Canne à pommeau antisémite

Transcription

Canne à pommeau antisémite
Canne à pommeau antisémite
Ivoire sculpté, anonyme, travail de tabletterie, vers 1880
DESCRIPTIF
Canne de marche au pommeau orné d’une effigie antisémite figurant un
visage au nez démesuré portant des bésicles et des papillotes et un crâne
humain coiffé de la kippa.
Canne antisémite
Profil et tête de mort
Acquisition récente fin 2012
LES CANNES D’OPINION
Jusqu’aux années 1930, la canne est un accessoire indispensable du costume masculin. Ornées de
pommeau en ivoire, en os, en bronze ou encore en bois précieux, les cannes se distinguent par des
ornements très variés fruits du travail de tabletiers.
Parmi les nombreuses catégories de cannes
décorées dont les thématiques sont très diverses
(pommeau à décor floral, animalier, à figure
humaine…) il existe une catégorie de canne dites
cannes d’opinion qui représentent le plus souvent
des figures d’hommes politiques (Henri IV,
Napoléon, Jaurès, Thiers…) ou de philosophes (Voltaire, Rousseau) représentés soit de façon très
réaliste soit caricaturale. La représentation du « juif » tient une place particulière parmi ces cannes
d’opinion : dès le XVIIIè siècle ont été réalisés des pipes, des cannes, des figurines sur lesquelles
étaient sculptés où dessinés des personnages caricaturés censés évoquer le « juif ». On trouve sur
ces objets les mêmes traits antisémites que l’on rencontre sur les affiches ou images populaires, les
personnages ayant toujours un nez proéminent, attribut raciste le plus fréquemment utilisé.
Cette canne s’inscrit dans cette veine qui nous montre un personnage au nez très long, surmonté de
petites
lunettes
supposées
évoquer
l’usurier, cheveux frisés, papillotes qui
insistent lourdement sur l’appartenance
religieuse. Ce type d’objet de facture très
soignée est destiné à une classe aisée et
témoigne de la très large diffusion de la
caricature antisémite, non seulement à
travers la presse et l’illustration, mais aussi grâce à des objets décoratifs ou usuels. Ces objets
symbolisent à eux seuls le climat antisémite dans lequel baigne la France quelques années avant
l’affaire Dreyfus. La tête de mort coiffée de la kippa qui prolonge le visage du « juif » parle d’elle-même,
elle transmet un message féroce et sans équivoque possible ; toute la violence de l’atmosphère
générale dans laquelle se tiendront les procès du capitaine Dreyfus est concentrée et résumée au
travers de cet objet.
Dans la même veine, d’autres cannes antidreyfusardes représentent tour
à tour un officier alsacien, nez proéminent et corde au cou, le profil de
Jaurès au nez aquilin et portant une barbichette taillée en pointe, ou
encore le portrait caricatural d’un officier juif dont le costume est orné
des étoiles de David en lieu et place des insignes militaires ; si ces
cannes d’opinion antidreyfusardes ne sont pas très fréquentes, il n’en
demeure pas moins que des modèles différents se retrouvent assez
régulièrement en vente publique, ce qui indique l’existence d’une
fabrication sinon importante du moins régulière.
Canne antisémite
à l’effigie d’un officier juif
mercredi 27 février 2013
Acquisition 2007