alexis Deswaef, mieux identifié ci-dessus, 9. L.G. T., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Alexis Deswaef, mieux identifié ci-dessus, 10. A. I., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Alexis Deswaef, mieux identifié ci-dessus, 11. T. J., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Alexis Deswaef, mieux identifié ci-dessus, 12. G. L.R., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître JeanPierre Jacques, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, Mont Saint-Martin, 74, 23 SEPTEMBRE 2015 13. P.14.0238.F/3 G.P. P., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître JeanPierre Jacques, mieux identifié ci-dessus, 14. M. M. B. H., ayant fait élection de domicile chez son conseil, Maître Thomas Mitevoy, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Josse-ten-Noode, chaussée de Haecht, 55, 15. PAG-ASA, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Bruxelles, rue des Alexiens, 16b, parties civiles, défendeurs en cassation, représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation. I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 22 janvier 2014 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt rendu par la Cour le 24 avril 2013. Les demandeurs invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 10 juin 2015. A l’audience du 17 juin 2015, le conseiller Pierre Cornelis a fait rapport et l’avocat général précité à conclu. Le 7 août 2015, les demandeurs ont déposé une note en réponse aux conclusions du ministère public. II. LA DÉCISION DE LA COUR La demanderesse appelée S. M. K A. dans l’arrêt attaqué s’identifie avec S.M. K.A.. Sur le deuxième moyen : Quant à la première branche : 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/4 Le moyen est pris de la violation des articles 15.1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 2 du Code pénal, 2 et 3 du Code judiciaire ainsi que du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Il est fait grief à l’arrêt d’appliquer l’article 32 précité pour apprécier l’admissibilité des preuves recueillies lors de la visite domiciliaire du 1er juillet 2008, en méconnaissance des règles relatives à l’application de la loi dans le temps en vertu desquelles les lois de procédure ne s’appliquent ni aux situations déjà accomplies avant la nouvelle loi ni lorsque leur application constituerait une atteinte aux droits de la défense ou une aggravation de la situation du prévenu. Les règles qui gouvernent l’admissibilité des preuves irrégulières ne font pas partie de celles qui définissent l'infraction et déterminent la peine, visées aux articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 2 du Code pénal. Conformément aux articles 2 et 3 du Code judiciaire, l’article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale est applicable aux procès en cours. Il s’applique dès lors immédiatement à toutes les infractions commises avant son entrée en vigueur, le 22 novembre 2013, et non encore jugées définitivement ou prescrites. Pareille application immédiate n’est contraire ni à l’article 6 de la Convention ni aux droits de la défense, lesquels ne réglementent pas l’admissibilité des preuves illégales ou irrégulières en tant que telle, dès lors que le respect du droit à un procès équitable, y compris dans la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, doit être apprécié par le juge au regard de l’ensemble de la procédure. Le moyen manque en droit. 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/5 Quant à la seconde branche : Le moyen est pris de la violation des articles 131, §§ 1er et 2, et 235bis, § 6, du Code d’instruction criminelle. Les demandeurs reprochent à la chambre des mises en accusation d’avoir considéré, en ce qui concerne l’ « examen » des conséquences d’une violation d’une formalité substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux, qu’il « est identique à celui auquel elle aurait procédé avant la loi du 24 octobre 2013 ». Le motif critiqué n’a pas d’incidence sur la légalité de la décision relative à l’application immédiate de cette loi. Même fondé, le moyen est dirigé contre une considération surabondante de l’arrêt. Il est partant irrecevable à défaut d’intérêt. Sur le troisième moyen : Quant à la première branche : Le moyen reproche à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions des demandeurs soutenant que la violation d’une règle substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux doit être assimilée à la violation d’une formalité prescrite à peine de nullité. En se référant au texte et aux travaux préparatoires de la loi du 24 octobre 2013, les juges d’appel ont énoncé que le législateur « a consacré » notamment le critère tenant au non-respect des conditions de formes prescrites à peine nullité, mais « n’a pas retenu le critère d’exclusion (…) en raison d’une 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/6 violation d’une forme substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux ». Ils ont ajouté que la violation d’une telle forme substantielle ne peut être examinée qu’ « à travers le prisme des critères ‘Antigoon’ ». Ainsi, l'arrêt répond aux conclusions du demandeur. Le moyen manque en fait. Quant à la deuxième branche : Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 24 octobre 2013 que la nullité d’un élément de preuve obtenu irrégulièrement, visée à l’article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et relative au respect des conditions formelles prescrites à peine de nullité, n’inclut pas la violation d’une règle substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux. Soutenant le contraire, le moyen manque en droit. À titre subsidiaire, les demandeurs invitent la Cour à poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « Interprété en ce sens qu’il n’impose pas la nullité et l’écartement de l’élément de preuve recueilli en violation d’une norme substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux, alors qu’il impose la nullité de l’élément de preuve recueilli en violation d’une formalité prescrite à peine de nullité, l’article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale institue-t-il une discrimination entre les justiciables confrontés à un élément de preuve recueilli en violation d’une norme substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux et ceux confrontés à un élément de preuve recueilli en violation d’une formalité prescrite à peine de nullité et viole-t-il ainsi les articles 10 et 11 de la Constitution ? » 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/7 Il ressort des termes mêmes de la question qu’elle ne dénonce pas une distinction opérée par la loi entre des personnes se trouvant dans la même situation juridique et auxquelles s’appliqueraient des règles différentes. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de poser la question préjudicielle. Quant à la troisième branche : Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et au droit à un procès équitable. En tant qu’il soutient que la violation d’une règle de compétence porte nécessairement et irrémédiablement atteinte au droit à un procès équitable, le moyen manque en droit. Dans la mesure où il est déduit du grief vainement invoqué dans la première branche du deuxième moyen, le moyen manque également en droit. Pour le surplus, les demandeurs critiquent la décision des juges d'appel de considérer que l’erreur commise est excusable. Le juge apprécie en fait le caractère excusable de l’irrégularité commise dans l’obtention de la preuve, la Cour contrôlant cependant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire cette décision. Après avoir relevé que le juge de police avait autorisé la visite domiciliaire litigieuse en précisant que celle-ci devait être effectuée par l’inspection sociale dans les limites de sa compétence légale, l’arrêt considère qu’une certaine confusion terminologique avait pu s’opérer avant la visite domiciliaire en ce sens que les documents qui ont donné lieu à cette visite comportaient des références à la traite des êtres humains. Cette confusion s’expliquait conceptuellement par le fait que la traite et le trafic des êtres 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/8 humains sont indissociables du travail clandestin et de la mise au travail dans des conditions contraires à la dignité humaine. Dans ce contexte, le législateur avait ainsi, selon les juges d’appel, étendu la compétence des inspecteurs sociaux chargés de la surveillance des infractions relevant des législations spécifiques de droit social à celles relatives à la traite et au trafic des êtres humains et à la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Le pouvoir d’appréciation du ministère public justifiait l’intention d’instruire en priorité les infractions de droit pénal social, le « maelstrom législatif », ainsi que l’énonce l’arrêt, pouvant expliquer la confusion qui a suivi. De ces considérations, la chambre des mises en accusation a pu légalement déduire que l’illégalité commise dans l’obtention de la preuve procédait d’une erreur excusable. Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli. Sur le premier moyen : Le moyen est pris de la violation des articles 87 à 90 et 227 du Code d’instruction criminelle, 81 de la loi du 15 décembre 1980 ainsi que 1 et 4, § 1er, 1°, de la loi du 16 novembre 1972 concernant l’inspection du travail, telle qu’elle était en vigueur avant son abrogation par la loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social. L’arrêt décide que l’autorisation du juge de police était nécessaire pour procéder à la visite domiciliaire en ce qui concerne les infractions spécifiques de droit social et que les preuves récoltées concernant les préventions C à M n’étaient donc pas entachées d’irrégularité. Le moyen soutient que ces infractions étaient connexes à l’infraction de traite des êtres humains et que le juge d’instruction était dès lors seul compétent pour délivrer une autorisation 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/9 de visite domiciliaire pour l’ensemble des infractions. Il en déduit que l’arrêt attaqué viole les règles relatives à la connexité, la compétence du juge d’instruction et la compétence spécifique et limitée du juge de police. Dès lors qu’une visite domiciliaire a, comme en l’espèce, pour objet de constater des infractions de droit commun et de droit pénal social, un mandat de perquisition délivré par un juge d’instruction était nécessaire pour la constatation des infractions relevant tant de la première que de la seconde catégorie. Il ressort de la réponse aux deuxième et troisième moyens que les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que cette irrégularité ne peut entraîner la nullité des éléments de preuve recueillis lors de la visite domiciliaire. Ne pouvant entraîner la cassation, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt. Le contrôle d'office Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi. PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette les pourvois ; Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi. Lesdits frais taxés à la somme de cent soixante euros onze centimes dus. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Frédéric Close, président de section, Benoît Dejemeppe, Pierre 23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/10 Cornelis, Gustave Steffens et Françoise Roggen, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze par Frédéric Close, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier. F. Gobert F. Roggen G. Steffens P. Cornelis B. Dejemeppe F. Close