Motivations économiques, recentrage sur le cœur de métier, ou

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Motivations économiques, recentrage sur le cœur de métier, ou
Juridique | Fiscal
D E S C O N T R AT S
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DROIT
Externaliser,
attention au
Motivations économiques, recentrage sur le cœur de métier, ou
encore, banalisation du haut débit, se conjuguent pour favoriser le
développement de l'externalisation d'une partie de l'activité, voire
de processus complets. Pour limiter les risques, l'externalisation
doit reposer sur un contrat précis et détaillé, liant l'entreprise et
son sous-traitant.
aptisé Business Process Outsourcing (BPO),
ce nouveau service est venu enrichir
l'offre des prestataires. S'il s'agit toujours
d'une prestation d'externalisation, elle s'en
différencie par quelques points. Il ne s'agit plus
forcément de faire des tâches pour lesquelles
l'entreprise n'est pas spécialisée et, par suite,
moins compétitive que son sous-traitant, mais de
prendre en charge une sous-partie du métier.
Avec, à la clé, des gains de productivité. « Les
banques et les assurances sont très demandeuses
de ce type de services. Elles trouvent leur compte
à externaliser », constate Eric Jamet, directeur
communication et marketing de Tessi Document
Services. Autre différence avec la sous-traitance
B
Éric JAMET
Directeur communication
et marketing de Tessi
Document Services
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classique, les équipes du prestataire ont souvent
un accès direct au système d'information du client.
« Nous traitons des dossiers de crédits pour une
grande banque de réseau nationale. Dans ce cadre,
nos collaborateurs ont un accès direct à l'application métier de la banque, via un réseau sécurisé »,
décrit Eric Jamet. Cette délégation de tâches ne
va pas sans risques. Pour sécuriser la relation,
qui est souvent pluriannuelle, il s'agit avant tout
d'établir un contrat fiable, réfléchi en amont, dont
l’exécution est suivie et la fin encadrée.
Préciser en amont…
« Avant d’envisager la rédaction du contrat, il est
indispensable de définir un cahier des charges »,
Avril - Mai 2013|
n°80
Juridique | Fiscal
DROIT
“
Avant d’envisager la
rédaction du contrat,
il est indispensable
de définir un cahier
des charges
Sandra DORIZON
Avocat au barreau de Paris
”
insiste Sandra Dorizon, avocate au sein du département contentieux et contrats commerciaux du
cabinet DS Avocats. « Le contrat sera d’autant
plus efficace qu’il aura été bien préparé, l’objectif
étant que les parties l’oublient pour se concentrer
sur l’exécution des prestations », ajoute-elle. Ce
cahier des charges a pour but de préciser, point
par point, la mission globale et les obligations
respectives du client et du prestataire. Il en
découlera de manière plus évidente, lors de la
rédaction du contrat, les responsabilités de chacune
des parties et les pénalités dans le cas où les
missions ne seraient pas correctement exécutées.
« Par exemple, dans le cas d'une prestation de
contrat!
logiciel hébergé, d'un contrat ASP *, le contrat
devra détailler très précisément les obligations
et responsabilités de chacun s’agissant de la
maintenance de ce logiciel », précise Sandra
Dorizon. Autre point, « il est indispensable de
rédiger un contrat équilibré pour les deux parties
et de prévoir des pénalités proportionnées par
rapport au coût de la prestation ».
Suivre l'exécution du contrat
Signer un contrat ne suffit pas. Il est important
d’en suivre l’exécution. « Baptisés comité de suivi,
comité opérationnel, etc., ces groupes de travail
ont pour objectif d'informer le client d’éventuelles
difficultés dans l’exécution de la mission et des
évolutions, notamment technologiques ou organisationnelles, chez le prestataire. Il s'agit, par
exemple, d'informer sur un changement de logiciel », illustre Sandra Dorizon. Les modalités précises de ce suivi ne sont pas forcément à formaliser dans le contrat. Par contre, des clauses stipulant que toute évolution doit être signalée et
accessible au client le sont. Autre aspect, certains
prestataires mettent en avant la normalisation de
leur activité. Des normes, parfois Iso, qui peuvent
renforcer leurs obligations. Mais quel que soit ce
qu'elles recouvrent, ces normes n'ont pas d’effet
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obligatoire dans le cadre contractuel, à moins que
les parties aient entendu s’y soumettre et s’y réfèrent expressément dans le contrat.
Penser aux conditions de sortie
« La rupture ou l’arrivée du terme d'un contrat est
toujours une étape délicate », souligne Me Sandra
Dorizon. Ce, d'autant plus qu'il s'agit souvent de
passer d'un prestataire à un autre. « Il est assez rare
que l'activité soit reprise en interne. Notamment
parce que cela pourrait légalement contraindre
l'entreprise, le cas échéant, à reprendre les contrats
de travail des salariés auparavant chargés de cette
activité en externe », précise Elsa Lederlin, avocat
en droit social au sein de DS Avocats. Le contrat
doit inclure une clause de réversibilité. Il peut prévoir le format numérique des données, et préciser
que ces dernières soient mises à disposition dans
des formats accessibles et exploitables par le client.
« Il importe aussi de préciser que le client se réserve
la propriété des données », ajoute Sandra Dorizon.
Enfin, il faut également préciser, si besoin, des
clauses définissant les délais de communication
pour les documents détenus par le sous-traitant.
« Là encore, les pénalités doivent être proportionnées en regard des préjudices potentiels », appuie
Me Sandra Dorizon.
Attention à l'aspect social
L'externalisation suppose, dans la plupart des cas,
de faire exécuter par une entreprise tierce ce qui
était auparavant réalisé en interne. Le contrat doit
prévoir les règles de mise à disposition de ressources humaines. Mais il doit préciser le périmètre
de la mission et le fonctionnement, notamment le
management, pour éviter le risque qu'un contentieux se traduise par la qualification d'un lien de
subordination entre les collaborateurs du prestataire et l'entreprise cliente. « La loi sanctionne ainsi
le prêt de main-d’œuvre illicite lorsque l’opération
a pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre réalisé, dans un but lucratif, ainsi que le marchandage
quand celle-ci a pour effet de causer un préjudice
au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application
de dispositions légales ou de stipulations d’une
convention ou d’un accord collectif de travail »,
souligne Me Elsa Lederlin. La définition exacte et
contractuelle des missions limite les risques. ■
Elsa LEDERLIN
Avocat au
barreau de Paris
“
La loi sanctionne ainsi le
prêt de maind’œuvre illicite
lorsque l’opération
a pour objet
exclusif le prêt
de main-d’œuvre
réalisé, dans un
but lucratif
”
* ASP : Application
Service Provider
Patrick BRÉBION
Nous remercions tout particulièrement
Sandra Dorizon, avocat au barreau de Paris depuis 2000, elle
intervient au sein du Cabinet DS Avocats depuis 2002 en matière de contentieux commercial, droit de la distribution et
droit des contrats, notamment pour établir des contrats d'externalisation.
Elsa Lederlin, avocat au barreau de Paris depuis 2001,
experte en droit social, droit du travail, collectif ou individuel,
en matière contentieuse et en qualité de conseil.
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