Daerden, cible d`un anonyme avisé

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Daerden, cible d`un anonyme avisé
Le Soir Mardi 2 mars 2010
lapolitique
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Vanessa Matz, sénatrice CDH, relance le débat sur le service citoyen. Ce service
volontaire permettrait aux 18-25 ans de bénéficier d’un statut social pour se
consacrer à des tâches d’intérêt général, pour six mois à un an. © D. R.
Wallonie / Une analyse juridique adressée aux politiques, aux médias et à la Justice
Daerden, cible d’un anonyme avisé
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Commentaire
L’ESSENTIEL
● L’étude, anonyme mais argumentée, conclut à ceci : Michel et Frédéric Daerden auraient, dans le cadre des conflits d’intérêts entre leurs activités politiques et révisorales, commis plusieurs infractions
pénales.
●
ERIC DEFFET
Le ministre réplique en portant plainte contre X.
ne farde grise reliant plusieurs dizaines de pages,
annexes comprises. À sa
lecture, on saisit que son auteur,
anonyme, n’est pas le premier venu. Le document est parvenu ce
lundi aux rédactions francophones et néerlandophones, aux leaders politiques (des partis, du
gouvernement fédéral, du gouvernement et du parlement wallon),
à la commission de déontologie
du PS, à la fédération socialiste
de Liège, au procureur général
près de la Cour d’appel de Liège
et à l’Avocat général.
Il s’agit d’une analyse circonstanciée des faits imputés à Michel et Frédéric Daerden. Les
conclusions sont tranchées :
pour son (ses) auteur(s), les Daerden et certains de leurs collaborateurs se sont rendus coupables de
plusieurs infractions pénales.
Qui a rédigé ce document ? Impossible de l’établir avec certitude. Quelqu’un disposant de notions de droit pénal – plusieurs articles du Code sont cités - mais
qui, de par sa connaissance de
certains faits, pourrait appartenir aux instances dirigeantes de
l’Institut des réviseurs d’entreprises (IRE). Cela expliquerait le ca-
U
ractère anonyme de la démarche,
les membres de l’IRE étant tenus
par un devoir de réserve qui leur
interdit de s’exprimer sur un dossier particulier.
Selon nos informations, cette
étude juridique aurait été communiquée aux autorités judiciaires il y a longtemps – « plusieurs
mois ». Sa subite divulgation,
lundi, aurait pour but de forcer le
parquet liégeois à « bouger » sur
le dossier Daerden, jugé indolent
en l’espèce.
Ce document dresse la chronologie de l’activité révisorale de
l’actuel ministre fédéral des Pensions, et de son fils, ainsi que des
sociétés qu’ils ont mis en place. Il
recense également les marchés attribués à ces entités. Et met en parallèle ces faits avec les articles de
droit pénal en face desquels ils
constituent, selon le(s) auteur(s),
des infractions. Enfin, il démonte le mécanisme qui, via la création de plusieurs sociétés imbriquées les unes dans les autres, aurait permis à Frédéric Daerden
de garder la main sur les affaires
familiales et son père, d’en tirer
profit via la revente de ses parts
dans le bureau de réviseurs.
« Cette “organisation Daerden”
UNE DÉMARCHE
PERCUTANTE
MAIS MALSAINE
MICHEL DAERDEN a-t-il enfreint le droit pénal en « trustant » les marchés publics de révisorat au profit du cabinet familial ? Certains le pensent, recensant plusieurs infractions dans le chef du ministre, de son fils et de ses associés. © BELGA
apparaît comme une machine
puissante, performante, et extrêmement sophistiquée dont l’opacité semble être un instrument et
la résistance procédurale, une
technique, permettant de faire remonter des dividendes subséquents, d’un montant minimum
de quelque 700.000 euros par an
et depuis le 29 décembre 2009
non seulement ses dividendes
mais également le prix de cession
de parts non taxables jusqu’au
sommet de la pyramide », peuton y lire. Le chiffre de 20 millions
d’euros engrangés, est cité.
Daerden père et fils seraient
ainsi à la tête d’une organisation
criminelle ; suspectés de prise illégale d’intérêt, d’atteinte à la liberté des soumissions et des en-
chères et de faux et usage de faux.
Leurs collaborateurs les plus proches auraient dès lors pris part à
une organisation criminelle.
Michel Daerden a réagi : « Je
suis particulièrement étonné par
cette compilation arbitraire de
documents anciens qui n’a visiblement qu’un objectif : salir
mon image, mon travail et mon
honorabilité. La manière et le
procédé démontrent, une fois encore, qu’il s’agit d’un acharnement hors norme et totalement irrationnel. Cette technique de “corbeau” est tout bonnement scandaleuse et surtout indigne de notre
démocratie. Aussi, j’ai décidé de
porter plainte contre X pour diffamation et calomnie ». ■
PASCAL LORENT (avec P.Bn)
ÉPINGLÉ
Le parquet l’a reçu
« J’ai reçu ce colis fort détaillé
et très précis la semaine dernière et l’ai remis aux personnes
chargées du dossier », dit le
procureur général, Cédric Visart de Bocarmé. Le dossier
ouvert au parquet général est
encore à l’information :
« Nous recherchons toutes les
informations utiles, ça rentre et
ça avance, dit-il, précisant que
le travail est mené avec l’Office central pour la répression
de la corruption. Ce n’est pas
facile à décrypter, ce ne sont
pas des mécanismes simples. Ils
sont un peu camouflés. »
Le document parvenu ce lundi à la
rédaction du « Soir » a un énorme
défaut : il est anonyme, ce qui incite à la plus extrême méfiance.
Mais l’impressionnante démonstration a aussi un mérite : de toute
évidence, elle n’est pas l’œuvre
d’un plaisantin. Les éléments de
droit sont avancés par un ou plusieurs juristes chevronnés qui
étayent longuement leurs arguments. Les auteurs ont un but
clair : traduire en droit pénal les
suspicions de fautes déontologiques mises à charge des Daerden,
et le malaise qui en découle. Ils
ont aussi une obsession : faire juger le ministre et son fils.
Une démarche percutante mais
malsaine qui, mine de rien, charge
aussi la justice : celle-ci ne ferait
pas son travail, semble-t-on dire ;
le temps est venu de « balancer »
pour accélérer les procédures.
Le texte et ses annexes n’apportent en fait aucun élément de
preuve. La démarche précise les
contours de préventions graves et
à tente d’y inscrire le fonctionnement des réviseurs liégeois. Un
peu court pour être honnête.
◆
LAURENCE WAUTERS
Histoire / Une étude menée durant dix ans décrit comment l’administration liégeoise contribua à la déportation des Juifs de Liège
Shoah : les excuses du bourgmestre de Liège
e bourgmestre de Liège, Willy Demeyer (PS), a présenté lundi les exL
cuses de sa ville à la communauté juive,
victime, comme partout ailleurs en Belgique, du zèle de l’administration dans
le recensement et la déportation des
juifs vers les camps d’extermination.
Après le bourgmestre de Molenbeek
Philippe Moureaux (PS), en 2005, et celui d’Anvers Patrick Janssens (SP.A),
Willy Demeyer est le troisième dirigeant d’une grande commune à reconnaître, 65 ans après la libération des
camps, les égarements de son administration durant l’Occupation allemande.
Cs excuses ont été formulées à l’occasion de la présentation, à l’hôtel de ville
de Liège d’une étude (1) réalisée par
l’historien juif et liégeois Thierry Rozenblum, qui a retracé le parcours des
780 Juifs de Liège déportés pendant la
Seconde Guerre mondiale.
Cette étude, abondamment illustrée
et documentée, montre comment les autorités communales de l’époque prêtèrent assistance à l’occupant, devançant
parfois leurs injonctions dans la traque
aux Juifs.
Le bourgmestre Willy Demeyer l’a dit
avec franchise : « Liège a été considérée
comme une capitale de la Résistance.
Nous avons eu aussi des personnes qui
ont versé dans la collaboration. Il faut
que la ville de Liège puisse présenter des
excuses. Si nous comptons à Liège
des“ Justes parmi les Nations” (NDLR :
ces citoyens belges qui aidèrent des
Juifs à échapper aux nazis), il faut constater que tout n’a pas été fait pour prêter
assistance aux Juifs de Liège. »
Pourquoi ces excuses si tardives ? Le
bourgmestre, né en 1959, admet qu’il ne
fut pas le témoin de l’Occupation et de
ses atrocités. Il reprend à son compte la
conclusion de l’historien Thierry Rozen-
blum : « Pour tourner une page, il faut
qu’elle soit écrite ! ».
L’ouvrage de Thierry Rozenblum
écrit cette page d’Histoire. Il s’intéresse
notamment au rôle du bourgmestre de
Liège Joseph Bologne, dont le rôle dans
la déportation des Juifs, mais surtout
de résistant fut soumis, après-guerre, à
l’auditorat militaire qui le déchargea de
toute faute. « Je ne sais pas ce que j’aurais fait à sa place, dit Willy Demeyer.
Peut-être aurais-je démissionné ». Bologne fut remplacé par le rexiste Dargent,
condamné à mort après la guerre à l’issue d’un procès où il ne fut pas question
des juifs.
Le bourgmestre envisage de formaliser ses excuses « exprimées en tant que
bourgmestre » en les coulant dans une
« prise d’acte » qui devrait être soumise
au Conseil communal.
Les excuses à l’égard du traitement réservées aux Juifs par la Belgique demeurent parcimonieuses, même si l’ex-Premier ministre Guy Verhofstadt en exprima en 2002 et 2007. ■
M. M.
(1) Une cité si ardente, éditions Luc Pire. Dans « Le
Soir » de mercredi, le récit de la déportation des
Juifs liégeois.
Enseignement / Une année de mise à niveau pour le jeune qui n’est pas prêt pour les études : la fédération étudiante est contre
Ciao la table ronde ? La FEF ne regrette pas
es regrets ? « Oh non… Aucun ! » Romain Gaudron asD
sume. Au début février, la Fédération des étudiants francophones
(FEF) claquait la porte de la Table ronde de l’enseignement supérieur. Et son président ne regrette rien. Jeudi dernier, la Table
ronde livrait un bilan « à mi-parcours » de ses réflexions (Le Soir
de vendredi). La FEF en a pris
connaissance. Elle s’estime confortée dans son choix de se tenir à
l’écart des débats. « A ce stade des
réflexions, on observe deux choses, explique Romain Gaudron.
Les participants à la table ronde
sont en train de passer à côté des
enjeux centraux – faciliter l’accès
des jeunes aux études, diminuer
le coût des études –, autant d’éléments figurant dans la Déclaration de politique communautaire (DPC). En même temps, on
voit que la table ronde multiplie
des propositions qui vont à l’encontre de la DPC. Nous n’avons
donc rien à faire dans ce débat. »
Le contentieux nº1, c’est ce fameux « test d’aptitude » que le
ministre de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt
(PS), a dit vouloir organiser
avant les études de médecine.
Dans le rapport produit à miparcours de la Table ronde, on note que celle-ci a intégré l’idée (désormais étendue aux futurs vétés
et dentistes) et qu’il est question
en outre de diriger l’étudiant dé-
les études supérieures en 4 ans.
« Ils veulent généraliser les masters 120, c’est-à-dire les études à
5 ans. Alors : d’accord pour allonger quand c’est justifié. Mais parfois, ça ne l’est pas. »
Au chapitre « offre d’enseignement », le rapport des débat donne à lire : « De manière générale,
la proximité est cruciale pour
l’étudiant en 1re année de BAC
mais son importance diminue
au cours des études. » La FEF traduit : « On trouverait donc des
possibilités de BAC partout.
Mais pour passer un master, là,
il faudrait bouger, se déplacer, koter. En clair : payer. Autant dire
que les longues études seront le
privilège de ceux qui en ont les
moyens. »
La FEF note que le groupe de
travail sur le financement « ne se
mouille pas ». « Il attend que les
autres groupes avancent. Mais il
fixe des balises intéressantes.
Comme le souhait d’un maintien
d’un financement des institutions sur base du nombre d’étudiants – ça, au moins, c’est positif. » Ce sera le seul bon point attribué par la FEF.
Romain Gaudron :
« Je suis Ecolo, oui… »
Le mercredi 24 mars, la fédération organisera une manifestation, à Bruxelles, l’après-midi,
sur le thème du coût des études.
Et des actions à l’image de celle
de jeudi dernier, dédiée à l’accès
aux études de médecine, devraient fort probablement se renouveler. Dans le contexte tendu
du moment, les coups se perdent.
Si une série de partenaires (le ministre, les étudiants de la fédération rivale Unecof, etc.) lui reprochent son départ de la table ronde, certains accusent aussi Romain Gaudron d’être Ecolo.
Qu’en est-il ? « Je suis Ecolo, oui.
Je suis sympathisant du parti. Je
le suis devenu avant de devenir
président de la FEF. Dont je défends la ligne. Et si je m’en écartais : je suis entouré d’un bureau
qui me recadrerait très vite. Je
n’ai aucun souci à flinguer la majorité Olivier. » ■ PIERRE BOUILLON
www.lesoir.be
1NL
01/03/10 22:02 - LE_SOIR
faillant, qui rate le test d’aptitude, vers une année de « propédeutique » qui le remettrait à flot
pour lui permettre d’aborder les
trois cursus visés. « Le test d’aptitude, ça semble acté », regrette
Caudron. Qui refuse net l’idée de
l’année de propédeutique :
« C’est allonger la durée d’études
d’un an. C’est donc accroître les
coûts. Si un étudiant est en difficulté, il faut que l’aide ait lieu au
sein du cursus, pas en dehors. Qu’est-ce
qui
prépare
mieux à une 1re BAC médecine
qu’une 1re BAC médecine ? »
Autre inquiétude étudiante : la
volonté unanime de supprimer
les masters 60. Pour le dire simplement, les masters 60, ce sont
du 02/03/10 - p. 6