C Gradel - Réseau agriculture durable

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C Gradel - Réseau agriculture durable
Des systèmes agricoles respectueux de l’environnement,
fixant plus de valeur ajoutée et d’emplois à la production
Communication présentée par le Gradel (1)
(Colloque SFER – 18 et 19 novembre 2004)
Résumé
Le retour au pâturage dans les exploitations laitières se traduit par un meilleur respect de
l’environnement et une meilleure efficacité économique, permettant de fixer l’emploi à la
production : les revenus par litre de lait y sont deux fois plus élevés et les capitaux investis y
sont inférieurs d’un tiers, ce qui facilite leur transmission. Ces résultats devraient interpeller les
organismes de développement agricole.
Mots-clés : retour au pâturage, efficacité économique, emploi agricole, développement
agricole, respect de l’environnement.
Abstract
The return to pasture management in dairy farms means a better respect for the environment
and economic efficiency, allowing the agricultural labor to be dedicated to production : milk
yields twice as much revenue per litre and the investments are cut by a third, which facilitates
their transfer. These results should be a call to action for organizations dealing with agricultural
development.
Key words : return to pasture, economic efficiency, agricultural labor, agricultural development,
respect for the environment.
JEL : A13 ; D24 ; D63 ; Q12 ; R32.
(1) : Gradel : groupe de recherche en agriculture durable et en économie locale
c/o FDCIVAM - 11, route d'Abbaretz - 44170 NOZAY
Tél. : 02 40 79 32 93 – Fax : 02 40 79 44 67
Mail : [email protected]
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Introduction
L’objectif de cette communication est de présenter les réflexions, expériences et résultats d’un
groupe de 25 éleveurs, travaillant dans 11 exploitations productrices de lait de vache de la
région des Pays de la Loire, dans les cantons limitrophes de Rocheservière (Vendée) et
d'Aigrefeuille (Loire-Atlantique).
Ces exploitations sont, depuis une quinzaine d’années, engagées dans une démarche de
recherche-développement pour obtenir une plus grande autonomie fourragère et financière,
limiter l’exode agricole et rural, mieux respecter l’environnement et trouver un équilibre optimal
entre produit, capital, travail et revenu.
A la fin des années 80, une succession de graves sécheresses estivales a mis en évidence
l’extrême fragilité technico-économique des systèmes laitiers intensifs à base de maïs fourrage,
de ray-grass d’Italie et de soja acheté. D’abord individuellement, puis en groupe à partir de
1992 avec le Gradel (groupe de recherche en agriculture durable et en économie locale), animé
par la Chambre d’agriculture de Loire Atlantique, et dont l’expérience a été relatée dans un
ouvrage grand public (Jouin, 2000), les éleveurs ont cherché à développer au maximum le
pâturage, malgré des sols de qualité moyenne et une sécheresse estivale marquée, en
réduisant les surfaces de maïs fourrage et en limitant les surfaces de céréales et de
protéagineux aux seuls besoins alimentaires du troupeau bovin. Pour cela, ils ont d’abord
développé leurs connaissances techniques (gestion des prairies et du pâturage, mélanges
fourragers…), notamment à partir d’expériences réussies dans d’autres régions de l'Ouest
français (Pochon, Bodiguel, Bescher, Besnard, Merceron…). Les modifications techniques
apportées au système fourrager ont eu d’importantes répercutions sur le système d’élevage et
la conduite du troupeau (productivité par vache, reproduction, alimentation du troupeau,
interventions sanitaires…), qui elles-mêmes ont eu des impacts positifs en termes de revenus,
d'organisation du travail, d'efficacité économique, de respect du milieu naturel et de maintien de
l’emploi.
Afin de mesurer les progrès réalisés dans le cheminement vers des systèmes plus autonomes
et économes, mais aussi pour souligner l’adéquation de cette démarche avec les attentes
sociales vis à vis de l’agriculture européenne, le Gradel établit régulièrement les résultats
économiques de chacune des onze exploitations, puis compare la moyenne de ces résultats
avec ceux d'exploitations laitières de la même zone, selon la même méthodologie.
La communication sera centrée sur les résultats économiques du Gradel en 2001, comparés à
deux groupes d'exploitations laitières : d'une part le « groupe CA 44 », constitué de neuf
exploitations laitières, suivies par la Chambre d'agriculture de Loire-Atlantique (Treton, 2002) ;
d'autre part le « groupe Afoca », comportant 73 exploitations de Loire-Atlantique, Maine et Loire
et Vendée, dont la gestion comptable est assurée par l'association de formation collective
agricole (Afoca, 2002).
Afin de caractériser les trois groupes d’exploitations par rapport à une situation régionale
moyenne, nous présentons également dans cette communication les données « moyenne
régionale », constituée de 87 exploitations de la région Pays de la Loire suivies par le RICA,
réseau d’information comptable agricole (Agreste, 2003).
Communication du Gradel – Colloque SFER – 18 et 19 novembre 2004
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Méthodologie
Définition des variables utilisées
UMO totales (UMOT) : unités de main d'œuvre, familiales et salariées, calculées sur la base de
2.200 heures/an pour un équivalent temps plein.
UMO familiale (UMOF) : unités de main d'œuvre familiale seulement.
SAU : surface agricole utile.
SFP : surface fourragère principale (cultures fourragères et prairies).
Chargement technique : nombre d’unités de gros bétail de l’ensemble des herbivores, ramené
à la surface fourragère principale.
Stocks fourragers : ensemble des stocks récoltés sur la SFP et consommés dans l'année.
Besoins annuels : besoins annuels en fourrages grossiers ; ils sont estimés à 5,5 tonnes de
matière sèche par unité de gros bétail et par an dans les systèmes de production étudiés.
Produit brut : total des recettes de l'exploitation, diminuées des achats d'animaux, et
augmentées des variations de stocks produits (positives ou négatives).
Valeur ajoutée brute : produit brut diminué des consommations intermédiaires de biens et
services.
Dotation aux amortissements : constatation de la baisse de valeur des matériels, outillages et
bâtiments (règle de calcul linéaire).
Valeur ajoutée nette : valeur ajoutée brute diminuée des amortissements ; ce ratio représente
les richesses créées par l’activité de production, quelle que soit l’origine des recettes (ventes ou
primes compensatrices).
« Richesses créées » : valeur ajoutée nette diminuée des primes PAC ; ce ratio représente les
richesses créées par l’activité de production rémunérée par le marché.
Résultat courant avant MSA : résultat courant augmenté des cotisations sociales exploitants.
Résultat courant : résultat d'exploitation augmenté du résultat financier.
Primes PAC : ensemble des aides compensatrices végétales et animales.
Capital d'exploitation : actif immobilisé (bâtiments d’exploitation, matériel, outillage, animaux
reproducteurs), augmenté de l’actif circulant (stocks et en-cours, valeurs réalisables et
disponibles).
Définition des groupes d'exploitations laitières
Groupe Gradel : 11 exploitations de Vendée et Loire-Atlantique (25 exploitants) spécialisées
en production laitière, et engagées dans une démarche de désintensification par le
développement du pâturage, la recherche d’autonomie fourragère, et par conséquent la
réduction des investissements en matériel.
Groupe CA 44 : 9 exploitations de Loire-Atlantique spécialisées en production laitière (produit
lait supérieur ou égal à 75% du produit total hors primes PAC), dont le système fourrager est
basé sur le maïs et dont la conduite du troupeau de vache est proche du zéro-pâturage.
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Groupe Afoca : 73 exploitations de Loire-Atlantique, Vendée et Maine et Loire, spécialisées en
production laitière (produit de l’atelier lait, y compris les veaux et la viande, supérieur ou égal à
75% du produit total), et qui répondent positivement à au moins trois des quatre critères
suivants : frais de concentrés totaux supérieurs à 52 € pour 1.000 litres de lait produits ; part du
maïs fourrage dans la SFP supérieure à 25% ; lactation par vache supérieure à 6.500 litres ;
production de lait par hectare de SFP supérieure à 5.600 litres.
Moyenne régionale : 87 exploitations de la région des Pays de la Loire spécialisées en
production laitière (OTEX 41), dont les données comptables et technico-économiques sont
enregistrées par le RICA (Agreste). Ces exploitations, d’une taille économique comprise entre
40 et 100 unités de dimension européenne (UDE) et employant au moins 0,75 UMO totales
sont représentatives, selon l’enquête RICA, de 5.988 exploitations, soit 65% des exploitations
de la région spécialisées en production laitière et recensées à la fin de l’année 2000 (Agreste,
2002). Il faut noter que le taux de spécialisation en production laitière, que nous définissons
comme le poids des ventes de lait dans le produit brut hors primes PAC, est plus faible que
dans les autres groupes d’exploitations : cela tient au fait que la production de viande bovine
(d’origine laitière ou non) représente une part du produit brut plus importante. C’est pourquoi
nous considérerons que les ratios technico-économiques ramenés à la production de lait
(tableau 3) sont non significatifs pour ce groupe.
Caractéristiques des exploitations des différents groupes
Le tableau 1 suivant donne les principales caractéristiques de la structure des exploitations des
quatre groupes.
Tableau 1 : caractéristiques des groupes d’exploitations laitières
Données 2001
Exploitations
UMO totales (UMOT)
. dont UMO familiales (UMOF)
Ventes de lait / Produit brut (*)
SAU
SFP
Soit en % de la SAU
- dont prairies
- dont maïs fourrage
Chargement technique
Stocks fourragers
Soit en % des besoins annuels
Prix de vente du lait
Quota laitier produit
Groupe Groupe Groupe
Gradel CA 44 Afoca
(nombre)
11
9
73
(par exploitation)
2,16
1,42
1,82
(par exploitation)
2,05
1,37
1,76
(%)
79%
78%
81%
(ha/UMOT)
27
46
33
(ha/UMOT)
23
30
24
86%
66%
72%
(% SFP)
88%
60%
64%
(% SFP)
12%
40%
36%
(UGB/ha SFP)
1,4
1,7
1,6
(T.MS/UGB)
2,0
3,8
3,5
36%
69%
64%
(€/hl)
31,1
31,9
32,3
(1.000 l/UMOT)
132
169
164
(*) : avec ici le produit brut hors primes PAC
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Moyenne
régionale
87
1,56
1,47
69%
42
33
79%
73%
27%
1,6
non
disponible
33,0
151
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Les exploitations du Gradel présentent d’importantes spécificités par rapport aux autres
groupes d’exploitations :
Par rapport aux facteurs limitants que constituent les surfaces agricoles et la production
contingentée de lait, les exploitations du Gradel font travailler beaucoup plus d’actifs :
3,7 UMO totales pour 100 hectares SAU, contre 2,2 UMOT dans le groupe CA 44,
environ 3 UMOT dans le groupe Afoca et 2,4 UMOT en moyenne régionale ; pour
100.000 litres de lait produits, le Gradel emploie 0,76 UMOT, les groupe CA 44 et Afoca
environ 0,6 UMOT ;
La productivité physique du travail, mesurée par la quantité de lait produite par actif
familial, est significativement plus faible que dans les groupes CA 44 (-20%) et Afoca
(environ -15%) ; elle est inférieure de 15% par rapport à la moyenne régionale ;
Le prix de vente du lait est inférieur dans le Gradel, dont aucune exploitation n’est
intégrée dans un cahier des charges « qualité » en 2001 (depuis, une des exploitations
s’est convertie en agriculture biologique) ; de 3% à 4% par rapport aux groupes CA 44 et
Afoca, et de 6% par rapport à la moyenne régionale (qui comprend notamment des
exploitations en agriculture biologique) ;
Les surfaces fourragères représentent presque neuf hectares sur dix, contre six à huit
hectares sur dix dans les autres groupes d’exploitations ;
La part du maïs fourrage dans la SFP est nettement plus réduite ;
Le pâturage couvre environ les deux tiers des besoins du troupeau en fourrages
grossiers, contre moins du tiers dans les deux autres groupes CA 44 et Afoca ;
Le chargement technique (UGB/ha SFP) est plus faible d’environ 15% à 20% par
rapport aux autres exploitations étudiées ;
En résumé, les exploitations du Gradel maintiennent plus d’emplois agricoles dans les territoires
ruraux, car elles utilisent moins de surfaces agricoles et de quotas laitiers par actif que les
autres exploitations laitières. Le pâturage y est deux fois plus développé que dans les groupes
CA 44 et Afoca et le système de production est moins chargé (UGB/ha SFP).
Il est à noter que les exploitations du Gradel, bien que modérément chargées, sont moins
gourmandes en foncier : en effet, le développement du pâturage s’est essentiellement réalisé
par la réduction des surfaces de céréales vendues, de maïs fourrage et de protéagineux autoconsommés, et non par l’agrandissement des structures foncières au détriment de l’emploi.
Les écarts observés entre la moyenne régionale et les groupes CA 44 et Afoca tiennent d’une
part au fait que le taux de spécialisation en production laitière est plus faible, et d’autre part au
fait que les données du RICA agrègent l’ensemble des systèmes de production spécialisés,
quels que soient leur système fourrager et la part du pâturage dans la ration fourragère.
La problématique abordée dans cette communication concerne les systèmes bovins des
régions intensives de l’Ouest français, où le chargement moyen est presque deux fois plus
élevé que le chargement moyen en France (Barrès, 2003).
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Plus de revenu et moins d’aides publiques
Le tableau 2 donne les principaux résultats économiques des groupes d’exploitations, ramenés
à l’actif agricole.
Tableau 2 : principaux résultats économiques par actif agricole
Données 2001 par actif agricole
Produit brut
Valeur ajoutée brute
soit en % du produit brut
Dotation aux amortissements
Valeur ajoutée nette
soit en % du produit brut
Richesses créées (*)
soit en % du produit brut
Résultat courant avant MSA
soit en % du produit brut
Cotisations sociales exploitants
Résultat courant
soit en % du produit brut
- dont primes PAC
soit en % du résultat courant
Résultat hors primes PAC
(1.000 €/UMOT)
(1.000 €/UMOT)
(1.000 €/UMOT)
(1.000 €/UMOT)
(1.000 €/UMOT)
(1.000 €/UMOF)
(1.000 €/UMOF)
(1.000 €/UMOF)
(1.000 €/UMOF)
(1.000 €/UMOF)
Groupe Groupe Groupe
Gradel CA 44 Afoca
53,2
76,9
74,6
30,4
33,5
34,0
57%
44%
46%
6,6
11,4
10,1
23,8
22,1
23,9
45%
29%
32%
20,0
15,8
16,8
38%
21%
23%
23,7
19,9
19,1
42%
25%
24%
3,7
5,5
4,6
20,0
14,4
14,5
36%
18%
18%
4,0
7,9
7,3
20%
55%
50%
16,0
6,5
7,2
Moyenne
régionale
80,3
39,2
49%
10,9
28,3
35%
18,2
23%
20,9
25%
4,2
16,7
20%
8,3
50%
8,4
(*) : valeur ajoutée nette hors primes PAC
Bien que le produit brut par actif dégagé par le Gradel soit inférieur d’environ un quart par
rapport à ceux des groupes CA 44 et Afoca, et d’un tiers par rapport à la moyenne régionale, la
valeur ajoutée brute produite par actif se rapproche de celles des deux premiers groupes,
puisqu’elle leur est inférieure de seulement 10% : ce résultat montre que les consommations
intermédiaires sont beaucoup mieux maîtrisées dans les exploitations du Gradel, signe d’une
plus grande autonomie du système de production, obtenue grâce au développement du
pâturage. En effet, cette stratégie a permis une forte réduction des dépenses d’engrais azotés
et phosphatés, de semences, de traitements phytosanitaires et vétérinaires, d’aliments du bétail
et de carburant.
Les écarts de valeur ajoutée nette deviennent insignifiants entre le Gradel et le groupe Afoca, et
elle devient supérieure dans le Gradel à celle dégagée dans les exploitations du groupe CA 44 ;
elle reste inférieure de 16% par rapport à la moyenne régionale. La réduction des charges de
mécanisation explique en grande partie ce résultat : le développement du pâturage s’est en
effet accompagné d’une moindre utilisation des matériels de distribution des fourrages stockés,
de travail du sol, de récolte et de transport, entraînant ainsi la réduction d’un coûteux parc de
traction et de sa puissance (tracteurs de 80 CV dans le Gradel au lieu de tracteurs de 120 CV à
150 CV dans les groupes Afoca et CA 44).
Les dotations aux amortissements (dépréciation des équipements d’exploitation), qui dans tous
les groupes représentent de 6% à 8% du capital total, sont, dans le groupe Gradel, inférieures
de 40% à celles des autres groupes et de la moyenne régionale : cet écart explique en grande
partie le meilleur résultat courant de ces exploitations.
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Il est intéressant d’analyser le critère « richesses créées », qui mesure la capacité des
agriculteurs à fixer la valeur ajoutée effectivement produite par les ventes sur le marché, c’est à
dire hors primes compensatrices PAC et une fois la dépréciation des équipement compensée
(hors dotation aux amortissements) : les exploitations du Gradel créent significativement plus de
richesses à l’actif que les exploitations des deux autres groupes (+20% par rapport au groupe
Afoca et +27% par rapport au groupe CA 44), avec, rappelons le, des moyens de production et
des recettes plus réduits.
La rémunération du travail familial (pour prélèvements privés et cotisations sociales), mesurée
par le résultat courant avant paiement des cotisations sociales des exploitants, est également
plus importante dans le Gradel : +20% par rapport au groupe CA 44, +24% par rapport au
groupe Afoca et +13% par rapport à la moyenne régionale. En rapportant ce critère au produit
brut, afin d’évaluer l’efficacité des systèmes de production pour rémunérer le travail agricole, les
exploitations du Gradel sont de ce point de vue deux fois plus « efficaces » que les exploitations
des autres groupes et de la région.
Les écarts de revenu agricole (résultat courant après paiement des cotisations sociales) sont
encore plus nets en valeurs relatives : les actifs du Gradel dégagent des revenus supérieurs
d’environ 40% par rapport à ceux des groupes CA 44 et Afoca, et de 20% par rapport à la
moyenne régionale. L’accentuation des écarts par rapport au critère précédent s’explique
essentiellement par le régime social des exploitations : au Gradel, deux tiers des exploitations
sont au bénéfice forfaitaire, alors que plus de la moitié des exploitations des autres groupes
sont au bénéfice réel ; c’est pourquoi les exploitants du Gradel cotisent relativement moins aux
régimes sociaux (-33% par rapport au groupe CA 44 et –20% par rapport au groupe Afoca). Il
est à noter que ces différences de hauteur de cotisations sociales ne remettent pas en cause la
hiérarchie de la rémunération du travail familial (revenu et cotisations sociales) entre les
différents groupes.
Les primes compensatrices de la PAC par actif agricole familial (primes grandes cultures et
primes à l’abattage) sont environ deux fois moins élevées dans les exploitations du Gradel que
dans les autres groupes. Elles représentent environ la moitié du résultat courant dans les
exploitations des groupes CA 44 et Afoca, alors que cette proportion n’est que de 20% dans les
exploitations du Gradel : ces dernières sont ainsi largement moins dépendantes des transferts
publics que les autres exploitations, et nettement moins coûteuses pour les contribuables
européens.
Au final, les revenus du travail familial obtenus par le marché (résultat hors primes PAC) et une
fois les cotisations sociales acquittées, sont deux à deux fois et demie plus élevés dans les
exploitations du Gradel que dans les autres exploitations, ce qui souligne leur plus grande
efficacité à rémunérer le travail agricole indépendamment des transferts publics : d’une certaine
manière, les primes PAC masquent en partie la moindre efficacité des systèmes de production
basés sur le développement de cultures primées (maïs fourrage, céréales et oléoprotéagineux).
Le développement des systèmes de production laitière adoptés par les exploitations du Gradel
constitue une piste de réflexion intéressante dans le contexte économique actuel : en effet, il
permettrait une hausse sensible des revenus agricoles, tout en réalisant des économies
budgétaires substantielles.
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Une meilleure efficience économique
Jusqu’à la mise en place des quotas laitiers en 1984, la politique laitière européenne visait à
accroître la production pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire : c’est pourquoi les
institutions chargées de la recherche-développement et de la vulgarisation agricoles ont
privilégié l’augmentation des rendements par vache et par actif, sans trop s’attacher aux coûts
de production et aux investissements que cela pouvait engendrer, pour l’agriculteur comme
pour la société. Avec le contingentement de la production, la désertification des zones rurales
difficiles et l’apparition du chômage de masse au début des années 80, les critères d’efficience
des systèmes laitiers auraient dû évoluer : le maintien d’actifs agricoles nombreux et
convenablement rémunérés dans les territoires ruraux supposait alors de répartir des moyens
de production limités entre le plus grand nombre d’actifs et de régions possibles. Dans cette
optique, il est intéressant d’observer les résultats économiques ramenés au principal facteur
limitant, c’est à dire aux quantités de lait produit (voir tableau 3).
Tableau 3 : principaux résultats économiques par hectolitre de lait produit
Données 2001 par hl de lait
Produit brut
Valeur ajoutée brute
Valeur ajoutée nette
Richesses créées (*)
Résultat courant avant MSA
Résultat courant
- dont primes PAC
(€/hl)
(€/hl)
(€/hl)
(€/hl)
(€/hl)
(€/hl)
(€/hl)
Groupe Groupe Groupe
Gradel CA 44 Afoca
40,4
45,5
45,5
23,1
19,8
20,7
18,1
13,1
14,6
15,2
9,3
10,2
17,1
11,4
11,3
14,4
8,2
8,5
2,9
4,5
4,3
(*) : valeur ajoutée nette hors primes PAC
Les richesses créées par unité produite sont bien plus importantes dans les exploitations du
Gradel : elles sont supérieures de 63% par rapport à celles créées dans le groupe CA 44 et de
49% par rapport à celles créées dans le groupe Afoca.
Les revenus agricoles à l’hectolitre de lait produit dégagés par les exploitations du Gradel sont
supérieurs de 70% à 75% à ceux obtenus dans les exploitations des groupes CA 44 et Afoca.
Les écarts de rémunération du travail par unité produite (résultat courant avant MSA) sont
également significatifs : ils sont supérieurs d’environ 50% par rapport aux groupes CA 44 et
Afoca. Ces écarts montrent que le système de production mis en œuvre dans le Gradel est bien
plus efficace pour maintenir en milieu rural des emplois agricoles plus nombreux et mieux
rémunérés, malgré le contingentement de la production laitière.
Depuis les années 60, la vulgarisation agricole s’est attachée prioritairement à l’augmentation
de la productivité physique du travail, et non à la productivité économique des intrants ou du
capital : l’expérience du Gradel montre pourtant que ces dernières sont déterminantes dans la
formation du revenu et la rémunération du travail agricole.
A titre d’illustration, sur la base des données présentées dans ce chapitre, la généralisation du
système laitier mis en œuvre au Gradel permettrait théoriquement, pour un même contingent de
lait, la création d’un quart d’emplois agricoles en plus dans cette production, soit environ 3.000
postes de travail à l’échelle de la région des Pays de la Loire, tout en réduisant les transferts
publics (primes PAC) de près de la moitié, c’est à dire d’environ 13 millions €.
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Des exploitations transmissibles
L’analyse de l’efficience économique peut être complétée par l’analyse de la valorisation du
capital d’exploitation (voir tableau 4)
Tableau 4 : efficacité du capital d’exploitation
Données 2001
Capital d'exploitation
Ratios d'efficacité
Produit brut / capital
Valeur ajoutée brute / capital
Valeur ajoutée nette / capital
Richesses créées (*) / capital
Résultat courant / capital
Groupe Groupe Groupe
Gradel CA 44 Afoca
(1.000 €/UMOF)
96
168
132
(€/hl lait produit)
69
96
78
(€/ha SAU)
3 400 3 539 3 895
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
58%
33%
26%
22%
21%
47%
21%
14%
10%
9%
58%
27%
19%
13%
11%
Moyenne
régionale
164
3 671
52%
25%
16%
12%
10%
(*) : valeur ajoutée nette hors primes PAC
Le capital d’exploitation engagé par actif familial est nettement inférieur dans le groupe Gradel :
il représente 57% du capital des exploitations du groupe CA 44 et 73% du capital des
exploitations du groupe Afoca. Il est inférieur de 41% à la moyenne régionale. Cette donnée est
fondamentale, car elle souligne très nettement que la transmission des exploitations du Gradel
à de jeunes agriculteurs est bien moins coûteuse que dans les autres groupes d’exploitations. A
l’heure où la reprise des exploitations se heurte à des difficultés financières de plus en plus
prégnantes, notamment du fait de l’importance croissante des capitaux à mobiliser, il s’agit d’un
atout majeur pour la viabilité et la pérennité du système de production mis en œuvre dans le
Gradel.
Par rapport au capital investi, les richesses créées dans les exploitations du Gradel représente
presque le double de celles créées dans les autres exploitations, ce qui souligne leur grande
efficacité économique pour les territoires, avant transferts publics.
La valorisation du capital par le travail dans le groupe Gradel (revenu courant rapporté au
capital d’exploitation) dépasse le double de celle observée dans les autres groupes et dans les
systèmes laitiers de la région : dans ce contexte, l’installation n’est pas synonyme de
surendettement ni de bas revenus lors des premières années d’activité.
Notons que le capital investi rapporté à la SAU, que l’on peut considérer comme un critère
d’intensification, est inférieur de seulement 4% par rapport à celui des exploitations du groupe
CA 44 et de 8% par rapport à la moyenne régionale, mais de 14% par rapport au groupe Afoca,
plus intensif. Cela montre qu’un plus faible capital d’exploitation total n’est pas forcément
synonyme de sous-équipement, ni d’extensification importante du système de production.
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Des exploitations respectueuses de l’environnement
Le point central de la stratégie menée par les exploitations du Gradel depuis une dizaine
d’années réside dans le développement maximal du pâturage. Le système fourrager s’est
orienté vers le développement de prairies de longue durée (5 à 7 ans), adaptées aux conditions
pédo-climatiques locales, et constituées de mélanges graminées-légumineuses appropriés (en
général de la fétuque, du ray-grass anglais et du trèfle blanc), au détriment du ray-grass d’Italie
et du maïs fourrage. Cette profonde modification du système fourrager a eu d’importants
impacts environnementaux.
En premier lieu, le développement des prairies pâturées de longue durée s’est accompagnée
d’une forte diminution de la fertilisation minérale : en effet, les quantités d’azote épandues
annuellement ont été divisées par 18 entre 1990 et 2000 (de 450 kg d’ammonitrate 33,5% par
hectare à 25 kg/ha), celles de phosphates par sept (de 180 kg KCl 60% par ha à 25 kg/ha).
Pour mesurer l’impact environnemental de telles pratiques, les exploitants du Gradel ont
effectué, chaque semaine durant les hivers 1996-1997 et 1997-1998, des mesures à la sortie
des drains d’une trentaine de parcelles de trois communes où se situent leurs exploitations
(Gradel, 1999). Les résultats sont éloquents : les mesures donnent 20 à 40 mg/l de nitrates
dans les prairies conduites sur pâturage sans apport minéral, et 120 à 230 mg/l de nitrates dans
les parcelles conduites intensivement avec épandage de lisier et d’engrais minéraux.
Ensuite, une réduction drastique des traitements phytosanitaires, liée à la réduction des cultures
de maïs et de céréales à paille : les agriculteurs du Gradel ont limité ces traitements au strict
nécessaire, pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons de santé personnelle,
de qualité de vie et de respect du voisinage.
Le développement des prairies a également permis de supprimer les sols nus l’hiver, limitant le
lessivage des sols et l’exportation dans l’eau des engrais minéraux et des pesticides. En
corollaire, le passage du tracteur (labours, semis) s’est considérablement réduit, permettant de
diminuer sensiblement la consommation d’énergie fossile à effet de serre et non renouvelable,
qui est passée d’environ 200 litres de fuel par an et par hectare à la fin des années 80 à environ
60 litres en 2001.
Les modifications du système alimentaire des bovins s’est aussi traduit par une baisse
drastique des achats de tourteaux de soja, qui sont passés de 700 kg/an pour 10.000 litres de
lait produit en 1990 à 120 kg/an en 2001 : outre d’importantes économies de charges
alimentaires, cela permet au Gradel de garantir un lait exempt d’organismes génétiquement
modifiés (OGM), comme le demandent 80% des consommateurs français, selon un sondage
réalisé par Harris medical international, fin janvier 2004, pour le compte de l’Assemblée
permanente des chambres d’agriculture (APCA) et de la revue 60 Millions de consommateurs.
Enfin, le développement du pâturage s’est traduit d’une part par la réduction des écoulement de
jus de fumier et d’ensilage, d’autre part par un meilleur respect de la biologie des bovins, qui a
entraîné une amélioration du bien être animal, et donc une réduction des interventions et
traitements vétérinaires.
La démarche engagée par les agriculteurs du Gradel révèle également une conception
différente du métier de paysan. Le développement du pâturage des prairies de longue durée
s’est accompagné d’une forte diminution du temps passé sur un tracteur (labours, semis,
récoltes) : les pointes de travail sont écrêtées et le matériel redevient l’outil qui soulage de la
pénibilité du travail. En contrepartie, le temps passé à l’observation, à la formation, à l’échange
de savoir-faire et à l’innovation a augmenté avec la perte d’automatismes liés à l’alimentation
des troupeaux à partir de stocks : ces évolutions sont vécues par les agriculteurs comme une
réappropriation des pratiques paysannes, une plus grande diversité des choix possibles et une
plus grande sécurité face aux aléas climatiques.
Communication du Gradel – Colloque SFER – 18 et 19 novembre 2004
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Dans le cas des exploitations du Gradel, le respect de l’environnement a donc découlé d’une
priorité donnée à l’origine à l’efficacité économique et à l’optimisation des revenus du travail
paysan, basées sur le maintien de l’emploi agricole, la réduction des charges d’exploitation
(intrants, investissements) et la recherche d’une meilleure qualité de vie, pour les Hommes
comme pour les animaux d’élevage. De plus, les conditions de production leur permettent de
répondre à la demande des citoyens pour une alimentation saine et de qualité, même si à ce
jour ces pratiques n’ont pas été formalisées dans un cahier des charges qui répond aux besoins
des consommateurs recherchant ce type de produits agricoles.
Les limites de l’expérience du Gradel
Le développement du pâturage de tous les animaux du troupeau laitier, point central de la
stratégie du Gradel, a une double limite. D’une part, le nombre d’animaux par actif : au-delà
d’une certaine taille, il est difficile de mener les bovins aux parcelles pour des problèmes de
contention et de distance par rapport aux bâtiments d’élevage. D’autre part, la structure du
parcellaire : outre la distance à parcourir, nombre d’exploitations sont aujourd’hui dans
l’impossibilité d’exploiter la majorité des terres par le pâturage, du fait d’obstacles liés à
l’urbanisation (traversées de bourgs ou de villes), aux infrastructures impossibles à emprunter
ou à traverser (TGV, voies rapides…), voire au comportement des automobilistes.
Le développement de systèmes basés sur le pâturage comme ceux adoptés par le Gradel
suppose donc de lever ces freins : remembrement, échanges et regroupement de parcelles, à
l’image de ce que font nombre de céréaliers, relocalisation des bâtiments d’élevage au milieu
du parcellaire, transport des animaux par camion, traite au champ…
De nombreuses solutions existent et les organismes de recherche développement pourraient
peut être plus travailler sur cette problématique. Reste néanmoins le cas des exploitations de
dimension importante, pour lesquelles peu de solutions existent, ou sont plus difficiles à mettre
en œuvre, à moins d’imaginer leur démembrement en structures plus petites. Cette dernière
remarque souligne qu’il est important de maintenir des exploitations de petite taille, plus à
même de pouvoir s’adapter à des changements de pratiques agricoles.
La stratégie du Gradel s’est réalisée dans une filière agricole dont le soutien des prix à la
production est, jusqu’à aujourd’hui, relativement élevé : les revenus tirés du travail agricole
peuvent donc atteindre la parité avec ceux de la population active, même avec des moyens de
production limités. Mais il est difficile d’imaginer que l’optimisation des résultats économiques
permette une rémunération des agriculteurs suffisante dans les productions où les prix sont peu
soutenus et en baisse continue, induisant en permanence d’importants gains de productivité du
travail. Dit autrement, ces stratégies seront-elles diffusables, et resteront-elles même
opérationnelles, dans le contexte actuel de démantèlement des outils de régulation de la
politique agricole commune (PAC) et de baisse des prix garantis à la production ?
Les accords de Luxembourg (juin 2003), qui introduisent le découplage des aides directes vis à
vis de la production et leur conditionnalité environnementale, devraient modifier de manière
fondamentale les stratégies des agriculteurs : l’optimisation économique pourra s’effectuer en
réduisant, voire en abandonnant les productions, à condition de s’assurer un revenu par les
aides de la PAC. A terme, l’extensification (ou la désintensification) des systèmes agricoles
pourrait devenir synonyme d’abandon de la production, tout en répondant aux demandes
sociétales sur l’environnement (conditionnalité) : dans ce nouveau schéma, respecter
l’environnement et les ressources naturelles pourra être totalement déconnecté de la création
de valeur ajoutée et d’emplois ruraux.
Communication du Gradel – Colloque SFER – 18 et 19 novembre 2004
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Enfin, notons que le découplage des aides PAC sur des bases historiques (2000-2002)
individuelles conduisent à « pénaliser » les systèmes ceux du Gradel : leur droit à paiement
unique (DPU) s’établit en moyenne à 245 €/ha à l’issue de la réforme en 2007, un chiffre proche
de la moyenne régionale, contre environ 300 €/ha dans le groupe CA 44 et 350 €/ha dans le
groupe Afoca.
Les limites que nous venons de souligner interrogent en premier lieu les organismes de
recherche et de développement agricoles : vue l’efficacité des systèmes mis en œuvre au
Gradel pour répondre aux demandes sociétales, leur extension est une priorité incontournable,
ce qui suppose de réorienter la recherche et la vulgarisation afin d’en lever les freins. L’histoire
récente de l’agriculture française nous a montré que c’est la volonté des Hommes qui a façonné
ses évolutions.
Conclusion : un autre développement agricole est possible
L’expérience du Gradel est riche d’enseignements : des producteurs laitiers, en marge des
principaux organismes de développement agricole, ont réussi à adapter leurs systèmes de
production à la demande sociétale et à leur bien être personnel. En effet, les systèmes de
production qu’ils mettent en œuvre permettent d’augmenter les revenus du travail, de vendre
des produits agricoles sains et de qualité, de partager l’emploi et le temps de travail, de
participer à l’aménagement des territoires ruraux tout en coûtant moins cher aux contribuables,
de travailler dans des exploitations transmissibles et donc durables, de respecter
l’environnement, le bien être animal et la biodiversité, de retrouver une qualité de vie, d’avoir un
métier qualifié, passionnant et innovant. Avec une stratégie basée sur la réduction des coûts
par le développement du pâturage, les éleveurs du Gradel ont su trouver une cohérence entre
l’aménagement du territoire et le développement d’une agriculture viable et durable.
Plus largement, l’expérience du Gradel pourrait servir de piste de réflexion dans des pays où les
agriculteurs n’ont pas de capitaux, peu de terres et des besoins alimentaires non couverts, voire
même dans d’autres domaines d’activités comme l’industrie, l’artisanat…
En creux, cette expérience souligne, s’il en était encore besoin, l’impasse dans laquelle se
fourvoient les tenants d’une agriculture basée sur l’augmentation de la productivité du travail et
la disparition continuelle des actifs agricoles, avec comme conséquences soit l’industrialisation
des modes de production, soit l’appauvrissement des territoires, la dégradation des conditions
de travail et de l’environnement, la disparition de l’agriculture familiale et paysanne et des
savoir-faire ancestraux qu’elle a capitalisés, l’impossibilité croissante de transmettre des
exploitations aux capitaux de plus en plus élevés, la désertification irréversible de vastes zones
rurales, la déqualification et la perte d’autonomie du métier d’agriculteur, bref, le décalage
croissant avec les attentes et les besoins de la société européenne.
La forte baisse des prix garantis est inscrite dans les réformes de la PAC pour au moins une
décennie : même si les élevages du Gradel ont une meilleure marge de manœuvre que la
plupart des autres exploitations du fait de leurs coûts de production plus bas, la faible
productivité physique du travail pourrait vite devenir un facteur limitant. A court terme, il est
possible de contourner ces évolutions mortifères en retrouvant des prix plus élevés à la
production, ce qui suppose le développement de filières plus courtes, avec des produits de
qualité ancrés sur les territoires ; mais cela ne pourra concerner qu’une fraction des
exploitations agricoles. A plus long terme, il est indispensable de maintenir l’agriculture
paysanne partout, car elle sera la seule et unique base d’un développement réellement durable,
qui assure à la fois nourriture, emploi et préservation des milieux naturels à l’essentiel de la
population mondiale.
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Or, la mise en concurrence sans régulation des agricultures du monde, poussée à l’extrême
dans le cadre des négociations internationales actuelles, devrait en toute logique favoriser le
développement des systèmes de production ayant la plus forte productivité du travail au
détriment des agricultures paysannes : dans la logique du libre-échange, il faudrait alors
produire des céréales ou de la viande comme en Argentine, au Brésil ou en Australie, du lait
comme en Nouvelle-Zélande, des fruits ou du vin comme en Californie, c’est à dire sur des
milliers d’hectares par exploitation, avec une main d’œuvre sous-payée et des capitaux
extérieurs aux familles d’agriculteurs. Tout cela est en complète opposition avec les discours
politiques sur l’aménagement durable des territoires ruraux tenus par les pouvoirs publics et les
professionnels agricoles, français ou européens.
Ce scénario « au fil de l’eau » va très rapidement devenir ingérable : l’expérience du Gradel
montre, à son échelle, qu’il existe des alternatives. Et les questions fondamentales soulevées
par ces agriculteurs rejoignent les interrogations de tous ceux qui se préoccupent de l’avenir de
l’humanité, et donc de l’agriculture : « ce ne sont pas les agronomes ni les généticiens qui ont
inventé l'agriculture. Ce sont les paysans qui, depuis le néolithique, n'ont pas cessé de mettre
au point de nouveaux modes de mise en valeur des écosystèmes ruraux. Les institutions de
recherche ont néanmoins depuis peu sélectionné un nombre limité de races et de variétés pour
la croissance et le développement desquelles les agriculteurs ont été incités à simplifier et
fragiliser exagérément leurs agro-écosystèmes. Les chercheurs sont donc invités aujourd'hui à
prendre davantage en compte les exigences du développement durable dans la définition de
leurs thèmes de recherche et la conception de protocoles associant plus étroitement les
paysanneries concernées » (Dufumier, 2004). Il est en effet grand temps de réfléchir à d’autres
voies de développement agricole.
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Bibliographie
Afoca (collectif). Eléments de durabilité dans les systèmes lait et viande bovine. Afoca, Orvault,
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Agreste. Recensements agricoles 1988 et 2000. Agreste, Paris, janvier 2002, les tableaux
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(http://www.agreste.agriculture.gouv.fr/ulf/agreste/resnat/region/RESNAT52.pdf)
Agreste. RICA France, tableaux standard 2001. Agreste, Paris, janvier 2003, Chiffres et
données agriculture, n°146, 172 p.
Barrès D. (dir.). Désintensification de l'agriculture. Questions et débats. Les Dossiers de
l'environnement de l'INRA n°24, 2003, Paris, 190 p.
Dufumier M. Quelles recherches agricoles pour le développement durable des pays du TiersMonde ? Fondation sciences citoyennes, mai 2004, Paris, 9 p.
Gradel. Réflexions, expériences et résultats d’un groupe de dix exploitations laitières des
cantons de Rocheservière et Aigrefeuille (Vendée et loire-Atlantique). Gradel, Vieillevigne, mars
1999, 14 p.
Jouin C. De nouveaux paysans, une agriculture pour mieux vivre. Siloë, Nantes, janvier 2000,
152 p.
Treton A. Système laitier désintensifié, groupe herbe des cantons d'Aigrefeuille et de
Rocheservière. Chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, Nantes, novembre 2002, résultats
économiques de l'année 2001, 4 p.
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