La blonde, la brune, la rousse et le banquier

Transcription

La blonde, la brune, la rousse et le banquier
La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
–
- Théâtre de boulevard -
La blonde, la brune, la rousse
et le banquier
Hervé Burillier
Dépôt S.A.C.D. 02/2014
Demande d'interprétation : [email protected]
© Burillier, 2014
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
La blonde, la brune, la rousse et le banquier.
Comédie en trois actes.
85 minutes environ, pour 4 comédiens (3F – 1H).
Synopsis
Trois femmes célibataires issues d'horizons sociaux très différents vont par la force du destin se retrouver
dans le même appartement.
Elles ont fomenter le casse de la banque Del Adam Creuse Père & Fils. Pour parvenir à leur fin, elles ont
creusé un tunnel sous la route qui sépare l'appartement qu'elles occupent, du mur d'enceinte de
l'établissement bancaire. Malheureusement, un événement soudain et imprévu va compliquer leur plan.
Trois personnages féminins hauts en couleurs, trois électrons au caractère bien trempé.
Il y a Marylou la blonde (55/65 ans)
Présentatrice vedette du Journal Télévisé pendant près de vingt-cinq ans, c'est une star du paysage
audiovisuel. Malheureusement pour elle, c'est sans ménagement que la nouvelle direction de la chaîne
vient de la remplacer par une très jeune et belle ex-Miss France.
Poussée hors de son piedestal, star déchue, elle ne s'est pas remise de ce qui reste pour elle une outrageuse
humiliation.
Mais par delà le passage de la lumière et des paillettes à celui de l'ombre et de la solitude, c'est aussi
l'évidence du temps qui passe et avec lui celle de la déchéance du corps que consciemment ou non, elle
refuse d'accepter.
Depuis, elle sombre dans un alcoolisme vengeur tout en se goinfrant de pâtisseries et d'anti-dépresseurs.
Il y a Téa la brune. (35/45 ans)
Ancien lieutenant de l'armée, c'est un tempérament d'acier que rien n'ébranle. Elle a dû quitter le milieu
militaire suite aux troubles de Stress Post-traumatique auxquels elle a été exposés lors d'opérations sur le
terrain. Parfois, ses vieux démons refont surface l'entraînant aux portes de la folie ou dans de profondes
crises d'angoisse.
C'est-elle qui mène le trio. Elle ne tergiverse pas; brève dans son discours, précise, parfois tranchante, elle
agit en toute circonstance avec méthode et sang froid.
Débordante d'énergie, elle définit les plans, guide le groupe vers son objectif, dans une stratégie et une
rigueur forcément toutes militaires.
Il y a la Calyssa la rousse. (30/40 ans)
Une trentaine d'années. C'est la plus jeune et la plus insouciante du trio. Ses acolytes l'appelle "Calibre".
Issue d'une banlieue dite chaude, elle a fréquenté la petite délinquance dès l'adolescence et elle sort d'une
peine de 12 années d'emprisonnement pour avoir assassiné son compagnon de 14 coups de fusil après
qu'elle se soit rendue compte qu'elle n'aimait pas les hommes.
C'est une anarchiste de la pensée, un esprit totalement décomplexé et vagabond, en contradiction avec la
rigueur qu'impose le casse d'une banque.
Un personnage masculin, le banquier (la cinquantaine)
Henri Del Adam Creuse est l'arrière petit fils de Henri Del Adam Creuse, fondateur historique de la banque
éponyme. Fils à papa, sans ambition, un peu niais sur les bords, célibataire endurcit, il vit dans son petit
studio et n'a que très peu d'expériences de la vie et encore moins des femmes.
Il n'attend que le départ à la retraite de son père, actuel Président Directeur Général de la banque, pour
prendre à son tour les rênes de l'établissement familial.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Le décors
La scène se déroule dans le salon d'un appartement dont l'une des fenêtres offre une vue directe sur la
banque. Devant cette fenêtre est placée une petite table sur laquelle sont posés une paire de jumelles,
calepin, crayons, appareil photo, une longue-vue sur un trépied.
Le salon est encombré d'outils divers, boiserie d'étayage et autres outillages de chantier. Un système de
ventilation dont le tube plonge dans le tunnel que l'on creuse.
Une table, sur laquelle sont disposés plusieurs plans du chantier. Une porte donnant vers la cuisine; à
l'opposé une autre porte donnant vers l'extérieur.
Au centre de la pièce un canapé (selon possibilité technique, le canapé est au dessus d'une trappe dans le
plancher de la scène. Il masque l'entrée du tunnel; si impossibilité technique, prévoir que la porte de la
cuisine soit masquée par une bâche, donnant sur le chantier).
Les costumes
Marylou : Très bien habillée. Tailleurs, chemise, veste, chaussures à talon. Maquillée, coiffée.
Téa : Treillis militaire, Rangers, puis soubrette.
Calibre : Pantalon en toile, sweat-shirt,baskets, casquette ou bonnet.
Banquier : Costume, cravate, chaussures.
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Acte I
Scène 1
Marylou est seule dans la maison. Elle est très bien habillée, maquillée, coiffée. Elle regarde discrètement à
travers la fenêtre de l'appartement qui donne sur la banque. Elle observe l'activité qui s'y exerce et prend
des notes.
Elle alterne cette occupation en posant son vernis à ongle tout en grignotant des pâtisseries.
Marylou
– 11h.40 : Voilà notre coursier qui arrive; toujours le même, toujours joli garçon, et toujours
muni de sa petite sacoche en cuir marron.
Une vie bien réglée cet homme. Ennuyeux certainement... (elle dépose du vernis sur ses
ongles, note l'information sur un petit carnet posé sur une table située devant la fenêtre.
Accrochée au mur, une clochette retentit : trois coups brefs. Elle se précipite vers la clochette et
répond des mêmes trois coups brefs).
–
Ah! Ca c'est le colonel qui refait surface ! Voilà ! Voilà, j'arrive...
La voie est libre... (Elle retourne à son poste d'observation en soufflant sur ses ongles vernis; elle
remplit rapidement un verre d'alcool qu'elle vide d'un trait et croque dans sa pâtisserie).
Le canapé – Le coussin de droite du canapé se soulève légèrement, puis glisse au sol. Le haut d'une
échelle apparaît à l'intérieur du canapé. Une tête brune protégée par un casque équipé d'un
éclairage apparaît. Téa entre sur scène en « sortant » du canapé; elle est vêtue d'un treillis, paire de
rangers.
Téa
–
Rien à signaler ?
Marylou
– R.A.S. mon colonel. Débit-crédit, les entrées dans la banque correspondent aux sorties, les
comptes sont équilibrés.
Téa
–
Rasse, ça ira.
Marylou
– Rasse ?
Téa
–
R.A.S.
R.A.S. ça me suffit.
(elle dépoussière son treillis, s'essuie les mains, ouvre une petite boite de cirage noir et commence à
brosser ses rangers).
Haut et clair!
Mets toi ça dans le crâne une fois pour toutes.
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Marylou
– Oui bon, ça va, j'ai compris.
Téa
–
La réussite d'une mission dépend de la clarté des informations et de la précision du
renseignement.
Ici, t'es sur le terrain, tu présentes pas le 20 Heures. T'as pas à enjoliver l'information.
Marylou
– C'est reparti...
Téa
–
Contente toi de faire ce qu'on te demande.
- Tu fais pas de zèle, je déteste les ronds de jambe,
- Tu laisses tomber les fioritures,
- Tu vas à l'essentiel et seulement à l'essentiel.
Ok ?
Marylou
– C'était un trait d'humour, histoire de détendre l'atmosphère. Parce qu'à moins de trouver
que creuser un tunnel soit hilarant, c'est pas vraiment “Rires et chansons” dans cet
appartement.
Le langage codé, dans votre jargon vous aimez pourtant bien ça vous les militaires non ?
Téa
–
Je suis plus dans l'armée ok! J'en ai fait mon deuil de l'armée.
Et toi t'es plus à la télé.
On a une mission à remplir, on reste concentrées sur l'objectif.
Ce soir, n'oublie pas de me donner ton rapport sur les horaires du nouveau vigile de la
banque.
Marylou
– Concentrées sur l'objectif - Une mission à remplir - tu me fais un rapport... Non mais tu
t'écoutes parler ?
Tu n' y es peut-être plus dans l'armée, mais tu es bardée de cicatrices ma chérie; il y a
encore pas mal de fantômes qui rodent dans les couloirs là haut (elle pointe son index sur
sa tête) et le pire c'est que tu ne t'en rends même pas compte.
(en mangeant...)
… Sans parler de la tenue...
(...)
...Tu me fais un rapport ! N'importe quoi...
Téa
–
C'est bon, ferme-là. (elle met en marche un lecteur CD; chants militaires, se dirige vers la table,
elle déroule des plans qu'elle commence à étudier...).
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scène 2
Téa
–
Nous avons un problème au fond du tunnel !
(… musique..., elle fredonne...).
Marylou (elle baisse le volume de la musique).
– Excuse-moi colonel, moi ta musique je ne trouve pas ça très dansant et je ne t'entends pas
ce que tu me dis...).
(...)
Un problème ? Quel genre de problème ?
Ne me dis pas qu'il y a des rats... (elle plonge dans une boîte de gâteaux, se serre à nouveau un
verre d'alcool)...
Téa
–
Si c'était que des rats, il n'y aurait pas de problème. (elle éteint complètement la musique...)
Les pékins, vous ne savez pas ce que c'est vous la Patrie, l'Honneur. C'est pas seulement de
la musique ça!
(...)
Non (…) notre problème c'est un mur. En creusant ce matin, pendant que tu te déguisais en
poupée Barbie je suis tombée sur un mur. Un ancien mur en briques.
Marylou
– Un mur ?
Téa
–
Et il n'est pas sur la carte; sur aucune de toutes ces maudites cartes...
(...)
Et arrête de te goinfrer avec ces saloperies non de dieu.
Marylou
– En ce moment j'en ai besoin de ces saloperies comme tu dis. Manger des gâteaux, crois moi
ou pas, ça m'aide à surmonter mes angoisses. Ca me de-stresse.
Après ce qu'ils m'ont fait.
Bande de faux-culs, pourris.
Quand je pense à ce que j'étais, à ce que je représentais.
(…)
Il faut bien essayer de se faire une raison malgré tout...
Téa
–
Qu'est-ce que tu veux que je te dise. Qu'est-ce que tu veux que je te réponde ?
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Marylou
– Je suis un être sensible moi; je suis pas comme toi aussi rêche que le treillis que tu portes.
Je suis une artiste; Une artiste de la télé. Tout mon univers est là... enfin, était là!
Une artiste..., tu sais pas ce que c'est que d'avoir une âme d'artiste.
Téa
–
Non. Je ne sais pas.
Marylou
– La méchanceté dont les gens peuvent parfois faire preuve, c'est terrible quand on est
artiste. Ca vous déchire le cœur.
C'est comme une balle qui vous traverse le corps.
Téa
–
On voit que t'as jamais pris de balle.
C'est ta vie et ta vie j'en ai rien à faire.
T' as intégré l'équipe alors tu t'adaptes ou tu dégages, il est encore temps. Personne n'est
venu te chercher.
Marylou (en pleurnichant).
– Tu peux pas comprendre toi.
Tu n'es qu'un monstre d'acier; tu ne peux pas t'imaginer ce que c'est que d'avoir été jetée
comme une malpropre, du jour au lendemain sans raison, sans aucune explication...
Vingt-quatre années à la Une. Vingt-quatre années à présenter le journal télévisé, à réaliser
les meilleures émissions, les reportages les plus audacieux, les plus risqués, les plus grands
interviews...
Jamais une absence tu m'entends, jamais malade, d'une fidélité absolue à la chaîne.
(elle boit à nouveau)
Pourtant j'en ai eu des occasions de changer, des opportunités de carrière comme on dit.
Mais non...
Je me suis dévouée corps et âme pour la chaîne, je lui ai donnée vingt-cinq années de ma
vie. Vingt-cinq années, c'est pas rien.
(…)
J'étais la meilleure, tu m'entends, la meilleure.
Téa (sans relever la tête du dessus de ses cartes).
– Faut croire que non.
Marylou
– A vingt-heures précises j'arrivais chez mon public chargée d'actualités. Et il m'attendait
mon public, il m'attendait derrière son petit écran, puis ce fut derrière son écran plasma.
Nous avions rendez-vous tu comprends colonel, c'était comme de l'amour, une folle
passion entre le public et moi.
C'était fort, intense...
Tellement fort.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa
– Et bien t'as qu'à penser que vous avez divorcé. Les histoires d'amour finissent toujours mal.
Marylou
– On ne divorce pas d'une passion. Une passion c'est dans la chaire qu'elle vous tient, comme
un virus.
J'étais la reine de l'information. Vingt-cinq années de règne sans partage sur l'actualité
politique, économique, artistique, sportive...
J'ai tout vu, j'ai tout connu. J'ai interviewé les plus grands de ce monde... oui (…), j'étais,
j'étais...
Téa
–
T'étais, t'étais... Ben oui t'étais... T'étais et maintenant tu n'es plus. Il faut t'y faire ma
grande.
Marylou
– S'y faire! Mais comment vais-je pouvoir m'y faire. C'est impossible.
Quand j'y repense... (elle remplit un nouveau verre d'alcool et ouvre une boîte de médicaments).
Téa
–
Ca te donne soif! (elle lui retire le verre et la boîte de médicaments).
(...)
Regarde toi! Non mais regarde toi! T'es qu'une loque!
T'es plus rien de ton passé; il est mort ton passé.
(...)
Tous les passés sont morts, c'est pour tout le monde pareil, il n'y a pas le choix.
Y a plus que des souvenirs, et il faut s'arranger avec. Ca s'appelle la conscience.
(...)
T'as eu ton heure de gloire, mais c'est terminé tout ça. Même les stars passent tu vois, elles
sont comme les étoiles filantes.
Elles déchirent le ciel en brûlant tout de leur lumière éclatante, et pouf... plus rien. C'est la
nuit qui revient.
T'as vieilli ma pauvre chérie, tu ne brilles plus, c'est comme ça sauf que t'as pas encore eu
le courage de te l'avouer; et tes amis, ils ont fini par te pousser vers la sortie.
(...)
Oublie que t'as été une reine sous les projecteurs. La Star est morte et son âme avec.
Quand tu te seras mis ça dans la tête tu arrêteras de gamberger.
Marylou
– C'est eux qui n'ont pas compris que c'était moi la meilleure. Il n'y en a pas une qui atteint
mon niveau, pas une... Ils finiront par me rappeler... J'en suis certaine... Ils vont bientôt me
rappeler...
Téa
–
T'as même plus de dignité! Tu ne te caches même pas pour picoler. Tu manges pas, tu
bouffes, comme un porc!
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(...)
T'es plus qu'un étron alcoolisé, ruiné, gonflé d'anti-dépresseurs et de sucres.
(...)
On est devenu des parias ma chérie. On ne l'a pas choisi, mais c'est comme ça.
La différence c'est que Calibre et moi on en a pris conscience et on l'accepte.
Toi seulement, t'essayes de noyer l'évidence mais c'est toi qui va perdre pied et te noyer si
tu continues comme ça.
Marylou
– Excuse-moi, mais Calibre elle, elle n'est pas devenue paria; elle l'était à la naissance je suis
désolée.
Mais moi! Moi, c'est différent.
Je pourrai sûrement revenir... Regarde, je suis pas mal encore... Puis j'ai encore de
nombreuses relations...
(...)
Rends moi au moins le Xanax s'il te plaît...
Téa
–
Tu t'y feras, fais moi confiance!
Tu vas le bouger ton derrière, je te le promets.
Tu vas te relever, tu m'entends. Tu vas te mettre debout et marcher tête droite et tu vas
remplir ta mission avec nous.
Maintenant t'es la reine des souterrains, fais toi à cette idée et tout ira bien.
Marylou
– Je vais essayer (…).
Téa
–
Et arrête de chialer comme une gonzesse où je t'en colle une.
Marylou
– Oui Colonel.
Téa
–
Tu en profiteras pour balancer tous ces vernis à ongles, ces maquillages, tout ce bastringue
qui encombre la salle de bain...
(…)
et ces fringues ridicules. Tu ressembles à Meryl Streep dans La mort vous va si bien.
Marylou
– Oui Colonel.
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Téa
–
Dis toi bien que si tu devais y retourner, rendre visite à ton public sur le coup des 20
Heures comme tu dis, c'est peut-être bien toi qui fera la UNE cette fois, et pas du même
côté de l'objectif...
(…) tu me suis ?
Marylou
– Oui Colonel.
Téa
–
Et là où tu iras, t'auras pas besoin de ressembler à un sapin de noël. Pigé !
Marylou
– Oui Colonel, pigé.
Téa
–
Et arrête de m'appeler Colonel; j'étais pas colonel; j'étais Lieute.
Lieutenant!
Marylou
– Bien colonel...!
(elle se ragaillardit)
Et puis tu as raison!
Allez! Courage ! Le passé, c'est le passé!
A la Une ce soir : La banque Del Adam Creuse et un sacré paquet de fric à se partager!
Wouh ! wouh...!
Ca s'arrose... (elle cherche la bouteille d'alcool).
(...)
Téa
–
Robinet bleu, c'est l'eau froide...
Et à l'occasion j'essayerai de te trouver des fringues appropriés, c'est vrai que tu ressembles
à un sapin de noël.
Scène 3
Marylou (elle observe en direction de la banque à travers sa longue-vue).
– 11h. 50 : Le coursier ressort de la banque.
Te voici jeune éphèbe athénien. Tu verrais ça, que du muscle, pas une once de graisse; ça se
voit d'ici. Une authentique statue grecque.
Le nez..., peut-être un peu tordu, faudrait s'approcher; mais pour un week-end...
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Téa
–
Il n'y a pas de permission de prévue ce week-end.
(...)
Tu as une idée pour le mur ?
Marylou
– Une idée ?... Le mur, ah oui le mur...
11h. 51 : Entrée du buraliste. Tiens, il ne s'est pas rasé ce matin. Par contre lui c'est pas une
statue grecque antique le pauvre... Il serait même plutôt QUE antique.
Il apporte sa caisse de la veille, regarde-le là, l'air de rien...
Il n'est pas prudent cet homme, il vient déposer sa caisse à la banque tous les jours,
exactement à la même heure. Quasiment à la minute près. Il va finir par prendre un coup
de matraque derrière la tête.
A l'occasion faudrait que je lui en parle...
Téa (au dessus de ses plans).
– (…) On avait vraiment pas besoin de ça!
Quel os!
Marylou
– Tu ne parlais pas d'un mur tout à l'heure ?
Téa
–
C'est le mur qu'est l'os. Pas étonnant que qu'ils t'aient foutue dehors, il était temps que tu
la prennes ta retraite...
Marylou
– Et voilà! Encore un trait d'humour qui tombe à l'eau... Evidemment, c'était trop subtile...
Téa
–
Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
(...)
Et arrête de boire ou je te flingue...
Pose cette bouteille, non de dieu pose là sinon je vais te cogner et je te jure que tu vas les
revoir les stars!
Marylou
– Foutue dehors, ...foutue dehors... Ils ne m'ont pas foutue dehors comme tu dis.
Téa
–
On s'en fout, on en a déjà parlé.
Marylou
– Ah mais au contraire, bien au contraire, c'est bien là le problème... Sinon je ne serais pas là
à préparer le cambriolage d'une banque avec deux... (coupée).
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa
–
(…) Ecoute! Tu ne vas pas remettre ça sur le tapis à toutes les occasions qui se présentent,
ok ?
Pourquoi t'as quitté la télé, les détails ne m'intéressent pas. Ici, tu obéis aux ordres, tu fais
le boulot et tu la fermes; c'est tout.
C'est pas plus compliqué que ça.
Marylou (en marmonnant à voix basse).
– A cause d'une petite salope! Salope et ambitieuse! Salope de miss France...
Téa
–
Moi ce que j'exige c'est que dans le boulot tout soit nickel c'est pigé ? Capito ?
Et ça... (elle lui retire la bouteille d'alcool), tu lèves le pied. Sinon c'est le mien que tu vas
prendre au travers de la tronche.
… A force de le dire (…).
Marylou (toujours en marmonnant à voix basse).
– C'est avec son petit cul de vingt printemps qu'elle m'a poussée la garce! (…), cette petite
garce ambitieuse. Ah pour avoir les dents longues elle avait les dents longues...
Téa
–
Résumons la situation.
Primo : Dans quarante-huit heures nous devons être derrière le mur de la salle des coffres.
Secundo : Nous venons de tomber sur un mur deux mètres avant celui de la salle des
coffres.
Tertio : Ce mur ne figure sur aucun de tous les plans que nous possédons.
Questions : Que fait ce mur ici ? Qu'y a t-il derrière ? Comment éliminer le contact ?
Marylou
– Mais qui aurait pu avoir une idée pareil ? Faut pas être bien pour construire un mur sous
terre... Même les mineurs ne construisent pas de murs; ils étayent!
Téa
–
Réfléchis dans ta tête de piaf; il était là avant que la route ait été tracée. C'est peut-être un
ancien bâtiment, un mur d'enceinte ? Une salle annexe à la banque qui aurait été
construite après ces plans ? Va savoir.
Toujours est-il qu'il est là et qu'il va falloir trouver une solution et vite!
Marylou
– Calibre et toi vous n'avez qu'à le faire sauter. Après tout, la poudre c'est dans vos
compétences à toutes les deux.
Téa
–
C'est ça, on pétarde tout! Ben voyons!
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Marylou
– Ce n'est certainement pas compliqué d'abattre un mur; enfin je suppose. Au studio je
connaissais un cascadeur; il faisait tout sauter dans ses films; il pourrait peut-être nous
donner un coup de main si on lui glisse un billet ou deux; qu'est-ce que tu en penses ?
Téa
–
Excellente idée, appelle-le donc ton cascadeur.
(...)
Et puis le metteur en scène avec. Et il nous faudra aussi un preneur de son et un chef de
plateau pendant qu'on y est.
Marylou
– Par contre mes chéries, autant vous dire tout de suite que si vous envisagez de faire ça cet
après midi, ne comptez pas sur moi... (elle regarde ses ongles, passe une main dans ses
cheveux).
Téa
–
On ne pourra pas dynamiter ce mur.
Marylou
– … non...
Téa
–
Non.
L'explosion s'entendrait à des kilomètres à la ronde. Sans parler du trou dans la chaussée.
Marylou
– C'était juste une idée.
Téa
–
L'explosif, ça se calcule, ça ne s'improvise pas. Le C-4 c'est comme la joaillerie, ça se
manipule avec passion, avec précaution. Avec amour.
Si tu te loupes, tu redoubles pas. C'est à la serpillère qu'on te ramasse.
Marylou
– Mais je ne comprends pas, ce mur, il devient bien figurer sur un de tous ces plans au
moins ?
Téa
–
Justement, non.
C'est bien là qu'est l'os hélas; on a rien sur aucun plan.
C'est de ma faute, j' ai été stupide, j'aurai du y penser.
(…)
Comment ai-je pu être aussi stupide, une bleusaille y aurait pensé!
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Marylou
– Tu ne pouvais pas savoir qu'il y aurait ce mur (elle regarde par la fenêtre), là, (…) juste sous la
Twingo bleue!
Téa
–
J'aurais dû penser à cette éventualité. C'est une constante que j'aurai dû intégrer à
l'équation.
Dans toute équation il y a une constante; ce paramètre d'incertitude qui fait que l'équation
fonctionne.
(elle commence à s'angoisser, à se stresser; ses vieux fantômes refont brusquement surface...).
Putain j'ai rien anticipé, tu comprends ça, dis tu comprends! C'est de ma faute...
(…)
Tout ça c'est de ma faute...
(…)
On est foutu, on est foutu les gars, on est foutu; faut pas rester là, faut pas rester là, ils vont
tous nous avoir...
(…)
Mouvement... mouvement...!
(...)
Le radio, où est passé le radio ?... Passe moi ça toi (elle prend la bouteille d'alcool des mains de
Marylou et s'en sert de radio)...
(…)
Planque-toi avec les autres, reste pas là. Reste pas à découvert tu vas te faire descendre.
(…)
Bravo vous m'entendez ? Ici Zoulou. Bravo répondez ici Zoulou...
(…)
L' ennemi est partout, la compagnie est submergée; je répète; la compagnie est
submergée. Demandons appuis aérien, demandons appuis aérien... Prenez pour cible la
position; je répète, prenez pour cible la position...
(…)
A couvert! Tous!
Tous à couvert, Broken Arrow! Broken Arrow!
Scène 4
Marylou
– Waouh...!
(elle s'approche lentement de Téa et pose sa main sur son épaule).
Colonel, eh colonel !
Oh lieutenant!
Tout va bien, tout va bien...
C'est fini.
Lieutenant, lieutenant,
On les a eus; on les a tous eus.
14
La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa (choquée).
– Oui...
Tout va bien, ça va, ça va,
Tout est en ordre...
Marylou
– C'est ça
Regarde..., tout va bien, nous sommes dans... , dans le salon (…). C'est cool, tout est
tranquille, tout, tout va bien.
Si ce n'est par la poussière, on est pas submergé, t'inquiète pas... C'était juste un mur.
Il n'y a personne qu'est foutu.
(…)
C'est... c'est le radio qui m'a appelé pour confirmer. Tout va bien...
(elle en profite pour récupérer la bouteille d'alcool)
Tiens, bois un coup.
Téa (elle boit une gorgée puis tend la bouteille à Marylou qui en profite pour se servir à son tour).
– Excuse moi,... parfois,...
(…)
Dans certaines circonstances,... le passé..., il ressurgit...
Marylou
– C'est exactement la même chose pour moi...
Quand je croise une gamine de 20 ans avec des seins comme des obus; j'ai aussi le passé
qui ressurgit; j'ai envie de la tuer; comme ça, à mains nues, pis, pis, pis, pis de lui arracher
les membres, pis, pis de tout disperser...pis, pis, pis...
(elle en profite pour récupérer à nouveau la bouteille d'alcool et boire une longue gorgée).
Téa
–
J'ai fait une connerie. C'est un vieux quartier ici; depuis des siècles on a construit, on a rasé,
on a reconstruit , rasé à nouveau. J'ai pas intégré la menace archéologique que pouvait
présenter le chantier.
Marylou
– Une menace chimique ou bactériologique... à la rigueur! Mais une menace archéologique,
tu exagères peut-être un peu non ?
Téa
–
T'appelle ça comment toi ? Un fan ?
Le mur est bel et bien là, devant nous; il contrarie tout notre plan d'attaque.
On doit le raser, et en silence... Dans les règles de l'art; proprement!
Marylou
– Tiens tu fais bien d' en parler. A propos de raser, fais moi penser d' acheter de la crème
dépilatoire cet après midi. Je n'ai pas les mollets très nets en ce moment et je déteste ça.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa
–
Et bien avec du poil aux mollets, t'auras un ticket avec Calibre.
Blonde
– Justement! Raison de plus pour mettre en avant toute ma féminité. Calibre, moi elle me fait
peur cette fille. Et... (coupée).
Téa
–
Et... ?
Marylou
– Excuse moi mais tuer son petit ami de quatorze coups de fusil de chasse sous prétexte
qu'elle s'est aperçue du jour au lendemain qu'elle était lesbienne...
(…)
Quand on sait qu'un fusil de chasse ça tire deux coups, ça veut dire qu'elle a rechargé sept
fois. On est en droit de se poser des questions sur sa santé mentale.
Remarque que je ne parle pas de folie...
Téa
–
Elle n'est pas la première femme à avoir descendu son mari ou son conjoint que je sache.
Marylou
– Oui, mais enfin...
Quatorze coups de fusil de chasse...
(…)
Ca reste particulier comme assassinat...
Et, et en plus elle est originaire de la banlieue nord...
Téa
–
Et alors ?!
Marylou
– … Alors, alors... Alors, c'est la banlieue nord, c'est tout. Ca veut tout dire.
Téa
–
Je ne vois pas le problème, je ne comprends pas.
Marylou
– On voit que tu n'y es jamais allée en reportage...
Téa
–
Calibre, j'ai confiance en elle. En cas de coup dur je sais qu'elle répondra présent..., elle.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Et ça, qu'est-ce que ça veut dire ça... elle ? Qu'est-ce que tu insinues par là, qu'il faut sortir
de prison et avoir un casier de justice long comme une liste de courses pour que tu aies
confiance ?
(…)
On peut aussi très bien être une personne normale, féminine avec encore beaucoup de
charme... et mériter tout autant la confiance des autres.
Téa
–
T'es trop complexe pour moi!
(elle déroule des plans)... Réfléchissons...
Plans, du cadastre, les copies de ceux des immeubles avoisinants, services techniques
communaux, le service des eaux, réseau ERDF, tout y est sauf ces deux derniers mètres
sous la route. Avoue que c'est pas de chance!
Marylou
– Tu n'y peux rien. Ce sont les inconvénients du direct, la fatalité.
Téa
–
La fatalité, c'est comme le hasard; ça n'existe pas. Il n'y a que des missions mal préparées,
des actions improvisées. Je ne crois pas au hasard.
Marylou
– Oui, mais là, mon colonel, tu pouvais pas savoir. C'est la faute à pas de chance c'est tout.
Et puis comme disait Napoléon “impossible n'est pas français”.
Téa
–
Napoléon ? Qu'est-ce que Napoléon vient faire là-dedans!
Marylou
– C'était pour rester dans l'ambiance, t'as décidément pas d'humour... (son regard est attiré
vers l'extérieur, elle regarde par la fenêtre en direction de la banque).
(...)
Hop! hop hop! je rejoins le direct!
12h.00 - arrivée du camion de la Brinks, un homme au volant, un second à l'intérieur, à
l'arrière du véhicule, le troisième à l'extérieur...
L'homme pénètre à l'intérieur de la banque; top : 1, 2, 3, 4, 5, 6, top, il ressort, chargement
des sacs, fermeture du sas, départ du véhicule.
Bravo la Brinks. Opération rondement menée. Du grand Art!
Téa
–
On va leur en proposer aussi du grand Art. Nous on arrive sous la manche.
(...)
Douze heures trente, c'est pas vrai! Mais qu'est-ce qu'elle fait encore ? Elle est partie où
Calibre ?
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Acheter des outils.
Cette fille achète des outils comme moi de la lingerie. C'est quand même pas très naturel
pour une femme ça, tu trouves pas!
En même temps, je ne sais pas pourquoi je te dis ça à toi. Une boutique de lingerie chez toi,
ça doit forcément ressembler à un stock américain.
Téa
–
C'est toi qui irait les acheter les outils peut-être ? Quand tu tiens un marteau on dirait un
bleu avec une grenade dégoupillée dans les mains...
Marylou
– Ah les comparaisons à deux sous.
Ce que je dis, c'est que Calibre ça se voit que c'est pas une fille normale. Enfin... dans sa
féminité, sa manière de parler.
Elle arrache les mots de sa bouche au grappin.
(...)
Je comprends pas son petit ami, il aurait dû s'en rendre compte tout de suite. Quand ta
copine te demande une caisse à outils pour ton anniversaire... Il y a quand même matière à
se poser des questions non ?
Il serait sûrement encore en vie aujourd'hui.
Téa
–
Ecoute, si tu veux faire des os plus vieux que tu ne les as déjà... (coupée).
Marylou
– Merci! Belle tournure, ça fait plaisir à entendre...
Téa
–
Ne lui parle pas de son ex copain. Jamais. Sa vie, c'est sa vie.
Marylou
– C'est pas un secret.
Tout le monde le sait qu'elle a tué son copain. Elle l'a même descendu le jour de la SaintValentin. J'ai été la première à l'annoncer à la une du J.T.
Il lui avait offert un énorme bouquet de fleurs et au juge elle a expliqué que c'était la goutte
d'eau qui avait fait déborder le vase... Soit disant qu'elle lui aura demandé une perceuse à
percussion.
Elle était vraiment prédestinée pour creuser un tunnel... C'est même surprenant qu'elle ne
se soit pas évadée de prison.
Téa
–
Dans cinq minutes si elle est pas rentrée tu pars en reco. Tu t'équipes léger, un jour de
vivres.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
(…) Dans le cas où je me perdrais dans le quartier ?
Téa
–
Bon, voyons (elle se penche sur ses plans). D' après mes calculs, nous sommes à moins de
deux mètres cinquante du mur de la banque.
Marylou
– Le Saint Graal!
J'en suis toute excitée; deux mètres cinquante de... Rappelle-moi, il y a combien au fait
derrière ?
Téa
–
Quatre millions d'euros en petites coupures usagées qui roupillent en attendant qu'on
vienne les délivrer.
Scène 5
(On frappe à la porte : Téa sort un revolver de l'intérieur de sa veste et elle se glisse derrière la porte
d'entrée, elle fait signe à Marylou d'ouvrir).
Marylou
– Tiens, quand on parle du loup. C'est Calibre, je reconnais sa façon de frapper. On dirait un
bélier contre la porte d'un château fort. (elle se dirige vers la porte, frappe les mêmes coups à
son tour et ouvre. Entrée de Calibre, une caisse à outil à la main, un chariot équipé d'un chalumeau
dans l'autre. Elle pose et ouvre la caisse à outil en ressort le journal du jour, un pain plié en deux et
un paquet de pâtisserie).
Calibre
– Salut les gars! (…).
Téa
–
T'es en retard. Rends compte.
Calibre
– Oh oh! Pas tant que ça! Et si je suis en retard, c'est à cause du vendeur.
Putain le mec de chez Casto j'ai failli le tilter ce naze. Quarante-cinq minutes pour
regrouper ma liste.
Dingue, j'ai cru que j'allais péter un câble. Ces magasins de bricolage je les hais; aucune
cohésion dans leur rangement, tu trouves rien!
Marylou
– On dit aucune cohérence; pas cohésion. (elle se tourne vers Téa) Qu'est-ce que je disais ?
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Calibre
– On s'en fout. Voilà, tout y est... (à Marylou) T'es déjà à l'apéro toi ?
T'as pris ton petit dej. au moins avant ? (…) Laisse tomber je plaisantais!
Marylou
– Ah! Ah ! Ah! Très drôle.
Calibre
– Donc; nous avons :
. le chalumeau,
. oxygène,
. dispositif de coupe,
. allume gaz,
. plaque réfractaire,
. lunettes,
. gants de soudeur.
Alors les mecs ?
Qu'est-ce que vous dîtes de ça.
Téa
–
Parfait! Beau boulot Calibre.
Calibre
– Avec tout ça on est paré pour l'oxycoupage.
Marylou
– L'oxy... ?
Calibre
– L'oxycoupage.
La découpe des métaux si tu préfères.
Les petits coffres individuels; on les défonce à grands coups de burin et de pied-de-biche;on
a déjà ce qu'il faut.
Par contre les plus gros, ceux qui résistent, on les “oxydécoupe”.
Marylou
– C'est un verbe ça oxydécouper!
Téa
–
C'est dans le Bescherelle du Neuf trois.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Calibre
– A ce propos, j'espère que c'est bon pour la ventilation dans le trou; parce qu'avec l'usine à
gaz que je trimballe derrière moi, on va consommer l'oxygène de tout le tunnel une fois
qu'on aura mis en route le brûleur.
Faudrait voir à pas calancher asphyxiées à la tâche.
Téa
–
Tout est en ordre. La ventilation fonctionne parfaitement. Je viens de terminer le montage.
Calibre
– Si tu le dis.
Téa
–
Je viens de te le dire. Tout est en ordre.
Calibre (à Marylou)
– Tiens mon chéri, j'ai pensé à toi, voilà tes éclairs... Huit. Quatre cafés et quatre chocolats
comme tu m'as demandé.
J'ai acheté le journal aussi. Il y a la météo jusqu'à dimanche, ça peut toujours être utile
pour nos affaires du week-end.
Eh! Vous allez rire... Page quatre... Y'a une gonzesse, elle a négocié son mec après vingt-huit
ans de mariage. Une infirmière. Pendant qu'il dormait elle lui a injecté une bulle d'air dans
une artère. Le mec raide!
Ensuite elle l'a tronçonné et elle a tout balancé dans un aquarium à Piranhas qu'elle avait
chez elle. A croire qu'elle avait médité son coup ; balaise non ?
Marylou
– Magnifique! Quel humour!
Calibre
– Moi je dis qu'il faut être complètement taré!
(...)
A part ça, dehors, pas d'inquiétude, tout est calme.
(à Brune qui tient encore son pistolet à la main).
Tu devrais poser ton blaze, avec tes conneries, un jour, tu vas finir par blesser quelqu'un. Tu
appuies à peine et le coup part avec ces engins là.
Téa
–
A l'avenir tache de respecter les horaires. Vendeur ou pas t'as pris trop de temps.
Calibre
– Eh! Pousse pas, on est pas dans les rangs là. Je me suis juste arrêtée pour faire un petit
ticket. Dimanche c'est le Prix d'Amérique.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Tu es encore allée jouer aux courses ? Tu ne peux pas t'en empêcher. C'est une maladie.
Calibre
– Oh! oh! crise pas Chazal; j'ai été hyper light sur l'investissement. Cinquante euros sur le 13,
placé gagnant.
Téa
–
J'espère pour toi que t'as parlé uniquement chevaux, Calibre!
Calibre
– T'inquiète!
Marylou
– Le 13! Le jour où on doit vider les coffres elle joue le 13. Qu'est-ce que tu veux que je te
dise! (…).
Mais tu tiens vraiment à nous porter la poisse.
Calibre
– A soixante-sept contre un, cette poisse comme tu dis, je la prends. Les mecs si ça gagne, je
vous invite au resto et c'est moi qui rince.
Hou là, qu'est-ce que j'ai dit ? J'ai dit une connerie ? On dirait qu'on vous a piqué le
pognon.
Marylou
– Ne parle pas comme ça tu vas nous porter malheur.
Calibre
– Arrête un peu avec tes superstitions.
Marylou
– Oui, et bien des fois ça se réalise.
Calibre
– C'est quoi le bug ? Le fric n'est plus là ?
Téa
–
Le problème, c'est pas le fric. Il est toujours là.
Calibre
– Alors c'est quoi le faussaire ? Faut dessouder le proprio un œil qu'aurait été indiscret ?
Marylou
– Ah ce que j'aime ta délicatesse...
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa
–
On ne met personne au tapis, on dessoude personne. On reste dans le calme et la sobriété.
Souples, félins, manœuvriers.
Le problème est que nous sommes tombés sur un mur et qu'il va falloir trouver une
solution rapidement et intelligemment.
Calibre
– Qu'est-ce que vous racontez un mur! Ou ça un mur ?
Marylou (Tout en regardant en direction de la banque).
– Où ça un mur, où ça un mur ? Dans le tunnel pantoufle!
Tiens les voilà eux.
12h40 - Réglés comme du papier à musique. (elle note) Douze heures quarante, sortie du
guichetier et de la secrétaire. Ils doivent fricoter ensemble ces deux là, c'est pas la première
fois que je les vois sortir et partir ensemble.
C'est noté.
Calibre
– Mais hier soir, personne n'a parlé d'un mur ?
Marylou
– C'est normal, il a été construit pendant la nuit.
Calibre
– Arrête de te foutre de ma gueule toi. Tu peux très bien finir à l'horizontal si tu
m'embrouilles... Fais gaffe.
Téa
–
Oh! La ferme Calibre. Tu la boucles maintenant.
Hier soir, il n'y avait pas de mur, ce matin il y en a un.
Je l'ai découvert en creusant.
Calibre
– Alors ça c'est pas de chance, c'est même drôlement ennuyeux. On a pas fait gaffe sur les
plans ?
Marylou
– Tais toi, sinon... le colonel...
(...)
Broken Arrow!
Calibre
– Ah! Je vois... la compagnie a déjà été submergée ce matin ?...
Ben, on a qu'à tout faire sauter et puis c'est mare.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa
–
On ne fait rien sauter. Mais qu'est-ce que vous avez toutes les deux à vouloir toujours tout
faire sauter.
On fait rien sauter … c'est clair!
Marylou
– Le colonel a raison. Toi, si on ne fait pas tout sauter, ou si tu ne tues pas quelqu'un tu
manques d'air. C'est quelque chose ça !
Calibre
– C'est la marque du métier. T'as jamais travaillé de tes mains toi, tu sais pas ce que c'est la
signature de l'artisan.
Marylou
– Excuse-moi ma chérie. Je ne suis pas née manuelle effectivement. Et après..., et alors ?
C'est comme ça, personne n'y peut rien, c'est la vie. Tu es née dans le Neuf trois, comme
vous dites; et bien moi je suis née dans le Un six. C'est comme ça, tant pis pour toi.
Calibre
– C'est quel département ça le Un six ?
Marylou
– Le seizième arrondissement.
Téa
–
Les hommes naissent libres et égaux, mais ça dépend où ils naissent.
(...)
Bon ça suffit, silence toutes les deux où je vous mets aux arrêts.
On ne fait rien sauter. A cette distance de la banque on ne fait rien sauter.
De plus, on ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mur.
Calibre
– C'est pas faux ça. Avant le mur, on savait, c'était de la terre, mais maintenant, après le mur,
on sait pas ce qu'on peut trouver.
Téa
–
On peut trouver n'importe quoi, on est plus sûr de rien. On va peut-être retrouver la terre,
ou un autre mur, on en sait rien.
Calibre
– Si ça se trouve, on est peut-être déjà contre la banque ?
Téa
–
Il faut tout envisager.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Alors ? On fait quoi ?
Téa
–
Demain c'est samedi. L'accouchement est prévu pour dimanche.
Si on perce le mur aujourd'hui ou demain et que derrière ce soit déjà la banque, on est
foutu.
Par contre, si on ne perce pas ce mur aujourd'hui ou demain et qu'en plus il nous reste
derrière deux mètres de terre à déblayer. Nous aurons alors trop de retard et ce sera mort
pour dimanche.
Marylou
– Et lundi matin, la Brinks vient reprendre le fric.
Calibre
– Reste les coffres des particuliers.
Téa
–
Ca c'est le pourboire. C'est la surprise, et on ne sait même pas ce qu'ils contiennent.
Calibre
– Alors, on fait quoi ?
Téa
–
Je réfléchis...
(… long silence, chacune réfléchit dans son coin...).
Scène 6
Calibre
– On a qu'à faire comme dans la cité quand on a braqué le tabac pour fêter mes quatorze
ans. On entre normalement, comme des clients normals... (coupée).
Marylou
– Des clients normaux, merci.
Calibre
– Normaux!
On sort nos flingues, on braque et on évacue. Normaux!
Marylou
– Normal!
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Calibre
– Toi tu me taquines! Fais gaffe!
Téa
–
Sauf que là. C'est pas un bureau de tabac que tu braques. Avant que nous ayons fait demitour les pandores – les flics - seront aux coins de la rue et toutes les routes barrées sur un
rayon de cinquante kilomètres à la ronde tu peux en être certaine.
Calibre
– Si t'as mieux à proposer ? On t'écoute.
Téa (à Marylou)
– Marylou ?
Marylou
– Pas mieux, je passe...
Téa
–
Alors j'ai une idée.
Marylou et Calibre (En même temps)
– Ahhhh!
Marylou
– Nous t'écoutons.
Téa
–
Il va falloir faire vite, très vite.
C'est risqué, mais au point où nous en sommes, je ne vois pas d'autre solution.
Calibre
– Annonce la couleur!
Téa
–
On va devoir exfiltrer le directeur de la banque.
Marylou
– Très bien, très bien,...
Oui pourquoi pas!
(...)
Et... en langage civil, ça veut dire quoi exfiltrer le directeur de la banque ?
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Téa
–
Ca veut dire qu'il nous le faut ici, ce soir à dîner ou demain à déjeuner au plus tard...
(...)
(… long silence, elles se regardent...).
Marylou
– Tu veux inviter le directeur de la banque à venir dîner ici ce soir ou déjeuner demain ? C'est
bien ce que tu viens de dire ?
Téa
–
Exactement. C'est bien ce que j'ai dit.
Calibre
– Pour le torturer ?
Téa
–
Presque.
On va le torturer, mais en douceur, tout en finesse. A table et avec savoir-vivre.
Tout dans la délicatesse.
Calibre
– Comme les Chinois !
Téa
–
Voilà ! Comme les Chinois...
Il n'y a que lui qui peut nous dire si sous la route, il y a une salle avant la salle des coffres.
Nous avons besoin de cette information.
(…)
Impératif.
Marylou
– Et le directeur de la banque, comment comptes-tu l'amener ici ? On ouvre la fenêtre et on
lui fait signe.
Eh! Vieux! On vient de cuisiner des spaghettis Bolognaises; on sait que tu adores ça! Ca te
dirait une assiette ?
Téa
–
Va falloir le séduire. Et pour ça on a besoin d'une séductrice...
(Téa et Calibre font silence tandis que leur regard plonge vers Marylou).
Téa
–
Tout compte fait, tu es très bien habillée...
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Pas si vite vous deux...
Calibre
– Et ce brushing..., et ces ongles rouges, ce vernis, c'est magnifique...
Marylou
– Eh là! Eh là, je vous vois venir, je commence à les connaître vos plans foireux!
Téa
–
Le compte que tu as ouvert il y a deux mois...
Marylou
– Le compte ?
C'était juste pour vérifier l'emplacement des caméras de surveillance. Il n'y a pas deuxcents euros dessus.
Téa
–
Justement, il serait peut-être temps d'aller y déposer un chèque, qu'est-ce que tu en
penses Calibre ?
Marylou
– Un chèque ?
Téa
–
Calibre, fais lui un chèque. Tu as encore un chéquier sur toi, tu me l'as dit.
Calibre
– Oui, celui de mon défunt copain, je dois avoir encore trois ou quatre chèques dessus.
Marylou
– Tu as tué ton petit ami, tu sors de 12 ans de prisons et tu as conservé son chéquier. Tu sais
que tu es une grande malade toi...
Calibre
– C'était pour mes faux frais. Faux frais, faux chèques!
Combien le chèque ?
Téa
–
Fais lui un premier chèque de... 67 031 euros. Ca sonne bien. C'est pas un chiffre rond; on
te posera pas trop de questions!
Calibre
– Putain mais j'ai pas la somme sur le compte!
De toute façon j'ai pas le compte non plus. Il a été fermé depuis l'accident de chasse...
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Je rêve moi, je sais pas, je rêve.
Je sais plus. Je vais bientôt me réveiller... Je vais entendre le générique, on doit être entre
les pubs. Je vais sûrement me réveiller... C'est quoi le prochain sujet d'actualité ?
(...)
Et j'en fais quoi moi de ce chèque.
Téa
–
Vu la somme. Tu remets pas ça au pékin lambda derrière son guichet. Tu exiges de
rencontrer Monsieur le Directeur.
Tu demandes pas! Tu exiges!
T'as compris ?
Marylou
– Et si on me dit qu'il est en réunion et qu'on ne peut pas le déranger Monsieur le Directeur ?
Hum ? Je fais comment ?
Téa
–
Tu gardes l'initiative, comme aux échecs.
Tu retournes le chèque et tu montres la couleur. Crois moi, c'est au galop que tu l'entendras
arriver depuis le fond des couloirs.
Une fois qu'il est entre tes mains, tu le fais baver, tu lui dis que ton chèque là, il est pas fils
unique, qu'il y a d'autres qui arrivent...
Calibre
– Génial !
Marylou
– Admettons... Ne nous emballons pas...
Téa
–
Là dessus, fais moi confiance; parole de banquier, il va te la jouer mousseline et petites
dentelles; ça t'ira bien en plus.
Pendant qu'il déballe ses produits, tu lui fait de l'œil, tu lui fais ce que tu veux, ça tu te
débrouilles, c'est ta partie. Tu te débrouilles, mais tu l'emballes.
Calibre
– Tu le ferres! Comme à la pêche au gros, en mer!
Téa
–
Un très gros poisson... Tu le laisses surtout pas retomber à l'eau et tu le maintiens à
température. Je te fais confiance.
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La blonde, la brune, la rousse et le banquier, © Hervé BURILLIER, 2014. Déposé auprès de la S.A.C.D.
Marylou
– Et... et pourquoi c'est toujours moi qui doit emballer hein ?
Emballer le mec de l'agence pour louer l'appartement, emballer la société de locations de
voitures, emballer le type de l'agence de voyage... au cas où après le coup on aurait envie
de filer en Amérique du sud... et maintenant emballer le banquier.
Je pose la question légitimement. Pourquoi est-ce que c'est toujours moi qui doit
emballer ?!
Téa
–
Mais parce que t'es la plus belle ma chérie... Et puis habillée comme t'es, tu peux pas
creuser. Tandis que nous, on est déjà en tenue de travail.
Et puis t'as le chic, le genre; Ca se voit tout de suite qu'on a pas ta classe.
Calibre
– Pis tu sais bien causer toi, vu que tu parlais à la télé...
Téa
–
Allez! Assez perdu de temps. Action!
Calibre, nous deux, on descend voir ce mur de plus près.
Calibre
– C'est parti!
Marylou
– Si vous êtes sûres de ce que ce soit la seule solution...
Téa
–
Absolument. T'es changée, tu touches plus à rien et tu files à la banque immédiatement.
(...)
C'est parti... C'est parti les gars...
Je compte sur vous... Ne me décevez pas!
Vérifiez votre équipement...
Et n'oubliez pas quoi qu'il arrive, on part à trois, on rentrera à trois...
(...)
Vert.
Go, go, go...
(…)
Fin de l'acte premier
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