Ces années là... 1963 Redoutable
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Ces années là... 1963 Redoutable
1963 - Redoutable. L’arsenal de Cherbourg : 100 ans de sous-marins Si le sous-marin à longtemps été l’affaire d’inventeurs, sa vocation militaire va se présiser à la fin du XIXème siècle. Le Hunley, pendant la guerre de Sécession, a ainsi été le premier engin marin à couler un navire ennemi. Restait à en faire un bâtiment autonome et endurant. Ce défi va permettre à la France de surmonter ses complexes face à la supériorité anglaise. Les premiers sous-marins sont mis à l’eau à Toulon ; le Gymnote en 1888 et le Gustave Zédé en 1894. Pour pousser plus loin la réflexion et l’expérimentation, un concours est lancé en 1896, laissant libres les ingénieurs quant à l’architecture, la propulsion, les organes de ce torpilleur sous-marins. Hasard et destin, les deux lauréats sont alors en poste à l’arsenal de Cherbourg. L’ingénieur Laubeuf va être avec son Narval sinon le père, du moins l’inspirateur des sous-marins qui vont s’affronter durant la Première Guerre Mondiale. Le Narval a été lancé en 1899. Un siècle plus tard, une centaine de sous-marins sont sortis des cales de l’arsenal. L’Aventure, parfois, a failli tourner court. Atermoiements, politiques, velléités de restructurations, contraintes budgétaires…. Il faudra attendre les années soixante pour que Cherbourg reste le seul arsenal de la Marine à construire des sous-marins, puis l’avènement de la propulsion nucléaire pour que sa pérennité soit pleinement acquise. Parmi les qualités cherbourgeoises, entêtement et savoir faire arrivent en bonne place. Le Redoutable, premier de la série des Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE), en est l’un des emblèmes. +++++ Préface Un sous-marin, comment ça marche ! Un peu de physique… et d’histoire. La navigation sous-marine obéit à deux grands principes qui portent les noms de physiciens illustres : Archimède (Savant grec ; 287 av. JC – 212 av JC) et Pascal (Physicien français ; 1623 – 1662). Selon Archimède, tout corps plongé dans un liquide reçoit de la part de celui-ci une poussée verticale, dirigée de bas en haut et égale au poids du volume d’eau déplacée. Si le poids du volume d’eau déplacé. Si le poids du sous-marin tend à le faire couler, la poussée d’Archimède tend donc à le faire remonter. L’équilibre est obtenu quand le poids du sous-marin est égal au poids du volume d’eau déplacé, qu’on appelle la poussée. C’est le rôle des ballasts. En surface, ils sont vides et le sous-marin flotte. Quand on ouvre la purge, l’eau de mer pénètre dans les ballasts, il s’alourdit et s’enfonce… le poids du volume d’eau déplacé augmente et un nouvel équilibre est atteint. Pour remonter, on chasse l’eau des ballasts avec de l’air comprimé, le sous-marin s’allège et donc remonte. Le principe de Pascal ; plus on descend, plus la pression augmente ! L’eau exerce une pression sur le sousmarin. Lorsqu’il plonge, cette pression augmente de 1 bar tous les 10 mètres. Pour éviter qu’il soit écrasé, le navire est doté d’une coque interne en acier très résistant dont l’épaisseur est calculée en fonction de l’immersion maximum prévue. Si on augmente de 100 mètres cette profondeur, la coque devra être de 10 millimètres plus épaisse ! A titre d’exemple, la coque épaisse du Redoutable à une épaisseur de 5 centimètres. La coque externe, qui forme les ballasts et les soutes communication avec le milieu extérieur, est plus mince car la pression s’équilibre de part et d’autre de la paroi. Naviguer à l’horizontale…. L’assiette et la gîte sont les deux composantes de l’équilibre d’un sous-marin. L’assiette est la position horizontale du sous-marin dans le sens longitudinal (avant-arrière), la gîte est l’inclinaison transversale (bâbord-tribord). Pour une stabilité optimale, assiette zéro et sans gîte, on effectue en permanence la « pesée sous-marin », c'est-à-dire les opérations qui visent à rétablir l’équilibre du navire. Quand il navigue, le sous-marin subit constamment des variations de poids (consommation de vivres ou de carburant et des variations de centre de gravité (si tout l’équipage se déplace à l’avant pour une séance de cinéma !). Pour compenser ce déséquilibre, on dispose de caisses à eau spécifiques appelées régleurs, compensateur et caisses d’assiette, qui sont remplies ou vidées en fonction des besoins. +++++ Le Redoutable, un choix stratégique ! Depuis la crise de Suez en 1956, une évidence s’est imposée en France : sans l’arme atomique, son autonomie militaire, son poids diplomatique, son indépendance en fait, ne vont pas peser grand-chose dans un monde ou les tensions cristallisent bientôt de part et d’autre d’un mur érigé à Berlin. La dissuasion du faible au fort, telle est donc la doctrine qu’énonce le Général de Gaulle. Grâce à une organisation dénommée Coelacanthe, il va mobiliser tous les moyens pour maitriser la propulsion nucléaire, le lancement en immersion de missiles balistiques, la navigation inertielle, les télécommunications, la régénération de l’atmosphère. Historique Le 2 mars 1963, la décision pour la mise en route de la construction du premier SNLE est signée, il se nomme le projet Q-252. La construction de ce nouveau type de matériel débute fin 1964 à Cherbourg. Il s'agit de créer un sous-marin de plus de 9 000 tonnes, équipé d'un système de propulsion nucléaire et qui de plus, doit être capable de tirer des missiles à têtes nucléaires. 12 millions d’heures de travail seront nécessaires à l’arsenal de Cherbourg pour construire le premier sous-marin lanceur d’engins français, Le Redoutable. Mis à l’eau le 29 mars 1967 à Cherbourg en présence du Général de Gaulle et avec comme commandant l'Amiral Louzeau, il a été admis au service actif le 1er décembre 1971 au sein de la force océanique stratégique sous le commandement de l'Amiral Louzeau. Le Redoutable en chiffres Dimensions - Longueur : 128,70 mètres - Largeur : 10,60 mètres - Tirant d’eau : 10 mètres - Masse : 8 000 tonnes Propulsion - 1 Réacteur nucléaire à boucle - 2 Groupes de turbines - 2 Turbo-alternateurs - 1 Moteur électrique de propulsion - Immersion maximale : supérieure à 200 mètres - Vitesse de plongée : supérieure à 20 nœuds (soit environ 36 km/h) Equipage - 2 équipages de 135 hommes chacun (120 hommes et 15 officiers), les Bleus et les Rouges se relayaient pour que le navire soit opérationnel en tout temps. Patrouille - 70 jours Armement - Stratégique : 16 tubes verticaux lance-missiles mer-sol balistiques M 20 comportant chacun une tête nucléaire d'une mégatonne et d'une portée supérieure à 3 000 km. - Tactique : 18 tubes lance-torpilles à tête chercheuse, destinées à sa propre protection. Elles ont une portée de 15 km et contiennent environ 300 kg d’explosifs. Ce SNLE appareille pour sa première patrouille le 28 janvier 1972, celles-ci duraient de 55 jours au début à 75 jours de mer à la fin de sa carrière. Comme tous les autres SNLE, il fut durant toute sa carrière, intégré à la Force Océanique Stratégique (FOST) de la Marine Nationale française et basé à l'Île Longue, Brest. En 20 ans de services, il a effectué 58 patrouilles, 3 469 journées en mer, et 90 000 heures de plongée (soit 11 ans à la mer dont 10 en plongée et l’équivalent de 32 tours du globe terrestre). Le Redoutable a été retiré du service actif le 13 décembre 1991 et condamné le 24 juillet 1992. Avant son retrait du service actif et après enlèvement des missiles balistiques, il effectua une escale avec relève d'équipage à Dakar en avril 1991 soutenu par le TCD Orage (opération Jubarte, pour tester grandeur nature une relève d'équipage loin des bases). Ce fut la seule escale en terre africaine de l'histoire des SNLE français. Le 7 octobre 1991, Le Redoutable revient à Cherbourg à la Direction des Constructions Navales ou DCN devenue depuis DCNS, son constructeur se lance alors dans le démantèlement du navire qui durera un peu plus de deux années. Dans le courant de l’année 1993, la tranche réacteur est séparée du reste du sous-marin puis transportée sur une aire antisismique spécialement aménagée et protégée. Le 19 janvier 1996, le Ministère de la Défense décide de faire don du "Redoutable" à la Communauté Urbaine de Cherbourg en vue d’en faire l’attraction de la future Cité de la Mer. Le 4 juillet 2000, 70 hommes et la presque totalité des moyens nautiques de la base navale de Cherbourg sont mobilisés pour conduire Le Redoutable du port militaire à la darse de La Cité de la Mer. Une fois placé dans sa darse, les équipes doivent échouer le sous-marin sur sa ligne de tins. Et refaire l’opération deux fois par jour, jusqu’à la fermeture de la darse par des palplanches et son assèchement. Le 29 avril 2002, Le Redoutable est ouvert au public, au cœur de La Cité de la Mer à Cherbourg, un musée consacré à l'aventure industrielle de la propulsion nucléaire navale, à l'exploration sous la mer et à la Force océanique stratégique. « Le 4 juillet 2000, le Redoutable arrive à la Cité de la Mer pour sa dernière escale. Je vis cet ultime voyage avec une certaine émotion : les événements qui marquèrent les premières années du Redoutable, me reviennent en mémoire. En premiers lieu, la journée du 29 mars 1967 où le Général de Gaulle préside à son lancement. Cherbourg est en fête. Début 1969, une étape décisive : le cœur nucléaire commence à battre et à fournir de l’énergie. En juillet, la première plongée en route libre, véritable minute de vérité, a lieu au-dessus de la fosse d’Aurigny. En septembre 1970, le Redoutable quitte son port natal pour relier la base de l’Ile Longue. L’essentiel est alors consacré à la mise au point du système de deux missiles, ainsi qu’à la constitution et à l’entraînement des deux équipages. L’année 1971 s’achève par l’admission au service actif, le 1er décembre, point de départ de la vie opérationnelle. La préparation pour la première patrouille est une période d’activité intense, marquée par l’opération délicate d’embarquement des seize missiles opérationnels. Le chargement est terminé, je perçois nettement un changement dans les esprits ; chacun sait que tout ce pour quoi il s’est préparé et entraîné depuis des mois est devenu réalité. Enfin, c’est le grand jour. Une heure avant l’appareillage, le 28 janvier 1972, le Chef d’Etat-Major des Armées et le Chef d’Etat-Major de la Marinesont à bord pour nous rappeler l’importance attachée par le gouvernement à la mission. La première patrouille d’un sous-marin nucléaire lanceurs d’engins (SNLE) commence. Elle sera suivie de beaucoup d’autres. Aujourd’hui, un sous-marin nucléaire de la nouvelle génération est en patrouille et assure la permanence de la mission de dissuasion ». Amiral Bernard LOUZEAU Premier Commandant de l’équipage du Redoutable Source - La cité de la mer Gare Maritime Transatlantique 50100 Cherbourg-Octeville www.citedelamer.com