Coup de crayon en ville sainte

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Coup de crayon en ville sainte
LIVRES
BOOKS
Par By Hadrien Chidiac
Coup de crayon en ville sainte
i le conflit israélo-palestinien a été
traité à plusieurs reprises en bande
dessinée, par le BD-reporter américain Joe Sacco(1) notamment, Guy Delisle,
auteur de BD et animateur, a pris le parti
de raconter son quotidien d’expatrié installé
à Jérusalem-Est. Après avoir décrit de l’intérieur la vie en Chine (Shenzen), en Corée du
Nord (Pyongyang) et en Birmanie (Chroniques birmanes), le dessinateur québécois de
45 ans raconte ici son année à l’ombre du mur
enclavant les Palestiniens, à découvrir les richesses quasi infinies et parfois presque invisibles de la ville, mais surtout à tenter
de comprendre comment fonctionne cette
cité si compliquée.
De la même manière que dans ses précédents livres, Guy Delisle y promène son alter
ego un brin plus naïf que lui – une manière de poser plus facilement les questions – et curieux de découvrir aussi bien les lieux
incontournables que ceux où il ne vaut mieux pas s’aventurer.
Qu’on ne s’y trompe pas, sous l’aspect candide du personnage
se cache un regard aiguisé par différentes expériences à l’étranger, notamment dans les dictatures nord-coréenne et birmane.
L’humour et le talent de Guy Delisle sont toujours présents.
Des anecdotes cocasses aux situations révoltantes, il en ressort
un livre à la frontière du journal intime et du reportage en im-
mersion. Un terme que l’auteur se refuse
cependant à employer dans la mesure où son
récit ne fait pas l’objet d’une investigation
avancée.
Dans cet opus consacré à Jérusalem, Guy
Delisle avoue toucher à un sujet dont il se
sent proche. Il n’hésite donc pas à se montrer
plus descriptif et multiplie ainsi les longs paragraphes d’explication autant que les pages
muettes, riches de détails et d’ambiances.
Si l’on devine facilement le parti pris de
Guy Delisle dans ce livre, l’auteur réussit
cependant à le nuancer en jonglant avec
l’ironie et les temps morts. La grande force de
Chroniques de Jérusalem repose précisément
dans ce que le journalisme ne peut pas s’autoriser : le point de vue. Conter le quotidien
d’un personnage lambda, dans lequel chaque
lecteur pourra se reconnaître et vivant au milieu d’une population sur une terre divisée par les conflits, s’avère aussi enrichissant, voire plus efficace, qu’un bon reportage. Idéal pour (re)découvrir un territoire et une histoire saturée de fausses vérités. •
S
(1) Palestine : une nation occupée, Vertige Graphic, 1996 ; Palestine : dans la bande de Gaza, Vertige
Graphic, 1996 ; Gaza 1956, en marge de l’histoire, Futuropolis, 2010 ; Palestine, Éditeur Rackham, 2010.
Chroniques de Jérusalem
Par Guy Delisle, Éditions Delcourt, Collection Shampooing, 22,50 euros,
www.editions-delcourt.fr, www.guydeslile.com.
revolting situations, this book is somewhere between a diary and immersive
reporting. A term that the author nevertheless refuses to use in that his narrative is not the objective of a deep investigation.
In this work on Jerusalem, Guy
Delisle admits that he touches on a
subject that is intimate for him. So he
does not hesitate to include more
descriptive passages, multiplying long
paragraphs of explanations, along
with mute pages, rich with details and
ambiances.
While it is easy to guess Guy
Delisle’s position from his book, the
author nevertheless succeeds in
nuancing his text with irony and
silences. The great strength of
A SKETCH OF THE HOLY CITY
While the Israeli-Palestinian conflict
has been dealt with on a number of
occasions in comic form, by US comicreporter Joe Sacco(1) in particular,
comic author Guy Delisle has taken up
the challenge of recounting the everyday experiences of an expatriate living
in East Jerusalem. After describing
life on the inside in China (Shenzen),
North Korea (Pyongyang) and Burma
(Chroniques birmanes), the 45-yearold Quebecois illustrator here portrays
one year in the shadow of the wall hemming in the Palestinians, discovering
the city’s quasi-infinite, sometimes
practically invisible riches, and above
all seeking to understand the workings
of this exceedingly complicated city.
As in his previous books, Guy
Delisle’s alter ego is a more naïve man
than himself – a trait allowing him
to ask questions more easily – with a
curiosity for discovering the city’s key
spots as well as others where it is
sometimes better not to venture. But
make no mistake: the openness of the
main character belies a gaze sharpened by his overseas experiences,
especially of the North Korean and
Burmese dictatorships. The humour
and talent of Guy Delisle are present as
ever. From comical anecdotes to
COMMERCE INTERNATIONAL
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N°81 - JANVIER 2012
Chroniques de Jérusalem lies in an
element in which journalism precisely
cannot indulge: a point of view. Telling
of the everyday of an everyman with
whom every reader can identify, living
in the midst of a population on a land
divided by conflicts, is as enriching
and even more effective than a good
report. Ideal for (re)discovering a story
abundant in false truths. •
(1) Palestine: A nation occupied, Vertige Graphic, 1996; Palestine: dans la bande de Gaza, Vertige Graphic, 1996; Gaza 1956, en marge
de histoire, Futu opolis, 2010; Palestine, Éditeur Rackham, 2010.
Chroniques de Jérusalem
(Jerusalem Chronicles).
By Guy Delisle, Éditions Delcourt,
Collection Shampooing, 22.50 euros,
www.editions-delcourt.fr,
www.guydeslile.com.