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DIDIER LASAYGUES La lettre de l’étude NOTAIRE Editorial Le notaire : un entrepreneur social, durable et à la pointe du développement numérique S ommaire F ocus De l’efficacité du nantissement de créances notifié dans nos financements d’actifs A ctualités législatives Cession par bordereau Dailly d’une créance de sous-traitance (Com. 3 nov. 2010, F-P+B, n° 09-69.870) Pacte de préférence : application en cas de fusion-absorption (Com. 9 nov. 2010, FS-P+B, n° 09-70.726) Procédure d’insolvabilité : forclusion des créanciers établis à l’étranger (Com. 16 nov. 2010, F-P+B, n° 09-16.572) L’Etat doit tenir ses promesses nonobstant des règles d’urbanisme contraires (CEDH 18 nov. 2010, Cts Richet et Le Ber c. France, req. nos 18990/07 et 23905/07) C onférence C ontacts Numéro 11 - Février 2011 Chères lectrices et chers lecteurs de cette lettre trimestrielle, à l’aube de l’an nouveau, je me dois de vous l’annoncer : vous n’avez pas fini de voir sortir de nombreux nouveaux numéros de cette revue, car vous n’en avez pas terminé avec la belle profession de Notaire. En effet, le Sénat a consacré, en décembre dernier, le volet de la réforme des professions judiciaires et juridiques qui confirme la compétence des notaires en matière immobilière. En d’autres termes, l’acte authentique reste la forme légale pour l’accès conventionnel au fichier immobilier. Cependant, le notaire, professionnel juridique, ne limite pas sa compétence au seul domaine du droit de l’immobilier. Le droit du crédit, le droit des affaires (notamment le droit des sociétés et le droit commercial) et bien d’autres branches non monopolistiques du droit constituent des activités prioritaires pour certains offices. Dans le contexte d’une profession d’une part en concurrence avec les autres professions du droit et bénéficiant d’un monopole d’autre part, nous devons réfléchir sur la sorte d’entrepreneur qu’est le notaire. À coup sûr il ne droit plus s’inscrire dans une logique purement économique et financière mais il doit mettre l’accent sur son rôle de modèle social et incarner quelques nouveaux principes d’action dans la gestion de son entreprise. Le premier est de faire travailler des femmes et des hommes dans un environnement écologiquement durable. Le second consiste à faire bénéficier ses clients de tous les espaces de liberté et de qualité de travail qu’apportent les nouvelles technologies. En réalité, des deux défis ne font qu’un, pas de développement durable sans nouvelles technologies. D’un côté, une moindre consommation de papier et d’électricité ainsi qu’une réduction significative des déplacements, de l’autre la création de sites partagés et sécurisés de travail en ligne, la signature en ligne des actes authentiques sur support électronique, une conservation de ces actes dans un minutier central électronique (le Micen). La fin du règne de l’acte authentique sur papier va secouer le droit et c’est l’objectif que je vais vous faire partager en cette année 2011 dans un environnement juridique toujours de qualité. Je vous souhaite une passionnante et chaleureuse nouvelle année. Didier Lasaygues Focus De l’efficacité du nantissement de créances notifié dans nos financements d’actifs L’opportunité de la sûreté choisie dans un financement d’actif se jaugera à son efficacité, une fois le débiteur en difficultés financières, voire en état de cessation des paiements. Opter pour une garantie est un choix concret et suppose au préalable une analyse approfondie de l’impact du droit des procédures collectives sur le droit des sûretés. Cette observation pourrait se résumer en un cri de désespoir à la seule lecture de l’article 2287 du Code civil : « les dispositions du présent livre - le livre IV droit des sûretés - ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers ». Sans nuances, la primauté du droit des procédures collectives sur le droit des sûretés est ainsi affirmée et résonne comme un écho au principe specialia generalibus derogant. DIDIER LASAYGUES NOTAIRE Pour autant, sourde une lueur d’espoir à la lecture de la décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 mai dernier. En l’espèce, il s’agit d’apprécier l’efficacité d’une cession de loyers à titre de garantie, signifiée aux locataires par le créancier cessionnaire, avant l’ouverture du redressement judiciaire du cédant. L’actif financé est ici un actif immobilier. Le prêt est garanti par un privilège de prêteurs de deniers, une hypothèque conventionnelle et par une cession des loyers des baux conclus sur l’immeuble acheté. Cette cession était consentie « à titre de sûreté complémentaire, pour garantir le paiement de toutes les sommes dues au titre des présentes ». Ce type de cession est encore fréquent dans la pratique1 et requalifiée, depuis décembre 20062, en nantissement de créances. En l’espèce, cette qualification était de mise. Naissait alors une autre interrogation: une fois le constituant en redressement judiciaire, à qui le débiteur paie-t-il les loyers nantis ? Entre les mains du créancier nanti - le débiteur ayant reçu signification de cette cession avant l’ouverture de la procédure collective - et non entre les mains des organes de la procédure ; n’en déplaise aux juges du fond dont la décision est ainsi cassée par la Cour de cassation. Un tel verdict est alors l’occasion de revenir sur l’utilité et l’efficacité réelle du nantissement de créance notifié face à un constituant en procédure collective et ce, quand bien même celui-ci fut une ancienne cession de créance requalifiée de nantissement. Dès lors que la cession, devenue nantissement, a été signifiée avant l’ouverture du redressement judiciaire - et, qu’elle n’est pas tombée sous le couperet de la période suspecte de l’article L.632-1 du Code de commerce -, le créancier nanti reçoit valablement paiement de sa créance. Le nantissement de créances acquiert ainsi ses lettres de noblesse. La créance nantie et notifiée ne serait-elle pas la propriété temporaire3 du créancier nanti en attendant l’échéance de la créance garantie, ou le cas échéant, la défaillance du constituant ? Le principe est posé par l’article 2363 du Code civil : le créancier nanti, après notification, reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement. A cette seule lecture, une fois notifié, le nantissement de créances serait aussi efficace qu’une cession de créance à titre de garantie4 : le créancier nanti reçoit directement paiement de sa créance et il dé- tient un droit exclusif à obtenir ce paiement5. Cette décision du 26 mai 2010 illustre parfaitement ce droit : la notification est antérieure au jugement d’ouverture et le créancier appréhende alors directement la créance de loyers nantie ; lesquels ne seront pas versés aux organes de la procédure. Dès lors, même si le débiteur est en sauvegarde ou en redressement judiciaire, le créancier reçoit paiement des créances nanties, sans subir les affres de la procédure collective. Clairement, cette sûreté est un gage de sécurité juridique pour son bénéficiaire : la primauté du droit des procédures collectives6 est rejetée, la cession de loyers à titre de garantie demeure efficiente - sans égard à sa qualification de nantissement. Les créances nanties, à exécution successives, sont nées au jour de la conclusion du bail et seront alors versées en continu7 entre les mains du créancier bénéficiaire, une fois le nantissement notifié. On le devine, la distinction entre le nantissement et la cession de créance à titre de garantie s’estompe. A l’analyse, ce droit exclusif au paiement du créancier, institué par l’article 2363 du Code civil, a les effets d’un droit de rétention. Dès la notification, la créance à exécution successive appartient temporairement au créancier nanti ; cette propriété fiduciaire se transforme alors en pleine propriété en cas de défaillance du débiteur cédé. On retrouve ici le mécanisme de la fiducie-sûreté tel qu’il est organisé par l’article 2372-3 du Code civil8 : le créancier nanti acquiert la libre disposition des créances fiduciaires en attendant la réalisation de la sûreté. C’est par la notification et non par l’acte de nantissement que le constituant se dépossède de sa créance et qu’ainsi, le débiteur change de créancier. Le droit de rétention s’exercerait alors sur une créance elle-même susceptible de possession9. Si demain le droit positif confère au créancier nanti un tel droit10, l’efficacité du nantissement de créances notifié sera inaltérable. De fait, dans le silence des textes, le droit de rétention du créancier nanti, possesseur de la créance affectée en garantie, serait opposable à la procédure collective du constituant ; alors même que le droit de rétention du créancier gagiste sans dépossession est inopposable pendant le déroulement du plan de sauvegarde et/ou de redressement11. Ce droit de rétention du créancier nanti serait donc exclusif de tout concours. N’est-ce pas là la voie tracée par la Cour de cassation ? Sans doute. Les loyers seront payés, pendant la procédure de redressement, entre les mains du prêteur, créancier nanti et non entre les mains des organes de la procédure. 1. Elles sont parfois intitulées délégations de loyers avec la « fameuse » clause type –qui est un non sens- « cède, délègue et transporte » … Pour autant, une délégation de créance n’en emporte pas la cession et réciproquement ! Ces clauses, aux termes antinomiques, sont analysées comme de véritables cessions de créances lorsqu’elles ont été signifiées au débiteur cédé 2. Cass. com., 19 déc. 2006 : RTDciv. 2007. 160. 3. Voir en ce sens, Th. Revet, Le dénouement de la propriété temporaire, RTD Civ. 2008 p.322. 4. Voir pour exemple, en matière de cession Dailly : Cass. com., 20 février 2007, Gaz pal, 21 juillet 2007, n° 202, p.48 et Cass. com., 16 octobre 2007, Gaz pal, 24 janvier 2008, n° 24, p.57. Adde : Cass. com., 9 févr. 2010, Dalloz Actualités, 22 février 2010, P. Crocq, un vrai problème d’indivisibilité esquivé : le sort de la cession Dailly en cas de réduction de la créance garantie, RTD Civ. 2010, p.360. 5. Cette interprétation unifie les effets de la notification, peu importe les dates de chacune des créances nanties et garanties. Pour rappel, si la créance nantie vient à échéance avant la créance garantie, la notification permet au créancier de recevoir le paiement de la créance nantie. De fait, le nantissement de créances se transforme en un « gageespèces » opérant transfert de la propriété de la créance et conférant au créancier nanti un droit exclusif sur celle-ci en présence d’un cas de défaut du débiteur. Voir en ce sens, H. Synvet, le nantissement de compte, Droit et patrimoine, n° 161, juillet-aout 2007, p.62 et s . 6. Voir sur cet inconvénient en matière de financement d’actifs : Apports de la réforme des sûretés au marché de financements d’actifs, Petites Affiches, 29 juin 2007, n° 130, p.4 7. Voir sur ce point, N. Thomassin, la date de naissance des créances contractuelles, RTD Com. 2007, p.655. 8. « A défaut de paiement de la dette garantie et sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, le fiduciaire, lorsqu’il est le créancier, acquiert la libre disposition du bien ou du droit cédé à titre de garantie. Lorsque le fiduciaire n’est pas le créancier, ce dernier peut exiger de lui la remise du bien, dont il peut alors librement disposer, ou, si le contrat de fiducie le prévoit, la vente du bien ou du droit cédé et la remise de tout ou partie du prix » (art. 2372-3 du Code civil). 9. Pour exemple, l’article 1240 du Code civil : « le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable encore que le possesseur en soit par la suite évincé » 10. E n matière de nantissement de compte titres, le Code monétaire et financier consacre en son article L.211-20 (IV) au profit du créancier nanti, un droit de rétention : « le créancier nanti bénéficie en toute hypothèse d’un droit de rétention sur les instruments financiers et sommes en toute monnaie figurant au compte gagé ». Un tel droit est analysé par certains auteurs comme un pouvoir de blocage. Voir en ce sens, A.Aynes, Le droit de rétention, ed. Economica, 2005, n° 91 et suivants. 11. L .622-7 (I) alinéa 2 du Code de commerce DIDIER LASAYGUES Le message des Hauts magistrats semble limpide : la notification emporte transfert de la créance du patrimoine du constituant vers celui du créancier nanti, rétenteur de la créance : il est alors « rempli dans ses droits » et en reçoit seul valablement le paiement. Et, si le débiteur cédé paie le constituant, malgré la notification, il aura mal payé et sera donc tenu de payer à nouveau et cette fois le créancier nanti ; son paiement au constituant n’aura pas été libératoire. Le nantissement notifié trouve alors, en ce droit exclusif au paiement, qui permet de retenir la créance, toute sa force. Dans cette décision, les dispositions légales actuelles sur le nantissement de créance n’étaient pas applicables. Pourtant, la Cour de cassation applique à la lettre l’article 2363 du Code civil : « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts ». Les incidences de la notification sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté. Ses lendemains sont donc prometteurs car il a triomphé du droit des procédures collectives. Un seul nuage se dessine à l’horizon : l’article L.650-1 du Code de commerce. En réalité et en présence d’une procédure collective du constituant, le seul obstacle à l’efficacité d’un nantissement de créances notifié au bénéfice d’un établissement de crédit, serait le jeu de l’article L.650-1 du Code de commerce. De la sorte, si les garanties prises sont disproportionnées par rapport aux concours, elles seront frappées de nullité ou réduites par le juge. Cette disposition légale institue, par ce biais, un nouveau cas de responsabilité du banquier constitué par l’octroi de sûretés disproportionnées. A priori, à lui seul, le nantissement de créances a peu de chances d’être disproportionné. Seul le cumul de différentes sûretés - privilège, hypothèque, nantissement de compte titres, de créances, cession Dailly…- pourrait l’être. En effet, la prise de sûretés excessives, peut rendre les actifs du débiteur indisponibles et provoquer son asphyxie. Le dommage, c’est la privation d’actifs du débiteur, donnés en garantie. Sa conséquence directe serait l’ouverture d’une procédure collective. Le lien de causalité entre la faute et le dommage est alors aisé à établir : si les actifs disponibles sont grevés de sûretés, le débiteur n’en a plus la libre disponibilité, ce qui peut le conduire à des difficultés financières graves susceptibles d’aboutir à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. L’existence de cette disproportion relèvera de l’appréciation souveraine des juges du fond, l’article L.650-1 du Code de commerce ne faisant état d’aucun critère pour l’estimer alors qu’il aurait été pourtant plus prudent de le faire. AUTRES ACT UA L I TéS Cession par bordereau Dailly d’une créance de sous-traitance (Com. 3 nov. 2010, F-P+B, n° 09-69.870) Un sous-traitant, dans le but d’obtenir des liquidités, cède se créance à terme qu’il détient sur l’entrepreneur principal, par voie de bordereau Dailly, à un établissement de crédit. Entretemps, un avenant avait été conclu entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur principal, signifié par ce dernier à la banque, NOTAIRE qui aboutissait à réduire significativement le montant des travaux sous-traités. Le sous-traitant et la banque s’en sont plaints auprès de l’entrepreneur principal dont la présente décision reconnaît, certes implicitement, la responsabilité. Pour les juges du fond, la créance du sous-traitant qu’il détenait sur l’entrepreneur principal est sortie de son patrimoine. Toutefois la Haute Juridiction ne suit pas ce raisonnement. Il aurait fallu que les juges du fond vérifient si la créance n’a pas, en réalité, été cédée que partiellement ; preuve en est, la banque n’a déclaré qu’une créance correspondant à 85 % de la totalité de la créance du sous-traitant, ce qui peut s’analyser comme valant renonciation, par celle-ci, à une fraction de la créance cédée. Dès lors, si tel est le cas, le sous-traitant conserve son droit d’agir en paiement à l’encontre de l’entrepreneur principal et ce pour la fraction non cédée de la créance. Quant à la banque, c’est par le biais de la responsabilité délictuelle qu’elle attaque l’entrepreneur principal, débiteur cédé. En effet, entre la date de la cession et celle de la demande en paiement, le montant des travaux sous-traités ont été réduit. Pour les juges du fond, cet élément ne cause aucun préjudice particulier au banquier. Mais c’est oublier que le cédant a été mis en redressement judiciaire, de telle sorte que le recours du banquier cessionnaire contre lui se trouve en réalité fort aléatoire. La haute juridiction reproche alors aux juges du fond de ne pas avoir recherché si, en signant cet avenant, l’entrepreneur principal n’avait pas engagé sa responsabilité à l’égard de la banque en privant cette dernière d’une partie de son droit à paiement. Pacte de préférence : application en cas de fusion-absorption (Com. 9 nov. 2010, FS-P+B, n° 09-70.726) Qu’il s’agisse d’agrément, de droit de priorité, de préemption ou de pacte de préférence comme en l’espèce, la licéité des clauses visant les opérations de fusion-absorption, un temps contestée au nom du caractère d’ordre public du principe de transmission universelle du patrimoine, n’est plus douteuse aujourd’hui. Pour autant, le contentieux sur ces clauses n’a pas cessé et de nombreux litiges naissent quant à l’interprétation de la volonté des parties, logiquement abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond sous le contrôle de la Cour de cassation, ainsi qu’en atteste le présent arrêt. Pas de difficulté réelle d’interprétation lorsque, comme ici, le pacte de préférence énumère limitativement certaines opérations, en l’occurrence, la vente, l’échange ou l’apport en société. Par conséquent et c’est ce que relève la chambre commerciale dans cette décision du 9 novembre 2010, ce pacte ne peut jouer en présence d’une fusion- absorption. Il suffit alors de relever l’absence d’analogie entre l’opération d’apport et l’opération de fusion-absorption, laquelle « entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante et n’a pas pour contrepartie l’attribution à la société absorbée de droits sociaux au sein de la société absorbante ». L’idéal est donc, évidemment, que la fusion-absorption soit expressément mentionnée. Au surplus, une formule générale peut être adoptée telle que l’application du pacte en cas de transfert et sous quelque forme que ce soit, l’essentiel étant de bannir toutes les expressions ambiguës. DIDIER LASAYGUES NOTAIRE Procédure d’insolvabilité : forclusion des créanciers établis à l’étranger (Com. 16 nov. 2010, F-P+B, n° 09-16.572) L’arrêt de la Cour de cassation intervient à propos de la déclaration tardive à une liquidation judiciaire ouverte en France de la créance d’une société de droit allemand, laquelle n’a pu obtenir de relevé de forclusion. L’intérêt de la décision tient, en premier lieu, aux conséquences tirées de l’application, assez rare, de l’article 21 du règlement CE n° 1346/2000, relatif à la publicité des décisions d’ouverture des procédures d’insolvabilité. Par un motif de pur droit, la chambre commerciale apporte la précision suivante : > le règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, dont l’article 21 ne prévoit la publicité de la décision ouvrant la procédure dans les autres États membres qu’à la requête du syndic ou sur décision de ces autres États, mais à la condition, dans ce second cas, que le débiteur, et non pas le créancier, y ait un établissement, renvoie, par son article 4, § 2 h), au droit interne de l’État d’ouverture pour la détermination de l’ensemble des règles relatives à la production des créances et à ses suites. Il résulte des dispositions, ainsi rendues applicables, de l’article L. 622-26, alinéa 3, du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que le délai de l’action en relevé de forclusion court à compter de la publication du jugement d’ouverture, sans distinction selon le lieu d’établissement, en France ou à l’étranger, du créancier. Le principe est simple : uniformité de traitement des créanciers français et étrangers. L’Etat doit tenir ses promesses nonobstant des règles d’urbanisme contraires (CEDH 18 nov. 2010, Cts Richet et Le Ber c. France, req. nos 18990/07 et 23905/07) Les faits ayant donné lieu à cette décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sont remarquables tant par les enjeux économiques, patrimoniaux et environnementaux qui sont en présence, que par la difficile conciliation du droit privé de propriété avec la défense de l’intérêt général qu’elle met en relief. Les héritiers du propriétaire de l’île de Porquerolles ont en effet, par deux contrats de vente conclus en décembre 1970, cédé leurs terrains à l’État tout en conservant ceux sur lesquels ils avaient établi leurs résidences principales et un hôtel que l’un d’eux exploitait. Ils ont également cédé à l’État les droits à construire attachés aux terrains dont ils restaient propriétaires, en échange, selon les termes des contrats de cessions, d’une promesse : l’un des propriétaires pourrait construire des bâtiments à usage d’habitation d’une superficie de 1 200 m2, étendre l’hôtel qu’il gérait du double de sa superficie actuelle et construire un établissement ayant vocation à accueillir des personnes handicapées ; le second propriétaire devait pouvoir quant à lui construire des bâtiments à usage d’habitation d’une superficie de 5 000 m2. Les permis de construire correspondant ayant reçu des réponses négatives, et un plan d’occupation des sols, qui classait l’île en zone inconstructible, ayant entre-temps été approuvé, les héritiers ont formé devant les juridictions administratives des demandes en annulation des refus de permis de construire et devant le juge judiciaire des demandes de résolution de la vente et de dommages-intérêts. La CEDH, après avoir analysé les différents événements, constate que les actes de vente, dans la rédaction desquels l’État a joué un rôle particulièrement actif, étant à la fois partie, rédacteur et autorité de réception de l’acte par l’intermédiaire du préfet, ne précisent à aucun moment que la faculté de construire serait conditionnée aux règles d’urbanisme. Par conséquent et compte tenu de la qualité du cocontractant avec lequel ils traitaient - qui constituait indiscutablement un gage d’autorité, de bonne foi et du respect de la loi -, les requérants pouvaient légitimement penser que l’État était en mesure de leur accorder de tels droits et s’attendre à ce qu’il respecte ses engagements contractuels, nonobstant le changement ultérieur des règles d’urbanisme. Par conséquent, « la Cour estime, dans les circonstances de l’espèce, que les requérants étaient titulaires de droits de construire aux termes des actes de vente et qu’ils avaient une espérance légitime de pouvoir exercer ces droits dans les conditions contractuelles. Ils sont dès lors titulaires d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole n°1. Par conséquent, la Cour européenne indemnise ainsi le préjudice matériel subi par les requérants à hauteur de 800 000 € et 700 000 €. C onférence Mercredi 20 avril Actualité du droit des obligations : incidences sur notre pratique C ontacts Didier Lasaygues didier.lasaygues@ lasaygues.com Hubert de Vaulgrenant hubert.devaulgrenant@ lasaygues.com François Gauthier francois.gauthier@ lasaygues.com Marie-Elisabeth Mathieu marie-elisabeth.mathieu@ lasaygues.com Tél. 01 42 68 83 50 Cette lettre a été rédigée à l’attention de nos Clients et des membres de l’Etude notariale Didier Lasaygues. Les informations et opinions qu’elle contient ne prétendent pas à l’exhaustivité. En aucun cas elles ne peuvent se substituer à des avis spécifiques sur des situations particulières. www.lasaygues.com