Le muSée SeLon - Anne de Villepoix
Transcription
Le muSée SeLon - Anne de Villepoix
PAGE 82 ¬ ARTS MAGAZINE ¬ mars 2014 portraiT À 30 ans, Florian Fouché présente à la Passerelle, centre d’art de Brest, la troisième et dernière étape de son « Musée Antidote ». Avec ce premier projet d’envergure, il développe un art à la fois nourri de références et novateur. Pascaline Vallée texte Le musée selon La Petite Fille punie, 2013, plaques de métal, bois, scotch de masquage, photographies argentiques, peinture, aimants, 290 x 236 x 116 cm, production Passerelle centre d’Art contemporain florian fouché à voir Florian Fouché Le Musée Antidote Jusqu’au 3 mai La Passerelle, centre d’art contemporain, Brest 41, rue Charles-Berthelot. 14h-18h30 (sf dim. et lun.), 14h-20h le mar. 3 €. Tél. : 02 98 43 34 95. www.cac-passerelle.com En 2007, Florian Fouché, alors encore étudiant aux Beaux-Arts de Paris, part sur les traces de Brancusi à Bucarest et découvre le musée du Paysan roumain, qui rassemble des objets de création rurale. Son originalité ? La scénographie, pensée par le peintre Horia Bernea et l’ethnologue Irina Nicolau, est une mine de nouvelles présentations muséales. Exit les vitrines poussiéreuses, place à la mobilité, aux mélanges et superpositions pour créer un « théâtre d’objets sans acteurs », selon le duo. Le jeune artiste découvre une expérience artistique et sociale qui va influencer durablement son travail. À son tour, il décide de transmettre cette expérience et commence à appliquer ces préceptes à ses propres œuvres. Objets photographiques La conception de l’exposition s’est faite dans la durée. Après la biennale de Rennes en 2012, et Le Belvédère (nouvel espace de l’Ensba à Paris en 2013), La Passerelle à Brest est l’aboutissement du projet du « Musée Antidote ». Une résidence à la fondation Terra Giverny, l’été dernier, permet à Florian Fouché de créer la série « Têtes de boules » ; une bourse de la FNAGP finance les tirages photos ; tandis que l’aide matérielle et financière de La Passerelle lui offre le cadre idéal pour construire les dernières sculptures. mars 2014 ¬ ARTS MAGAZINE ¬ PAGE 83 florian fouché • portrait Dans le train Lyon-Bucarest, 2013, bois, peinture, feutre de piscine, verre, photographies argentiques, aimants, roulettes, 250 x 300 x 180 cm L’espace d’expositions se divise en deux. Dans une partie, soixante photos grand format présentent les deux salles les plus fortes du musée, accompagnées d’informations. L’autre montre les sculptures et « objets photographiques » qui en ont découlé plus ou moins directement. Certains ont évolué depuis la première présentation, comme ce volume triangulaire de bois qui porte des photos de têtes de mannequins du musée, finalement peint en rouge et déposé sur un chariot qui suggère sa mobilité. Circulation des formes Si Brancusi, Malevitch, Joseph Beuys ou Mike Kelley l’inspirent, ses œuvres prennent aussi leurs sources dans l’architecture (Le Corbusier, Herzog et de Meuron) ou chez les réformateurs du théâtre que furent Tadeusz Kantor et Meyerhold. Mais quelles qu’en soient les références, l’exposition doit être « quelque chose de sensible ». Tout est pensé pour ne pas inonder le visiteur d’informations, sans pour autant le laisser seul face à l’œuvre, qui comporte plusieurs niveaux de lecture. « Pour moi, remarque Florian Fouché, le regardeur idéal n’est pas celui qui va se précipiter sur les informations, mais plutôt celui qui va se laisser aller à sentir et qui, ensuite, ira glaner des informations. » Dans ce même esprit de suggestion, ses titres sont des amorces de récit. Comment arrêter un désastre au ralenti ?, demande l’un, tandis qu’un autre nous convie à embarquer dans un Lyon-Bucarest (ci-dessus). Les objets se font écho, par une couleur, un élément, une idée. Dernière née, La Petite Fille punie (page de gauche) illustre cette démarche. Cet objet photographique est né d’une image de la Cariatide de Brancusi prise au centre Pompidou. « C’était tellement absurde de la voir toute seule dans cet angle avec ce fil de protection que je l’ai immortalisée », raconte Florian Fouché. Plus tard, le cliché fait écho à d’autres, pris dans une chambre. Aimantés à la structure peinte, les trois tirages ne sont plus présentés comme d’ordinaire. « La photographie est intégrée dans la sculpture grâce à l’ombre portée, explique-t-il. La ligne de la couverture dans la photo et celle de l’ombre portée par la photo elle-même font le lien entre les deux espaces. C’est une des spécificités des formes que j’essaie d’inventer. » repères 1983 Naissance à Lyon 2009 Diplômé de l’Ensba, Paris 2010 Première exposition solo, « Constellation basse », dans le cadre des « Modules » du palais de Tokyo 2013 Reçoit le Prix Science Po pour l’art contemporain 2012-2014 « Musée Antidote »