TOMBOY Résumé : Entretien accordé par Céline SCIAMMA à TV5

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TOMBOY Résumé : Entretien accordé par Céline SCIAMMA à TV5
TOMBOY
Tomboy est un film réalisé par Céline SCIAMMA.
Céline SCIAMMA est née en 1980.
En 2009, elle réalise « Pauline », histoire d'une jeune lesbienne.
En 2011, elle réalise « Tomboy » qui lui vaudra notamment d’être élue « lesbienne de l’année 2011 » par les
internautes de Yagg, site communautaire LGBT.
Résumé :
Laure, une gamine de dix ans, « garçon manqué »
(tomboy en anglais), s’installe dans une nouvelle
ville avec ses parents et sa sœur Jeanne au cours
des vacances d'été, mais elle se sent exclue. Un
jour elle rencontre Lisa qui la prend pour un
garçon, trompée par ses cheveux courts, sa façon
de s'habiller et ses allures garçonnières. Laure la
laisse croire et dit qu’elle s’appelle Mickaël. Lisa
introduit alors ce « Mickaël » auprès des enfants
de son groupe d'immeubles et « il » fait rapidement
partie de la bande.
Elle a encore si peu de poitrine qu’elle peut, torse
nu, jouer avec eux au football et nager : pour
rendre la chose vraisemblable, elle a pris soin de
couper le haut de son maillot de bain et de ne
garder que le slip. Le gros ennui c’est qu’elle doit à
la différence des garçons, s’isoler dans les
buissons pour uriner sans être vue. Elle met un
morceau de pâte à modeler dans sa culotte pour
faire croire qu’elle a quelque chose. La situation se
complique quand Lisa tombe amoureuse de « son
copain » et que pour la première fois de leur vie
les deux s'embrassent. Par ailleurs les autres
enfants s'étonnent que Mickaël ne figure pas sur la
liste des élèves pour la prochaine année scolaire.
En l’absence de Laure Lisa vient chez elle, c’est
Jeanne qui lui ouvre et elle lui demande Mickaël.
Jeanne ne vend pas la mèche mais, au retour de
Laure, elle menace sa sœur de tout raconter à
leurs parents, cependant elles conviennent qu'elle
jouera le jeu et qu’en échange « Mickaël »
l'emmènera avec elle quand elle ira jouer avec les
autres enfants.
Bientôt cependant la supercherie se découvre
après que, pour protéger sa petite sœur, Laure
(c’est-à-dire Mickaël) s'est battue avec un copain,
la mère de ce dernier vient se plaindre à celle de
Laure. La mère de Laure comprend ce qui s’est
passé et joue d’abord le jeu, mais ensuite force
Laure à enfiler une robe et, ainsi habillée,
l’emmène pour qu’elle avoue son secret à son
copain et à Lisa, laquelle est très choquée d'être
tombée amoureuse d'une autre fille et de l'avoir
embrassée. Quelques jours plus tard le groupe
des enfants décide de savoir quel est le vrai sexe
de Mickaël et ils demandent à Lisa de l'examiner
publiquement. Laure reste quelques jours
enfermée chez elle, mais elle finit par sortir et
tombe sur Lisa qui lui demande, comme la
première fois, comment elle s'appelle et cette foisci Laure lui donne son véritable nom
Entretien accordé par Céline SCIAMMA à
TV5 Monde et publié le 13 septembre
2011 ; quelques extraits :
TV5 :
Comment est née l'histoire de Tomboy ?
Céline SCIAMMA :
La genèse du film, c'est avant tout cette idée
d'une petite fille qui a envie de se faire passer
pour un petit garçon. (...) Les questions de
genre me passionnent, dans la vie de tous les
jours et même de façon assez intime. (...)
Je voulais pouvoir faire un film qui milite à un
endroit où ça allait fonctionner, où je n'allais
pas m'adresser à des gens déjà convaincus,
parce qu'il y a une promesse de cinéma
derrière. J'ai le souci de ces équilibres : il faut
toucher un maximum de gens avec des
messages subversifs et politiques. (...)
TV5 :
La sortie de Tomboy en DVD se fait dans un
contexte un peu particulier en France, avec une
polémique autour de l'enseignement de la
théorie des genres et l'identité sexuelle,
sujet que le film aborde largement. Quelle
est votre position par rapport à cette question ?
Céline SCIAMMA :
Je suis bien évidemment tout à fait en
faveur de ces enseignements. Je trouve
même ça fou qu'il y ait une polémique ! C'est
complètement dingue ! En France, on est
tellement en retard sur ces questions... (...)
Il y avait urgence à légiférer sur le sujet. Et
c'est important que ça soit à l'école que ça
se passe : le plus tôt le mieux. Lors de
l'accompagnement lors des séances scolaires,
j'ai vu que les enfants ont une parole assez
libre sur ces questions, mais sont aussi dans
des schémas très forts de rapport à leur genre.
(...)
DECRYPTAGE :
Les commissions du ministère de l'Education
Nationale ont estimé que le film Tomboy peut être
diffusé à l'école primaire. Il passe ce mercredi à la
télévision. Trois pédopsychiatres, expliquent, quelles
conséquences ce film peut avoir dans la construction
des enfants :
 Christian
Flavigny
est
pédopsychiatre,
psychanalyste, auteur de La querelle du genre,
PUF 2012
1 sur 2
 Pierre Lévy Soussan est pédopsychiatre,
psychanalyste, auteur de Les destins de
l'adoption, Fayard 2010
 Sophie
Marinopoulos
est
psychologue,
psychanalyste, auteur de Combattre les petites
philosophies du pénis, Éditions Les Liens qui
Libèrent 2011
Est-ce faire œuvre éducative que de diffuser Tomboy
aux enfants d'école primaire? Les commissions du
Ministère de l'Éducation Nationale l'ont estimé ; mais
leur point de vue est critiquable. Il omet qu'un
questionnement, aussi vivifiant soit-il pour la réflexion
des adultes, n'est pas applicable aux enfants et
adolescents. L'enfant n'est pas un adulte en
miniature, et il s'impose de tenir compte des besoins
propres à son développement psychologique et
affectif.
Tomboy évoque Laure, une fillette de 11 ans qui à
l'occasion d'un changement de domicile se présente
comme Mickaël. Un adulte peut appréhender le vécu
de cet enfant, même si le scénario demeure imprécis,
conservant indécidable si Laure tente l'aventure
imaginaire de se mettre dans la peau d'un garçon ou
si elle se ressent être un garçon, bref si la thématique
abordée est celle d'une fillette “garçon manqué” ou
d'une inclination transsexuelle. Un adulte est en
mesure d'apprécier ou de critiquer l'attitude des
parents: le père présenté dans une complicité qui fait
éprouver l'enfant comme un fils avant qu'une scène
de baignoire révèle qu'il est une fille ; la mère, vivant
sereine une troisième maternité puis témoignant d'une
remarquable incompréhension à l'égard de la
“fantaisie garçonnière” de Laure.
Le film est moins orienté vers une compréhension
psychologique que vers une thèse dont la cinéaste n'a
pas caché l'intention: la société actuelle, intolérante à
la diversité des inclinations dites “de genre”, les
réprime. C'est donc une thèse idéologique qui est
déployée, qu'une société adulte peut entendre et
discuter.
Mais sa présentation auprès d'enfants est critiquable.
Pour eux, être garçon ou fille, c'est une constitution
corporelle, incontournable donne de départ, qu'il s'agit
d'agencer avec cette autre, tout aussi fondatrice: les
attentes de ses parents qu'il soit leur fils / leur fille.
S'approprier son corps sexué en l'intégrant au devenir
filiatif, tel est l'horizon d'un développement affectif, à
cet âge captivé par l'envie de combler au mieux les
parents.
La démarche du Ministère repose sur une confusion :
celle de déplacer un débat de la société adulte sur le
terrain de l'enfant et de la famille.
La rêverie est certes banale chez l'enfant, de
s'imaginer être de l'autre sexe, ou bien d'être d'une
autre famille ; mais c'est sur la base d'une réalité qu'il
sait intangible au départ, réalité de son corps comme
celle des parents dont il est issu, avec laquelle il lui
faut en définitive se construire. La rêverie est alors le
gage d'une liberté que la vie imaginaire lui procure,
s'évadant de la réalité, qui lui demeure un socle. À cet
égard, les images du film Tomboy embarrassent la
méditation enfantine, au risque de la piéger. Elles
invalident la rêverie en imposant une thèse: l'évasion
imaginaire vaudrait “pour de vrai” comme disent les
enfants, elle serait une vérité brimée de Laure, un
destin dont elle serait dépossédée, sans plus de
référence ni à son corps propre (dont la sexuation
intervient néanmoins dans le film, mais de manière
brutale) ni à ses parents (la réaction sèche de la mère
dépeignant des adultes intolérants). Des enfants et
jeunes adolescents devraient être protégés d'une telle
approche idéologique.
Des enfants et jeunes adolescents devraient être
protégés d'une telle approche idéologique.
La démarche du Ministère repose sur une
confusion : celle de déplacer un débat de la société
adulte sur le terrain de l'enfant et de la famille ; or
élaguer un arbre n'impose pas de malmener ses
racines. La répartition des tâches entre hommes et
femmes questionne les adultes, du fait qu'elles soient
de plus en plus indifférenciées (l'enjeu ancien de la
force physique a disparu de la vie du travail). Elle n'a
rien à voir avec l'épanouissement de l'enfant et sa
façon de s'approprier son identité sexuée: là,
l'indifférenciation au titre d'une égalité garçon/fille est
un leurre, et devient une violence si elle est présentée
aux enfants: garçons et filles se respecteront d'autant
mieux qu'ils seront respectés et confortés dans leur
constitution affective. Imposer au garçon de supposés
attributs des jeux de fille (les poupées), à la raison de
“déconstruire les stéréotypes”, c'est insinuer que les
sexes constitueraient une menace l'un à l'égard de
l'autre ; or l'enfant est le fruit de la différence des
sexes, il est né du partage entre eux. C'est aussi
omettre que l'horizon qui le motive à grandir est, pour
le garçon de rêver être un jour un père comme son
père, pour la fille une mère comme sa mère. Leurs
jeux explorent ces thèmes, puisant leurs références à
la vie familiale, s'y calquant ou s'en démarquant,
signe d'une liberté que l'enfant apprivoise et conquiert
depuis ce qui lui est transmis.
Le Ministère ne peut pas s'étonner que sa démarche
soit ressentie par les familles comme une intrusion
idéologique au sein de l'école et une caution donnée
à des plaidoyers militants de tous bords ; avec le
risque de confisquer les réflexions nécessaires sur de
tels sujets, sérieux et subtils, et le détriment qui rejaillit
sur l'enfant
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