La nutrition, un défi pour la planète (6) - Suds en Ligne

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La nutrition, un défi pour la planète (6) - Suds en Ligne
La nutrition, un défi pour la planète (6)
Transfert et évaluation de stratégies d’amélioration
de l’alimentation
Les activités de recherche menées au sein de ce programme ont pour objectif principal de répondre à deux
questions générales :
- Selon quelles modalités, les transferts de procédés issus de la recherche en technologie alimentaire et la mise
en œuvre de voies alimentaires nouvelles sont-ils réalisables ?
- Quels sont les effets sur les pratiques alimentaires, les niveaux d’ingérés ou l’état nutritionnel des populations
de la mise en œuvre de stratégies basées sur ces voies alimentaires ?
Ces recherches qui nécessitent de mettre en œuvre à l’échelle pilote de véritables actions de développement et
requièrent donc des moyens financiers et humains considérables sont menées depuis 1994 en partenariat avec
le Gret (Association de solidarité et de coopération internationale, anciennement Groupe de recherches et
d’échanges Technologiques) dans le cadre d’un programme intitulé Nutridev qui se décompose principalement
en trois programmes de recherche-action menés au Vietnam (Fasevie), à Madagascar (Nutrimad) et au Burkina
Faso (Nutrifaso).
Nutridev, un programme international au service de la nutrition
Nutridev est un programme international au service de la nutrition mené en partenariat scientifique entre le Gret
et l’IRD depuis 1994. En 2009, plus de 4 000 personnes étaient impliquées dans sa réalisation. Implanté tout
d’abord au Vietnam (programme Fasevie) et à Madagascar (programme Nutrimad), il a démarré au Burkina
Faso (programme Nutrifaso) en 2005. Au départ, Nutridev visait essentiellement à réduire la malnutrition
chez les jeunes enfants de moins de deux ans, mais il a peu à peu élargi, selon les pays, ses activités aux
femmes en âge de procréer, aux enfants scolarisés et aux enfants préscolaires. Au-delà de l’amélioration de
l’alimentation, Nutridev s’intéresse également à d’autres déterminants de la malnutrition comme l’accès à
l’eau potable et aux soins ou la prévention des crises alimentaires.
Nutridev est à ce jour reconnu comme un des rares programmes qui traite à la fois d’éducation nutritionnelle,
de production locale d’aliments fortifiés à partir de matières premières agricoles locales et de mise à disposition
de ces aliments à prix adapté aux contextes d’intervention.
Quelques chiffres
• 15 unités agroalimentaires partenaires créées ou soutenues : deux usines autonomes au Vietnam, une unité
de production industrielle et une à caractère associatif à Madagascar ; une dizaine d’unités agroalimentaires
partenaires au Burkina Faso.
• à Madagascar : une quarantaine d’Hotelin jazakely (restaurant pour bébés) servent plus de 150 000 repas
chaque mois ; entre 2004 et 2006, 23 cantines scolaires ont servi chaque jour plus de 15 000 collations
fortifiées dans les écoles primaires publiques d’Antananarivo.
• au Vietnam : 7 écoles concernées par les activités de nutrition scolaire, 186 000 visites à domicile auprès de
mères d’un jeune enfant en 2006.
Une reconnaissance internationale et des répercussions économiques
• L’Unicef soutient Nutridev, à Madagascar (depuis 1998), au Burkina Faso (depuis 2005), au Vietnam (20022003).
• Le projet vietnamien du programme (Fasevie) est un des cinq axes du Plan national de fortification des
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aliments du Ministère de la Santé. Une extension pilote puis nationale a démarré en 2007.
• Nutrimad participe activement à l’élaboration de la Politique nationale de Nutrition du Ministère de la Santé
en collaboration avec l’Office National de Nutrition, siégeant notamment au Conseil national de Nutrition.
• Une unité d’enseignement dispensée en master à l’université Montpellier II et en DEA à l’université
d’Antananarivo a été créée en s’appuyant largement sur les résultats et l’expérience acquis dans la réalisation
du programme Nutridev.
• Plus de 50 étudiants en thèse ou Master/DEA ont été accueillis dans le cadre du projet ; un grand nombre
d’entre eux a travaillé dans le cadre du programme après la soutenance de leurs diplômes ; 4 ont rejoint
ensuite des grandes organisations internationales.
• Des activités de formation des partenaires pour assurer autonomie et pérennité du programme sont
particulièrement actives.
• De nouveaux marchés viables sont apparus grâce à un réseau de distribution et des campagnes publicitaires
efficaces.
• Des filières agricoles ont été renforcées.
• D’importants transferts de technologies effectifs ont été réalisés, en particulier entre les pays du Sud
participants au programme.
Fasevie, au Viet-Nam
Au Vietnam, la situation nutritionnelle des enfants au début des années 90 était encore très préoccupante.
Entre 1995 et 2002, au début du programme Fasevie , 36% des enfants de 0 à 5 ans souffraient de malnutrition
chronique avec toutes les conséquences que cela peut avoir, non seulement pour les enfants et leurs familles,
mais aussi pour leur pays.
Comme dans la plupart des pays en développement, les carences nutritionnelles affectent principalement les
femmes à partir de l’adolescence et les jeunes enfants. Chez les jeunes enfants, le retard de croissance et les
carences en oligo-éléments (minéraux et vitamines) sont les problèmes nutritionnels les plus importants. Une
enquête nationale réalisée en 1995 a montré que l’anémie était présente chez 60 % des enfants de moins de 1
an mais aussi très répandue dans l’ensemble de la population vietnamienne.
Au Vietnam, les aliments de complément traditionnels, le plus souvent des bouillies (bot) ou pseudobouillies (chao) à base de riz, présentent une faible densité en énergie et en oligo-éléments. Lutter contre
la malnutrition de l’enfant nécessite d’assurer un bon état sanitaire et nutritionnel à la femme enceinte et
allaitante, d’encourager l’allaitement au sein exclusif du nourrisson dès sa naissance jusqu’à l’âge de six mois,
de promouvoir l’introduction, dès l’âge de six mois, d’aliments de complément de bonne qualité hygiénique
et nutritionnelle et de poursuivre l’allaitement maternel jusqu’à 2 ans et plus.
Fasevie, mis en œuvre conjointement par l’IRD et le Gret à partir de 1994, a été mené en partenariat jusqu’en
2008 avec différents organismes vietnamiens au niveau national (INN - Institut national de la nutrition) et
provincial (Comités populaires, Services de Santé préventive, Union des femmes, entreprises privées ou
publiques).
Pour répondre à ses objectifs, Fasevie a œuvré dans deux directions :
— la mise sur le marché d’aliments de complément de bonne qualité nutritionnelle, hygiénique et
organoleptique (odeur, saveur, couleur…) à des prix abordables ;
— la définition et la mise en œuvre de campagnes d’éducation nutritionnelle.
Le programme est intervenu dans quatre provinces : Ha Tinh (9 districts), Da Nang dans l’unique district rural
de la province, Quang Nam (17 districts) et dans la ville d’Hanoi où un site de production pilote a été créé.
L’objectif général était d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer, des stratégies visant à réduire les
prévalences de malnutrition parmi les groupes vulnérables de la population vietnamienne.
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Cet objectif général se décline en trois objectifs spécifiques :
• La consolidation des acquis dans les provinces pilotes et l’autonomie des partenaires
provinciaux (provinces de Ha Tinh, Da Nang, Quang Nam).
• L’extension nationale des méthodes Fasevie de réduction de la malnutrition chez
les enfants de moins de deux ans ;
• L’extension du projet à de nouvelles populations vulnérables : enfants scolarisés,
femmes en âge de procréer…
Deux unités industrielles agroalimentaires ont été créées et sont actuellement
opérationnelles. Elles produisent des aliments de qualité aux normes internationales,
à un prix accessible aux populations démunies. De 2004 à 2007, près de 120 000
mères ont reçu des conseils de nutrition pour leur jeune enfant, de la part de 4 000
volontaires de l’Union des femmes, au cours de plus de 350 000 visites à domicile.
14 ans d’expérience fructueuses
Fasevie a achevé en janvier 2008 une période de «recherche-action» au cours de laquelle l’équipe Nutridev
a pu :
• valider une stratégie d’intervention pérenne, reprise par les autorités et les partenaires des provinces pilotes :
production locale d’aliments de complément fortifiés, promotion locale de ces aliments via le réseau de
l’Union des femmes du Vietnam, diffusion simultanée de messages d’éducation nutritionnelle ;
• diffuser à l’échelle nationale certaines approches Fasevie pour la réduction de la malnutrition chez les
enfants de moins de deux ans, avec transfert de la boite à outils Fasevie à l’Institut national de la Nutrition.
La Banque asiatique de développement apporte son appui financier au gouvernement vietnamien pour cette
extension ;
• élargir les activités à de nouveaux groupes de population vulnérables : enfants en âge scolaire, femmes en
âge de procréer, personnes âgées.
Le séminaire de clôture de Fasevie tenu le 23 janvier 2008 a été l’occasion de rassembler les acteurs et
institutions vietnamiennes et internationales, et de faire bénéficier les partenaires des avancées de la stratégie
Nutridev dans des contextes différents.
Nutrimad, à Madagascar
Les enquêtes sur la situation nutritionnelle à Madagascar, notamment les Enquêtes Nationales Démographiques
et Sanitaires (ENDS) réalisées en 1992, 1997 et 2003-2004 ont révélé une situation nutritionnelle des jeunes
enfants très préoccupante au niveau national : en 2003-2004, près de la moitié (47 %) et 13% des enfants de
moins de trois ans souffraient, respectivement, de malnutrition chronique et de malnutrition aiguë et plus de
deux enfants de 6 à 60 mois sur trois souffraient d’anémie légère à sévère.
La concordance entre l’augmentation des prévalences des différentes formes de malnutrition et l’âge auquel
les aliments de compléments au lait maternel sont introduits laisse supposer que les problèmes nutritionnels
des jeunes enfants sont étroitement liés à leur alimentation au cours de leur première année de vie.
La malnutrition touche également les enfants d’âge scolaire dont la plupart ne couvrent pas complètement
leurs besoins alimentaires. En allant à l’école le «ventre vide», ils souffrent de ce qui est convenu d’appeler
la «faim immédiate» qui les empêche d’apporter toute l’attention nécessaire pendant les cours et explique en
partie l’échec scolaire des enfants des familles défavorisées.
Face à ces constats, le Gret et l’IRD ont proposé à partir de 1998 aux autorités malgaches et aux partenaires
financiers la mise en place d’un programme de recherche action (Nutrimad) visant à définir et valider des
méthodes efficaces pour améliorer l’alimentation et contribuer à réduire la malnutrition des jeunes enfants
dans les contextes urbains et ruraux de l’ile. Dès la fin 2003, ce programme a été étendu aux enfants d’âge
scolaire. Plus récemment, compte tenu d’études récentes sur les carences des femmes enceintes et allaitantes,
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le programme Nutrimad a également étendu ses activités à ce nouveau groupe cible.
L’objectif de développement du programme Nutrimad est d’élaborer, de valider et de diffuser des méthodes
d’amélioration de l’alimentation de l’enfant de moins de 14 ans et des femmes en âge de procréer dans une
optique de développement durable.
Les stratégies mises en place ont consisté à :
• réaliser, dans chaque contexte d’intervention et pour chaque groupe cible, des diagnostics des pratiques
alimentaires et de l’état nutritionnel en cherchant à identifier leurs déterminants ;
• transmettre des messages d’éducation nutritionnelle pour améliorer le niveau des connaissances nutritionnelles
de la population et faire évoluer les pratiques alimentaires néfastes ;
• transférer des compétences en matière de nutrition et d’approches opérationnelles aux participants locaux et
aux partenaires du projet pour en assurer la pérennité ;
• élaborer des aliments adaptés pour l’alimentation de complément des jeunes enfants, pour compléter la
ration journalière des enfants d’âge scolaire et pour permettre aux femmes en âge de procréer de couvrir leurs
besoins en micronutriments ;
• mettre en place un réseau de diffusion durable des aliments améliorés.
• évaluer, capitaliser et diffuser les connaissances, les produits alimentaires améliorés et les expériences
acquises dans le cadre du projet.
Interventions dans les quartiers urbains
Démarrées en 1999, les activités du projet en zones urbaines touchaient
en 2009 une quarantaine de quartiers défavorisés dans les 4 plus grandes
villes de Madagascar (23 à Antananarivo, 5 à Tamatave et Fianarantsoa
et 4 à Antsirabe) et quelques villes secondaires (Vangaindrano, Fénériveest, etc.). Dans chacune de ces villes, des associations d’animatrices ont
été créées avec l’appui d’ONGs locales.
Elles regroupent une soixantaine d’animatrices, véritables pivots de
la stratégie Nutrimad pour l’éducation nutritionnelle et la gestion de
restaurants pour bébés (Hotelin-jazakely). Dans ces restaurants sont
proposés des repas adaptés (bouillie, plats fortifiés) aux enfants à partir
de l’âge de 6 mois. L’ensemble des services est en passe d’être pris en
charge à 100 % par les bénéficiaires eux-mêmes.
Le principal aliment proposé est une farine infantile, la Koba Aina, mise
au point avec l’industriel Taf au premier semestre 2002. Cette farine
répond aux besoins nutritionnels des jeunes enfants en complément du
lait maternel. Elle est vendue au prix de 0,04 euros la ration (35 g de farine
ou une louche de 110 g de bouillie) dans le réseau d’Hotelin jazakely.
Des collations fortifiées dans les écoles primaires publiques d’Antananarivo
Dans les écoles primaires publiques, les enfants, faute de locaux suffisants, étudient alternativement le matin
et l’après-midi. Les instituteurs constatent souvent des phénomènes de somnolence dus au fait que les enfants
viennent souvent à l’école le ventre vide. Ce phénomène de «faim immédiate» empêche donc les enfants
de suivre correctement les cours. Le déficit de leur alimentation en énergie et en macronutriments (lipides,
protéines) est, en outre, aggravé par des déficits importants en micronutriments (vitamines et minéraux).
Nutrimad a mis au point, dans le cadre d’un projet financé par la Région Ile de France, des collations fortifiées
en micronutriments permettant de réduire les déficits en énergie et macronutriment et de combler les déficits
en micronutriments des élèves. Le coût de ces collations est de 0,10 euros par ration de 350 g dont 20 % sont
pris en charge par les familles. Ce programme, aujourd’hui arrêté par manque de financement bien qu’il ait
eu des effets extrêmement encourageants sur l’état nutritionnel et les performances scolaires des élèves, a
touché en 2006 plus de 20 000 élèves dans 23 des 90 écoles publiques primaires de la ville d’Antananarivo.
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Interventions dans le monde rural
Dans la continuité d’une première intervention menée à partir de 1997 à Brickaville (Côte est de Madagascar)
grâce au soutien financier du Comité français pour l’Unicef, des aliments fortifiés, produits localement ou dans
l’unité industrielle créées à Antananarivo, sont maintenant diffusés dans plus de 50 communes appartenant à
6 des 22 régions de Madagascar.
A partir de 2006, Nutrimad est intervenu, avec des financements de l’Union Européenne, dans l’Androy
et l’Atsimo Atsinanana, régions situées respectivement dans l’extrême sud et au Sud-est de Madagascar.
Ces régions, à 250 km l’une de l’autre, ont la particularité d’être régulièrement soumises à de graves crises
alimentaires, la première en raison de sécheresses récurrentes pouvant se traduire par de véritables famines
(Kéré), la seconde en raison de pertes de récoltes dues à des inondations faisant suite à des cyclones. Dans
ces contextes, souvent dominés par l’urgence, Nutrimad travaille à l’amélioration de l’état nutritionnel des
enfants, en particulier des plus jeunes et des femmes en âge de procréer, en intégrant la gestion des risques
agroclimatiques. A côté de la Koba Aina, farine infantile, déjà utilisée dans les autres sites, des compléments
alimentaires à rajouter aux plats familiaux sont proposés aux enfants de plus d’un an et aux femmes en âge
de procréer.
Dans ces deux régions, l’approche de Nutrimad, en accord avec le programme National de Nutrition
Communautaire (PNNC) prôné par l’Office National de Nutrition, consiste à former et à mettre en place des
comités communaux de nutrition chargés de mettre en œuvre des actions locales pour lutter contre les causes
directes et indirectes de la malnutrition (approvisionnement en eau, assainissement, éducation, implication
des femmes, etc.) et des relais communautaires au niveau de chaque village. Des activités sont également
menées en collaboration avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour améliorer le fonctionnement
et l’impact de leurs cantines scolaires.
Enfin, toujours dans ces deux régions, depuis 2009 grâce à des financements du ministère français des affaires
étrangères, Nutrimad mène des activités visant à définir et à valider, dans ces contextes particulièrement
difficiles, les modalités (dépistage des enfants malnutris, système de distribution d’aliments adaptés) d’une
prise en charge des enfants atteints de malnutrition aiguë modérée.
Nutrifaso, au Burkina Faso
Au Burkina Faso, plus d’un enfant d’âge préscolaire sur trois (37 %) est atteint de malnutrition chronique.
Cette malnutrition débute souvent in utero, 17 % des enfants ayant déjà un petit poids de naissance en raison,
notamment, d’un état nutritionnel déficient des mères.
Les farines infantiles disponibles localement sont soit des produits importés et coûteux, soit des produits
fabriqués localement dont les qualités nutritionnelles et hygiéniques sont le plus souvent très insuffisantes. Par
ailleurs, les pratiques d’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants ne sont généralement pas adaptées
à leurs besoins. Les femmes enceintes et allaitantes n’ont pas toujours accès, physiquement, culturellement
ou économiquement, aux aliments « riches » qui leur sont nécessaires, si bien que la couverture de leurs
besoins nutritionnels, notamment en micronutriments, est insuffisante. Comme dans de nombreux pays, le
changement de certaines pratiques alimentaires et l’utilisation d’aliments plus adaptés aux besoins des jeunes
enfants et de leurs mères apparaît comme un préalable nécessaire à l’amélioration de la situation nutritionnelle
et à la baisse de la mortalité infantile au Burkina Faso.
L’objectif général du projet Nutrifaso est d’améliorer de façon durable l’alimentation des jeunes enfants et
des femmes en âge de procréer en vue de contribuer à la réduction des prévalences de la malnutrition et de
lutter contre les formes de carences en micronutriments qui apparaissent chez les enfants de moins de deux
ans et se prolongent en période préscolaire.
Nutrifaso a démarré ses activités en 2005 en s’appuyant sur des travaux menés antérieurement au Burkina
Faso par les nutritionnistes de l’IRD. La première phase pilote de 3 ans, destinée à mettre au point une
approche et des outils, se prolonge depuis 2009 par une phase de consolidation et d’extension.
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Nutrifaso au service des populations rurales
La Gnagna, province défavorisée de l’Est du Burkina Faso, figure parmi les provinces prioritaires dans le
cadre stratégique de lutte contre la pauvreté du pays. Trente villages, répartis sur 6 aires sanitaires, ont été
choisis pour bénéficier des actions du Volet communautaire du projet pendant sa phase pilote.
La stratégie s’appuie sur des structures communautaires, dénommées comités villageois de nutrition (CVN),
qui sont chargées de mobiliser leur village autour de la nutrition, de relayer progressivement les animateurs
du projet dans la sensibilisation et la conduite des visites à domicile et de diffuser les produits alimentaires
fortifiés mis au point.
En février 2007, un farine infantile, appelée Yonhanma, a été lancée sur le marché. Quatre unités de production
ont été équipées et formées à sa fabrication. Des actions de promotion (pièces théâtrales, animations dans
les centres de santé et les villages, démonstrations de préparation de bouillies, distributions d’échantillons
et de gadgets…) ont permis de faire connaître la farine dans la zone du projet auprès de 3 500 personnes. La
production de farines s’est élevée pour 2007 à 2,7 tonnes.
Des activités d’éducation nutritionnelle (animations au niveau villageois, visites à domicile) ont été réalisées
en s’attachant à ce que les CVN prennent progressivement, grâce à un renforcement de leurs compétences,
le relais des agents du projet au niveau des visites à domicile. Des formations ont été organisées au profit
de 20 agents de santé de façon à renforcer leurs connaissances en matière de nutrition, sur les aliments de
complément et sur le suivi de la croissance du jeune enfant.
Une évaluation de processus de la phase pilote du projet Nutrifaso communautaire a été réalisée au cours du
premier semestre 2007 afin de disposer des informations nécessaires sur le fonctionnement, l’avancement,
la diffusion et la notoriété du projet auprès des populations. Elle a montré une appréciation positive des
différents acteurs vis-à-vis du projet, ainsi qu’une nette évolution dans les connaissances des différents
acteurs impliqués. L’un des points faibles restait l’implication insuffisante des structures communautaires et
de certains agents de santé dans la mise en œuvre des activités.
A partir de février 2008, les activités du volet communautaire de Nutrifaso se sont étendues progressivement
à l’ensemble de la province de la Gnagna.
Nutrifaso au service des PME
Progressivement une dizaine d’entreprises ou réseaux d’unités de transformation se sont mises à travailler
avec Nutrifaso.
• Cinq d’entre elles ont pu mettre au point une formule de farine infantile répondant aux normes internationales
et aux contraintes des entreprises. L’appui de Nutrifaso a tout d’abord consisté en un travail technique pour
la formulation, la mise au point des procédés de fabrication et la formation des personnes travaillant dans
l’unité de production. Le suivi de la production de ces farines est réalisé en continu et des appuis conseils sont
apportés aux entreprises.
• Des équipements permettant d’améliorer la qualité des farines produites ont été installés dans les entreprises,
en particulier des mélangeurs et des balances de précision suffisante.
• Des tests sur le modèle de cuiseur-extrudeur transféré depuis le Vietnam se poursuivent sur des matières
premières locales.
• Des contrôles qualité sont réalisés régulièrement sur les farines mises au point ; les résultats d’analyses
attestent de leur bonne qualité.
• Après le lancement des nouvelles formules de farine infantile, un appui marketing a permis de mettre au
point les emballages, de définir un plan d’affaire et une stratégie de lancement et de mettre en œuvre des
actions de promotion. Celles-ci ont principalement consisté en des actions de proximité : animations sur
les points de vente, distributions d’échantillons, dégustations de bouillies dans les centres de santé, dons de
gadgets aux distributeurs et aux promoteurs de la farine. Quelques actions média ont été engagées : campagnes
radiophoniques et affiches sur les points de vente. Les entreprises étant le plus souvent limitées par leur faible
capacité financière, un appui au renforcement de leur fonds de roulement a été apporté lors des campagnes
de promotion.
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Nutrifaso, l’innovation au service de la tradition
Le secteur informel a développé au Burkina Faso une tradition de production et vente de bouillies fermentées
à base de mil. Ces bouillies, localement appelées Ben-saalga, sont préparées par les femmes dans les quartiers
et vendues le plus souvent devant leurs concessions. Consommées par tous au petit déjeuner, elles sont aussi
données aux enfants comme aliment de complément au lait maternel. Dans le cadre d’un programme de
recherche international (Cerefer) financé par l’Union Européenne et coordonné par l’IRD, les nutritionnistes
de l’UR Nalis ont mis au point de 2002 à 2007, des procédés de fabrication améliorées permettant de produire
des bouillies, dénommées Ben-songo, pouvant bénéficier de la notoriété des bouillies Ben-saalga mais ayant
toutes les qualités nutritionnelles, hygiéniques et organoleptiques requises.
A partir de 2006, Nutrifaso a mis en place une opération pilote auprès de deux productrices pour tester la
transférabilité des procédés mis au point et les possibilités de commercialiser les bouillies Ben-songo. Des
actions de promotion ont été engagées, grâce auxquelles les productrices ont pu augmenter leurs ventes. La
bouillie Ben-Songo est très appréciée des consommateurs et reste bon marché à coté des farines infantiles
produites localement. Cependant son prix plus élevé que la bouillie fermentée traditionnelle reste un frein à
une consommation quotidienne dans bon nombre de familles des quartiers populaires.
Une étude, encore en cours d’interprétation, a été menée pour comparer les quantités de bouillies traditionnelles
et améliorées, fermentées et non fermentées que les enfants sont capables d’ingérer en un repas.
Nutrifaso, une démarche de qualité
Fasonorm, l’organisme national de normalisation, a entamé une démarche de normalisation des farines
infantiles. La collaboration engagée avec Fasonorm a permis à Nutrifaso de contribuer à la définition de ces
normes de qualité.
Les entreprises partenaires de Nutrifaso étant demandeuses d’un label de qualité leur permettant de mettre en
valeur leur produit auprès des consommateurs, un cahier des charges a été mis au point et leur a été proposé.
Auteurs :
Serge Trèche
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