Témoignage Jérémy M, étape du Tour (PDF, 24 Ko) - Croix
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Témoignage Jérémy M, étape du Tour (PDF, 24 Ko) - Croix
Témoignage de Jérémy Maslowski, 7 juillet 2013 Grâce à votre générosité et celles des autres donateurs, la Croix-Rouge française a pu distribuer 18 500 repas et je vous en remercie de leur part. Par la même occasion, aussi grâce à vous, j’ai pu accomplir un vieux rêve : celui de participer à cette fabuleuse « balade » que celle de l’étape du Tour de France…celle-là même que vont disputer la crème des professionnelles…Une boucle de 128km entre Annecy et Semnoz comportant 4 cols : - Col de Leschaux (3,6 km à 6,2%) - Col des Prés (3,5 km à 6,5%) - Col du Mont-Revard (16 km à 5,4%) - Col final du Semnoz (11 km à 8,3%) Même si vous le savez tous, je pratique quasiment quotidiennement le vélo « urbain » depuis 15 ans : code de la route oblige, le pied est souvent à terre. Démarrage, zig-zag dans la circulation, freinage, démarrage, zig-zag dans la circulation, freinage…. Cette fois, la route était à nous et à nous seuls…une trainée de plusieurs dizaines de kilomètres de vélos (13 500 fougueux au départ mais « que » 10 624 victorieux et méritant à l’arrivée). N’ayant aucune référence de temps lors de mon inscription et m’étant enregistré presqu’à la dernière minute, je me suis vu attribué le dossard 13 900, en d’autres termes, j’ai compris que je serai dans le dernier sas de départ (12 sas en tout quand même). Avec des départs par vague de 2 sas toutes les 15 minutes nous sommes partis à peu près au moment où les premiers étaient presque à miparcours ! Alors je décide une chose ; franchir la ligne de départ en queue de sas avec pour objectif de remonter le plus de monde possible. Et me voilà donc parti, timidement parce que encore impressionné d’être là, chanceux je dois dire, parmi tous ces amoureux du 2 roues et sous la clameur des spectateurs qui se prêtaient au jeu des encouragements avec beaucoup d’enthousiasme. Pour cette occasion, mon revendeur de vélo m’a prêté une formule 1 : un vélo de compétition tout en carbone avec des accessoires de premier choix…je n’aurai donc pas l’excuse du matériel si je ne touche pas au but ! Les premiers décamètres, tel Jake Sully domptant son Ikran (ceux qui n’ont pas vu Avatar ne comprendront pas !) je me familiarisais avec cette bête de course. J’ai passé les 2 premiers kilomètres à rouler gentiment, en observant les uns et les autres, en filmant aussi. Je m’étais équipé de ma « montre-cardio-GPS » qui m’affichait, entre autres, la distance parcouru (avec un bip à chaque kilomètre franchi « un bip de plus c’est toujours un km de moins ») et la vitesse instantanée. Pour l’instant et pour quelques kilomètres encore nous longions le lac d’Annecy, la route était donc plate. Je décide de « passer la seconde » pour voir comment réagi l’homme et la machine : Je roule maintenant à plus de 40km/h sans la moindre difficulté. Le vent siffle dans mes oreilles. Je dépasse des grappes de coureurs, et encore, et encore. Encore une accélération avant la première côte, juste pour voir mais surtout ressentir. La route est encore large et doubler est chose aisée. Il est facile de dépasser sur une brève accélération. Voici la première côte qui se profile. Je la franchi sans aucune difficulté en la montant façon danseuse. Je double tant bien que mal car la voie est occupée sur toute sa largeur par des personnes n’ayant pas la même forme ni les mêmes ambitions que moi. J’ai répété mainte et mainte fois « Je passe à gauche », gentiment, poliment, en français, en anglais, en espagnol J’ai doublé, redoublé, encore et encore. Nous traversons de petits villages pittoresques, j’admire les pâturages verdoyants que les vaches broutent goulument, et ces cimes enneigées au loin qui aspirent à une certaine sérénité. J’ai le sourire continuellement sur le bout des lèvres. Je profite pleinement. Les kilomètres défilent. Je fais une halte à tous les postes de ravitaillement. On y sert du liquide systématiquement et du solide une fois sur deux. Je fais le plein, j’échange mes premières impressions avec d’autres, remercie les bénévoles pour leur généreuse implication et remonte sur ma selle. C’est en redescendant que l’on se rend compte de tout ce que l’on vient de monter. Autant, on peut le comprendre, la montée a ses contraintes et les efforts physiques et mentaux qui vont avec, mais j’avais un peu sous-estimé la descente. A près de 70km/h, la tension dans les bras est forte, à la limite de la tétanisation. Il faut maintenir le guidon absolument. Mais l’attention est encore plus grande. Tout va très vite. Tandis que je dépasse, on me dépasse aussi. Les virages se prennent pour certains à la corde, pour d’autres à l’extérieur. Il faut vraiment gérer son freinage car à cette vitesse, avec des pneus fins et lisses, le moindre gravier et un freinage un peu ses et on part dans les décors assurément. J’avoue avoir eu des coups de chaud. Non pas à cause du soleil qui était heureusement au rendezvous, mais parce-que certains sont dans leur bulle et oublient qu’ils partagent la route avec d’autres. J’ai plusieurs fois évité des accidents en étant roues contre roues !!! Bref plus de peur et aucun mal. Je lis sur ma montre que je viens de franchir le 64ème km. J’aborde donc la deuxième partie mais pas la moins dure. Je me check : tous les voyants sont au vert Le 65ème km est le début d’une longue ascension : 16km de cote en épingle : ma première « vraie difficulté », enfin ! Je l’appréhende sereinement. A mon rythme, je dépasse tout en prononçant « je passe à gauche ». J’avais entamé cette côte en danseuse mais au bout de quelques minutes, un voyant orange clignotant m’indique que les premières crampes aux cuisses apparaissent. Je connais ces signaux, je sais comment les gérer (pour ceux qui l’ignore je cours maintenant depuis plus d’un an et ai déjà participé à bons nombres de compétition : du 5km au Marathon. Par conséquent, j’ai appris à gérer mes efforts en fonction de la difficulté). Je vais ici mettre mon expérience de coureur à profit ! Je pose mes fesses sur la selle, réduis la pression de mes jambes sur les pédales et par conséquent réduis ma vitesse. Je bois chaque kilomètre plusieurs longues gorgées de ma bouteille pleine à ras bord que j’avais gardé pour le cas où ! Je sais qu’en haut du col un copieux ravitaillement nous attend. Cette ascension aura duré un peu plus d’une heure mais mes crampes ont définitivement disparues …et je n’en aurai plus jusqu’à la fin. Ce dernier ravitaillement est bien mérité. Certains s’arrêteront là, ils n’ont plus de jus. Je prends le temps de me poser 10 minutes, discute, mange et bois. Enfin, je rempli ma bouteille avec de l’’eau et plusieurs cuillères d’une « poudre blanche » constituée de sels minéraux, de vitamines, d’oligo élément (mais non, qui a dit que les cyclistes se dopaient…je comprends maintenant Lance Armstrong, et les autres, qui niaient s’être dopés et pour cause, si on leur servait les mêmes bobards !!!) Je repars pour une longue descente, sinueuse, rapide. La sécurité nous avertit de ralentir car il y a eu un accident. A presque 100km d’effort un petit manque de vigilance à cette vitesse et c’est le décor assuré. Une fois arrivée en bas, je fais une brève introspection : j’ai encore des ressources. Je relance « la machine » pour la quinzaine de kilomètre avant d’entamer « La cote du Semnoz » Je fais un petit arrêt « de principe » au dernier ravitaillement en solide et liquide, qui se trouve juste au pied de « La cote », mais je ne m’attarde pas. Elle commence raide : à 10%. Direct ! : il va y avoir des victimes !!! Je vais rester sagement les fesses sur ma selle. Je positionne le dérailleur sur le petit plateau et le grand pignon et tache de trouver mon rythme. Même si le soleil est haut dans le ciel, heureusement la route en lacet que nous empruntons passe dans une forêt, ce qui nous offre un peu d’ombre de temps en temps. Au bout de 100 mètres, certains ont déjà posé le pied à terre, au bout de 500 mètres, d’autres sont carrément allongés, les bras en croix, sur le bas-côté. Je n’entends toujours pas mon bip m’annonçant que qu’un nouveau kilomètre vient de passer. J’ai pourtant la sensation d’en avoir parcouru deux. De plus en plus les participants marchent à côté de leur vélo, s’ils n’ont pas décidé de s’arrêter franchement. Deux kilomètres sont passés. Mon mental est bon, mon cœur régulier et mes jambes répondent favorablement. Pourtant, j’éprouve une sensation inconnue au bas du dos. Elle est apparue insidieusement et voilà que la douleur amplifie. Pour soulager mes bras et mes jambes, au lieu de les utiliser à la fois pour tirer et pousser, j’ai transférer, sans m’en rendre compte, tout mon poids sur mes reins ! Je suis déjà à mon couple maximum alors je décide de réduire un peu « ma lente vitesse » et me redresse, les bras tendus sur le cintre de mon guidon, et me positionne sur le côté droit de la chaussée. J’avance à peu près à la même allure que ceux qui marchent à côté de leur monture. Rien n’y fait : je ne pourrai plus tenir longtemps comme ça. Ça me fait mal de l’admettre mais je suis contraint de mettre le pied à terra moi aussi. J’ai comme un bâton à la place de la colonne vertébrale. Je pose le vélo au sol et fais quelques assouplissements. Je tente de me cambrer. Je reprends mon vélo et fais quelques pas à côté, comme tant d’autres. J’ai une idée : je décide de courir au lieu de marcher. Cela en surprends plus d’un. Je suis en train de dépasser à pied ceux qui pédalent ! Après quelques décamètres de course, je me remets en selle, et miracle, je n’ai plus du tout mal. Je reprends mon ascension sur la selle, côté gauche de la voie si vous voyez ce que je veux dire. J’apprends de mes erreurs et soulage cette fois mes reins au maximum et tirant d’avantage sur mes bras. Je bois très régulièrement quelques gorgées de ma fameuse potion magique en espérant trouver la vitalité d’Astérix. J’arrive maintenant à mi-parcours de « La côte », où se trouve précisément le dernier ravit’eau, c'està-dire à 8km du sommet. Je décide de continuer sur ma lancée, de le passer sans m’arrêter. Il me reste plus d’un demi-litre dans ma bouteille et cela devra juste faire l’affaire. 8 petits kilomètres… à 8km/h j’arriverai là-haut…dans 1 heure…c’est long. Maintenant, la circulation est à double sens. Nous voyons défiler à toute allure ceux qui ont déjà terminé la course et qui s’empressent de retrouver le village pour un repos eu vrai repas bien mérité. Je les envie mais bientôt, d’autres m’envieront aussi quand j’aurai encore les oreilles qui sifflent dans le vent. Ils nous encouragent sportivement, tandis que d’autres spectateurs nous disent que : « le Vietnam à côté, c’était pire » et se mettent à rire !!! Encore un « bip », puis un autre, et encore un autre, et à nouveau mes reins me tiraillent. La fatigue se fait cruellement sentir et par conséquent, je sollicitais de moins en moins mes bras et me déchargeais sur mes reins. A nouveau le pied à terre, au pas de course pendant plus de 500 mètres. Dès que je me suis senti régénéré et prêts, sûr de moi, à ne poser mon pied qu’après avoir franchi l’arche d’arrivée, je me suis remis en selle. Plus que 4km…plus que 3km…la pente va être moins raide maintenant et j’en profite pour accélérer un peu, cela faisait longtemps. Plus que 2km. Nous sommes sortis de la forêt et la pente est encore un peu moins forte. A la vue de la pancarte nous annonçant le dernier kilomètre, je me retrouve galvanisé par une nouvelle force. Je me lève de ma selle et repart en danseuse pour la poignée de minutes qui me séparent de la ligne d’arrivée. Encore 200 mètres et j’aperçois au loin l’arche libératoire que je prends en photo. Ca y est, j’ai terminé « mon étape du tour de France » (en 6h51’13’’ soit 4849ème au scratch sur 10624 finishers et 1789ème de ma catégorie) et je sais déjà que je ne m’arrêterai pas là…