GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
COUR ADMINISTRATIVE
Numéro 28292C du rôle
Inscrit le 30 mars 2011
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Audience publique du 7 juillet 2011
Appel formé par l'administration communale de la Ville de Luxembourg
contre un jugement du tribunal administratif du 17 février 2011 (n° 26307 du
rôle) rendu à la requête de la société civile immobilière ... et Monsieur ..., …
en matière de collecte de certaines informations
Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 28292C du rôle et déposée au greffe de
la Cour administrative le 30 mars 2011 par Maître Christian POINT, avocat à la Cour,
inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'administration
communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et
échevins, établie à l'Hôtel de Ville à L-1648 Luxembourg, 42, Place Guillaume, dirigée
contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le
17 février 2011 (n° 26307 du rôle) ayant partiellement annulé, à la requête de la société
civile immobilière ..., avec siège à …, représentée par son organe de direction
actuellement en fonctions, ainsi que de Monsieur ..., …, demeurant à…, un vote du
collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg du 20 juillet 2009 portant
approbation définitive du texte relatif à la déclaration des logements et loyers et son
exécution;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 6
avril 2011, portant signification de cette requête d'appel à la société ... et à Monsieur ...,
préqualifiés;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 avril 2011
par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats
à Luxembourg, au nom de la société ... et de Monsieur ..., préqualifiés;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 mai 2011
par Maître Christian POINT au nom de la partie appelante;
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Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juin 2011
par Maître Georges KRIEGER au nom de la société ... et de Monsieur ..., préqualifiés;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gilles DAUPHIN, en
remplacement de Maître Christian POINT, et Maître Georges KRIEGER en leurs
plaidoiries à l'audience publique du 14 juin 2011.
Par délibération du 20 juillet 2009, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville
de Luxembourg adopta certaines mesures en vue de lancer la collecte d'informations
concernant des logements vacants et mal affectés ainsi qu'en vue de l'établissement d'un
cadastre des loyers, conformément aux dispositions des articles 27 et 28 de la loi du 21
septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation.
Par délibération du 21 septembre 2009, le conseil communal de la Ville de
Luxembourg adopta un règlement ayant « pour objet de mettre en œuvre les dispositions
prévues par les articles 26, 27(2) et 28 de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage
d'habitation qui permettent de collecter un certain nombre de données concernant les
logements non occupés situés sur le territoire de la ville ainsi que l'établissement d'un
cadastre des loyers en vue de pouvoir suivre l'évolution des loyers dans les divers
quartiers de la ville ». Ledit règlement communal oblige dans son chapitre 1er, sous peine
de sanctions pénales, les propriétaires d'immeubles non occupés destinés à servir de
logements à les déclarer moyennant un formulaire. Le chapitre II établit un cadastre des
loyers afin de déterminer le loyer moyen pour les différents types de logements sur le
territoire de la Ville de Luxembourg, obligeant respectivement les bailleurs et les
locataires de fournir, sous peine de sanctions pénales, des renseignements concernant le
montant du loyer, les charges locatives, le type du logement loué et sa surface.
Une « déclaration des logements et loyers » fut envoyée par le collège échevinal avec
une lettre d'accompagnement à chaque propriétaire d'un bien bâti situé sur le territoire de
la Ville de Luxembourg avec invitation de la renvoyer à l'administration communale,
dûment complétée et signée, dans un délai de trente jours à partir de la réception de
l'envoi. La société civile immobilière ... et Monsieur ... reçurent le formulaire en question
le 16 octobre 2009.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2009, la société
civile immobilière ... et Monsieur ... introduisirent un recours tendant à l'annulation de la
décision du collège des bourgmestre et échevins du 20 juillet 2009.
Dans son jugement du 17 février 2011, le tribunal administratif souligna d'abord que
les demandeurs avaient limité leur recours au seul volet de la décision dans lequel le
collège échevinal avait voté le texte définitif et l'exécution de l'enquête publique sur les
logements sur le territoire de la ville.
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Le tribunal rejeta ensuite le moyen d'irrecevabilité du recours tiré du défaut d'intérêt à
agir des demandeurs, en relevant que ceux-ci avaient reçu un exemplaire de la déclaration
des logements et loyers établie suite à l'adoption de la décision du collège des
bourgmestre et échevins et du règlement communal, accompagné d'une lettre du 16
octobre 2009, et que cette déclaration était à renvoyer à l'administration communale. Le
tribunal estima qu'en faisant état d'un envoi nominatif leur adressé de la déclaration des
logements et loyers établie suite à l'adoption de la décision du collège des bourgmestre et
échevins et du règlement communal ainsi que de la possibilité de se voir infliger une
amende en cas de refus de réponse, les parties demanderesses justifiaient bien d'un intérêt
personnel, direct, né et actuel distinct de l'intérêt général.
Il rejeta partant le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut d'intérêt à agir.
Au fond, les demandeurs reprochaient à la décision du collège des bourgmestre et
échevins d'excéder les pouvoirs lui attribués par l'article 27 de la loi sur le bail à usage
d'habitation en ce que ledit article prévoirait que le collège des bourgmestre et échevins
peut obliger les propriétaires d'immeubles et parties d'immeubles non occupés à les
déclarer à l'administration communale, alors que l'objectif poursuivi par le collège des
bourgmestre et échevins irait au-delà en ce qu'il se serait agi, en outre, d' identifier le
nombre de logements existants à Luxembourg-Ville et à déterminer s'ils sont occupés,
loués ou utilisés à d'autres fins que l'habitation. Or, ni le règlement communal ni l'article
27 précité n'autoriseraient le collège des bourgmestre et échevins à dresser un inventaire
des logements et encore moins à procéder à une enquête de la réaffectation des logements
ou des utilisations « non conformes » au plan d'aménagement général de la Ville de
Luxembourg.
Après avoir rappelé la teneur des articles 26, 27 et 28 de la loi sur le bail à usage
d'habitation et souligné la répartition des compétences opérée par la loi entre le conseil
communal, d'une part, et le collège échevinal, d'autre part, concernant les renseignements
à collecter en matière d'occupation des logements, le tribunal retint qu'il se dégagea de
l'examen de la décision du collège des bourgmestre et échevins du 20 juillet 2009 que les
demandeurs, soulevant le moyen selon lequel ledit collège aurait excédé les pouvoirs lui
attribués par l'article 27 de la loi, n'avaient pu que viser les points de ladite décision selon
lesquels le collège avait marqué son accord avec une des versions possibles du
questionnaire, avait décidé de soumettre au vote du conseil communal le règlement à
adopter dans le cadre des articles 26, 27, paragraphe 2, et 28 de la loi et avait proposé de
fixer à 250,- € l'amende à l'encontre des bailleurs et locataires restant en défaut de
retourner le questionnaire dans le délai imparti.
Concernant la décision relative à la version du questionnaire à choisir, le tribunal
retint que tant l'article 27 de la loi sur le bail à usage d'habitation que l'article 28 de cette
même loi, autorisent le collège des bourgmestre et échevins et le conseil communal à
recueillir certaines informations, mais que les deux dispositions organisent différemment
la collecte des renseignements respectifs y prévus, de sorte qu'un questionnaire commun
en matière de logement émanant de deux autorités communales différentes, en l'espèce le
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collège des bourgmestre et échevins et le conseil communal, devait être approuvé par les
deux autorités. Il constata que c'était le seul collège échevinal qui avait entériné la version
du questionnaire finalement retenue sans que le conseil communal n'ait pu, pour sa part,
marquer son accord sur ladite version. Il en conclut qu'en décidant de régler une matière
ressortissant de la compétence du conseil communal, la décision du collège des
bourgmestre et échevins avait violé les articles 27, paragraphe 2, et 28 de la loi sur le bail
à usage d'habitation.
Le tribunal retint que le volet de la décision du collège des bourgmestre et échevins
consistant à soumettre au vote du conseil communal le règlement à adopter dans le cadre
des articles 26, 27, paragraphe 2, et 28 de la loi du 21 septembre 2006, précitée, violait
l'article 27, paragraphe 2, étant donné que cette disposition réserve le pouvoir de décision
concernant la matière qu'il régit au conseil communal et que le collège échevinal n'était
pas autorisé à transférer une décision relevant de sa compétence à une autre autorité,
communale ou autre.
Le tribunal retint pareillement qu'en proposant de fixer l'amende à 250.- € en cas de
non-retour des réponses dans le délai imparti, alors qu'il n'aurait compétence qu'à
prononcer une amende en cas d'omission de répondre aux questions prévues par l'article
27, paragraphe 2, de la loi, et non dans le cadre de l'établissement du cadastre des loyers,
la décision du collège des bourgmestre et échevins violait encore l'article 27 de la loi sur
le bail à usage d'habitation.
Par voie de conséquence, le tribunal annula le volet de la décision du collège des
bourgmestre et échevins dans lequel celui-ci avait voté le texte définitif et l'exécution de
la déclaration des logements et loyers.
Par requête déposée le 30 mars 2011, l'administration communale de la Ville de
Luxembourg a régulièrement relevé appel du jugement du tribunal administratif du 17
février 2011.
Elle réitère son moyen d'irrecevabilité du recours en annulation introduit en première
instance pour défaut d'intérêt à agir. La société ... et Monsieur ... auraient attaqué le
formulaire, qui ne constituerait pas une décision administrative, ni un acte administratif à
caractère réglementaire. De plus, ils ne montreraient pas en quoi consisterait leur intérêt à
attaquer la décision du collège échevinal du 20 juillet 2009.
La Cour estime cependant avec le tribunal qu'en décidant du principe de l'envoi et de
la teneur d'un questionnaire auquel la société ... et Monsieur ... étaient obligés de
répondre, sous peine de sanctions pénales, le collège échevinal a pris un acte
administratif faisant grief et en tant que tel susceptible d'un recours contentieux de la part
des destinataires du formulaire.
Le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir est partant à rejeter.
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Au fond, quant au volet de la décision du collège des bourgmestre et échevins relative
à l'approbation de la version du questionnaire à envoyer, l'administration communale fait
valoir que le conseil communal est un organe de délibération et de réglementation, mais
que l'exécution de ces délibérations et de la réglementation communale appartient au
collège échevinal, organe exécutif de la commune. Elle en conclut qu'il appartenait dès
lors au collège échevinal d'établir le questionnaire relatif à l'établissement d'un cadastre
des loyers.
Les intimés rétorquent que tant la loi que le règlement du conseil communal ne
prévoient qu'une déclaration des logements non occupés, de sorte qu'il ne serait pas
permis au collège échevinal de dresser un inventaire des logements, y compris de
l'utilisation de ceux-ci non conforme aux prescriptions du plan d'aménagement
communal.
La loi sur le bail à usage d'habitation a confié aux autorités communales certaines
missions décrites au Chapitre VI de ladite loi comme suit :
« Chapitre VI. – Des missions incombant aux autorités communales
Art. 26. Les administrations communales ont la mission d'assurer dans la mesure
du possible le logement de toutes les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de
la commune.
Art 27. (1) Une habitation ou un local habituellement loué pour servir de
logement ne pourra être soustrait à cette destination pour être transformé en bureau ou
local à usage commercial ou artisanal, sauf autorisation expresse de la part du collège
des bourgmestre et échevins de la commune dans laquelle se situe l'habitation ou le local
en question.
Cette interdiction ne s'applique ni aux bureaux des services publics ni aux cas où
les locaux à usage professionnel, commercial ou artisanal ne constituent que l'accessoire
du logement.
(2) Le collège des bourgmestre et échevins peut obliger les propriétaires des
immeubles et parties d'immeubles non occupés destinés à servir de logement sis sur le
territoire de la commune à les déclarer à l'administration communale dans le délai fixé
par ledit collège. La déclaration devra préciser le volume non-occupé, le nombre de
pièces et le montant du loyer.
(3) Les infractions aux dispositions du paragraphe (1) sont punies d'une amende
de 251 à 50.000 euros et d'un rétablissement des lieux transformés dans leur pristin état
ou d'une de ces peines seulement.
Les infractions aux dispositions du paragraphe (2) sont punies d'une amende de
251 à 25.000 euros.
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Art. 28. Chaque commune est autorisée à demander annuellement auprès des
bailleurs, donnant en location un ou plusieurs logements sis sur le territoire de la
commune, respectivement auprès des locataires d'un logement sis sur le territoire de la
commune, des renseignements relatifs au montant du loyer et des charges locatives à
payer au bailleur ainsi qu'au type et à la surface en m² du logement loué.
Ces renseignements peuvent être utilisés pour l'établissement d'un cadastre des
loyers afin de connaître le niveau moyen des loyers demandés pour les différents types de
logements dans une commune ou dans une partie de celle-ci.
La demande de renseignements est faite moyennant un formulaire mis à la
disposition des bailleurs, respectivement des locataires, par les autorités communales.
Elle doit être retournée, dûment remplie et signée par chaque bailleur ou locataire
destinataire aux autorités communales dans le délai indiqué sur le formulaire, faute de
quoi le destinataire défaillant pourra être puni à une amende dont le montant est fixé par
règlement communal conformément aux dispositions de la loi communale.
En cas de demande du ministre ayant le Logement dans ses attributions, les
résultats des renseignements récoltés dans une commune donnée sont communiqués au
ministre par les autorités communales ».
Il se dégage de ces dispositions que la mission de recenser les logements non occupés
est confiée par l'article 27 de la loi directement au collège des bourgmestre et échevins,
tandis que la collecte des renseignements relatifs au montant du loyer et des charges
locatives à payer au bailleur ainsi qu'au type et à la surface en mètres carrés du logement
loué en vue de l'établissement d'un cadastre des loyers est confiée par l'article 28 de la loi
"aux autorités communales."
En vertu de l'article 28 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, le conseil
communal règle tout ce qui est d'intérêt communal. Elle est compétente pour toutes les
matières relevant de l'intérêt communal qui n'ont pas été attribuées à un autre organe par
la loi. – En vertu de l'article 57 de la loi communale, le collège des bourgmestre et
échevins constitue l'organe exécutif de la commune. Il est plus spécialement chargé
d'exécuter les résolutions du conseil communal.
Il s'ensuit qu'en disposant que "chaque commune" est autorisée à recueillir des
renseignements en vue de l'établissement d'un cadastre des loyers, l'article 28 de la loi du
21 septembre 2006 a confié cette compétence au conseil communal.
Conformément à ses compétences, le conseil communal était cependant autorisé à
arrêter le principe de l'établissement d'un cadastre des loyers et à charger de l'exécution
de cette décision son organe exécutif, à savoir le collège échevinal. Celui-ci était dès lors
autorisé à organiser dans le détail l'exécution matérielle de la délibération sans pouvoir
dépasser l'étendue du mandat qui lui a ainsi été conféré.
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En l'espèce, il se dégage d'une part d'une délibération du conseil communal du 18
décembre 2006 que le collège échevinal avait été chargé de faire un cadastre des loyers,
et, d'autre part, d'une délibération du même conseil du 21 septembre 2009, prise après le
rapport du bourgmestre, que l'établissement d'un cadastre des loyers était ordonné par le
conseil communal et moyennant un formulaire envoyé par le collège échevinal.
Il se dégage des considérations qui précèdent que l'approbation, par le collège
échevinal, d'une certaine version du formulaire à envoyer aux propriétaires, bailleurs et
locataires d'immeubles sur le territoire de la Ville de Luxembourg, n'est pas en soi
illégale, pour autant qu'elle respecte le contenu du mandat lui conféré par le conseil
communal.
Concernant la transmission, par le collège des bourgmestre et échevins, du projet de
règlement concernant les logements non occupés, l'administration communale précise
qu'elle n'entreprend pas la partie du jugement qui a annulé la décision afférente pour
contrariété à l'article 27, paragraphe 2, de la loi du 21 septembre 2006, précitée, qui
confère les pouvoirs en la matière directement au collège échevinal.
En revanche, l'administration communale critique le jugement en tant qu'il a estimé,
d'une part, que l'article 27 de la loi du 21 septembre 2006 autorise le collège échevinal à
prononcer une amende de 251,- à 25.000,- € en cas d'infraction au paragraphe 2 dudit
article et, d'autre part, en ce qu'il a retenu que le collège échevinal n'était pas autorisé à
fixer des amendes dans le cadre de l'établissement du cadastre des loyers prévu par
l'article 28 de la même loi.
C'est à bon droit que l'appelante souligne que, dans le cadre de l'article 27, paragraphe
2, de la loi, ce n'est pas le collège échevinal qui prononce ces amendes, mais le juge
répressif.
Par ailleurs, il n'est pas correct d'affirmer que le collège échevinal aurait fixé l'amende
en cas de non-réponse aux questions posées. Il se dégage clairement de la décision
entreprise du 20 juillet 2009 qu'il n'a fait que proposer l'institution d'une amende de 250,€ au conseil communal et que dans sa délibération du 21 septembre 2009, ce dernier y a
fait droit. En se bornant à proposer l'institution d'une amende, action sans conséquences
juridiques, le collège des bourgmestre et échevins n'est pas sorti de son champ de
compétence et n'a pas empiété sur la compétence d'un autre organe communal.
Dans leurs mémoires en réponse et en duplique, les intimés ont développé certains
moyens qui ne répondent pas directement aux moyens d'appel, auxquels il vient d'être
répondu, mais qui tendent également à établir l'illégalité de la décision du collège des
bourgmestre et échevins du 20 juillet 2009 et auxquels le tribunal administratif n'a pas
répondu puisqu'il a annulé cette décision pour d'autres motifs.
Etant donné que la Cour est saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'intégralité des
questions relatives à la légalité de la décision attaquée, il y a lieu d'examiner ces moyens
supplémentaires des intimés.
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La société ... et Monsieur ... font valoir qu'un des buts poursuivis par le collège des
bourgmestre et échevins était d'identifier le nombre de logements existants à
Luxembourg-Ville et de déterminer s'ils sont occupés, loués ou utilisés à d'autres fins que
l'habitation, alors que la loi du 21 septembre 2006, tout comme le règlement du conseil
communal ne prévoiraient pas une telle extension de l'enquête en cours.
Il se dégage de la délibération du conseil communal du 21 septembre 2009 que le
collège échevinal était chargé d'élaborer un questionnaire dans le but de permettre
l'établissement d'un cadastre les loyers renseignant le loyer moyen pour les différents
types de logements sur le territoire de la Ville de Luxembourg.
Selon cette délibération portant adoption du règlement communal établi en conformité
avec les articles 26, 27, paragraphe 2, et 28 de la loi du 21 septembre 2006, les
renseignements à fournir obligatoirement concernent le montant du loyer, les charges
locatives, le type du logement loué et sa surface exprimée en mètres carrés.
Ces renseignements relèvent du champ d'application de l'article 28 de la loi du 21
septembre 2006 et si le collège échevinal n'est pas habilité à les recueillir de sa propre
initiative, il peut le faire après en avoir été chargé par le conseil communal, compétent en
la matière, ce qui a été fait en l'espèce moyennant la délibération du conseil communal du
21 septembre 2009.
Aucune règle de droit n'interdit par ailleurs de réunir dans un même questionnaire des
questions relevant à la fois de l'article 27 et de l'article 28 de la loi du 21 septembre 2006,
précitée.
C'est partant à tort que le tribunal a annulé la décision du collège des bourgmestre et
échevins attaquée dans la mesure où celle-ci organise la collecte de renseignements en
vue de l'établissement d'un cadastre des loyers.
En revanche, la délibération du conseil communal du 21 septembre 2009 ne charge
pas le collège échevinal de recueillir des renseignements concernant l'éventuelle
réaffectation à des fins d'exploitation commerciale ou libérale d'immeubles destinés au
logement.
La commune répond qu'il ne ressort d'aucune disposition légale qu'il ne serait permis
de demander des renseignements des citoyens que dans les cas prévus par la loi et qu'il
n'est pas non plus interdit de grouper dans un même questionnaire les questions relevant
de l'article 27, paragraphe 2, et celles relevant de l'article 28 de la loi du 21 septembre
2006.
L'objet du présent litige n'est ni l'étendue des renseignements que le conseil
communal peut, en théorie, demander à ses habitants mais quels renseignements il a
effectivement chargé le collège échevinal de recueillir.
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Il se dégage clairement de la délibération du conseil communal du 21 septembre 2009
que celui-ci n'a pas chargé le collège des bourgmestre et échevins de recueillir des
renseignements concernant l'affectation réelle des immeubles destinés à servir de
logements.
Il n'en aurait d'ailleurs pas eu le pouvoir, en tout cas en sanctionnant la non-réponse à
de telles questions de sanctions pénales, sous peine de violer le principe de l'interdiction
d'obliger une personne de s'auto-incriminer.
En effet, l'article 27, paragraphe 3, de la loi du 21 septembre 2006 punit de sanctions
pénales ceux qui contreviennent à la disposition du paragraphe 1er du même article qui
interdit la transformation d'un local servant normalement à l'habitation en local
commercial ou artisanal.
Par ailleurs, le collège des bourgmestre et échevins ne pouvait pas non plus demander
de tels renseignements de sa propre initiative, la loi ne lui en ayant pas conféré le
pouvoir.
Il s'ensuit que la décision du collège des bourgmestre et échevins de transmettre aux
ménages le questionnaire contenant des questions relatives à l'affectation des logements –
de surcroît en indiquant au début du questionnaire, indistinctement, que le défaut de
réponse aux questions posées entraînait des sanction pénales – était illégale.
Les autres moyens avancés par les intimées tendant tous à voir déclarer illégal le volet
de la décision du collège échevinal concernant l'affectation des logements recensés, il n'y
a pas lieu d'y répondre.
Le tribunal administratif ayant annulé le volet de la décision du collège échevinal
portant adoption et exécution de la déclaration des logements et loyers, son jugement est
à réformer dans ce sens que la décision du collège des bourgmestre et échevins du 20
juillet 2009 encourt l'annulation dans la seule mesure où elle intègre dans le questionnaire
distribué aux personnes concernées des questions relatives à l'affectation des logements,
tandis que la collecte des renseignements relatifs au montant du loyer, aux charges
locatives, au type de logement loué et sa surface exprimée en mètres carrés est licite.
Par ces motifs,
la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties,
reçoit l'appel en la forme,
au fond, le déclare partiellement justifié,
partant, par réformation du premier jugement, dit que la décision du 20 juillet 2009 du
collège des bourgmestre et échevins (réf.: 62a/2007/80 et 62/2000/6) encourt l'annulation
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dans la mesure où elle intègre dans le questionnaire à distribuer aux personnes
concernées des questions relatives à l'affectation des logements,
pour le surplus, déclare l'appel non justifié et en déboute,
fait masse des dépens de deux instances et les impose à raison des trois quarts à
l'administration communale de la Ville de Luxembourg et à raison d'un quart aux intimés.
Ainsi délibéré et jugé par :
Georges RAVARANI, président,
Serge SCHROEDER, conseiller,
Lynn SPIELMANN, conseiller,
et lu par le président en l'audience publique à Luxembourg au local ordinaire des
audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour
Erny MAY.
s. MAY
s. RAVARANI
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 22 novembre 2016
Le greffier de la Cour administrative
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