dossier d`accompagnement au spectacle Nous sommes repus mais
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dossier d`accompagnement au spectacle Nous sommes repus mais
Nous sommes repus mais pas repentis (Déjeuner chez Wittgenstein) de Thomas Bernhard Conception Séverine Chavrier 13-29 mai 2016 / Berthier 17e Dossier d'accompagnement Horaires du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h Relâche les lundis Ateliers Berthier 17e 1 Rue André Suarès (angle boulevard Berthier) Métro (ligne 13) RER C Porte de Clichy Bus PC3, 138,173, 54,74, N15, N51 Service du développement des publics Public de l’enseignement, Clémence Bordier 01 44 85 40 39 [email protected] Coralba Marrocco 01 44 85 41 18 [email protected] Nous sommes repus mais pas repentis (Déjeuner chez Wittgenstein) 13 – 29 Mai 2016 Conception Séverine Chavrier Scénographie Benjamin Hautin Dramaturgie Benjamin Chavrier Lumière Patrick Riou Son Frédéric Morier Vidéo Jérôme Vernez Assistanat à la mise en scène Maëlle Dequiedt Assistanat Scénographie Louise Sari Construction du décor Atelier du Théâtre de Vidy avec Marie Bos, Séverine Chavrier, Laurent Papot Et la participation en alternance des élèves du CRR – Conservatoire à Rayonnement Régional : Alma Bettencourt — piano, Maya Devane — violoncelle, Pierre Cornu-Deyme — flûte traversière Juliette Benveniste — piano, Piermattia Severin — violon, Maïwen Levy — violoncelle Isadora Hossenlop — piano, Zoé Moreau — violoncelle, Yan Maratka — clarinette Production Théâtre de Vidy – Compagnie La Sérénade Interrompue Coproduction Odéon Théâtre de l’Europe – CDN Besançon Franche-Comté Avec le soutien de la SPEDIDAM Pro Helvetia - Fondation suisse pour la culture DRAC- Île de France Haute Ecole de Musique et Conservatoire de Lausanne Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard (traduction de Michel Nebenzahl) est publié chez l'Arche Editeur, agent théâtral du texte représenté créé le 9 mars 2016 au Théâtre de Vidy La compagnie La Sérénade interrompue est conventionnée par la DRAC Ile-de-France Séverine Chavrier développe une résidence de territoire à Herblay pour une durée de trois ans avec le soutien de la Ville d'Herblay, la DRAC Ile-de-France, le Conseil départemental du Val d'Oise et le Festival Théâtral du Val d'Oise Introduction au spectacle ..................................................................................................................... 4 1-Héritage ............................................................................................................................................ 6 1.2- « Vienne : splendeur et misère», extrait d'une note d'intention de Séverine Chavrier : ........... 6 1.3- « Nous sommes autrichiens, nous sommes apathiques », par Thomas Bernhard..................... 6 2-Soliloque « contre l’abrutissement » ................................................................................................ 8 2.1- « Un repas à coups de marteau » par Séverine Chavrier ......................................................... 8 2.2 Extrait de Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard ..................................................... 8 2.3 Extraits de Remarques mêlées de Ludwig Wittgenstein ............................................................ 9 3-Lutter pour survivre : ...................................................................................................................... 10 3.1 « Soliloque, colère et autodestruction » par Séverine Chavrier ............................................... 10 3.2 Extrait de Déjeuner chez Wittgenstein ..................................................................................... 11 3.3 Extrait 3 jours de Thomas Bernhard ........................................................................................ 12 3.4 « Se sauver » entretien avec Jean-Marie Winkler par Laure Hémain .................................... 13 4-L'ostracisme familial ...................................................................................................................... 14 4.1 « Un sol de vaisselle cassée » par Séverine Chavrier .............................................................. 14 4.2 Extrait Déjeuner chez Wittgenstein .......................................................................................... 15 4.3 « On ne mange pas seul », entretien avec Claude Fischler ...................................................... 16 Annexes, Biographies de Séverine Chavrier et de Thomas Bernhard ............................................... 19 Thomas Bernhard ........................................................................................................................... 19 Séverine Chavrier........................................................................................................................... 21 Introduction au spectacle Voss, penseur infirme, neurasthénique et puéril, sort de sa maison de repos pour s’enfermer dans la maison de ses parents et y jouer les tyrans domestiques aux dépens de ses deux sœurs actrices, Ritter et Dene, condamnées à un étouffement de la chair «à perpétuité». Ostracisme familial sur fond de vaisselle brisée... Ritter, Dene, Voss, sont aussi les véritables noms des trois comédiens qui créèrent l’œuvre traduite sous le titre de Déjeuner chez Wittgenstein – un trio d’«acteurs intelligents» que Thomas Bernhard admirait suffisamment pour leur dédier sa pièce en la baptisant de leurs noms. Alors, pourquoi «Wittgenstein» ? Parce que Bernhard a non seulement nommé le philosophe dans une note liminaire, mais parsemé les répliques d’allusions précises et ironiques à son célèbre compatriote, rejeton d’une illustre famille viennoise, qui enseigna à Cambridge avant de partir vivre en Norvège, loin de tous, dans une cabane en rondins. Cela étant, dans le corps du texte proprement dit, l’auteur du Tractatus Logico-Philosophicus est devenu Ludwig Worringer, patient distingué du docteur Frege... Alors, Voss incarne-t-il l’un des fondateurs de l’empirisme logique, ou un maniaque qui ne supporte de porter que des caleçons de coton grossier et de fabrication suisse ? Est-il génial, sénile, l’un et l’autre, l’un par l’autre ? Ou un totem de plus qu’il faut saisir à deux mains pour fracasser toutes les autres idoles culturelles à la ronde, comme autant de porcelaines fines dans ce «repas à coups de marteau» ? Metteure en scène, pianiste et comédienne, Séverine Chavrier pratique un théâtre nourri des multiples facettes de sa personnalité : le corps, la musique, la vidéo, la parole. Toutes sont convoquées à ce Déjeuner chez Wittgenstein, ici librement agrémenté d’extraits d’autres œuvres : Le Naufragé, Maîtres anciens, Un Souffle, Mes Prix littéraires ou encore Des Arbres à abattre, dont elle a tiré ce qu’elle appelle plaisamment «des monologues d’ontologie». Elle s’est mise à l’écoute de la voix si singulière de Bernhard, obstinée, insistante, exagérant toujours pour mieux dénoncer, sur fond d’horreur à l’autrichienne, la persistance plus ou moins camouflée des tentations fascisantes de la vieille Europe. Pratiquant une «culture en acte qui s’affirme et s’infirme», travaillant pour et contre sa propre tradition, au creux de «l’écart entre Schubert et Hitler», l’imprécateur viennois ne s’est jamais lassé de gratter la plaie, voire de «mettre les doigts dedans» pour la remettre à vif, afin que jamais les traces de l’Histoire ne cicatrisent, sans laisser le moindre répit ni à lui-même ni à son public. Aucune catharsis n’est à espérer dans ce jeu de massacre «où il ne s’agit pas de recoller les morceaux mais bien de les briser encore», entre mise en scène de soi et mise à l’épreuve de l’autre, avec une véhémence noire qui n’exclut pas l’humour. 4 Séverine Chavrier s’est passionnée pour cette rage d’artiste «terriblement vivante» qui prend le risque de l’autodestruction. De cette rencontre avec Bernhard, elle espère voir surgir ce qu’il appelait «un théâtre du corps et de la peur de l’esprit», se nourrissant de l’énergie du saccage et de la provocation pour parvenir à la grande santé : des éclats d’un théâtre dans tous ses états, «dans le théâtre, sur le théâtre, contre le théâtre, sous le théâtre». Présentation du spectacle, disponible sur le site de l'Odéon, http://www.theatre-odeon.eu/fr/2015-2016/spectacles/nous-sommes-repus-mais-pasrepentis 5 1-Héritage 1.2- « Vienne : splendeur et misère», extrait d'une note d'intention de Séverine Chavrier : Cette obstination, présente dans toute l’œuvre de Bernhard, à dénoncer la persistance et le camouflage des réflexes et des tentations fascisantes, tout comme des traumas liés l’histoire sanglante du XXème siècle, en Europe et d’une manière toute particulière en Autriche, sera notre ligne de fuite dans le travail et la recherche. C’est que dans toutes ses pièces Bernhard travaille une culture en acte, qui s’affirme et s’infirme en un même mouvement d’interrogation sur elle-même, pensant et pansant la tradition et la rupture, la splendeur passée et la folle violence, l’écart entre Schubert et Hitler : «comment écouter Beethoven sans penser au procès de Nüremberg» (Place des Héros). Dans les attaques particulièrement viscérales de Bernhard à l’encontre de son pays et de ses institutions, cette lutte verbale ne s’inscrit pourtant dans aucun mouvement plus global que celui d’une voix solitaire, qui butte et s’obstine, soutenue par la seule rage inextinguible de l’artiste, jusqu’au risque de son autodestruction. Vienne: splendeur et misère. Il met les mains dedans et assume l’absurdité d’un tel héritage en vociférant près de Steinhof au bord de la folie, avec la fragilité et la force de l’infirme. Sa langue articule «des blessures et des traumatismes s’ouvrant dans une litanie de rappels et je dis bien de rappels non de souvenirs». Séverine Chavrier, «Pistes dramaturgiques » in dossier de présentation du spectacle, Nous sommes repus mais pas repentis réalisé par Le théâtre Vidy Lausanne. 1.3- « Nous sommes autrichiens, nous sommes apathiques », par Thomas Bernhard Cette « obstination à dénoncer la persistance et le camouflage des réflexes et des tentations fascisantes » de Thomas Bernhard, s'est notamment illustrée dans ses discours, en particulier celui qu'il a prononcé lors de la remise du Prix National Autrichien, le 22 mars 1968. Monsieur le Ministre, Vous tous qui êtes ici présents, 6 Il n’y a rien à exalter, rien à condamner, rien à accuser, mais il y a bien des choses risibles ; tout est risible quand on pense à la mort. On traverse la vie, on en reçoit des impressions, on n’en reçoit pas d’impression, on traverse la scène, tout est interchangeable, on reçoit une formation plus ou moins bonne dans le magasin des accessoires : quelle erreur ! On comprend un peuple qui ne se doute de rien, un beau pays – ce sont des pères morts ou consciencieusement sans conscience, des hommes avec la simplicité et la bassesse, la pauvreté de leurs besoins. Tout est pré-histoire hautement philosophique et insupportable. Les siècles sont pauvres d’esprit, le démonique en nous est la perpétuelle prison du pays des pères où les composantes de la bêtise et de la brutalité la plus intransigeante se sont faite quotidienne nécessité. L’État est une structure condamnée en permanence à l’échec, le peuple une structure condamnée sans cesse à l’infamie et à la faiblesse d’esprit. La vie est désespoir auquel s’appuient les philosophies, dans lesquelles tout, finalement, est promis à la démence. Nous sommes autrichiens, nous sommes apathiques ; nous sommes la vie, la vie comme indifférence, vulgairement partagée, à la vie ; nous sommes, dans le processus de la nature, la folie des grandeurs, le sens de la folie des grandeurs comme avenir. Nous n’avons rien à dire, sinon que nous sommes pitoyables, que nous avons succombé par imagination à une monotonie philosophico-économico-mécanique. Instrument de la décadence, créature de l’agonie, tout s’éclaire à nous, nous ne comprenons rien. Nous peuplons un traumatisme, nous avons peur, nous avons bien le droit d’avoir peur, nous voyons déjà, bien qu’indistinctement, à l’arrière-plan, les géants de l’angoisse. Ce que nous pensons a déjà été pensé, ce que nous ressentons est chaotique, ce que nous sommes est obscur. Nous n’avons pas à avoir honte, mais nous ne sommes rien non plus et nous ne méritons que le chaos. Je remercie, en mon nom personnel et au nom de ceux que l’on distingue aujourd’hui avec moi, ce jury, et très expressément tous ceux qui sont ici présents. Thomas Bernhard In Ténèbres. Textes, discours, entretien, sous la direction de Claude Porcell, Éditions Maurice Nadeau, Paris, 1986, p. 43-44. 7 2-Soliloque « contre l’abrutissement » 2.1-« Un repas à coups de marteau » par Séverine Chavrier Voss soliloque «contre l’abrutissement» et interroge une culture en procès qui, avec son poids peut nous sauver et nous écraser tout à la fois. Comme il le faisait déjà ouvertement dans sa pièce Les Célèbres les héros bernhardiens peuvent être aux prises avec leurs idoles et passer d’une génération initiale à un carnage final. Il y a une dénonciation forte de nos sociétés occidentales écrasées par le poids de la culture muséifiée et panthéonique dont elles se servent comme expiation à leur médiocrité et à leur vide spirituel. En bataillant avec la problématique toute germanique du sublime, Voss reprend à son compte cette exigence folle jusqu’à l’absurde de mener une œuvre solitaire et visionnaire. L’occasion de faire parler Bernhard d’art, de musique, de théâtre, de peinture et donc de quelques amis morts, «fantômes, compagnons d’infortune». Et puisque c’est au théâtre que peut le mieux être convoqué «ce dialogue incessant avec les morts», le plateau pourra être le lieu d’un crépuscule des idoles, dans cet examen de conscience toujours recommencé entre admiration et mise au banc, entre vitalité et morbidité de nos panthéons. Bataillant à la fois contre et avec ce poids énorme d’une culture cosmopolite et vivace (la culture germano austro-hongroise de l’avant-guerre), Bernhard a écrit des soliloques d’ontologie dans ses romans. Il s’agira d’en extraire quelques-uns pour que quelque chose se dise, peut-être du théâtre tel qu’il nous travaille aujourd’hui, de la musique, telle que tout musicien l’aime profondément et la hait tout autant. Avec cette ambivalence qui dit à la fois la passion et l’impossible de l’absolu. Séverine Chavrier, «Pistes dramaturgiques » op.cit. 2.2 Extrait de Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard VOSS- [...] Nous abandonnons tout presque quand l'instrument que nous avons appris nous l'abandonnons Faire du théâtre c'est quand même un art abject jouer d'un instrument c'est tout autre chose dès qu'un acteur parle j'ai constamment le sentiment que le monde est vulgaire tout autre chose quand un altiste joue de l'alto et seulement le piano aussi d'après moi à condition qu'on sache en jouer naturellement 8 Thomas Bernhard, Déjeuner chez Wittgenstein traduit de l'allemand par Michel Nebenzahl, L'Arche, p. 98 2.3 Extraits de Remarques mêlées de Ludwig Wittgenstein La pensée Thomas Bernhard et celle Ludwig Wittgenstein se rejoignent à plusieurs endroits. Tous deux parlent beaucoup, dans leurs écrits, d'art et en particulier de musique. Extraits de Remarques mêlées du philosophe autrichien. La musique semble à beaucoup un art primitif, à cause du petit nombre de ses sons et de ses rythmes. Mais c'est seulement sa surface qui est simple, tandis que ce qui fait son corps, ce qui rend possible l'interprétation de son contenu manifeste, possède toute l'infinie complexité que nous trouvons suggérée dans les autres arts et que la musique passe sous silence. Elle est dans un certain sens le plus raffiné de tous les arts 1. Lorsque j'imagine un morceau de musique (ce que je fais tous les jours, et plusieurs fois par jour), je frotte mes dents de dessus et celles de dessous les unes contre les autres – et cela toujours, je crois bien – en suivant le rythme. Je m'en suis rendu compte il y a déjà longtemps, mais la plupart du temps cela se produit de façon totalement inconsciente. C'est comme si les sons que j'imagine étaient produits par ce mouvement. Cette façon d'écouter intérieurement un morceau de musique est, je crois, très répandue. Je puis naturellement aussi m'imaginer un morceau de musique sans bouger les dents, mais alors les sons ont quelque chose de beaucoup plus irréel, beaucoup plus vague, moins prégnant 2. Jouer du piano : danse des doigts humains 3. Telle est mon angoisse d'entendre quelqu'un jouer du piano dans la maison, que lorsque cela se produit et que le bruit vient à cesser, j'ai encore une sorte d'hallucination, comme s'il continuait. Je puis alors l'entendre fort distinctement, bien que je sache qu'il n'est que dans mon imagination 4. Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées, traduit de l'allemand par Gérard Granel, GF Flammarion Ludwig Wittegenstein, Remarques mêlées, traduit de l’allemand par Gérard Granel, GF Flammarion, p. 61 Ibid, p. 85 3 Ibid p. 97 4 Ibid p. 132 1 2 9 3-Lutter pour survivre : 3.1 « Soliloque, colère et autodestruction » par Séverine Chavrier A travers la figure croquée du philosophe autrichien, fossoyeur de la langue, inventeur de la «sprachlösigkeit» (nom donné à la grande guerre par les allemands), tout comme avec Emmanuel Kant, Bernhard met en scène avec violence et burlesque un trio familial autour d’un personnage central neurasthénique et puéril, tyrannique, tantôt irritant, tantôt sympathique, toujours excessif qui remplit en creux, par la négative, l’exception dont on le traque. Affublé de quelques détails, légendes biographiques et raccourcis loufoques (Wittgenstein est sous la protection du docteur Frege, autre logicien fameux), c’est cette figure de l’artiste en infirme que Bernhard travaille encore ici, se donnant tout à la fois dans un isolement désiré et une exhibition de soi, dans une misanthropie tout autant destructrice que salvatrice, aux limites de la folie. Voss est aux prises avec la vacuité dans ce repas familial dont le «ce dont on ne peut parler il faut le taire» de Wittgenstein pourrait faire office de programme. Jouant de manies, d’obsessions, de certitudes et de superstitions dans des raccourcis de cause à effet qui disent la tyrannie d’une intelligence qui tourne à vide, dans des torsions intellectuelles qui par l’exagération et la mauvaise foi de la langue familiale donnent à des provocations l’acuité d’une vérité, par des chemins qui ne mènent nulle part, Voss, «contre l’abrutissement», tyrannise ses deux soeurs, condamnées à un étouffement de la chair «à perpétuité». Les deux personnages féminins, emblématiques des femmes bernhardiennes, sont aux prises avec un immobilisme et un véritable étouffement de la chair qui aboutit à diverses manies, déviances, violences cachées. Le plateau et son off (ou le noir-plateau de la nuit) devra porter la trace de ces rêves avortés, déçus, de promesses douloureusement niées. La mise en scène de ces deux soeurs esclavagisées par la tyrannie d’un seul donne à l’intime familiale mauvaise foi et cruauté, et pointe cet ostracisme comme terreau pour la naissance de la folie mais aussi pour toute résurgence du mal. C’est par des sorties de pistes, comme le texte s’en autorise, que la mise en scène s’attachera à remuer ce terreau puant de regrets et de terreurs mêlées, avec notamment ce procédé de caméra infra-rouge, nous donnant à voir ce qui se passe dans la nuit du plateau (déjà utilisé dans Les Palmiers sauvages). Séverine Chavrier, «Pistes dramaturgiques », op. Cit. 10 3.2 Extrait de Déjeuner chez Wittgenstein VOSS Nous avons notre maladie mortelle et savons que c'est d'elle que nous mourrons ce processus de mort nous pouvons l'accélérer l'enrayer le traîner en longueur si nous voulons mais nous savons naturellement que tout cela n'est qu'une question de peu de temps et nous nous disons au moins développer encore cette pensée rejeter celle-là écrire cette ligne terminer ce chapitre là se trouve notre plus grand plaisir c'est pour cela que nous existons encore pour aucune autre raison hors de celle que nous pensons et que ce que nous pensons nous y tenons ferme autant qu'il nous est possible rien ne nous intéresse plus je veux dire ma pensée et moi DENE lui sert encore un morceau de viande sur l'assiette et verse de la sauce dessus VOSS Nous ne sommes pas allés en Angleterre pour un voyage d'agrément mais parce que nous voulions renouveler notre pensée substituer à l'éventé l'invention d'une totale nouveauté je ne suis pas allé à Cambrigde pour faire le Docteur anglais pas pour quelque chose d'aussi ridicule mais parce que j'y ai vu une chance d'aller plus loin dans ma pensée que cela ne m'avait pas été possible jusqu'alors Tous les liens avec la famille etcetera brisés dans ce seul but Nous ne pouvons pas penser 11 tant que nous sommes liés à des êtres humains et à leurs besoins Ce qui ne veut pas dire que les êtres humains ne nous intéresse pas au contraire parce que nous avons tout concentré sur eux avec la plus grande des intensités nous devons nous libérer d'eux Thomas Bernhard Déjeuner chez Wittgenstein, op. Cit. p. 88-89 3.3 Extrait 3 jours de Thomas Bernhard La pensée du personnage Voss entre en résonance avec celle de Thomas Bernhard, que l'on retrouve dans son texte 3 jours, qui résulte d'une longue interview que l'auteur autrichien a accordé pour un film. Se faire comprendre est impossible, ça n’existe pas. La solitude, l’isolement deviennent un isolement encore plus grand, une solitude encore plus grande. On finit par changer de cadre à intervalles toujours plus rapprochés. On croit que des villes toujours plus grandes – la petite ville ne vous suffit plus, Vienne ne suffit plus, Londres même ne suffit plus. Il faut aller sur un autre continent, on essaie de pénétrer ici et là, les langues étrangères – Bruxelles peut-être? Rome peut-être? Et là on va partout et on est toujours seul avec soi-même et avec son travail toujours plus abominable. On revient à la campagne, on se retire dans une ferme, on verrouille les portes, comme moi – et c’est souvent pendant des jours – on reste enfermé et de l’autre côté la seule joie et le plaisir toujours plus grand est alors le travail. Ce sont les phrases, les mots que l’on construit. En fait, c’est comme un jouet, on met les cubes les uns sur les autres, c’est un processus musical. Quand on a atteint une certaine hauteur, au quatrième, cinquième étage – on arrive à construire cela – on voit la réalité de l’ensemble et on démolit tout comme un enfant. Mais alors qu’on croit qu’on en est débarrassé, il y a déjà une autre de ces tumeurs, que l’on reconnaît comme un nouveau travail, un nouveau livre, qui vous pousse quelque part sur le corps et qui ne cesse de grossir. En fait un de ces livres n’est rien d’autre qu’une tumeur maligne, une tumeur cancéreuse ? On opère pour enlever et on sait naturellement très bien que les métastases ont déjà infesté le corps tout entier et qu’il n’y a plus de salut. Et cela devient naturellement toujours pire et toujours plus fort, et il n’y aucun salut ni aucun retour en arrière. Thomas Bernhard, Trois jours (1970), in Récits 1971-1982, texte français Claude Porcell, coll. “Quarto”, Gallimard, Paris, 2007 12 3.4 « Se sauver » Professeur à l'université de Rouen, Jean Marie Winkler a travaillé sur Thomas Bernhard. Dans un entretien, il évoque l'un des thèmes récurrents de son œuvre : l'échec. L. H. : Le thème de l’échec, ou l’aveu d’impuissance dans l’écriture, est un thème récurrent du théâtre et de la prose de Thomas Bernhard, comment l’analysez-vous ? J.-M.W. : Le thème de l’échec est double. Tous les personnages de ses romans, et cela vaut aussi pour son théâtre, luttent : ils luttent pour leur survie. Et ce n’est pas qu’une survie matérielle, c’est aussi une survie de l’esprit, intellectuelle, un moyen de survivre : c’est-à-dire de ne pas mourir, ne pas se tuer, d’accomplir quelque chose. D’un côté, il y a les scientifiques, qui se réfugient dans un travail que nous appellerons les « sciences dures » (sciences de la nature, mathématiques, etc.), et la science est un des moyens de se sauver. De l’autre côté, il y a les artistes, qui représentent l’autre possibilité de se sauver : l’oeuvre d’art, sa réalisation, serait un moyen de surmonter l’échec (dans la mesure où toute vie, où le fait d’exister est échec). Entre les scientifiques et les artistes, on trouve enfin les penseurs, qui sont à la fois des artistes et des scientifiques, puisque la philosophie est une science. Or, si on lit bien les grands romans de Bernhard, on aperçoit que les personnages, tendus vers le projet d’accomplissement d’une oeuvre, n’y parviennent pourtant pas. Jean-Marie Winkler Entretien avec Laure Hémain, enregistré mars 2007, consultable sur la revue électronique n°9, consacré à Thomas Bernhard, consultable sur le site de la Colline. 13 4-L'ostracisme familial : 4.1 « Un sol de vaisselle cassée » par Séverine Chavrier : Nous sommes repus mais pas repentis Sur un sol de vaisselle cassée, l’ostracisme familial doit se déployer avec calme et rancune accumulée, tension et déchirements subis. Il ne s’agit pas de «recoller les morceaux» mais bien de les briser encore avec application, de remettre ses pas dans les anciens, dans un éternel retour du même car aucune catharsis n’est possible dans le cercle clos de la famille, dans cet entre-soi fatal. De la «table ronde» toujours rectiligne à la tablée familiale, comment ce repas, initiale et dernière mise à mort, peut-il être le lieu de tous les traumas, de toutes les résurgences-fulgurances, de toutes les maladies qui guettent encore cette vieille Europe dont le fascisme, le vieillissement, le gâtisme, la paralysie, l’ostracisme, les nouvelles dégénérescences nerveuses ne sont pas les moindres de ses maux dans un tempo qui mènera, on le sait, à la catastrophe. Car à la porte c’est un monde en décomposition, poli et policé, qui dort dont «le ventre est toujours fécond». Comme une chape de plomb, de repas en repas, métaphore et de l’éternel retour du même et d’une dégénérescence silencieuse, le monde bernhardien peut trouver sur un plateau l’enfermement et le glissement des images et des imaginaires nécessaires à sa permanence et à l’écoute de ses alertes-rappels. Scénographie Le travail sur la vaisselle cassée, renversée, ravivée, piétinée autour du repas, de ses temps d’attente, de ses temps morts, de ses temps de paroles sera le sol du trio avec des sorties de pistes pour chacun et cette nuit noire, hantée par la chair et ses fantasmes. Une table-tableau à la Spoerri, pouvant se décrocher pour remanger dans les assiettes sales, un tapis de terre, en train de pourrir, des lumières actionnées au plateau, une accumulation de mobilier vieux et poussiéreux, un mur d’affiches du théâtre qui accueillera ce déjeuner, du mobilier rempli de vaisselle cassée, plusieurs pianos cassés, un violon seront notre horizon de jeu. Séverine Chavrier, «Pistes dramaturgiques », op. Cit. 14 Nous sommes repus mais pas repentis, photo de Samuel Rubio 4.2 Extrait Déjeuner chez Wittgenstein : [Voss] se lève et se dirige vers le portrait du père, se tourne vers les sœurs décontenancées et descend le portrait du père du mur, le tenant devant lui contre son corps, il dit L'instant je le redoutais où j'allais devoir prendre la place là-même où pendant toute l'enfance et la plus grande partie de ma jeunesse j'avais été assis face à mon père Je l'ai toujours haï J'ai souhaité sa mort sa mort n'a pas altéré ma haine il pose le portrait au sol et dit en considérant les autres portraits accrochés aux murs Tout cela des êtres répugnants de qui tout ce que nous avons nous vient Il n'y a aucune raison de reprendre contact avec les morts Nos géniteurs nous ont mal récompensés d'avoir été leurs enfants Nous ne sommes tout de même pas le produit de leur esprit Il s'assied exactement à la place à table en face de celle où il était assis avant qu'il se lève 15 C'est pourtant vrai ce n'est rien d'autre qu'un processus de dérision DENE se lève et lui apporte vaisselle et couvert de la place où il était assis auparavant VOSS pendant que sa sœur lui verse à nouveau la sauce dans son assiette La salle à manger tout le mail est parti d'ici père mère enfants rien que personnages de l'enfer tout ce qui était de quelque valeur a toujours été noyé dans les soupes et dans les sauces une pensée en avais-je un fondée sur des faits en avais-je une d'une réelle valeur la mère la noyait dans sa soupe un sentiment en avais-je un fondé sur des faits en avais-je d'une réelle valeur elle le recouvrait de sa sauce Et le père tolérait sans scrupule ce que ma mère étouffait en moi voilà pourquoi cette salle à manger je l'ai toujours haïe de cette place-ci de la place du père n'ont jamais été prononcés que des arrêts de mort votre sort n'était pas différent mais je n'étais pas aussi rusé que vous je suis plus ou moins toujours tombé avec toute ma raison dans le pièce Les parents n'avaient pas honte même pas la mère avoir honte pourtant eût été un devoir pour elle J'ai dû de fait et de vie la haïr pour pouvoir me sauver Thomas Bernhard Déjeuner chez Wittgenstein, traduit de l'allemand par Michel Nebenzahl, L'Arche, p. 95-97 4.3 « On ne mange pas seul », entretien avec Claude Fischler Pourquoi Thomas Bernhard a-t-il choisi de mettre en scène un philosophe à table ? Quels rapports 16 entre son éducation religieuse et son comportement de convive ? Pourquoi le déjeuner avec ses soeurs prend-il une tournure si bizarre ? Éléments de réponse avec le sociologue Claude Fischler, spécialiste de l'alimentation humaine. Claude Fischler, quelles réflexions la lecture de ce Déjeuner chez Wittgenstein vous a-t-elle inspirées ? Le premier détail qui m'a intrigué en lisant Bernhard, c'est que les Wittgenstein, si je me souviens bien, étaient une tribu assez nombreuse, dont beaucoup de membres se sont suicidés. Leur identité était assez complexe. Du côté du père, ce sont des Juifs convertis au protestantisme luthérien. Mais la mère de Ludwig était catholique, et Ludwig a été baptisé et élevé dans cette religion. Ce qui a son importance. Ce déjeuner est-il un symptôme ? Il est un révélateur, et le point focal de la pièce. Bernhard l'a divisée en trois parties : avant, pendant, et après le déjeuner. Celui-ci est donc au centre de l'oeuvre. Si l'on s'en tient à son déroulement, on peut relever plusieurs écarts, voire des dysfonctionnements, mis en évidence par les didascalies. Par exemple, l'une des soeurs semble resservir inlassablement de la «viande» dans les assiettes, selon un rythme assez peu déchiffrable. Puis elle y déverse de la «sauce», alors même que son frère n'y touche pas. [...] La sauce est donc le signe d'un déréglage, par excès et par défaut ? En effet, ce repas n'a pas de mesure. Il transgresse plusieurs points de la syntaxe commensale. Du côté des soeurs, elles veulent contrôler le repas, mais ne savent pas comment en régler le bon déroulement. Et du côté du frère, les refus vont croissant. D'abord, il mange sans appétit, ne fait pas honneur au repas, violant ainsi l'un des principes fondamentaux de la commensalité. Le don alimentaire est en effet quasiment assimilable à une forme de don de soi, et le contre-don du récipiendaire doit consister à accepter ce don. À l'hospitalité, on répond en principe par la confiance. En espagnol, on dit «mi casa es su casa», en français «vous êtes chez vous» : l'un fait tout pour l'autre, et réciproquement ce dernier se livre, s'engage. Ce qu'on lui offre, il le paie, si je puis dire, de sa personne en l'absorbant. Comme si, en effet, il était chez lui. Mais justement, le protagoniste ne se sent pas chez lui… C'est même l'un de ses refus explicites, et l'une des façons les plus radicales de subvertir le lien de la commensalité. [...] Au moment du dessert, le héros s'étouffe avec les profiteroles, qu'il engloutit avec une sorte de rage suicidaire. Là encore, on passe du vide au trop-plein : soit je ne mange pas ta tambouille, soit je me fais crever avec, et tu auras ma mort sur la conscience. À la racine de la commensalité et de la convivialité, vous avez le même préfixe, le cum latin, l'être-avec. Soit qu'on ne mange rien, soit qu'on ne fasse que cela, on n'entre pas dans le jeu de l'êtreavec, on ne partage pas sa présence avec ses hôtes. La syntaxe, c'est une façon de coordonner, de co-organiser un tel sens de la présence plus ou moins rituellement partagée. Elle est le fait des deux parties, de la puissance invitante, mais aussi de l'invité. 17 Manger, c'est donc toujours manger «avec» ? C'est ce trait qui définit la commensalité. On ne vit pas que de pain. Il y faut des conditions de temps et d'espace. Même quand on mange seul, on s'assied plutôt en tournant le dos au mur. Le refus du foyer n'est-il pas aussi un refus du père ? Il est en effet frappant que le protagoniste insiste pour changer de place et prendre celle du père. On y transporte son couvert. Et c'est à partir du moment où il s'y installe que le déjeuner commence vraiment à dérailler. Autrement dit, c'est bien là qu'il y a un compte à régler. Comme dans Festen. Celui qui devrait être garant de la tradition familiale et culinaire, celui pour qui l'on va essayer de reproduire, respecter, reconduire cette tradition, est précisément celui qui va l'achever en mettant tout par terre. En renversant la table, comme on dit, ou ici en tirant sur la nappe. Les pauvres soeurs ne maîtrisent pas la syntaxe sur laquelle elles comptent tant... Le formalisme est omniprésent, même s'il n'est pas respecté. Bernhard écrit : «manie de géométrie même sur la table de salle à manger»... Ou encore : «Je vais dresser la table comme il aime, comme la mère l'a dressée», et là-dessus, on rectifie la position des couverts. L'ironie est féroce : Ludwig Wittgenstein était un grand penseur de la syntaxe, un spécialiste du formalisme. Et là, toute la formalité est dans les choux ! Il faut dire qu'elles ne connaissent pas trop bien les rails qu'il faudrait suivre. L'une d'elles met un plat creux sur la table, alors qu'il devrait rester en cuisine en attendant d'être garni... Jamais les domestiques ne commettraient un impair pareil. Ce déjeuner fait interférer différentes formes de sabotage commensal : l'involontaire, celui des soeurs, par incompétence ou incapacité, et le volontaire, celui de leur frère – du moins dans la mesure où il est effectivement responsable de ses actes, ce qui est loin d'être sûr. En somme, il n'y aurait pas eu de pièce si elles n'avaient pas donné leur congé aux gens de maison. Les apparences auraient sans doute été beaucoup plus sauves... Claude Flischer, Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, 9 mars 2016 Interview consultable in La lettre n° 20, L'Odéon-théâtre de l'Europe, mai-juin 2016 18 Annexes, Biographies de Séverine Chavrier et de Thomas Bernhard Thomas Bernhard Auteur (1931-1989) L'écrivain autrichien Thomas Bernhard est né le 10 février 1931 à Heerlen aux Pays-Bas, fils illégitime d'un fils de paysan autrichien et de la fille d'un écrivain allemand. Il passe une grande partie de son enfance à Salzbourg auprès de son grand-père maternel. En mars 1938 l'Allemagne nazie annexe l'Autriche. En 1938, sa mère va s'installer en Bavière, c'est l'époque du nazisme triomphant et le début de l'enfer pour Thomas Bernhard. En 1943 son grand-père le place dans un internat à Salzbourg, où il vivra la fin de la guerre. Il suit des cours de violon et de chant, puis étudie la musicologie. En 1947, Thomas Bernhard contracte une pleurésie. Son grand-père meurt en 1949 de tuberculose et sa mère l'année suivante. Atteint lui aussi par la tuberculose, Thomas Bernhard sera soigné en sanatorium, expérience qu'il inscrira dans sa production littéraire. Il voyage à travers l'Europe surtout en Italie et en Yougoslavie. En 1952, il travaille comme chroniqueur judiciaire au journal "Demokratisches Volksblatt". Il étudie, à l'Académie de musique et d'art dramatique de Vienne ainsi qu'au Mozarteum de Salzbourg. Son premier grand roman Gel paraît en 1963, il le fera connaître hors des frontières et obtiendra de nombreux prix. En 1968, à l'occasion de la remise d'un prix littéraire, il provoque les institutions avec un discours attaquant l'Etat, la culture autrichienne et les Autrichiens. De plus en plus Thomas Bernhard se consacre à des œuvres théâtrales. En 1969 il se lie d'amitié avec le régisseur Claus Peymann, qui restera un grand soutien tout au long de sa carrière. En 1970, Une fête pour Boris remporte un grand succès au Théâtre allemand de Hambourg. La même année Thomas Bernhard obtient le prix Georg Büchner, la plus importante récompense littéraire d'Allemagne fédérale. Il écrit un cycle de 5 oeuvres autobiographiques qui paraîtront entre 1975 et 1982 : l'Origine, la Cave, le Souffle, le Froid et Un enfant. En 1976 a lieu à Stuttgart la première de Minetti, portrait de l'acteur vieillissant et joué par Minetti lui-même. Deux ans plus tard Avant la retraite décrit la vieillesse d'un juge allemand célébrant en cachette l'anniversaire de Himmler. En 1985, Le faiseur de théâtre, véritable machine à injures, causera un grand scandale en Autriche : le ministre (socialiste) des finances et futur chancelier disant que "de telles sorties contre l'Autriche 19 comme dans Le faiseur de théâtre ne seront bientôt plus tolérées". Mais c'est avec Heldenplatz, son ultime pièce, que Thomas Bernhard s'attirera le plus d'ennuis. M. Waldheim, devenu chef de l'État autrichien, a cherché par tous les moyens à empêcher sa représentation, mais la direction du Burgertheater et l'auteur en ont triomphé. La place des héros (Heldenplatz), au centre de Vienne, fut le lieu d'un discours de Hitler acclamé par une énorme foule. La pièce s'attaque une fois encore à l'hypocrisie autrichienne, au fanatisme et aux méfaits qui en résultent. Thomas Bernhard meurt trois mois après la première d'Heldenplatz le 12 février 1989 en Haute-Autriche. Dans son testament, il interdit la diffusion et la représentation de ses œuvres en Autriche pour les cinquante prochaines années. A l'Odéon : Auslöschung, d'après le roman Extinction, mise en scène Krystian Lupa, 2002 Ritter, Dene, Voss (Déjeuner chez Wittgenstein), mise en scène Krystian Lupa, 2004 Des arbres à abattre, mise en scène Patrick Pineau, 2006 Biographie disponible sur le site du Théâtre de l'Odéon 20 Séverine Chavrier Mise en scène et jeu De sa formation en lettres et en philosophie à ses études de piano au Conservatoire de Genève et d’analyse musicale en passant par de nombreux stages pratiques sur les planches, elle a gardé un goût prononcé pour le mélange des genres. En tant que comédienne ou musicienne, elle multiplie les compagnonnages avec Rodolphe Burger, François Verret et Jean-Louis Martinelli, tout en dirigeant sa propre compagnie, La Sérénade Interrompue, avec laquelle elle développe une approche singulière de la mise en scène, où le théâtre dialogue avec la musique, l’image et la littérature. Séverine Chavrier construit son expression à partir de toutes sortes de matières : le corps de ses acteurs, le son de son piano préparé, les vidéos qu’elle réalise souvent elle-même. Sans oublier la parole, une parole erratique qu’elle façonne en se plongeant dans l’univers des auteurs qu’elle affectionne. En 2010, sa pièce Epousailles et représailles, d’après Hanokh Levin, reprise au Festival Impatience au Centquatre, dissèque les vicissitudes du couple avec humour, cruauté et humanité. En 2011, elle présente sa création Série B – Ballard J.G., inspirée de l’auteur de science-fiction britannique James Graham Ballard. En 2012, elle crée Plage Ultime au Festival d’Avignon. Elle continue par ailleurs un concert d’improvisation en duo avec Jean-Pierre Drouet qu’ils donnent au Festival d’Avignon, à l’Opéra de Lille et avec Bartabas en juin 2013. A l’automne 2014, Séverine Chavrier monte Les Palmiers sauvages au Théâtre de VidyLausanne, où elle crée Nous sommes repus mais pas repentis en mars 2016 avec la même équipe. Les deux pièces seront présentées à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en mai et juin 2016. En février 2015, elle propose pour le Festival Hors-Série au Théâtre de la Bastille le spectacle Après coups / Projet Un-Femme, pièce chorégraphique recréée en novembre 2015 au Théâtre Roger Barat d’Herblay. La compagnie est conventionnée par la DRAC Ile-de-France de 2016 à 2018. Depuis 2014, Séverine Chavrier développe une résidence de territoire à Herblay pour une durée de trois ans avec le soutien de la Ville d’Herblay, la DRAC Ile-de-France, le Conseil départemental du Val d’Oise et le Festival Théâtral du Val d’Oise. Biographie disponible sur le site Les indépendances http://lesindependances.com/fr/artists/la-serenade-interrompue 21