construire sa canne en bambou refendu
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construire sa canne en bambou refendu
La construction de cannes d’amateur Aussi précieuse que soient toutes les cannes des grands artisans, les meilleures cannes existantes au monde ne sont pas à vendre. Ce sont celles que font eux-mêmes et pour eux-mêmes quelques constructeurs amateurs qui s’appliquent à rechercher la perfection. La fabrication d’une canne à mouche en bambou de qualité supérieure n’a rien d’inaccessible pour celui qui aime se servir de ses mains. Elle nécessite un outillage simple, un peu d’expérience et de goût, pas mal de soin et d’amour de la chose bien faite ; et du temps, beaucoup de ce temps qui ne compte pas pour l’amateur parce qu’il n’est pas obligé de tenir compte du prix de revient. Les matériaux nécessaires, en premiers lieux, les troncs de bambou brut ou déjà traité par la chaleur, c’est évidement la taille même du bois qui est passionnante pour l’amateur parce qu’il peut lui donner le profil et les côtes de son choix. Je vais essayer de donner un aperçu. La première opération importante consiste à abattre soigneusement et complètement les nœuds à la lime. S’ils n’étaient pas complètement arasés, il serrait impossible d’obtenir des cotes régulières. Il faut ensuite durcir le bois par la chaleur. Un procédé simple consiste à passer les troncs au chalumeau, jusqu’à ce qu’on obtienne une belle couleur pain brûlé plus ou moins régulière. Le résultat est étonnant tant sur le plan de la dureté du bambou que sur le plan esthétique. On fend alors le tronc en deux avec un couteau et un maillet. Chaque moitié peut être refendu en six ou huit baguettes dont une ou deux sont trop en biseau pour être utilisable. On peut donc faire une canne entière dans un seul tronc. L’avantage tout à fait considérable de ce procédé manuel, d’ailleurs très facile, est d’obtenir des baguettes parfaitement droit fil. Elles ne sont pas rectilignes mais cela ne gêne nullement les opérations de taille et le résultat final est bien meilleur qu’avec des baguettes sciées. Le dégrossissage des baguettes nécessite un rabot et des formes en bois dur (fig. 6). Pour finir la taille avec précision il faut construire une forme métallique réglable, réalisée par un ami tourneur sur métaux. C’est la seule dépense importante, mais une seule forme, permet de fabriquer des quantités de cannes pendant toute une vie (fig. 7). Le collage des sections triangulaires bien taillées sera fait avec une colle phénolique ou époxyde à deux composants. Ces colles ont l’avantage d’une ténacité extraordinaire et d’une totale insensibilité à l’eau. Les colles phénoliques, de couleur violette, ont en outre l’inconvénient d’apparaître en ligne foncée aux jointures et les colles époxydes de mal supporter les redressements du bambou par la chaleur. Il faut dresser parfaitement et définitivement le brin avant de le laisser sécher. Tout ceci n’est rien pour un amateur disposant de toute sa soirée pour coller et dresser tranquillement un scion qui sera pratiquement indéformable à l’usage. La colle est appliquée à l’aide d’une brosse à dents réformée sur les tranches des sections triangulaires. Pour faciliter l’opération, celles-ci sont disposées parallèlement sur un plan de travail à ½ mm environ les une des autres et maintenues dans cette position au moyen de petits bouts de ruban adhésif (fig. 8) qui les réunissent à intervalles réguliers d’environ 20cm. On assemble alors les six sections à leurs grosse extrémité avec un gros nylon de 40/100 environ et on y commence une ligature qu’on poursuit sous forte tension jusqu’à l’autre extrémité en espaçant les spires d’environ ½ centimètre, après quoi on revient en sens inverse de façon à ce que la deuxième couche de spires se croise avec la première. Cette opération est facilitée si l’on dispose d’un aide qui tient la bobine de fil et assure une tension ferme et régulière. L’opération à laquelle nous arrivons alors est la plus délicate, celle qui nécessite un certain tour de main et un peu d’expérience, le dressage parfait et définitif du brin avant que la colle ne sèche. Avec une colle phénolique on dispose d’environ une demi-heure, une heure avec une colle époxyde, pour éliminer toutes les courbures et toutes les torsions. On laisse sécher au moins deux jours et, moment de vérité, on déroule le fil de ligature qui maintient le brin collé. Le stade suivant, le ponçage du brin, est encore à l’avantage de l’amateur qui pourra exercer toute sa patience, avec des abrasifs de plus en plus fins fixés bien à plat sur un petit bloc de bois dur, à n’enlever que la cuticule amorphe du bambou en respectant les fibres les plus superficielles qui sont les plus denses. Ce ponçage est agréable ; il dégage une merveilleuse odeur de bois grillé et c’est là qu’on prend conscience qu’on est en train de faire quelque chose de bon. Une belle régularité de côtes et des angles de l’hexagone beaucoup plus nets que sur les cannes commerciales. Le respect des fibres situées au sommet de ces angles est important. Ce sont les plus externes, celles qui travaillent le plus et donnent le plus de puissance et de nervosité. Pour le reste, c'est-à-dire l’habillage de la canne, c’est une question de minutie et d’habitude. Au début, on n’obtient pas un aspect aussi flatteur que celui des cannes professionnelles mais avec patience et longueur de temps on finit par faire encore mieux. Une amélioration du procédé, est de creuser chaque section triangulaire au couteau et à la lime en laissant un point d’appui plein tous les 15 à 20 centimètres à la hauteur des noeuds. Ce procédé permet d’alléger le bambou de 15 à 20 % sans diminution sensible de la solidité (fig. 9). C’est un plaisir incomparable que prendre une belle truite avec une canne qu’on a entièrement faite soi-même, instrument unique, personnel et sans prix.