I. La convention unique
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I. La convention unique
4 ans après la LME: Où en sommes-nous ? Mireille DANY 6 décembre 2012 Introduction • La loi LME du 4 août 2008 - Malgré de nombreuses critiques et propositions de modifications, la Loi LME est toujours en place avec ses contraintes de forme sanctionnées pénalement et son champ d’application illimité - Le débat reste cependant très vif autour de ce texte : - les industriels conteste le principe de libre négociabilité qui ronge leur marge - les revendeurs critiquent les obligations formelles et les limites à la négociation qui en découlent - les entreprises contestent la pénalisation des obligations de forme Introduction • Les grandes lignes de la loi LME - Principe de libre négociation des tarifs - Suppression de l’interdiction des pratiques discriminatoires - Mise en place d’un formalisme simplifié mais maintient des sanctions pénales. - Introduction de la notion de déséquilibre significatif Introduction • L’action de la DGCCRF- bilan de la brigade de contrôle LME - 11 490 vérifications auprès de 3520 établissements - 199 décisions au civil (avantage sans contrepartie ou disproportionné, rupture brutale) - 88 décisions au pénal: non-respect des règles de facturation, des délais de paiement spécifiques, absence de convention écrite) - 253 dossiers réglés sous forme de transaction Introduction • Les débats actuels - La hausse des matières premières - Créer de la « marge » vs le pouvoir d’achat du consommateur - La négociabilité des tarifs - Vers une nouvelle réforme ? Rappel : Les CGV • Article L.441-6 du Code de commerce • Conditions générales de vente du fournisseur • Non obligatoires, mais obligation de communication à tout acheteur qui en fait la demande (sanctions civiles) • Contenu : conditions juridiques, tarifs, réductions de prix, conditions de règlement, conditions d’application et taux d’intérêt des pénalités de retard • Nouveauté en 2013: l’indemnité forfaitaire en cas de retard de paiement I. La convention unique • Un contrat écrit synthétisant la négociation commerciale annuelle, c’est-àdire les obligations auxquelles les parties se sont engagées en vue de convenir du prix • Impérativement conclue avant le 1er mars • Rédigée sous la forme d’un contrat unique ou contrat-cadre / contrats d’application/ possibilité de faire des avenants • Elle ne concerne que les relations fournisseurs/acheteurs-revendeurs (revente en l’état) / prestataires de services - Réponse de la DGCCRF sur notion de prestataires - CA Paris, 21 novembre 2012: elle ne s’applique pas à un contrat de référencement pur I. La convention unique La convention unique doit mentionner : 1. Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services 2. Les services de « coopération commerciale » 3. Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale I. La convention unique 1. Les conditions de l’opération de vente : • Elles sont le résultat de la négociation commerciale et concourent à la détermination du prix convenu • Peuvent être établies par le vendeur ou l’acheteur, mais « négociées » • Elles comprennent - Les conditions de vente (modalités de commandes, de livraison, transfert du risque, pénalités logistiques, facturation, etc.) ; - Les tarifs ; - Les réductions de prix, les ristournes conditionnelles et les réductions de prix en contrepartie des autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale ; - Les conditions de règlement : délais de paiement, pénalités, mode de règlement, escompte. I. La convention unique 1. Les conditions de l’opération de vente (suite) : • Les conditions de vente : - Conditions générales ou catégorielles de vente du fournisseur : - Base de la négociation commerciale - Ne peuvent pas être exclues d’office - Conditions générales d’achat de l’acheteur - Issue de la négociation : un mélange des deux ? I. La convention unique 1. Les conditions de l’opération de vente (suite) : • Les tarifs : - principe de négociabilité : limité par les risques d’abus / déséquilibre significatif risque d’intervention du juge dans le cadre de la fixation du prix ? exemple : clause de baisse des prix en cas de baisse des matières premières - refus du tarif / refus de négocier : rupture brutale – avis CEPC du 18 juillet 2010 - relation établie - principe de renégociation I. La convention unique 1. Les conditions de l’opération de vente (suite) : • Les CPV : - Ce sont des accords négociés Prévoyant des réductions de prix la contrepartie est librement fixée par les parties (quantitatif ou qualitatif) Il n’y a pas d’obligation de communication aux tiers Il n’y a pas de contrôle de la réalité ou de la proportionnalité car il s’agit de réductions de prix et non de services - La limite est fixée par l’interdiction du déséquilibre significatif ? I. La convention unique 2. Les services de coopération commerciale : • Les services rendus par le distributeur ou le prestataire de services au fournisseur ; • À l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels ; • Propres à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente. Ils sont facturés par le distributeur ou le prestataire de services. exemple : PLV ; catalogue, etc. I. La convention unique 2.Les services de coopération commerciale (suite) : • Doivent obligatoirement figurer dans la convention unique (ou dans les contrats d’application) : - L’objet des services : type d’opération ; - La date prévue : pas nécessairement la date réelle de réalisation ; Les modalités d’exécution ; La rémunération des services : valeur absolue ou % du CA ; Les produits ou services auxquels les services de coopération commerciale se rapportent : par produits, gammes, etc. • Paiement d’acomptes et délai de paiement des prestations : déséquilibre significatif ? I. La convention unique 3. Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale : • Les contreparties (objet), la date prévue et les modalités d’exécution doivent être mentionnées dans la convention unique • Modalités de facturation et paiement : - soit réductions de prix mentionnées dans les conditions de l’opération de vente - soit prestations de services facturées par le distributeur exemple : données statistiques, formation, colloques etc. II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés • L’article L.442-6 I 1° du Code de commerce - La négociation d’avantages sans contrepartie - La disproportion de la rémunération par rapport au service rendu • L’Administration considère que cette pratique est l’une des pratiques visées par le déséquilibre significatif de l’article L.442-6 I 2° du Code de commerce • Il s’agit pas nécessairement d’un avantage financier : - Cass. Com 18 octobre 2011: la mise à disposition par le fournisseur d’intérimaires pour réaliser l’inventaire du distributeur est considéré comme un avantage sans contrepartie. II.Avantages Avantagessans sanscontrepartie contrepartieou oudisproportionnés disproportionnés L’interdiction recouvre deux situations : 1. les services fictifs 2. le caractère disproportionné de la rémunération Attention: Le paiement d’un droit d’accès/référencement préalable est une clause nulle: CA Paris, 24 mai 2012 Société Elior application de l’article L 442-6 II b. II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés Les services fictifs • L’inexistence pure et simple du service - Charge de la preuve de la réalité du service repose sur le prestataire de service • Exemples récents - CA Nîmes, 10 Mars 2011: têtes de gondoles non réalisées - CA Nîmes, 26 janvier 2012: têtes de gondoles non réalisées - CA Paris, 24 mars 2011: incapacité de produire les contrats de coopération commerciale II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés Les services fictifs • Service réalisé en réalité par le fournisseur et non par le distributeur - CA Rennes, 20 janvier 2009: optimisation de la présentation du rayon fromage et obligation du fournisseur de communiquer ses recommandations merchandising • « Service » incombant au distributeur ou ne présentant qu’un faible intérêt pour le fournisseur - CA 2 Février 2012: plan d’implantation des produits par type de magasin - CA Rennes 20 janvier 2009: information sur le suivi des DLC: la gestion des commandes et livraisons relève là encore de la seule responsabilité de la centrale d’achat II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés Les services disproportionnés • Comment la « disproportion » entre la rémunération et la valeur du service rendu est-elle appréciée par les Tribunaux ? - le manque d’intérêt, et donc de valeur, du service fourni par le distributeur - CA Paris 2 février 2012 (plan d’action par famille de produits, plan de développement des performances du fournisseur) - CA Bourges, 10 décembre 2009 (partiellement cassée, mais considère que la tête de gondole visant à « déstocker » ne présente pas d’intérêt pour le fournisseur-jouet) II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés Les services disproportionnés • Mais aussi l’appréciation directe du quantum de la rémunération versée via: - Comparaison avec les prix pratiqués par d’autres prestataires de services (ex. : panélistes) - CA Paris 2 Février 2012 : comparaison avec les tarifs de IRI et AC Nielsen - Comparaison avec le coût de revient du service - CA Paris, 2 Février 2012: comparaison entre le cout de revient des études marketing et statistiques et les recettes obtenues en contrepartie - CA Nîmes, 25 février 2010 confirmé par Cour de cassation, 12 juillet 2011: comparaison avec le cout d’un comptable II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés Les services disproportionnés • Comparaison avec le prix payé ou non par d’autres fournisseurs pour ce même service - CA Angers, 29 mai 2007 • Comparaison avec le prix payé par le même fournisseur dans d’autres contrats / les années précédentes - CA Bourges, 10 décembre 2009 (deux têtes de gondoles facturées à des prix très différents) II. Avantages sans contrepartie ou disproportionnés Les services disproportionnés • La faiblesse du CA réalisé sur les produits concernés par une action de coopération commerciale ne permet pas de juger que la rémunération est disproportionnée : - Cour de cassation, 27 avril 2011 et sur renvoi, Cour d’appel d’Orléans, 12 avril 2012: tête de gondole - CA Rennes, 20 janvier 2009: « le caractère manifestement disproportionné de la rémunération doit s’apprécier au regard de la valeur effective du service rendu et non des résultats obtenus. » III. Le déséquilibre significatif • Article L 442-6-I 2° du Code de commerce « Soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » • Remplace l’abus de dépendance, l’abus de puissance d’achat et l’abus de puissance de vente III. Le déséquilibre significatif • Objectifs : Limiter les abus pouvant être engendrés par le principe de libre négociabilité dans un contexte de rapport de force inégal entre fournisseurs et grands distributeurs • Champ d’application - S’applique à tous les contrats commerciaux - Pas seulement à la convention unique de l’article L.441-7 du Code de commerce - Sauf entre bailleur/preneur ?CA Nancy, 31 mai 2012 III. Le déséquilibre significatif • Actions du Ministre - 9 assignations du Ministre à l’encontre de grandes enseignes de distribution lancées en novembre 2009 • 7 décisions rendues à ce jour - TC Lille, 6 janvier 2010 Castorama TC Lille, 7 septembre 2011 Eurauchan TC Meaux, 6 decembre 2011, Provera TC Créteil, 13 décembre 2011, Système U et Galec TC Meaux, 24 janvier 2012, EMC TC Bobigny, 29 mai 2012, Darty • De plus en plus de décisions concernant des litiges entre entreprises III. Le déséquilibre significatif 3 catégories des clauses sont visées : 1. Clauses transférant à un partenaire une charge ou un risque incombant à l’autre 2. Clauses imposant au partenaire une obligation qui n’est pas symétrique 3. Clause privant un partenaire de l’un de ses droits III. Le déséquilibre significatif • Exemples: - - Clause écartant l’application des CGV Clauses relatives à la révision du tarif Clauses imposant des pénalités excessives Clauses impactant la trésorerie du fournisseur - Paiement d’acompte de ristournes /mensualisation coopération commerciale - Décalage dans les délais de paiement (achat/services) Clauses de reprise du stock d’invendus Clause de résiliation au bénéfice exclusif du distributeur Clause de remboursement partiel en cas de baisse du tarif postérieur à la vente III. Le déséquilibre significatif • Sanctions : - Cessation des pratiques - Nullité de la ou des clauses - Dommages et intérêts - Répétition de l’indu - Amende civile en cas d’action du Ministre de l’Economie Conclusions • La loi LME ne devrait pas être modifiée prochainement malgré les critiques dont elle fait l’objet. • Cependant, les obligations de forme, l’imprécision du champ d’application, la pénalisation et le nombre croissant de contrôles constituent des difficultés pour les entreprises. • La nécessité d’une organisation des négociations commerciales afin d’éviter les déséquilibres peut se comprendre, en revanche le système de sanctions apparait disproportionné et devrait faire l’objet d’une réforme.