La Meuse, le 15 septembre 2012

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La Meuse, le 15 septembre 2012
La Meuse - Liege, 15/09/2012, page/bladzijde 6
POLITIQUE RENCONTRE
Mathot-Daerden:
le duo reconstitué?
Le décès de Michel Daerden a remis “à égalité” ceux qui ont toujours été considérés
comme les deux “fils de...”. 20 ans après, sont-ils bien placés pour réécrire l’histoire?
L’un a perdu son père en février 2005, l’autre il y
a à peine un mois. Tous deux ont quasi le même
âge et sont à la tête des deuxième et troisième
communes de l’arrondissement de Liège. Ils sont
en plein devenir et pourraient constituer le futur
duo à la tête du PS liégeois. Même s’ils se
connaissent depuis l’enfance, ils ne se parlaient
pas souvent. La Meuse leur en a donné l’occasion.
plus proches l’un de l’autre?
- F.D.: “On se voyait à des réunions
INTERVIEW
Luc Gochel
JOURNALISTE
>Dequanddatevotrepremière rencontre?
b
- Alain Mathot: “Même si on a dû se
voir étant gosses, pour moi, notre
première rencontre, ce sont les vacancesàlaCôted’Azur.Lesvillasde
nosparentsétaientvoisinesàSaintRaphaël.On a fait quelques belles
javas ensemble.”
-FrédéricDaerden: “Oui,moiaussi.
Jedevaisavoir19-20ansettoi17-18.
Moij’étaisdéjàencoupleettoiavec
tes copains. Et grâce à toi, je pouvaisunpeum’échapperentrehommes... (rires).”
>À l’époque, pensiez-vous déjà faire de la politique?
- A.M.: “Moi pas du tout. Je collais
simplementdesaffichespourmon
père. Et le milieu ne m’attirait pas
du tout.”
-F.D.: “Acetâge-là,non.Ledéclicde
devenir mandataire ne m’est venu
qu’à25ans,diplômederéviseuren
poche. Et c’est à ce moment-là que
j’ai pensé à déménager à Herstal
car,à45ans,monpèreavaitencore
pleind’ambitionsàAns... (sourire)”
- A.M.: “Chez moi, il n’y a pas eu de
véritable déclic. Quand mon père
et ton père m’ont demandé de me
présenter aux régionales de 1999,
c’était plus par jeu. Je voulais sim-
l SOPHIE KIP
“MON PÈRE ET LE
SIEN S’ÉTAIENT
CHOISIS, NOUS PAS! ”
Alain Mathot
BOURGMESTRE DE SERAING
l SOPHIE KIP
“IL A ÉTÉ PERTURBÉ
PAR L’ARRIVÉE
DE J.-C. MARCOURT”
Frédéric Daerden
BOURGMESTRE DE HERSTAL
plement voir ce que ça faisait de
collerdes affiches avec matête plutôt que celle d’un autre.”
>Une fois en politique, étiez-vous
au PS. On a été souvent sollicités
ensemble pour des débats sur les
“ Fils de...”. Mais sans plus.”
- A.M.: “Ce n’estpasla mêmehistoire.Monpèreetlesiens’étaientchoisis, nous pas.”
>Après la mort d’André Cools en
1991, c’est le duo Mathot-Daerden
quiparvientàpacifierlePSliégeois
et à y régner en maîtres pour près
de15ans.Commentvoyiez-vousça
à l’époque?
- F.D.: “Avec le recul, je me dis que
c’était vraiment bien quand ils
étaient en symbiose. Ensemble,
par exemple, ils ont obtenu la nouvelle gare des Guillemins.”
-A.M.: “Moi,j’assistaisauxcoupsde
fildemonpèreàMichel.Iln’yavait
aucune prise de décision sans que
l’un ne sonne à l’autre.”
>Pourquoi se sont-ils alors distanciés un moment donné?
A.M.: “C’estàl’arrivéedeJean-Claude Marcourt comme ministre régional en 2004. C’est mon père qui
l’avait fait monter dans le même
gouvernement que Michel et Michelapeut-êtrecruqu’ilvoulait lui
jouer cinq lignes...”
F.D.: “ Ce fut un élément perturbateur, voire révélateur d’une série
de petites choses pour mon père
quin’étaitdéjàque3ème ministrePS
à la Région alors qu’il aurait voulu
rester au fédéral...”
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Les deux hommes ont passé trois bonnes heures ensemble. “ On se verra plus souvent ”. l SOPHIE KIP
LE 21FEVRIER 2005
Le clash à la mort de Guy Mathot
>Le gros problème est survenu à
la mort de Guy Mathot. Que s’estil réellement passé?
- A.M.: “Je viens à peine de perdre
mon père, avec qui j’avais une approchequasifusionnelle.C’estun
momenttrèsdifficilepourmoi.Et
j’apprends que Gilbert Van Bouchaute (l’ex-bourgmestre de Flémalle et proche de Michel Daerden) est allé trouver ma belle-mèrepourluidirequeMichelvoulait
prendre la parole aux funérailles.
Et il ajoute: “ et surtout, ne le dis
pas à Alain! ” J’y ai vu une volonté
de Michel de prendre la main directementalorsquecen’étaitvraiment pas le moment. J’ai alors eu
une réaction violente, qui est passée dans la presse, et je n’ai pas
voulu qu’il prenne la parole.”
- F.D.: “Je sais que mon père l’a
vécu très mal. Non pas à cause de
cettenonprisedeparoleauxfunérailles qui n’était qu’un symbole,
mais du fait que sa relation qui
avaittoujoursétéprofondeetréelle avec Guy puisse être remise en
cause.Ill’aaffectivementtrèsmal
vécu. Sincèrement.”
>Et ce problème a-t-il rejailli sur
vous deux?
- A.M.: “Non, parce que je conçois
la vie politique comme totalement étrangère à ma vie privée.”
!! :2
- F.D.: “Vous savez, je viens de le
vivre moi-même avec mon père.
Les jours suivants un décès sont
très difficiles à vivre. Non seulementpersonnellementetfamilialementparlant,maisaussimédiatiquement quand on est un homme public. C’est un moment qui
ne vous appartient pas.”
>Autre moment difficile, au scrutin de juin 2010, lorsque Michel
DaerdenlanceàlaTV:“Alain,tuas
voulu jouer, et tu as perdu! ”?
-A.M.: “Non,jemesuisdit:“quelle
erreurpolitiquedesapart!Sespropos ont dépassé sa pensée.” Pourquoi? Parce que la liste PS avait
largement gagné ces élections et
que je n’avais jamais espéré faire
MATHOT: “ JE N’AI
PAS VOULU QU’IL
PRENNE LA PAROLE
AUX FUNÉRAILLES ”
DAERDEN: “AVANT,
C’EST D’ABORD
À MON PÈRE QU’ON
S’ADRESSAIT”
plus de voix que lui. D’ailleurs, il
m’a sonné dès le lendemain pour
s’excuser.”
-F.D.: “Jepensequ’onamontél’incident en épingle, mais il l’a dit. Il
sortait d’une campagne difficile
où il considérait qu’il aurait dû
être tête de liste. Cela a été une
soupapehumainemaismaladroite.Cen’étaitpascontreAlainmais
contre le système.”
>Maintenant que vous avez chacun perdu votre père, cela vous
rapproche-t-il?
- A.M.: “Quand j’ai perdu mon père, j’ai perdu mon meilleur conseiller. Mais j’ai aussi perdu cette
image de “fils de...”. Et je n’ai plus
cettesuspicionconstanted’êtrelà
grâce à lui.”
-F.D.: “Quandonalachanced’être
proche et dans la confiance totale
avecsonpère,quelbonheur!Pour
moi aussi, c’était un conseiller irremplaçable. Mais il est vrai que
mesrelationspolitiquesontchangé depuis le 5 août. C’est difficile
d’exister pleinement par soi-même quand ils sont toujours là en
activité. Avant, même si j’étais un
interlocuteur en tant que tel,
c’était d’abord à mon père qu’on
s’adressait. J’ai l’impression
qu’on va davantage me parler désormais.” «