La Sélection des Risques en Assurances de Personnes

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La Sélection des Risques en Assurances de Personnes
Université Paris 2 Panthéon-Assas
DESS ASSURANCES
2002-2003
La sélection des risques
en assurances de personnes
Mémoire de fin d’année
DESS ASSURANCES
Frédéric THOMAS
Directeur de Mémoire :
Mme Françoise CHAPUISAT
La sélection des risques en assurances de personnes
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La sélection des risques en assurances de personnes
SOMMAIRE
Sommaire...............................................................................................................................3
Remerciements .....................................................................................................................6
Bibliographie.........................................................................................................................7
Introduction générale.................................................................................................... 13
Première partie :
La faculté de sélection des risques pour l’assureur de personnes.. 20
Section 1
Les fondements de la sélection des risques par l’assureur de
personnes ............................................................................................................... 21
§ 1 – Le fondement technique de la sélection des risques ........................ 22
A – Principe technique : l’équilibre de la mutualité....................... 22
B – Mise en œuvre technique : l’évaluation des risques................ 23
C – Aboutissement à une nécessité de sélection des risques ....... 25
§ 2 – Le fondement juridique de la sélection des risques pratiquée par
l’assureur de personnes.................................................................................. 27
A – Théorie juridique ........................................................................ 27
B – Moyens juridiquement admis .................................................... 29
1 – Le questionnaire de risque............................................. 29
2 – Autres moyens d’appréciation du risque à évaluer..... 34
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La sélection des risques en assurances de personnes
Section 2
La nécessité d’éviter la sélection adverse ................................................. 36
§ 1 – La sélection des risques de séropositivité .......................................... 40
A – Les prémices d’un droit bâti par la jurisprudence .................. 41
B – La convention d’assurabilité des personnes séropositives de 1991
.............................................................................................................. 43
§ 2 – La sélection des risques aggravés........................................................ 46
Propos conclusifs ........................................................................................... 48
Seconde partie :
Les limites à la sélection des risques pour l’assureur de personnes50
Section 1
Les limites à la sélection des risques en assurance « prévoyance »52
§ 1 – La sélection collective du risque ......................................................... 53
§ 2 – La sélection individuelle du risque en assurance collective............. 54
A – L’ « institution » des contrats de prévoyance à adhésion
obligatoire ........................................................................................... 54
B – Les effets attachés à cette institution ....................................... 56
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La sélection des risques en assurances de personnes
Section 2
Les limites à la sélection des risques en assurance de personnes en
général : l’assurance soumise à l’éthique ................................................. 62
§ 1 – L’interdiction faite aux assureurs de tirer profit des données issues de la
génétique individuelle..................................................................................... 64
A – La génétique, un moyen de sélection des risques inacceptable du
point de vue éthique .......................................................................... 65
B – L’interdiction juridique de l’utilisation des tests génétiques en
sélection des risques........................................................................... 70
1 – Au niveau international.................................................. 70
a – Au niveau du Conseil de l’Europe
b – Au niveau des Nations Unies
c – Au niveau du Parlement Européen
d – Portée de ces contributions internationales
2 – En France, au niveau professionnel ............................. 73
3 – L’intervention du législateur français ........................... 74
§2 – Le secret médical, un droit absolu de l’assuré même lors de la sélection
des risques ....................................................................................................... 76
A – Le secret médical lors de la phase de sélection des risques .. 79
B – L’incidence du secret médical sur la sélection des risques lors de
la réalisation du sinistre ..................................................................... 80
Conclusion générale ...................................................................................................... 86
Annexes .............................................................................................................................. 90
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La sélection des risques en assurances de personnes
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur le Professeur LEVENEUR ainsi
que Madame CHAPUISAT de m’avoir permis d’effectuer ce DESS Assurance.
Cette formation m’aura permis d’acquérir une technique juridique adaptée au monde de
l’assurance ainsi qu’une expérience particulièrement appréciable.
Je souhaite témoigner de ma reconnaissance à toute l’équipe d’ALBINGIA qui m’a
apporté son aide, sa motivation et sa bonne humeur.
Je tiens en particulier à remercier Madame Marie-France PEZENNEC d’ALBINGIA
ainsi que Monsieur Jérôme DULON d’AVENTIS qui m’ont aidé dans mes recherches.
Mes remerciements s’adressent également à ma famille ainsi qu’à mes amis du DESS
sans les qualités humaines desquels cette expérience ne se serait pas déroulée dans
d’aussi bonnes conditions.
Frédéric THOMAS
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La sélection des risques en assurances de personnes
BIBLIOGRAPHIE
I. Généralités sur la sélection des risques
Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, séminaire « Prévention et Assurance ».
LAMY Assurances 2003, Editions Lamy.
Ch. GIGNOUX « Sélection des risques dans les assurances sur la vie », Paris, 1939.
Aventis Pharma « Les répercussions de l’état de santé des patients sur leurs contrats
d’assurances » by Sylvie SUET (online content).
LAITIER Jean Daniel « Les clés de l’assurance vie – Produits et techniques » Editions
SEFI.
MOLARD Julien « Le langage des assurances » Editions Méthodes et Stratégies.
Mémento « Assurances » Editions Francis Lefebvre.
Dictionnaire Permanent « Assurances », v° « Assurance vie individuelle », Editions
Législatives.
Dictionnaire Permanent « Assurances », v° « Contrats emprunteurs », Editions
Législatives.
FFSA « Comprendre l’assurance vie » (internet content)
FFSA « Recommandations de la FFSA sur les contrats d’assurance vie », 17 décembre
2001.
DELPLANQUE « La sélection des risques – Les surprimes »
CHABANNES Jean-Antoine « Le manuel de l’assurance-vie » Tome 1.
MAYAUX Luc « Ethique et offre d’assurance » rapport au colloque de l’AIEFFA du
27-28 avril 2000, RGDA 2000 n°2 p.453
LAMBERT-FAIVRE Yvonne « Droit des assurances » 11e éd. Dalloz.
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La sélection des risques en assurances de personnes
FFSA « Assurance santé : quelle sélection des risques ? » Les entretiens de l’assurance
2001.
« Ignorance et assurance » colloque de l’AIDA, Bull. Lamy n° 48, février 1999, p. 1.
Cour de cassation « Arrêts de la Cour de cassation ».
KULLMANN Jérôme « note sous arrêt Cass. Civ. 1e 8 juillet 1994 Calvez c/ AGF »,
RGAT 1994 n° 4, p. 1089.
II. Anti-sélection, séropositivité, SIDA et risques aggravés
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité « Rôle de l’assurance privée dans la prise en
charge de la dépendance ».
Comité Consultatif National d’Ethique, « Avis sur les problèmes éthiques posés par la
lutte contre la diffusion de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH) », Rapport n° 14, 16 décembre 1988.
Etienne DE DARDEL « Les risques aggravés en assurance sur la vie » Editions
L’Argus 1952.
« Assurabilité des risques aggravés », SCOR Regards n°1, janvier 2002.
« VIH et couverture d’assurance », SCOR Newsletter Technique Vie n°1, janvier 2002.
« Alcoolisme et assurance de personnes », SCOR Newsletter Technique Vie n°3, mars
2002.
« Fumeurs / Non-fumeurs – Construction d’un tarif segmenté », SCOR Newsletter
Technique Vie n°5, juin 2002.
« Les incidences des attentats du 11 septembre 2001 sur les pratiques en assurances de
personnes », SCOR Newsletter Technique Vie n°6, septembre 2002.
« Sportifs professionnels – Evaluation et couverture du risque », SCOR Newsletter
Technique Vie n°11, mars 2003.
LACAN Arnaud « La mutualité d’assurances : une gestion sociale du risque »,
Deuxièmes rencontres inter-universitaires de l’Economie sociale et solidaire, février
2002.
Conseil National du SIDA, Communiqué de presse sur l’avis « Assurance et VIH », 5
octobre 1999.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Conseil National du SIDA, Rapport « Assurance et VIH/SIDA – Pour une assurabilité
élargie des personnes et une confidentialité renforcée des données de santé » 20
septembre 1999.
BALLOUHEY Bénédicte « Les séropositifs sont-ils juridiquement malades ? » note
sous arrêt Cass. Civ. 1e 7 oct. 1998. Les Petites Affiches 24 mars 1999 n°59.
Convention « visant à améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes
présentant un risque de santé aggravé » du 19 septembre 2001.
Comité présidé par M. Jean-Michel BELORGEY Conseiller d’Etat « Réflexions sur
l’assurabilité », mai 2000, Publ. Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.
BARDEY, COUFFINHAL et GRIGNON « Le risque moral ex post en santé est-il
néfaste ? » Documents de travail CREDES, février 2002.
III. Assurance prévoyance
CHABANNES Jean-Antoine « Le manuel de l’assurance-vie » Tome 2 (Les assurances
collectives, les assurances complémentaires).
GROUTEL Hubert « Les assureurs et le titre 1er de la loi du 31 décembre 1989 sur la
prévoyance complémentaire », RCA mars 1990.
Loi « Evin » n° 89-1009 du 31 décembre 1989 « renforçant les garanties offertes aux
personnes assurées contre certains risques ».
DE SENGA « note sous Cass. Civ. 1e 13 février 2001 » Droit Ouvrier août 2001, p. 360.
FONLLADOSA Laetitia « note sous Cass. Civ. 1e 13 février 2001 » RGDA 2001 n°2 p.
373.
MARCHAND Anne « Aléa et sélection du risque dans un contrat collectif de
prévoyance à adhésion obligatoire » Bull. Lamy n° 44, octobre 1998. p. 1.
KULLMANN Jérôme « note sous arrêt Cass. Civ. 1e 7 juillet 1998 Euralliance c/
Benaïm et société Latour », RGDA 1998 n°4, p. 748.
« L’assurance de groupe après les réformes législatives du 31 décembre 1989 », RGAT
1990 n°4, v° Etendue des garanties et sélection des risques (p. 781).
LAIGRE Philippe « La loi prévoyance » Droit Social 1990, n°4, avril 1990, p. 370.
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La sélection des risques en assurances de personnes
GARNIER DELAMARE « Dictionnaire des termes de médecine » Editions Maloine.
IV. Génétique
FFSA « Etude génétique des caractéristiques d’une personne – L’engagement des
assureurs de la FFSA », 31 mars 1994.
KAHN Axel « Génétique et médecine de prévision : connaissance, destinée et liberté »,
Espace Ethique La lettre n° 13-14 Eté-automne 2000, p. 79-81.
HERMITTE M-A « L’utilisation des tests génétiques par les assureurs » Centre de
recherche en droit privé de l’Université de Paris I, février 2000.
MAURON Alexandre « Médecine prédictive et destinées individuelles : la tension entre
équité actuarielle et justice sociale », Journal international de Bioéthique 1996 vol. 7 n°4
p.304.
BOULIONG Emilie « Tests génétiques et assurances : analyse des éléments du débat
social entourant cette pratique et son futur développement » DEA d’éthique médicale.
Comité Consultatif National d’Ethique « Avis sur l’application des tests génétiques aux
études individuelles, études familiales et études de population » Rapport n° 25, 24 juin
1991.
Bionet.org « Qui possède vos gènes ? Application : Assurance-vie », article (internet
content).
WEBSTER Andrew & others « Human genetics : an inventory of new and potential
developments in human genetics and their possible uses » STOA final study, European
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Espace éthique La lettre, hors série n°2, 2000, p.38.
MARTIN Jean « Le droit de tirer profit de ses caractéristiques personnelles, notamment
génétiques, est-il illimité ? » Journal international de bioéthique vol. 7 n° 4 p. 296.
DORSNER-DOLIVET Annick « La divulgation des résultats des tests génétiques »
Revue Générale de Droit Médical 2002, n°8, p. 47.
Comité Consultatif National d’Ethique, Rapport « Avis et recommandations sur
Génétique et Médecine : de la prédiction à la prévention » n° 46, 30 octobre 1995.
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La sélection des risques en assurances de personnes
DOS SANTOS PINTO SERRÃO Daniel, contribution aux Auditions de la
Commission temporaire « Génétique humaine et autres nouvelles technologies de la
médecine moderne », European Parliament, Audition du 26 mars 2001, Doc n°
DV/435214FR et DV/435446FR.
REUTER Lars, contribution aux Auditions de la Commission temporaire « Génétique
humaine et autres nouvelles technologies de la médecine moderne », European
Parliament, Audition du 15 mai 2001.
MAURON Alexandre, contribution aux Auditions de la Commission temporaire
« Génétique humaine et autres nouvelles technologies de la médecine moderne »,
European Parliament, Audition du 26 mars 2001, Doc n° DV/434777FR.
V. Secret Médical
FONLLADOSA Laetitia « La preuve d’une exclusion de garantie anéantie par le secret
médical » note des arrêts Cass. Civ. 1e 6 janvier 1998 n° 95-19.902 et 96-16.721, Bull.
Lamy n° 39 avril 1998 p. 1.
Me DURRIEU-DIEBOLT « Les droits et obligations du médecin » Base de données
Sos-net (internet content).
Ordre National des Médecins « Commentaires du code de déontologie médicale »
(internet content, ordmed.org).
« Rapport de la Cour de cassation pour 1999 » v° « Fausse déclaration du risque et
secret médical », Bull. Lamy n° 63, juin 2000. p.1.
ESPER Claudine « Le secret médical : le principe » v° Textes. Publ. Université Paris 5
(internet content).
HIPPOCRATE « Connaître, soigner, aimer – Le Serment et autres textes » Collection
Points, Editions du Seuil.
« Code de déontologie médicale » Publ. Journaux officiels, 2000.
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La sélection des risques
en assurances de personnes
DESS ASSURANCE
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La sélection des risques en assurances de personnes
« Moi je ne comprends qu'une chose :
plus faibles sont les risques,
meilleure est l'entreprise ».
Sophocle (Philoctète, in Théâtre complet,
p.223, Éd. Garnier-Flammarion)
Le risque est inhérent à toute activité humaine. L’Homme n’est en effet jamais en
mesure de contrôler totalement les corps qui l’entourent. Cette affirmation s’illustre par
les nombreux développements qui ont pu être versés au débat entourant la théorie du
chaos : cet apparent désordre, cet apparent hasard, ne seraient-il pas en fait l’expression
des limites de la connaissance humaine sur la mécanique de son environnement ?
Force est de constater cependant que ces interrogations de l’Homme relatives à la
survenance des événements dans le milieu qui l’entoure ne se limitent pas à son seul
environnement : la première des incertitudes de l’Homme pèse sur sa propre existence.
Ainsi, l’Homme a toujours été conscient de l’aléa qui entourait les événements qui
l’affectent personnellement : sa vie, son décès, sa santé par exemple.
La tradition judéo-chrétienne, celle là que dénonce Nietzsche, attribuait la survenance
de ces événements à des manifestations divines. Dieu donnait la vie et la santé, mais il
pouvait les reprendre. De fait, la pensée ancienne s’inscrit dans une logique
d’acceptation et de résignation.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Comment, dès lors, imaginer contrarier cette force surnaturelle en cherchant à s’assurer
contre le décès, l’invalidité, la maladie ? Comment pourrait-on imaginer « spéculer » sur
cette vie qui nous est offerte ?
Les mentalités ont évolué. L’assurance est apparue d’abord pour garantir des risques
matériels. Puis la notion d’assurance sur la vie est apparue. Hier contre nature, elle est
devenue aujourd’hui une véritable institution.
L’assurance sur la vie « historique », qu’il convient en fait de nommer assurance « en cas
de décès », est une catégorie d’assurance qui appartient à la branche des assurances de
personnes. Il n’existe pas de définition légale de ce type d’assurances. Le critère qui
permet de les caractériser est que le risque garanti est constitué par une atteinte à la
personne humaine.
Dans l’assurance liée à la durée de la vie humaine, ce sera la survenance du décès
(assurance en cas de décès), de la maladie (assurance maladie complémentaire, etc…),
de l’accident corporel (individuelle accident, garantie des accidents de la vie, etc…) qui
affecteront la personne de l’assuré dans sa chair. Une forme particulière d’assurance a
également émergé, qui relève de l’épargne et non de l’indemnisation, l’assurance « en cas
de vie ». Le risque de décès joue alors contre l’assuré. L’assurance peut également
combiner des garanties en cas de vie avec une garantie en cas de décès, il s’agira d’une
assurance mixte. Au surplus, le caractère indemnitaire ou forfaitaire est indifférent à la
qualification.
Ne saurait davantage priver de sa qualification d’assurance de personnes le fait qu’une
assurance semble avoir été contractée pour réparer les atteintes à un patrimoine tant
que l’élément incertain demeure corrélé à la vie au sens large de l’assuré. Relève donc
également des assurances de personnes l’assurance homme-clé ou l’assuranceemprunteur.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Nous venons à l’instant d’introduire l’élément fondateur de toute opération
d’assurance : l’existence d’un aléa. Sans aléa il ne peut y avoir d’assurance car
l’assurance a précisément pour objet de garantir des risques1.
Un des éléments de discussion que nous soulèverons dans nos développements sera de
déterminer quelles devront être les caractéristiques de cet aléa. Doit-il en effet
simplement affecter l’occurrence 2 d’un événement ou peut-il simplement affecter la
date de cette occurrence, voire son intensité ?
Comme nous l’avons indiqué dans nos propos introductifs, la survenance de tels
événement liés à la vie humaine relevait à l’origine du sacré et était ainsi réputée ne
souffrir d’aucune logique. Les découvertes médicales (ainsi que leurs redécouvertes
ultérieures) ont amorcé la prise de conscience d’une certaine rationalité dans la
réalisation de ces risques. Le développement de thérapeutiques puis de mesures de
prévention a permis de mettre en avant l’emprise de l’homme sur ces risques.
Parallèlement, des études épidémiologiques, d’abord rudimentaires, puis de plus en plus
poussées, ont montré l’existence d’une certaine logique dans les risques et les facteurs
de risques. De fait, l’assurance de personnes n’est pas un outil sur lequel l’homme doit
renoncer à toute action.
Assureurs et assurés ont donc conscience que des événements, soit volontaires soit du
moins déterminables s’ils ne sont pas toujours explicables, ont ou peuvent avoir une
influence sur la réalisation du risque. Les individus ne sont donc pas égaux devant l’aléa
qui touche à leur personne.
Cette idée marque la nécessité pour les assureurs d’adapter leurs prestations à la
personne qu’ils garantissent. Si celle-ci représente en effet un supplément de risque ou
si au contraire sa vie semble soumise à un aléa de moindre intensité, convient-il de lui
1
« Danger, inconvénient plus ou moins probable auquel on est exposé » Petit Larousse.
2
Le terme d’occurrence devra dans nos développements s’entendre dans un sens statistique et désignant la
survenance unique ou répétée d’un événement.
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La sélection des risques en assurances de personnes
appliquer les mêmes conditions qu’aux autres assurés ? Dans le même ordre d’esprit,
doit-on accepter d’assurer une personne dont la vie ou l’intégrité physique sont
menacés à un tel point qu’il n’y a guère de doute dans la réalisation du risque ?
Pour répondre à cette question, il faut retourner à la définition même de l’assurance.
Une définition archaïque la décrirait comme un simple instrument de transfert à titre
onéreux d’un risque d’une personne sur une autre : « convention par laquelle, le prix
d’un risque ayant été convenu, l’un prend pour lui le risque de l’infortune de l’autre »3.
Le mécanisme connu aujourd’hui est cependant plus fin : il s’agit en effet de l’
« opération par laquelle une partie se fait promettre moyennant paiement, pour elle ou
pour un tiers, dans l’éventualité de la réalisation d’un événement aléatoire, une
prestation par une autre partie qui tend à effectuer, en utilisant des méthodes
statistiques, la compensation des effets de diverses éventualités analogues » 4 . Cette
définition est fort riche et dense. Nous n’en développerons que les éléments utiles à
notre propos. Il transparaît que l’événement garanti doit être aléatoire, c’est à dire
comporter un degré d’incertitude, mais aussi une mutualisation de risques analogues.
Par analogue, nous pourrions simplement entendre des risques de même nature (décès,
incapacité, etc…). Il faut cependant observer que la technique de l’assurance impose de
répartir les assurés dans des groupes homogènes de risques. La compensation n’a de
sens en effet que s’il existe un certain équilibre entre les prestations des deux parties au
contrat, assureur et assuré. L’introduction d’un risque « hors normes » tend à rompre
cet équilibre.
Ce constat conduit à deux réflexions : L’assureur devra d’abord se prémunir contre une
répartition anarchique des risques qu’il a en portefeuille, ce qui implique qu’il ne doive
accepter que les risques pour lesquels il est à même d’opérer une mutualisation
suffisante ; il devra donc procéder à une sélection des risques qu’il accepte de garantir.
Ensuite, les personnes qui présenteront un risque supérieur à la normale, qualifié de
3
Définition de l’assurance de Pedro De Santarem, jurisconsulte portugais, 1552.
4
Définition de l’AFNOR (Agence Française de Normalisation).
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La sélection des risques en assurances de personnes
risque « aggravé », auront une nécessité plus grande encore de se voir garanties ; elles
auront donc une tendance naturelle à vouloir s’assurer, ce à quoi l’assureur devra être
attentif compte tenu des impératifs qui sont les siens et que nous venons de décrire.
La conclusion technique qui s’impose avec évidence est donc qu’il incombe à
l’assureur de procéder à une sélection des risques qui lui sont soumis par les
souscripteurs.
Cette solution technique ne peut cependant totalement se déconnecter d’autres
considérations éthiques et sociales. Est-il en effet socialement juste d’exclure du
bénéfice d’une mutualisation ceux qui présentent les plus gros risques, c’est à dire, donc,
ceux qui en auraient le plus besoin ?
Cette donnée dépasse le cadre de la seule profession de l’assurance.
L’assurance, et celle de personnes en particulier, est devenue un produit de grande
consommation. En outre, elle est devenue un produit d’accès à d’autres formes de
consommation et est donc également un vecteur de socialisation. Quelle banque
accepterait en effet aujourd’hui de financer un prêt immobilier sans garantie ? L’accès à
la propriété est-il un droit ? Si oui, implique-t-il en corollaire un droit à l’assurance ?
En outre l’assurance de personnes étant intimement liée aux caractéristiques
physiologiques et pathologiques de la personne, il convient de déterminer dans quelle
mesure il peut être pris compte de ces données pour procéder à l’établissement – ou
non – d’une garantie d’assurance et selon quels termes.
Ces réponses ne peuvent appartenir aux seuls assureurs. Elles sont nécessairement le
résultat d’une contradiction des arguments en faveur de chacune des thèses. Or il
apparaît que l’excès de pouvoir dans l’un ou l’autre camp conduirait à la ruine de
l’équilibre subtil qui doit exister entre assureurs et assurés, faculté de sélection et droit à
l’adhésion.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Aussi, la seule réponse à la recherche d’un équilibre réside dans la loi. Elle seule possède
en effet la légitimité et un pouvoir de contrainte suffisants pour faire en sorte que soit
institué un équilibre de risques entre les intérêts de chacun.
À chacun de nos propos il conviendra de confronter l’idée de bonne foi qui est une des
caractéristiques du contrat d’assurance. Cette condition fondamentale est présente dans
tous les contrats que connaît le droit privé (art. 1134 Code civil), mais elle se fait encore
plus nécessaire en matière d’assurance car l’assureur contracte en fonction des données
qui lui sont transmises par le souscripteur. Il est même fait référence à une notion
d’extrême bonne foi (uberrimae fidei)5. L’honnêteté de ce dernier garantit l’équilibre du
contrat tout comme celui de la mutualité. La loi, dont nous venons de dire qu’elle
cherche à ce que soit préservé un certain équilibre, devra donc aménager et moduler un
système de sanction apte à décourager les personnes animées de mauvaise foi et
pénaliser celles qui n’auront pas été découragées dans leur entreprise illicite.
De fait, la loi doit autoriser les assureurs à pratiquer une sélection des risques (première
partie) afin de ménager un équilibre de risques (première section), équilibre qui serait
particulièrement mis en péril par l’accès insoupçonné et incontrôlé de personnes
représentant des risques aggravés au sein de la mutualité (deuxième section).
Pour autant, la loi ne doit pas laisser toute latitude aux assureurs de procéder à une
sélection des risques sans y poser des bornes (seconde partie). Ce souci du législateur de
poser des limites strictes au pouvoir de sélection des assureurs se rencontrera
particulièrement dans une catégorie de contrats de prévoyance collectifs (première
section), mais ne sera pas pour autant absente des contrats individuels ou même des
contrats d’assurance de personnes en général (deuxième section) dans la mesure où le
législateur souhaite prévenir des dérives particulièrement graves et contraires aux
valeurs qui fondent notre société. Dans ces deux hypothèses, le législateur cherchera à
5
Picard et Besson, Traité général des assurances terrestres, Tome 1, LGDJ, n°110.
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La sélection des risques en assurances de personnes
répondre à des préoccupations sociales concernant la protection des salariés et leur
égalité de traitement, mais aussi la protection de la dignité des personnes malades6.
6
Alors que le droit à la dignité a été érigé par décision du 27 juillet 1994 du Conseil Constitutionnel en Principe à
Valeur Constitutionnelle.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Première partie :
La faculté de sélection des risques pour l’assureur
de personnes
La sélection des risques constitue une étape fondamentale dans la création d’un
contrat d’assurance de personnes. Elle est intimement liée à l’étape qui la précède et
sans laquelle il n’y aurait pas de sélection possible : la déclaration du risque par l’assuré.
Ce binôme « déclaration – sélection » a pour finalité de permettre à l’assureur de
déterminer s’il accepte de garantir le risque qui lui est soumis. Dans l’affirmative, il
devra en déterminer les conditions en termes de tarif et d’exclusions supplémentaires
précisées aux conditions personnelles.
La loi permet en effet à l’assureur, compte tenu de la nature particulière des
engagements noués entre la compagnie d’assurance et les souscripteurs, de prendre des
mesures extraordinaires du Droit commun afin de garantir au mieux le risque proposé .
Nous nous proposons ainsi d’étudier les fondements de cette sélection dans une
première section de nos développements.
Pour autant, si dans la majorité des cas l’assureur se fie à la déclaration volontaire
de l’assuré quant à sa situation, il n’est pas limité à celle-ci et peut exiger des éléments
d’appréciation supplémentaires ou peut encore soumettre à l’assuré un questionnaire
complémentaire et plus ciblé.
Cette attitude de l’assureur se révèlera notamment soit lorsque celui-ci suspecte
une mauvaise foi de l’assuré, soit qu’il subodore un risque plus important que les
risques moyens qu’il garantit habituellement. Cela se révèlera particulièrement lorsque
l’assuré cherche à obtenir une garantie alors qu’il sait ou pense présenter un risque accru.
Cet aspect particulier de la sélection sera traité dans une seconde section.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Section 1
Les fondements de la sélection des risques par l’assureur de
personnes.
Les assurances de personnes qui sont soumises à sélection des risques sont celles qui
font supporter à l’assureur le risque de décès, invalidité, perte d’emploi, etc…À
l’opposé, dans les assurances en cas de vie, le risque de décès pèse sur l’assuré qui ne
percevra pas l’indemnité d’assurance s’il n’est plus en vie lors du dénouement du
contrat ; l’assureur n’a alors pas à opérer une sélection qui n’a aucun intérêt pour lui.
L’assureur qui s’engage à verser une indemnité – en dehors de l’assurance en cas de vie
– a donc tout intérêt à quantifier les engagements qu’il prend. Du sérieux avec lequel il
poursuivra cette détermination dépendront bien sûr ses propres résultats financiers,
mais aussi le montant de primes à collecter auprès de la mutualité de ses assurés (§1).
Cette impérieuse nécessité qui est aussi bien vitale que commerciale se conçoit avec
d’autant plus d’aisance que le secteur de l’Assurance est étroitement contrôlé en France
par les autorités de tutelle, la Commission de Contrôle des Assurances.
Aussi les pouvoirs publics ont-ils doté les assureurs de prérogatives étendues dans cette
étape de formation du contrat d’assurance de personnes afin de procéder à une
meilleure sélection des risques (§2).
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21
La sélection des risques en assurances de personnes
§1 – Le fondement technique de la sélection des risques
A. Principe technique : l’équilibre de la mutualité.
Le principe de base en matière d’assurances est que la totalité des primes prélevées sur
la collectivité doit permettre de financer les sinistres garantis qui en affectent les
membres.
Ce mécanisme de mutualisation des risques repose sur l’hypothèse que l’ensemble des
membres ne sera pas l’objet d’un sinistre. L’aléa demeure en effet l’élément
caractéristique de l’opération d’assurance, et un arrêt récent7 en matière d’assurance en
cas de vie a replacé cette question dans le débat juridique.
Cet élément permet d’atteindre le fondement technique de l’opération d’assurance, à
savoir l’équilibre de la mutualité des risques.
Cet équilibre est absolument nécessaire compte tenu des sommes colossales qui sont
engagées dans les opérations d’assurance. L’assureur doit en effet être en mesure de
tenir ses engagements contractuels et donc d’honorer le paiement des indemnités qui
sont dues contractuellement. Pour ce faire, la Commission de Contrôle des Assurances
veille à la régularité de la gestion exercée par l’assureur, et il existe des procédures
spécifiques en cas de défaillance d’un assureur afin de ne pas léser ses assurés.
7
Cass. 18.07.2000. « Leroux ». Publ. Bull. Civ. I n° 213 p. 138
Responsabilité civile et assurances, décembre 2000, n° 12 p. 6, note G. COURTIEU. La Semaine juridique,
édition notariale et immobilière, 2000-11-24, n° 47 p. 1683, note F. SAUVAGE et D. FAUCHER. Répertoire du
notariat Defrénois, 2001-01-15, n° 1 p. 3, note M. GRIMALDI. Droit et patrimoine, janvier 2001, n° 89 p. 28,
note P. JULIEN SAINT-AMAND et J.M. COQUEMA. La Semaine juridique, édition notariale et immobilière,
2001-03-02, N° 9 p. 507, note P. BUFFETEAU.
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22
La sélection des risques en assurances de personnes
L’assureur ne traite jamais des risques isolés et recherche à constituer des ensembles
cohérents de risques au sein desquels pourra exister une péréquation. Cependant, à
l’échelle individuelle, un souscripteur n’a intérêt à participer à une telle opération que s’il
en estime les conditions raisonnables. Tel ne serait pas le cas d’ensembles hétérogènes
dans lesquels des risques importants seraient complètement financés par des risques
mineurs. Si pour le souscripteur lambda il est pratiquement impossible de se livrer à un
tel calcul – fort savant – il lui est néanmoins possible de se référer aux tarifs pratiqués
par la concurrence. Un niveau de primes trop élevé serait alors révélateur et
caractéristique d’une gestion anarchique des risques garantis.
B. Mise en oeuvre technique : l’évaluation des risques.
Ainsi, l’assureur doit être en mesure de répartir ses risques dans des catégories
homogènes qu’il aura définies. Plus la population de référence sera large, plus la
mutualisation sera efficiente ; par effet d’entraînement, l’assureur aura donc tout intérêt
à conserver une position favorable dans la concurrence.
L’assureur tend en effet à obtenir des échantillons d’assurés dont les caractéristiques se
rapprochent des modèles statistiques qui sont à sa disposition.
Au premier chef de ceux-ci figure la table de mortalité 8 générale de la population
française, établie d’après les données du recensement, qui sera appliquée (dans une
version adaptée par chaque compagnie) aux risques dits « normaux ». Nous observerons
qu’à cette probabilité de survenance de l’événement garanti doit être combinée la
probabilité de règlement, c’est à dire la probabilité qu’un bénéficiaire soit en vie et
8
La première table du genre fut publiée par John Graunt à Londres en 1662.
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23
La sélection des risques en assurances de personnes
remplisse les conditions9 pour recevoir l’indemnité d’assurance. Le produit de ces deux
probabilités permet de déterminer la probabilité de payer.
Les statistiques issues du recensement ne sont cependant pas nécessairement adaptées
car elles sont réalisées par échantillonnage sur une population qui est différente du pool
des assurés. Afin de pallier ces degrés de différence, les assureurs sélectionnent des
tables légèrement différentes, par exemple en appliquant les tables de mortalité
féminine (dont le taux de mortalité est plus faible) à l’ensemble de leurs assurés pour les
risques de vie.
Il ne faut pas pour autant conclure que l’assureur dispose d’une trop grande largesse
dans le choix de ses tables de mortalité.
L’art. A. 335-1 du Code des Assurances, modifié par un arrêté du 19 mars 1993, précise
que l’assureur doit utiliser soit les tables établies par l’INSEE et homologuées par arrêté
du Ministre de l’Economie et des Finances, soit des tables établies par la compagnie
d’assurance10, appelées « tables d’expérience » et certifiées par un actuaire indépendant
agréé à cet effet par l’une des associations d’actuaires reconnue par la Commission de
Contrôle des Assurances.
En ce qui concerne les tables INSEE, l’art. A. 335-1 précise il s’agit de la table « TD 8890 » pour les assurances en cas de décès et de la table « TV 88-90 » pour les assurances
en cas de vie.
9
Les contrats d’assurance-vie subordonnent en effet généralement le versement de l’indemnité à la production à
l’assureur, au moment du sinistre, de certaines pièces dont un exemplaire de la police, le bulletin de décès de
l’assuré, un extrait d’acte de naissance du bénéficiaire, etc…
10
La première table établie à l’aide des données sur les assurés sur la vie est celle de l’Amicable Society for a
perpetual assurance office en 1778 (au Royaume-Uni) d’après des expériences de 1706 à 1777. En 1746, Antoine
Deparcieux publia une table construite d’après les observations des membres de tontines.
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24
La sélection des risques en assurances de personnes
C. Aboutissement à une nécessité de sélection des risques.
Parallèlement à ces données statistiques que nous évoquons, il est désormais certain que
les probabilités de mortalité ou de morbidité, la prévalence de maladies, l’occurrence
d’accidents du travail, etc… sont liées ou du moins corrélées, à des degrés plus ou
moins forts, à des données qui sont personnelles à l’assuré. Ceci s’observe, à défaut de
se démontrer, par d’innombrables études épidémiologiques. Il s’agira évidemment de
l’âge, du sexe, de la profession (pénibilité, fréquence des accidents du travail, exposition
aux risques d’amiante,…), statut social, situation matrimoniale, hérédité, antécédents
médicaux, style de vie, dépendance aux drogues, à l’alcool, au tabac, région
géographique, etc…
Il s’agit d’autant de critères que l’assureur a intérêt à connaître afin de pouvoir
déterminer si le risque que présente un candidat à l’assurance est acceptable. Tel est
généralement le cas. Si l’assureur estime que le risque présenté par un candidat est
supérieur à sa zone de normalité, il accepte cependant généralement de l’assurer contre
paiement d’une prime majorée. La technique la plus simple consiste à exprimer en
équivalent d’années supplémentaires à ajouter à l’âge réel du candidat les facteurs de
risques présentés. L’assuré est ainsi fictivement vieilli. Cette technique présente deux
variantes : l’une où le vieillissement initialement estimé est maintenu constant pendant
toute la vie du contrat, l’autre où il est progressivement augmenté. L’âge ainsi obtenu
sera celui qui sera utilisé dans les tables de l’assureur qui établira un tarif.
En définitive et contrairement à une idée reçue, la sélection des risques conduit
rarement un assureur de personnes à refuser sa garantie à un candidat mais à lui
proposer un tarif et des conditions de garanties adaptées à sa situation.
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25
La sélection des risques en assurances de personnes
En effet, l’admission est « automatique » pour environ 65% des demandes en France11.
En Grande-Bretagne, seulement 10% des candidatures d’assurance dépendance sont
rejetées in fine.
En outre, pour certaines assurances telles l’assurance dépendance ou l’assurance
maladie complémentaire, rien n’interdit à l’assureur d’accepter un risque plus important,
de lui appliquer une tarification majorée, et même de lui appliquer une franchise, un
délai de carence, ou de prévoir une clause de révisabilité.
Nous venons de présenter quels sont les fondements techniques qui exigent que
l’assureur procède à une sélection des risques qui lui sont soumis. À cette fin
correspond des moyens mis à la disposition de l’assureur par le législateur.
11
D’après les chiffres cités dans « Le rôle de l’assurance privée dans la prise en charge de la dépendance : une mise
en perspective internationale » by L. Assous and R. Mahieu, in Rapport pour le Ministère de l’Emploi et de la
Solidarité n° 21 (novembre 2001 – Série Etudes) de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de
l’Evaluation et des Statistiques.
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26
La sélection des risques en assurances de personnes
§2 – Le fondement juridique de la sélection des risques pratiquée par
l’assureur de personnes.
Nous avons dressé ci-dessus une liste non exhaustive de critères qui ont une influence
sur le risque (facteur causal) ou sont révélateurs d’un risque (témoin). Force est de
constater que nombre d’entre eux présentent un caractère éminemment personnel,
relevant de la sphère privée.
Or il est profondément ancré dans la tradition législative française de protéger les droits
et libertés des individus. Aussi est-il permis de s’interroger sur les moyens juridiques
dont dispose l’assureur pour pratiquer sa sélection des risques.
A. Théorie juridique
Compte tenu de ces impératifs précédemment évoqués, la loi confère à l’assureur le
droit de se livrer à des discriminations sur l’état de santé de l’assuré.
Cette faculté exorbitante du droit commun est en effet expressément accordée par le
Nouveau Code Pénal en son article 225-3 :
«
les
dispositions
de
l’article
précédent
[sanctionnant
pénalement les discriminations ne sont pas applicables] aux
discriminations fondées sur l’état de santé, lorsqu’elles
consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et
la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à
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27
La sélection des risques en assurances de personnes
l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité
de travail ou d’invalidité ».
Si les atteintes à l’intimité de la vie privée étaient justifiées par l’intérêt de la mutualité,
elles s’en trouvent désormais légalement autorisées.
Dans le domaine particulier des « contrats-emprunteurs », c’est à dire des assurances qui
garantissent la défaillance d’un assuré en terme de remboursement des échéances d’un
emprunt suite à la survenance d’un événement garanti (décès, invalidité, voire perte
d’emploi), la sélection des risques est prévue à l’art. L. 311-16 et L. 312-9 du Code de la
Consommation. Ces articles évoquent « l’agrément » de la personne de l’emprunteur,
soit par le souscripteur dans un prêt à la consommation, soit par l’assureur lui-même
pour un prêt immobilier. Ces articles permettent ainsi de déroger à l’application de l’art.
L. 132-1 du Code de la Consommation qui définit des clauses abusives : telles sont en
principe les clauses « qui ont pour objet de créer, au détriment du non-professionnel
ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations
des parties au contrat ».
Madame Lambert-Faivre précise 12 que ces sélections de risques par l’assureur sont
parfaitement conformes à la technique de l’assurance. L’assureur de personnes n’a en
effet pas vocation à jouer un rôle de service public ou de fonds de solidarité, à la
différence de la Sécurité Sociale, comme par exemple au travers de la Couverture
Maladie Universelle récemment mise en place 13 et destinée principalement à faire
bénéficier un maximum de personnes d’une assurance santé.
La sélection des risques trouve au contraire sa justification dans la « recherche
individuelle de sécurité ».
12
Droit des assurances Y. Lambert-Faivre, Dalloz 11e éd. 2001.
13
Loi n° 99-641 du 27.07.1999 « portant création d’une couverture maladie universelle » (mais traitant également
de protections maladie complémentaires)
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La sélection des risques en assurances de personnes
La sélection exercée par l’assureur est donc un mode de discrimination légalisé et qui
n’est admis que parce que les moyens mis en œuvre permettent dans une certaine
mesure un respect de la vie privée des assurés.
B. Moyens juridiquement admis.
Il faut cependant ne pas conclure trop rapidement à une trop grande marge de
manœuvre des assureurs. L’atteinte à cette intimité leur est permise, mais les conditions
sont tout de même encadrées.
Nous aborderons dans des développements ultérieurs des aménagements spécifiques
qui ont été apportés dans des hypothèses de séropositivité, de risques aggravés, ou
lorsque des données génétiques permettent de quantifier un risque.
Outre ces points qui obéissent à des régimes particuliers, les moyens utilisés par les
assureurs pour évaluer les risques sont de deux natures : l’assureur adresse en premier
lieu un questionnaire de déclaration de risque au candidat à l’assurance. Si le
questionnaire laisse suspecter un risque important ou si le montant des garanties
demandées sort de l’ordinaire, l’assureur peut en second lieu exiger un examen médical.
1. Le questionnaire de risque.
L’assureur peut adresser au candidat un questionnaire. Il devra y répondre avec loyauté,
le contrat d’assurance étant par essence un contrat de bonne foi. Cela implique
également qu’il est tenu de répondre d’après ses connaissances de son propre état. Il ne
pourra ainsi lui être reproché de n’avoir pas déclaré une maladie dont il était atteint et
dont il ignorait qu’il en souffrait. Par contre, il doit déclarer les maladies antérieures ou
déclarées et dont il a connaissance, car l’assureur refusera d’en garantir les conséquences.
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La sélection des risques en assurances de personnes
La Cour de cassation a par ailleurs précisé qu’il ne peut être reproché au candidat
d’avoir mal répondu à des questions formulées en des termes trop généraux.
Antérieurement à la loi du 31.12.1989., le régime applicable à la déclaration était celui de
la déclaration spontanée. L’ancien article L. 113-2-2 C.Ass. disposait en effet que
« l’assuré est obligé de déclarer à l’assureur, conformément à
l’art. L. 113-4, les circonstances connues de lui qui sont de
nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend
à sa charge ».
L’assuré devait donc lui-même déterminer les caractères qu’il devait déclarer, ce qui était
un régime très sévère. La jurisprudence a atténué ce principe en estimant qu’il devait
déclarer les circonstances qu’il « ne pouvait manquer de savoir » avoir une influence
sur le choix de l’assureur14. La Commission des Clauses15 abusives a par ailleurs mis en
cause le principe de déclaration spontanée et également recommandé l’usage du
questionnaire.
La loi du 31.12.1989. modifia donc l’art. L. 113-2 dans une formule qu’on lui connaît :
« l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions
posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de
déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de
la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de
nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend
en charge ».
Le principe actuellement consacré est donc celui du questionnaire. Une jurisprudence
constante de la Cour de cassation pose que la sincérité et l’exactitude des déclarations
14
Cass. Civ. 1e 18.01.1989. RGAT 1989 p.404.
15
Recommandation n°85.04 du 20.09.1985., adoptée sur le rapport de Mademoiselle Geneviève VINEY.
Publication : BOCC 06.12.1985.
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30
La sélection des risques en assurances de personnes
de l’assuré doivent s’apprécier en fonction des questions posées16. L’assureur est en
effet le rédacteur du questionnaire ; il lui incombe de poser toutes les questions lui
permettant d’apprécier le risque, l’assuré n’ayant pas à préciser des éléments non
sollicités, et de les poser de manière assez précise. Par exemple, la Cour a estimé que
« la rédaction du questionnaire qui limitait la nature des antécédents et leur
survenance dans le temps faisait apparaître l’intention de l’assureur de ne pas tenir
compte d’autres antécédents dans l’appréciation des risques qu’il prenait en
charge » 17 . Par contre, l’assuré qui prend l’initiative d’apporter une précision non
sollicitée par l’assureur et qui se révèle être inexacte pourrait se voir reprocher une
fausse déclaration.
Le mécanisme de déclaration du risque est en effet assorti d’une sanction, ce qui lui
confère toute son efficacité. Il s’agit des art. L. 113-8 et L. 113-9 qui répriment
respectivement les fausses déclarations intentionnelles et non-intentionnelles. Le
principe de non-asymétrie de l’information est donc inscrit dans ces articles qui
sanctionnent toute non-révélation d’information de la part de l’assuré, qui est largement
assimilé à une fraude à l’assurance.
La charge de la preuve du caractère intentionnel incombe à l’assureur, et si sa demande
n’est pas accueillie, le juge n’aura pas à rechercher s’il existait une fausse déclaration
non-intentionnelle18.
š Lorsque l’irrégularité constatée a été commise de bonne foi, il convient de
distinguer selon que l’assureur en a eu connaissance avant ou après l’occurrence du
sinistre.
Dans le premier cas, l’art. L. 113-9 alinéa 2 offre à l’assureur le choix entre deux
options : soit maintenir le contrat d’assurance contre paiement par l’assuré d’une
16
Cass. Civ. 1e 17.03.1993. RGAT 1993 p. 547.
17
Cass. Civ. 1e 02.07.1985. RGAT 1985 p. 534
18
Cass. Civ. 1e 20.10.1993. RCA 1993 chron. n°6, RGAT 94 p. 111.
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31
La sélection des risques en assurances de personnes
majoration de prime correspondante – à condition encore que ce dernier l’accepte –
soit résilier le contrat, cette résiliation n’étant possible que 10 jours après la notification
de la décision à l’assuré par lettre recommandée avec restitution de la provision
mathématique et de la portion de prime au prorata temporis qui restait à couvrir avant
la prochaine échéance.
Dans l’hypothèse inverse où la fausse déclaration de risque commise de bonne foi n’est
constatée qu’après survenance du sinistre, l’art. L. 113-9 alinéa 3 donne la faculté à
l’assureur de réduire les prestations à fournir aux bénéficiaires à proportion de
l’insuffisance de primes. Cependant, la doctrine relève que la réduction proportionnelle
de prime est pratiquement inapplicable, la détermination ex post du tarif incontestable
qu’aurait payé l’assuré s’avérant impossible parfois dix ou quinze ans après la date de
souscription du contrat.
En jurisprudence, il est établi qu’un assuré peut commettre une erreur de bonne foi
lorsqu’il n’a pas conscience d’une circonstance relative au risque. Par exemple, un
dépressif qui n’a pas conscience de la gravité de son état19, le fait qu’un assuré considère
avoir une santé normale pour son âge même en présence d’une pathologie ancienne et
handicapante20. Dans cette même optique, la clarté du questionnaire peut être appréciée
par les juges du fond en fonction de l’intelligence limitée de l’assuré qui peut ne pas
comprendre la question21, pareillement dans l’hypothèse où l’assuré ne savait ni lire ni
écrire le Français22, avait une intelligence limitée et une personnalité frustre23, était un
profane au regard du Droit des assurances24, etc…
19
Cass. Civ. 1e 25.02.1996. RGAT 1986 p. 209.
20
Cass. Civ. 1e 05.07.1989. RGAT 1990 p. 575.
21
Cass. Crim. 09.12.1992. RGAT 1993 p. 282.
22
Cass. Civ. 1e 17.11.1987. RGAT 1988 p. 21.
23
Cass. Civ. 1e 20.10.1993. RGAT 1994 p. 111.
24
Cass. Crim. 18.07.1989. RGAT 1989 p. 794.
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La sélection des risques en assurances de personnes
š Lorsque l’assureur est en mesure de prouver que l’irrégularité dans la
déclaration a été commise de mauvaise foi, il peut appliquer une sanction
particulièrement redoutable : la nullité absolue du contrat.
En effet, l’art. L. 113-8 dispose :
« le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse
déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette
réticence ou fausse déclaration change l’objet du risque ou en
diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque
omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre ».
Il conviendra cependant à l’assureur de prouver qu’il souffre d’un préjudice du fait de
cette fausse déclaration, ce qui sera aisé dans ces circonstances compte tenu des
sommes en jeu.
Nous nous devons de préciser que la nullité prononcée vaut erga omnes, bénéficiaires y
compris quand bien même la fausse déclaration émanerait d’un autre souscripteur.
Lorsque la nullité du contrat est prononcée, l’assureur a la faculté de conserver les
primes de risque encaissées à titre de dommages et intérêts, mais doit verser aux
bénéficiaires les provisions mathématiques afférentes au contrat.
Il convient de noter qu’en matière d’assurances de personnes, les aggravations de
risques n’ont pas à être déclarées à l’assureur (sauf si l’assuré souhaite étendre sa
garantie). L’appréciation du risque ne peut donc être réalisée avec certitude que lors de
la souscription. Ceci est justifié par le fait que le contrat d’assurance a précisément pour
objet de garantir contre les conséquences de maladies ou de la vieillesse.
Il existe un cas tout à fait particulier aux assurances de personnes qui est constitué par
l’erreur sur l’âge de l’assuré.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Nous l’avons déjà mentionné, l’élément technique fondamental qui est utilisé afin
d’estimer et de tarifer un risque est une table de mortalité, qui fournit le nombre de
personnes vivantes à un âge donné sur 100 personnes nées vivantes initialement. Aussi
une erreur sur l’âge se révèle-t-elle particulièrement importante.
Cela justifie qu’un article particulier du Code des Assurances soit consacré à cette
question, l’art. L. 132-26, qui détermine un régime unique n’ayant pas égard à la bonne
ou mauvaise foi du déclarant. Les mécanismes des art. L. 113-8 et L. 113-9 sont donc
inapplicables et il convient d’appliquer L. 132-26 qui est un texte spécial.
Un mécanisme original mais rare se retrouve dans les clauses dites d’incontestabilité.
Par cette clause, l’assureur renonce à invoquer immédiatement ou après un certain délai
de vie du contrat les fausses déclarations qu’il pourrait constater.
Cette clause a cependant un effet limité compte tenu du caractère d’ordre public de
certaines dispositions. Elle ne peut en effet faire échec à l’application de L. 132-26
relatif à l’erreur sur l’âge de l’assuré ou à L. 113-8 qui traite de la fausse déclaration
intentionnelle. Le contraire aboutirait à légaliser le droit au mensonge, alors que
l’essence même du contrat d’assurance est d’être un contrat de bonne foi. Ainsi, cette
clause d’incontestabilité ne peut en réalité que permettre d’écarter l’art. L. 113-9 relatif à
la fausse déclaration non-intentionnelle, mais nous avons déjà précisé qu’il en était
rarement fait application.
2. Autres moyens d’appréciation du risque à sélectionner.
Ce sont ces éléments de déclaration du risque qui permettent la sélection des risques
par l’assureur, et la sanction de cette déclaration renforce la précision et la justesse des
opérations de sélection.
Il faut encore noter que la déclaration n’est pas l’unique moyen dont dispose l’assureur
pour procéder à la sélection. Il lui est en effet possible de recourir à des enquêtes
lorsqu’il suspecte une fausse déclaration (par exemple sur les caractéristiques de
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34
La sélection des risques en assurances de personnes
l’activité professionnelle exercée par l’assuré), mais il peut aussi et surtout demander à
celui-ci de se soumettre à un examen médical.
En fonction de l’âge de l’assuré, du capital souscrit, ou de certaines des réponses
apportées au questionnaire (maladie antérieure ou en cours de traitement, antécédents
familiaux, etc…) l’assureur peut demander des compléments d’information. Le candidat
devra alors subir un examen médical auprès d’un médecin de son choix ou après d’un
médecin-conseil de la compagnie. L’assureur (en pratique son médecin) peut tout à fait
demander des examens ou analyses complémentaires qui seront à sa charge, ce qui ne
l’incite à le faire que pour les contrats importants.
Tous ces renseignements restent confidentiels et sont transmis au médecin-conseil de la
compagnie qui donne un avis sur chacun des dossiers soumis et conserve les dossiers
médicaux afférents.
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35
La sélection des risques en assurances de personnes
Section 2
La nécessité d’éviter la sélection adverse.
Nous venons d’aborder les raisons pour lesquelles la sélection des risques par l’assureur
de personnes est légitime et légalisée.
Toute cette œuvre serait ruinée s’il n’était possible de juguler un phénomène dénommé
« antisélection », « autosélection » ou encore « sélection adverse ».
Charles Gignoux 25 décrit ce concept comme « le principe bien connu que l’homme
cherche à tirer le plus grand profit des affaires qu’il traite et que c’est pour les plus
mauvais risques qu’une assurance sera le plus volontiers sollicitée ».
L’antisélection n’est en effet pas la résultante d’une prédisposition particulière, mais
caractérise la recherche d’adaptation – en sa faveur – d’un être humain aux événements
qui l’affectent.
Dans l’hypothèse d’une assurance en cas de décès, ce comportement ne peut être
qualifié d’égoïste dans la mesure où l’assuré ne sera pas le bénéficiaire de l’indemnité :
ce seront ses proches qui en bénéficieront. Pourtant, il convient de noter que cette
pratique se fait au détriment de la mutualité des autres assurés et de l’assureur.
Cette sélection adverse peut s’exprimer à tout niveau de la relation contractuelle en
assurances :
š À la souscription, comme nous nous attacherons à le développer ci-après.
S’agissant d’assurances de personnes, cela consiste pour un candidat à souscrire un
contrat alors qu’il a conscience ou au moins le sentiment que la garantie souscrite sera
25
« La sélection des risques dans les assurances sur la vie » Ch. Gignoux, 1939.
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36
La sélection des risques en assurances de personnes
mobilisée avec une plus grande probabilité, voire avec certitude (parce qu’il se sait
malade, invalide, etc…).
š Lors de la vie du contrat, ce sera souscrire des garanties complémentaires,
relever le plafond des garanties déjà souscrites, négocier un abandon de franchise, etc…
Il convient à cet égard de noter que si de nouvelles garanties sont souscrites, l’assureur
dispose de la faculté de procéder à une nouvelle sélection de risques pour ces garanties
nouvelles uniquement. Les questions qu’il avait posées antérieurement étaient en effet
nécessaires à l’appréciation des garanties initialement souscrites, mais pas
nécessairement adaptées à l’appréciation d’autres garanties, surtout dans un domaine où
la recherche et la créativité des assureurs – ainsi que le pointillisme de la jurisprudence
qu’il convient de
respecter – sont grands, et de nouveaux produits apparaissent
régulièrement.
š Lors de la fin de vie du contrat, tout simplement en la provoquant, car on
estime ne plus être sujet à tel ou tel risque (maternité, garantie sports dangereux, etc…)
ou encore en décidant de résilier un contrat pour souscrire immédiatement un contrat à
de meilleures conditions auprès d’un assureur concurrent.
Le problème majeur posé par l’antisélection est en réalité constitué par la sélection
adverse à la souscription.
Il apparaît ainsi que le souscripteur retrouve une certaine marge de manœuvre par
rapport à l’assureur qui doit se contenter des instruments dont il dispose légalement
pour apprécier le risque.
Cet état de fait est rendu possible par le fait que l’assuré est mieux renseigné que
l’assureur sur son état de santé et sur toutes les caractéristiques de son « profil » qui sont
autant de motivations à souscrire un contrat d’assurance de personnes. Ce décalage
dans la connaissance de ces données est appelé « asymétrie d’information ».
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37
La sélection des risques en assurances de personnes
En réalité, la protection contre les risques est marquée par une double asymétrie
d’informations, pénalisant tour à tour l’assureur et le souscripteur.
L’asymétrie qui s’exerce en faveur de l’assureur consiste en ce qu’il maîtrise les outils
statistiques et probabilistes nécessaires pour déterminer des catégories de risques
homogènes et si une personne y appartient d’après son profil, même si les données de
ce profil sont parcellaires. Il lui est en mesure d’évaluer le coût de revient de la
prestation d’assurance qu’il offre, coût qui sera corrigé de sa marge commerciale, des
taxes, mais qui plus globalement suivra également les tendances des marchés.
L’asymétrie peut tout autant pénaliser l’assureur – nous n’oserons dire favoriser le
souscripteur – et se dédouble en réalité en deux causes qui interagissent l’une sur
l’autre :
-
« L’antisélection » 26, que nous avons déjà définie comme le fait que ce sont en
général ceux qui courent les plus gros risques qui sont les plus enclins à souscrire
une assurance, et une assurance la plus large et la plus importante possible ;
-
« Le risque moral » 27, que nous pourrions formaliser comme étant le changement
de comportement de l’assuré vis-à-vis du risque, une fois qu’il bénéficie de la
garantie d’assurance. Par exemple, en termes d’assurance santé, le risque moral ex
post est « la surconsommation de soins provenant de la diminution du prix des
soins inhérente à la couverture du risque maladie » 28 . En assurance en cas de
mort, ce phénomène a conduit à poser des exclusions légales relatives au suicide ou
à l’homicide de l’assuré par le bénéficiaire.
Il est intéressant de noter que les sociétés commerciales d’assurance et les sociétés
mutuelles ne sont pas soumises à ces deux paramètres dans les mêmes conditions.
26
Théorie formalisée par Aakerlof, en 1970, prix Nobel d’économie 2001.
27
Théorie d’Arrow, 1963.
28
« Le risque moral ex post en santé est-il néfaste ? » by D. Bardey, A. Couffinhal et M. Grignon, in Document de
travail CREDES, Février 2002.
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38
La sélection des risques en assurances de personnes
La mutuelle a en effet procédé à une sélection de ses adhérents en dehors de toute
souscription de contrat, et ceux-ci doivent se retrouver dans les valeurs morales et
éthiques qui sont celles que promeut la mutuelle. Il s’agit d’une « idéologie de
rattachement ». Par contre, elle se refuse à exercer des sélections de risques poussées
sur les caractéristiques personnelles de la personne. La présélection des assurés,
combinée avec un sentiment d’absence d’enrichissement de l’assureur et de son
actionnaire, conduit les assurés à adopter une démarche beaucoup moins sensible à
l’aléa moral. À l’opposé, l’assuré d’une société commerciale cherche à rentabiliser sa
prime qu’il considère comme un investissement et cherchera à obtenir un retour sur
investissement. De ce fait, la compagnie sera amenée à faire montre de plus de
précision dans la rédaction de ses contrats afin d’éviter les dérives comportementalistes.
En sens inverse, la Mutuelle proposera des contrats les plus clairs et simples possibles
afin de renforcer le sentiment de proximité avec ses sociétaires.
Paradoxalement, en ce qui concerne l’antisélection, la Mutuelle sera plus concernée que
la Compagnie commerciale. La compagnie sera en effet plus portée à se livrer à une
sélection des risques scrupuleuse avec des candidats à l’assurance que la Mutuelle à
l’égard de ses sociétaires. Le candidat présentant un sur-risque aura donc une tendance
naturelle à chercher à intégrer une mutuelle, qui au demeurant incarne des valeurs
humanistes qui le réconfortent
dans l’épreuve qu’il traverse (maladie, risques de
mortalité ou de morbidité importants, etc…).
Mutuelle et compagnie ne sont donc pas confrontées aux problématiques de sélectivité
des risques face à la sélection adverse dans des termes similaires.
Pourtant, la sélection adverse s’est révélée être une crainte majeure des assureurs de
personnes à la fin du XXème siècle. Cette crainte s’est stigmatisée autour d’un risque très
particulier que représentaient les personnes contaminées par le virus VIH ou
présentant un cas de SIDA (§1) et qui a permis de mettre en lumière puis de résoudre
les problèmes de sélection et d’assurabilité des risques de santé aggravés en général (§2).
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39
La sélection des risques en assurances de personnes
§1 – La sélection des risques de séropositivité.
La séropositivité est une donnée éminemment importante pour l’assureur de
personnes : d’abord parce que 570.000 personnes29 en Europe de l’ouest et 1,2 millions
en Europe de l’est sont aujourd’hui porteuses du virus HIV, ce qui représente une
pandémie de toute première importance à l’échelle planétaire. Ensuite, parce que le
pronostic d’évolution du syndrome est létal pour la quasi totalité des personnes qui en
sont le vecteur.
En outre, le SIDA a pour effet d’affaiblir les défenses immunitaires, ce qui a pour
conséquence de favoriser le développement de maladies secondaires graves dont la
prévalence constatée augmente de manière significative. Ce sont ces dernières qui
souvent conduisent au décès du sujet et lui imposent une fin de vie avec des sujétions
inhérentes à un état de morbidité importante.
Aussi, pour l’assureur, garantir une personne contaminée par ce virus l’amènerait à
mettre en œuvre sa garantie beaucoup plus fréquemment. La probabilité d’occurrence
du décès avant la fin de la période de garantie (cessant de plein droit un âge fixé par le
contrat, souvent entre 60 et 80 ans) tend vers 1 (30). Pour l’assureur santé ou incapacitéinvalidité, la garantie sera également plus sollicitée puisque les personnes touchées sont
des personnes jeunes et donc actives qui devront cesser de travailler lorsque le SIDA se
déclarera ou à cause des effets secondaires de leurs traitements chimiothérapiques.
En outre, les statistiques de l’assureur sont complètement perturbées, puisque la
population jeune constituait une niche saine et à faible risque, alors qu’il apparaît
désormais qu’elle est celle qui est la plus touchée par les contaminations au VIH.
29
Source : “AIDS Epidemic Update” by UNAIDS, World Health Organization (OMS), Dec. 2002.
30
C’est à dire 100%.
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40
La sélection des risques en assurances de personnes
Les assureurs ont ainsi souhaité mettre en place des questionnaires de déclaration de
risques interrogeant le candidat à l’assurance sur son état sérologique ou encore
réclamer la soumission à un examen de dépistage.
Il faut admettre aujourd’hui que cette faculté existe effectivement pour l’assureur. Les
développements qui vont suivre et qui concernent l’encadrement de cette faculté ne
doivent pas faire oublier que l’assureur dispose de moyens de sélection face au risque
VIH, même s’il n’en fait que rarement usage.
A. Les prémices d’un droit initié par la jurisprudence.
Il convient tout d’abord de préciser que la jurisprudence a toujours maintenu le
principe de déclaration de bonne foi du risque au profit de l’assureur. En effet,
nonobstant le climat ambiant qui était à la discrétion la plus grande et au respect de
l’anonymat des sujets porteurs, la Cour de cassation a toujours maintenu que le
candidat à l’assurance ne pouvait pas déclaré être en bonne santé s’il se savait
contaminé par le VIH.
Pour en arriver à cette affirmation, la Cour a dû trancher la question de savoir si seul le
SIDA constituait une maladie ou si la simple contamination par le VIH constituait
également une maladie qu’il fallait porter à la connaissance de l’assureur lors de la
souscription. La Cour a fait l’économie d’une réponse à cette question mais pose en
substance que la contamination constituait un facteur de risque aggravant qui devait
être signalé à l’assureur qui s’enquiert de l’état de santé : « en répondant par la
négative à l’ensemble des questions posées et en répondant à l’assureur qu’il était
en bonne santé, X avait, par réticence ou fausse déclaration intentionnelle, modifié
l’opinion pour l’assureur, du risque qu’il avait à garantir » 31 . La sanction est
31
Cass. Civ. 1e 07.10.1998 n° 96-17.315, « L. c/ Generali France » Bull. Lamy n°45 nov. 98 p. 1
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La sélection des risques en assurances de personnes
particulièrement lourde, sachant que la formulation des question était : « êtes-vous
atteint d’une maladie ? », « avez-vous suivi ou devez-vous suivre un traitement
régulier quel qu’il soit ? » et « avez-vous autre chose à ajouter concernant votre état
de santé actuel ou antérieur ? ».
L’épouse de l’assuré faisait valoir que l’assureur posait une question relative à une
maladie, alors que la séropositivité n’est pas une maladie. Or l’art. L. 113-2 du Code des
Assurances impose à l’assuré de répondre exactement aux questions de l’assureur,
donnant a contrario un caractère limitatif au questionnaire. On aperçoit donc bien
dans cette espèce la nuance apportée à la jurisprudence passée32 et à l’art. L. 112-3 aux
termes duquel
« l’assureur […] ne peut se prévaloir du fait qu’une question
exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse
imprécise ».
La Cour ne répond donc pas formellement à la question de savoir si la contamination
par le VIH est une maladie et se borne à indiquer que « la séropositivité est une
affection de nature à entraîner, pour celui qui en est atteint, des conséquences
graves pour sa santé, voire mortelles ».
La Cour se positionne donc sur une notion plus subjective qu’objective de la maladie.
Ceci est conforme à l’esprit du droit positif que nous avons évoqué précédemment
selon lequel le souscripteur doit déclarer les éléments de risque dont il a connaissance
et dont il a conscience ; dans notre espèce, le souscripteur pouvait penser qu’il ne
s’agissait pas d’une maladie stricto sensu, mais il avait avec certitude à l’esprit les
conséquences probables de sa contamination par le VIH.
32
Cass. Civ. 1e 17.03.1993. RGAT 1993 p. 547.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Pourtant, la Cour avait par le passé admis que le développement de la maladie du
SIDA n’était pas certain pour une personne hémophile contaminée par le VIH 33.
Il faut certainement attribuer le sens de la décision rapportée à une interprétation
globale des questions qui ont été posées au souscripteur, et notamment en ce qui
concerne la question sur les remarques à ajouter. Il a déjà été admis que cette question
seule était trop vague34, mais combinée aux autres questions qui la précédaient, il était
logique de la considérer comme valable.
Ensuite, il était aisé pour l’assureur de démontrer que l’inexactitude de la réponse à ces
questions avait modifié l’opinion qu’il se faisait du risque, et le retentissement qui existe
autour du SIDA laissait à penser que la non-déclaration de séropositivité connue était
intentionnelle.
Par contre, il est bien évident que la décision aurait été plus expéditive si nous avions
été dans une hypothèse de non-déclaration de SIDA. Tout assureur exclut en effet
dans ses contrats les conséquences d’une maladie antérieurement constituée (sous la
réserve importante de certains contrats de prévoyance à adhésion obligatoire qui seront
abordés infra).
B. La convention d’assurabilité des personnes séropositives de 1991.
Les pouvoirs publics ne sont cependant pas restés inactifs dans ce dossier de la
sélection des risques lié au VIH. Une convention entre les représentants des
institutions d’assurances et le Ministre de la santé a été signée le 3 septembre 1991.
33
Cass. Civ. 2e 20.07.1993. Bull. Civ. II 273 et 274, JCP. G. 1993 IV 2.420.
34
Cass. Civ. 1e 18.01.1989. RGAT 1989 p. 394.
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La sélection des risques en assurances de personnes
L’objet de cette convention est double : permettre l’accès à l’assurance des personnes
séropositives (mais sans SIDA déclaré) et améliorer la confidentialité du traitement des
informations médicales par les assurances.
Pour ce faire, elle met en place un code de bonne conduite dans la collecte et
l’utilisation de données relatives à l’état de santé en vue de la souscription ou de
l’exécution d’un contrat d’assurance.
Elle prohibe ainsi toute référence au caractère intime de la vie privée, notamment en ce
qui concerne la sexualité, dans les questionnaires de santé. Sont en effet seulement
autorisées les questions relatives à la réalisation ou non de tests de dépistages de la
séropositivité et, le cas échéant, à son résultat et aux atteintes éventuelles par une
infection conséquence d’une immunodéficience acquise.
« Avez-vous ou non subi un test de dépistage de la
séropositivité ? Si oui, indiquez le résultat du test et sa date ».
« Avez-vous
eu
une
infection
conséquence
d’une
immunodéficience acquise ? »
En outre, le recours à des tests de dépistage, au moment de la souscription, est limité à
des hypothèses où « l’importance des capitaux souscrits ou les informations
recueillies à l’occasion du questionnaire de risques, le justifient ». La SCOR 35
remarque qu’un consensus s’établit pour demander un sérodiagnostic au-delà d’un
million de Francs36 de capitaux à couvrir. Force est de constater que cette clause est
imprécise et ne protège l’assuré que modestement. Une procédure spécifique entoure
cependant la demande et la réalisation de ce test.
35
Newsletter technique SCOR vie n° 1 « VIH et couverture d’assurance », janv. 2002.
36
Soit environ 152.500 Euros.
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44
La sélection des risques en assurances de personnes
Ensuite, la convention prévoit que « dès lors qu’une entreprise d’assurance a
demandé un test de dépistage de la séropositivité et accepté le proposant, elle
s’interdit lors du paiement de la prestation toute contestation fondée sur le fait que
le décès est directement lié à une immunodéficience acquise, sauf en cas de fraude
manifeste ». Ce point est important, car la compagnie s’interdira donc d’évoquer le
défaut d’aléa, l’ensemble de ses efforts devant être déployés sur la sélection du risque in
limine et non dans la contestation de la garantie lors de sa réalisation in fine.
Les développements que nous venons de présenter concernent l’hypothèse dans
laquelle l’assureur s’interroge sur la possible séropositivité du candidat à l’assurance. La
convention aménage en outre un régime d’assurance pour les personnes qui ont
déclaré à l’assureur qu’elles étaient séropositives ou pour celles à qui le test réclamé par
l’assureur l’a révélé.
Ce dispositif se limite aux assurances en cas de décès couvrant le remboursement d’un
emprunt (ou « contrats emprunteurs ») destiné à financer l’acquisition d’un immeuble à
usage d’habitation. Il a ensuite été étendu aux emprunts relatifs à l’acquisition de locaux
et de matériels professionnels.
Le montant de cette garantie est limité à 1 million de Francs pour une durée comprise
entre 5 et 10 ans. Le dispositif est conçu pour qu’aucun bénéfice ne soit dégagé par la
profession de l’assurance. Ainsi, le surcoût engendré par la tarification du sur-risque est
limité et correspond réellement au supplément de risque dont est dépendant l’assureur.
Ce système remet quelque peu en question l’affirmation primaire de nos propos selon
laquelle l’assureur n’a pas de vocation particulière à la solidarité. Cette démarche par
laquelle il s’engage à accepter les risques de VIH et sans réaliser de profit constitue en
effet une première innovante.
Il faut cependant remarquer que cette innovation ne porte que sur un nombre restreint
de contrats, puisqu’il existe une restriction quant à l’objet. Le bilan de cette convention
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La sélection des risques en assurances de personnes
est somme toute assez décevant, puisque très peu de contrats de ce type ont été
souscrits. Il faut remarquer que cette convention ne couvre pas les prêts à la
consommation qui sont plus nombreux et que ce dispositif est relativement mal connu.
En outre, les données de la science ne permettaient pas de prévoir une espérance de
vie conséquente de sorte que les personnes contaminées auraient plutôt tendance à ne
pas souscrire des emprunts immobiliers qui relèvent du long terme.
Il faut noter qu’il ne s’agit que d’une convention et non d’un texte impératif, ce qui est
regrettable.
Le dispositif se trouvait donc de fait relativement inadapté, même s’il marquait un
virage symbolique dans l’approche de la sélection des risques. Aussi les pouvoirs
publics ont-ils cherché à l’améliorer et à l’étendre.
§2. La sélection des risques aggravés.
Le Ministre de l’Economie, le Ministre de l’Emploi, le Secrétaire d’Etat au budget et le
Secrétaire d’Etat à la Santé ont ainsi souhaité qu’une réflexion soit menée sur la
convention de 1991 et en ont confié la tâche à Monsieur BELORGEY, Conseiller
d’Etat.
Le 1er juin 1999 a ainsi été constitué le Comité de suivi de la convention de 1991 sous
la présidence de Monsieur BELORGEY. Ce comité a rapidement élargi sa réflexion à
l’assurabilité des risques aggravés en général, dépassant le cadre du risque de
séropositivité.
Le comité constate en premier lieu les progrès spectaculaires de la Médecine qui ont
permis l’allongement considérable de l’espérance de vie des personnes malades du
SIDA, grâce notamment à la mise en place de traitements de chimiothérapies
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La sélection des risques en assurances de personnes
combinées appelés trithérapies. De fait, les tarifs du contrat-type de la convention de
1991 (fixés en 1993 à 2,4 – 2,8 %) ne se justifient plus.
En outre, cet allongement de l’espérance de vie des personnes contaminées ou malades
les rapproche de la situation de personnes souffrant de maladies chroniques graves.
C’est ainsi que se justifie un élargissement du champ de la future convention.
Pour le surplus, cette chronicisation de cet état pathologique laisse apparaître de
nouveaux besoins, notamment en matière de prêts à la consommation qui se trouvaient
exclus du champ de la convention de 1991. L’accès à ces prêts était donc de facto
impossible pour ces personnes. Il en est de même pour les garanties d’incapacité de
travail ou d’invalidité, qui ne sont pas liées à un emprunt.
C’est ainsi que dans un communiqué de presse du 5 octobre 1999, le « Comité
BELORGEY » prône, à la stupéfaction des observateurs non avertis l’annulation de
la convention de 1991 qui était initialement présentée comme une avancée notable.
Le 19 septembre 2001 est signée une convention entre l’Etat, les représentants des
compagnies d’assurances, des banques et de nombreuses associations « visant à
améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque de
santé aggravé ».
Elle étend ainsi son champ d’application aux risques de santé aggravés « du fait d’une
maladie ou d’un handicap ». La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades consacre
le dispositif conventionnel ainsi que le comité de suivi qui sera mis en place. Ce point
de la consécration légale est important car il ajoute une force supplémentaire à ce texte,
ce dont pouvait manquer la convention du 3 septembre 1991, bien qu’il ne soit pas
spécialement rapporté qu’on l’ait enfreinte.
Cette nouvelle convention apporte des avancées sensibles pour les personnes
présentant des risques de santé aggravés dans le domaine de l’assurance emprunteurs.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Grande innovation, il ne sera plus nécessaire de remplir de questionnaire médical pour
l’assurance des prêts à la consommation affectés avec un maximum de 10.000 Euros,
souscrits à 45 ans maximum et pour une durée de remboursement de 4 ans au plus.
Les assureurs renoncent ainsi dans ce domaine à exercer de sélection des risques
fondée sur des questions médicales.
En ce qui concerne le crédit immobilier et professionnel, les conditions sont adaptées
et il est mis en place des contrats de second niveau permettant un réexamen de toute
demande ayant fait l’objet d’un premier refus dans le cadre des contrats d’assurance de
groupe existants (souscrits par les banques au profit de leurs emprunteurs). Ce second
niveau est constitué par des contrats d’assurance emprunteurs de type « groupe
ouvert » qui doivent être mis en place par tous les établissements de crédit. Il est
également mis en place un troisième niveau constitué par un pool des risques « très
aggravés » qui est une convention de coréassurance administrée par le Bureau
Commun des Assurances Collectives (BCAC).
Les établissements de crédit s’engagent en outre à accepter les demandes de garanties
alternatives à l’assurance, notamment lorsque la candidature de l’emprunteur a été
refusée, chose à laquelle la majorité des banques étaient hostiles. La condition est
l’équivalence de sécurité entre ces deux options pour la banque.
Un code de bonne conduite précis et une commission de suivi de l’ensemble de ces
nouvelles dispositions sont enfin mis en place.
Propos conclusifs
S’il existe des mesures spectaculaires tendant à limiter la sélection des grands risques
aggravés, il n’en demeure pas moins que les petites aggravations de risque souffrent
toujours d’une sélection.
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La sélection des risques en assurances de personnes
C’est ainsi que sont apparus des tarifs « segmentés » entre les populations de fumeurs
et de non-fumeurs. Il est en effet avéré que le tabagisme représente un risque de
surmortalité important, même si les compagnies reconnaissent que son impact est
difficile à isoler des autres facteurs de sélection37.
Dans ce même ordre d’idées, la SCOR préconise que soit portée une attention
particulière au facteur alcoolique. Les ravages de l’alcool se mesurent tant au niveau
accidentel (suite à un état d’ivresse ou d’ébriété) que médical (hépatites alcooliques,
diverses maladies du foie,…). Une investigation est préconisée pour les très gros
contrats ou lorsque des données recueillies sont contradictoires.
À travers ces deux dernières hypothèses, nous pouvons remarquer que la sélection
glisse progressivement de données médicales pures vers une étude comportementale
ayant des répercussions sur la santé. Alcool et tabagisme constituent en effet des
conduites addictives ayant des conséquences lourdes en terme de santé, mais ne
constituent pas juridiquement à notre connaissance des maladies.
37
Neswletter Technique SCOR vie n° 5, juin 2002.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Seconde partie :
Les limites à la sélection des risques pour
l’assureur de personnes
La sélection des risques est par conséquent une pratique techniquement nécessaire à
l’assurance et qui a été admise par les pouvoirs publics.
La profession de l’assurance, consciente des difficultés posées par ce système, a donc
également aménagé un régime adapté aux risques aggravés afin de ne pas marginaliser
une population qui du fait de son état de santé se trouve déjà dans une situation plus
précaire.
Pour autant, le législateur n’est pas toujours resté attentiste laissant les acteurs
(assureurs, associations de malades ou de consommateurs, etc…) prendre les initiatives.
Le législateur a en effet pris parti, dans certains domaines, de restreindre la liberté des
assureurs quant à la sélection des risques qu’ils pouvaient ou non pratiquer. Cela est
particulièrement net en ce qui concerne les assurances de prévoyance à adhésion
obligatoire instaurées dans le cadre de l’entreprise (première section). Il s’agit de la loi
Evin du 31 décembre 1989. Dans ce cadre, la sélection des risques ne peut s’opérer que
de manière très réduite et particulière.
Ensuite, il conviendra de relever que les assureurs se retrouvent face à un important
problème lorsqu’il s’agit d’opérer une sélection, dans tous types d’assurances de
personnes, lorsque sont en jeu et pourraient être malmenées des valeurs éthiques
(deuxième section).
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La sélection des risques en assurances de personnes
Cela concerne en premier lieu l’usage de données qui pourraient être tirées de la
génétique. Sur cette science reposent les plus grands espoirs, mais aussi les plus grandes
craintes : un coin du voile qui recouvre le « futur médical » du souscripteur pourrait en
effet être levé, et tout un débat sur l’opportunité, la fiabilité et les incidences éthiques
du recours à une telle pratique s’est engagé. Les assureurs se son d’abord auto-censurés
au travers d’un moratoire avant que le législateur ne prenne position.
En second lieu, cela sera le cas du secret médical, principe fondateur de la médecine et
de l’exercice de son art. Les médecins, les patients et le législateur lui accordent une
importance capitale. Nul estime que ce principe puisse être remis en cause ; pourtant,
l’assureur pourrait rencontrer la nécessité d’avoir accès à ces données afin de s’assurer
que le principe d’extrême bonne foi a été respecté lors de la souscription du risque sur
laquelle s’est fondée la sélection de l’assureur.
Nous nous proposons ainsi d’étudier les limites précises et fortes qui ont été posées au
principe de sélection des risques en assurances de personnes.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Section 1
Les limites à la sélection en assurance « prévoyance »
Nous avons précédemment exposé les fondements et les moyens de la sélection des
risques qui pouvait être opérée par l’assureur pour les assurances de personnes en
général. Il convient cependant de noter qu’à ce régime général se superpose un régime
particulier propre aux assurances de prévoyance.
Il s’agit en effet du domaine de la loi n° 89-1009 dite « loi Evin »38 et laconiquement
nommée relative « aux personnes assurées contre certains risques ». Son article 1er en
définit plus précisément le domaine : elle s’applique aux opérations ayant pour objet la
prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité
physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou
d’invalidité et du risque de chômage.
Cette loi institue des dispositions tout à fait dérogatoires par rapport au droit
commun : pour certains contrats dits « à adhésion obligatoire », l’assureur ne peut plus
exercer de sélection individuelle des risques, tant en ce qui concerne la sélection
médicale que la définition des exclusions de risques. En outre, l’assureur sera contraint
dans ces contrats de garantir les conséquences des états pathologiques antérieurement
constitués.
Nous pouvons ainsi dire que la déclaration du risque demeure une exigence parce
qu’elle permet une sélection des risques au niveau collectif (§1) mais ne permet pas à
l’assureur de se livrer à une quelconque sélection individuelle des risques (§2).
38
Publ. JO 30 janvier 1990.
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52
La sélection des risques en assurances de personnes
§1. La sélection collective du risque.
Lorsqu’il adhère à une assurance de groupe, l’assuré renseigne à l’attention de l’assureur
une déclaration de risque relative à son état de santé ainsi que sa situation
professionnelle. S’agissant d’une assurance comportant un nombre important de
souscripteurs concomitants, l’assureur ne peut matériellement dépouiller des
questionnaires comportant de trop nombreuses questions ou des questions ouvertes. Il
se contente en effet de faire remplir une « déclaration » de risque prenant souvent la
forme de questionnaire à choix multiple avec un nombre restreint de questions.
En ce qui concerne l’état de santé, il est souvent simplement demandé à l’assuré s’il est
« en bonne santé » sans autre question précise (à condition toutefois que la réponse à
cette première question soit affirmative). En pratique, cette déclaration prend même
assez fréquemment la forme d’un texte pré-rédigé par l’assureur ou le rédacteur
d’assurance au bas duquel l’adhérent appose simplement sa signature. Par ce texte, le
candidat déclare par exemple ne pas se trouver en arrêt de travail pour raison de santé,
ne pas être atteint d’une infirmité, ne pas être atteint d’une maladie chronique, ne pas
avoir été en arrêt de travail plus d’une certaine durée, etc…
Le choix pour l’assureur de recourir à une simple déclaration de risque ou à un
véritable questionnaire médical lui appartient, celui-ci devant arbitrer entre avoir une
meilleure connaissance du risque qu’il prend en charge et une économie de sélection.
L’assureur peut en effet se permettre de procéder à une sélection moins rigoureuse des
risques car il prendra en charge un groupe entier comportant de bons risques comme
de mauvais risques. Ainsi, il existe d’ores et déjà une compensation des risques au sein
même de la population d’assurés qu’il prend en charge.
Cependant, afin de ne pas rompre l’équilibre du contrat, l’assureur ne doit pas, en
principe, accepter des individus présentant des risques anormalement supérieurs à la
moyenne du groupe. Cette sélection est possible à l’échelle individuelle dans certains
contrats collectifs à adhésion, mais est impossible dans les contrats collectifs à
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53
La sélection des risques en assurances de personnes
adhésion obligatoire relevant de la loi Evin, comme nous le décrirons. En ce qui
concerne l’évaluation collective, l’assureur détermine donc si le groupe qui lui est
soumis représente un risque suffisamment homogène avec peu de valeurs extrêmes. Il
a ainsi la faculté d’accepter ou de refuser le groupe dans son ensemble. L’assureur n’est
pas en effet tenu d’accepter la candidature d’un groupe, quand bien même ce serait au
titre d’une garantie à adhésion obligatoire : l’obligation en question est une obligation
d’adhérer mise à la charge des membres du groupe et non pas une obligation pour
l’assureur d’accepter toute candidature.
§2. La sélection individuelle du risque en assurance collective.
Une fois la décision prise par l’assureur d’assurer un groupe de risques qui lui est
soumis, il doit encore décider s’il assure l’ensemble des membres de ce groupe ou s’il
sélectionne certains risques. Cette faculté pour l’assureur dépend du cadre contractuel
dont est l’objet le contrat d’assurance : s’il ne s’agit pas d’un contrat de prévoyance dit à
adhésion obligatoire, il conserve toute latitude pour refuser de garantir ou garantir à
des conditions particulières (de tarif, de franchise, d’exclusion,…) tel ou tel membre du
groupe. En revanche, dans les contrats de prévoyance à adhésion obligatoires, il ne
pourra se livrer à une sélection individuelle.
A. L’ « institution » du contrat de prévoyance à adhésion obligatoire.
L’obligation d’accepter l’ensemble des adhérents (ou aucun) se rencontre dans les
assurances de groupe à adhésion obligatoire souscrites dans un cadre professionnel.
Cette restriction intéresse les contrats conclus au profit des salariés d’une entreprise à la
suite d’un accord collectif, d’un référendum ou d’une décision unilatérale de
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La sélection des risques en assurances de personnes
l’employeur afin de garantir des risques liés à l’intégrité physique de la personne ou à la
maternité, les risques d’incapacité de travail, d’invalidité ou de décès.
Lorsque le contrat de prévoyance est mis en place par une convention ou un accord
collectif de travail, les dispositions s’imposent aux salariés quel que soit le niveau
auquel ils ont été négociés (accord interprofessionnel, de branche, d’entreprise, etc…).
À l’échelon de l’entreprise, l’accord est nécessairement conclu entre l’employeur et les
syndicats représentatifs de l’entreprise. Ainsi, les conventions conclues entre
l’employeur et le Comité d’Entreprise ne remplissent pas cette condition et sont donc
assimilables à des décisions unilatérales.
Le caractère obligatoire du contrat collectif peut également résulter de ce qu’il a été mis
en place par référendum. Il est alors nécessaire d’obtenir l’accord de la majorité des
salariés quant au projet d’accord proposé par le chef d’entreprise.
Enfin, la troisième voie de mise en place est incarnée par la décision unilatérale de
l’employeur. Cependant, ce mécanisme s’assimilant à une modification de chacun des
contrats de travail des salariés de l’entreprise ou de la catégorie de salariés concernée, le
droit social s’applique et il conviendra donc de recueillir l’agrément de chaque salarié
pour savoir s’il accepte individuellement de se soumettre à ce régime de prévoyance.
Enfin, il nous faut noter que pour que le contrat soit qualifié d’assurance à adhésion
obligatoire, l’art. R. 140-2 du Code des assurances imposait la réunion cumulative de
cinq critères sommairement résumés :
-
souscription du contrat par un ou plusieurs établissements dont l’objet n’est pas la
souscription d’un tel contrat ;
-
souscription d’au moins 75% des effectifs assurables ;
-
le capital assuré devait être calculé d’après un critère objectif qui est le même pour
tous ;
-
souscription d’au moins 25 assurés :
-
condition suspensive de mise en vigueur et de renouvellement à la réalisation des
conditions énumérées ci-dessus.
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55
La sélection des risques en assurances de personnes
Si une des conditions au moins n’était pas remplie, le contrat de prévoyance était
valable mais était réputé être à adhésion facultative, puisque l’art. R. 140-3 en donnait
une définition négative.
Ces dispositions des art. R. 140-2 et R. 140-3 du Code des assurances a été abrogé par
la loi dite Bérégovoy39 du 31 décembre 1989. De fait, la distinction entre contrats à
adhésion obligatoire et contrats à adhésion facultative n’est plus du domaine légal. Elle
se trouve cependant profondément ancrée dans les pratiques d’assurance, si bien que
tous les contrats existants ou souscrits à l’heure actuelle sont toujours répartis en
catégories de contrats à adhésion facultative ou obligatoire40.
B. Les effets attachés à cette « institution ».
Cette persistance de la typologie est très largement favorable aux assurés dans le sens
où cela permet de faire bénéficier les assurés à titre obligatoire des dispositions très
favorables du régime qui y est attaché (outre les dispositions fiscales avantageuses).
En effet, la loi Evin, qui n’explicite pas la notion d’assurance de groupe à adhésion
obligatoire, attache des conséquences importantes à l’obligation faite aux salariés
d’adhérer à une convention d’assurance dans le cadre de leur contrat de travail.
Le texte central de ce dispositif est l’article 2 alinéa 1er de cette loi :
« […] l’organisme qui délivre sa garantie prend en charge les
suites des états pathologiques survenus antérieurement à la
souscription du contrat ou de la convention ou à l’adhésion à
39
Loi n° 89-1014 « portant adaptation du Code des assurances à l’ouverture du marché européen ».
40
Par exemple, dans une espèce analysée infra (Cass. Civ. 1e 13 février 2001 « La Mondiale c/ Association
Lyonnaise de Prévoyance et autres »), le nombre de personnes concernées par la mesure de prévoyance à adhésion
obligatoire (applicables aux cadres uniquement) était de trois seulement, avec une personne (illégalement) exclue
de la garantie.
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56
La sélection des risques en assurances de personnes
ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse
déclaration ».
Il résulte donc de ce texte que l’assureur ne peut refuser la souscription d’une personne
qui présente un « état pathologique ». La notion d’état pathologique n’est cependant
pas, chose regrettable, définie par ce texte.
Si on se réfère aux données de la science médicale, un état pathologique est « la phase
initiale d’une maladie […] qui se caractérise par une stabilisation relative des
symptômes »41 alors que la maladie en elle-même est « l’altération de l’état de santé se
manifestant par des symptômes et des signes »42.
Cette subtile classification est en fait la réponse du législateur à la pandémie du SIDA.
En effet, il y a tout lieu de considérer que la séropositivité est un état pathologique
alors que le SIDA déclaré est une maladie, de même que la contamination par le
VHC43 est un état pathologique qui pourra annoncer le développement d’une cirrhose
ou d’un cancer du foie qui sont des maladies.
Est ainsi mise en lumière la question de l’aléa : dans la mesure où une personne connaît
dès la souscription du contrat un état pathologique, la survenance de la maladie qui
amènera l’assureur à mettre en œuvre sa garantie peut-elle être qualifiée d’aléa ?
Une réponse péremptoire consisterait à se borner de constater que telle fut la volonté
du législateur. Mais il convient de se pencher plus avant sur la question et notamment
d’étudier la mise en œuvre de ce principe par la jurisprudence.
Dans un arrêt du 8 juillet 1994, la Cour de cassation 44 casse un arrêt d’appel qui
considérait « qu’il est inconcevable de se garantir des conséquences d’un événement
41
Définition extraite du Nouveau LAROUSSE Médical.
42
Définition extraite du dictionnaire de référence en matière médicale, le GARNIER-DELAMARE aux éditions
MALOINE.
43
Virus de l’Hépatite C
44
Cass. Civ. 1e, 8 juillet 1994, n° 92-15.551, RGAT 1994 p. 1089.
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La sélection des risques en assurances de personnes
passé qui ferait disparaître la notion du risque ». À l’opposé, la Cour de cassation
estime « qu’aucune clause contraire n’interdisait d’étendre le bénéfice des
stipulations contractuelles à un accident antérieur, dès lors qu’au moment de la
signature du contrat, le risque en découlant n’était ni certain dans sa réalisation,
ni déterminable dans son étendue ». La Cour se fonde donc sur la notion d’aléa. Elle
juge en somme que bien que présentant un état pathologique, on ne peut prédire avec
certitude qu’une personne développera une maladie (ni même parfois quelle maladie) et
quelle sera l’étendue de ce risque et donc l’étendue de la prestation de l’assureur. Il
s’agit donc d’une notion étendue de risque qui ne se limite pas à la notion d’occurrence.
Cette position et ce fondement de la Cour de cassation ont par ailleurs été confirmés
par un arrêt 45 du 30 janvier 1996. En corollaire à ces deux décisions, il faut donc
également conclure que l’assureur n’a pas à garantir les « maladies » antérieures à
l’adhésion à la convention.
Cependant, dans un arrêt46 du 7 juillet 1998, la Cour de cassation change le fondement
de sa motivation : celle-ci ne se fonde plus sur la notion d’aléa mais sur l’absence de
droit de l’assureur à pratiquer une sélection des risques sur des données médicales. La
Cour d’appel a donc, selon la Cour de cassation « exactement déduit que les
dispositions de [l’art. 2 de la loi Evin] d’ordre public 47 interdisaient à l’assureur
d’opérer une sélection médicale en refusant d’assurer une personne du groupe ou de
prendre en charge les risques dont la réalisation trouvait son origine dans l’état de
santé antérieur de l’assuré ; […] elle a, par une appréciation souveraine, retenu
que lors de la souscription du contrat, le risque de décès de Monsieur Benaïm était
encore aléatoire ». Le fait que Monsieur Benaïm ait été en arrêt de travail pour longue
maladie lors de son adhésion n’enlève donc pas au contrat son caractère aléatoire.
Notre opinion qu’en effet le fait d’être en arrêt de travail pour longue maladie n’induit
pas de relation de cause à effet quant à la survenance nécessaire du décès lors de la
45
Cass. Civ. 1e, 30 janvier 1996, n° 93-15.168, RGDA 1996 p. 399.
46
Cass. Civ. 1e, 7 juillet 1998, n° 96-13.848, « Euralliance c/ Benaïm et autres ». Publ. « Les dossiers de la
protection sociale », site internet http://planeteb.efrance-pro.com v° Prévoyance 1998. et Publ. Lamyline.
47
Le caractère d’ordre public de l’art. 2 (notamment) de la loi Evin résulte de son art. 10.
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La sélection des risques en assurances de personnes
période de garantie, cependant il est incontestable que la Cour porte une appréciation à
la place de l’assureur et ce, rétroactivement.
En outre et surtout, force est de constater qu’il y a abandon total de la distinction qui
était faite entre état pathologique et maladie, puisque dans cet arrêt la maladie était
avérée.
Ce raisonnement a été réitéré par la Cour le 13 février 2001 dans un arrêt48 également
relatif à une longue maladie au moment de l’adhésion. La Cour estime en effet que la
loi « prohibait l’exclusion qui a été faite dès lors que celle-ci ne concernait pas la
totalité du groupe des salariés ». Selon Madame Fonlladosa qui se fonde sur des
travaux préparatoires49, si l’arrêt rapporté va au-delà de la lettre de la loi, il a pour
intérêt d’en respecter parfaitement l’esprit.
L’assureur devrait donc procéder à une sélection rigoureuse du groupe de risque dont il
assure la prévoyance obligatoire. Encore faudrait-il que les adhérents lui aient
correctement déclaré le risque. À défaut, il devrait pourvoir engager les procédures de
sanction des art. L. 113-8 et L. 113-9 du Code des Assurances ; l’art. 2 al. 1er in fine de
la loi Evin50 prévoit en effet le recours à ce mécanisme. Cette possibilité a cependant
été écartée dans l’arrêt de cassation du 7 juillet 1998 précité pour les raisons que l’on
sait. L’assureur se trouve donc en posture très délicate et est invité à prendre toutes les
diligences et précautions nécessaires dans la réalisation d’une sélection correcte du
groupe. L’eldorado du groupe qui auto-compense ses risques n’est donc plus, et ce,
d’autant que comme nous l’avons dit, la mort des exigences légales de qualification en
prévoyance « obligatoire » conduisent à faire bénéficier de son régime protecteur des
populations pour lesquelles il ne semble pas justifié.
En outre, l’évolution jurisprudentielle que nous avons dépeinte et qui montre
l’importance d’effectuer une sélection des risques aussi précise que possible du groupe en
se renseignant (ou parfois devrait-on dire en ne renonçant pas à se renseigner) sur ses
48
Cass. Civ. 1e , 13 février 2001, n° 98-12.478, RGDA 2001 p. 373., Droit Ouvrier août 2001 p. 360.
49
Rapport Huriet, Doc. Sénat 1989 n°34 ; rapport Le Guen, Doc. A.N. 1989 n° 1057.
50
« sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration ».
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La sélection des risques en assurances de personnes
membres, prouve combien l’assureur est soumis à l’aléa jurisprudentiel, véritable risque
de développement du droit positif. La prévisibilité de la règle (à défaut de pouvoir
parler de norme) juridique applicable confine et invite l’assureur à plus de rigueur dans
la sélection a priori des risques qu’il garantit, celui-ci ne devant plus tirer argument de
l’existence d’une sanction a posteriori pour réguler le mécanisme. Cette absence de fait
de sanction pose également l’inquiétante interrogation de la possibilité que nombre de
candidats malveillants s’engouffrent dans cette brèche.
Cette étude de la sélection des risques en assurance de prévoyance à adhésion
obligatoire ne serait pas complète si nous manquions de préciser que l’assureur est
invité en la matière à opérer une sélection plus radicale et ce, pour deux raisons :
En premier lieu, l’assureur, s’il a l’interdiction de refuser l’adhésion d’une personne
individuellement s’il accepte le groupe, n’a pas davantage le droit de majorer la prime
de cette personne par rapport aux autres personnes du groupe quand bien même elle
présenterait un risque accru.
En second lieu, l’assureur n’a pas non plus la faculté de formuler des exclusions de
garantie qui ne seraient pas applicables à l’ensemble des salariés. En outre, il lui est
formellement interdit de dénier sa garantie pour une « pathologie ou affection qui
ouvre droit au service des prestations en nature de l’assurance maladie du régime
général de sécurité sociale » pour le remboursement ou l’indemnisation « des frais
occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident »51.
Pour conclure cette étude relative à l’assurance « prévoyance » à adhésion obligatoire,
nous pouvons nous interroger sur les moyens de sélection des risques qui sont
réellement à la disposition de l’assureur en la matière. Il lui est interdit de procéder à
une sélection individuelle des adhérents en terme d’acceptation de garantie, de
modulation de tarif ou de champ de garantie et d’exclusions. Il ne lui reste ainsi que la
possibilité de sélectionner un groupe ; la sélection est cependant malaisée pour les
51
Art. 2 alinéa 2 de la loi Evin du 31 décembre 1989.
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60
La sélection des risques en assurances de personnes
groupes numériquement importants qui sont les seuls qui demeurent à priori équilibrés
(et rentables). Nous estimons que le maintien de la qualification de « contrat à adhésion
obligatoire » pour des conventions qui ne remplissent pas les conditions techniques qui
existaient auparavant risque de nuire à ce marché.
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61
La sélection des risques en assurances de personnes
Section 2
Les limites à la sélection en assurances de personnes en
général : l’assurance soumise à l’éthique.
Les développements qui vont suivre ont pour but de mettre en lumière les limites qui
ont été apportées à la faculté pour l’assureur de sélectionner les risques présentés par
les candidats à l’assurance.
Les fondements de cette logique sont doubles : l’assurance est en premier lieu une
activité extrêmement réglementée parce qu’elle brasse des capitaux financiers colossaux,
parce qu’elle repose sur l’idée de risque tout en recherchant à éviter la spéculation,
etc… L’assurance est également en second lieu une opération commerciale (assurance
santé obligatoire mise à part) ; elle obéit ainsi à des impératifs en terme de
commercialisation et de marketing notamment qui imposent à l’assureur de faire cas
des réactions du public auquel il s’adresse.
Il apparaît que le sujet de la science médicale, intimement et irrémédiablement lié à la
pratique – nous n’oserons dire à la science, l’actuariat n’étant in fine qu’une
théorisation de la gestion de l’incertain et est donc par là même elle aussi sujet à une
certaine marge d’erreur – de la sélection des risques. Or nul n’a besoin de préciser que
les pouvoirs publics, au moins autant que l’opinion publique, se sont emparés des
questions d’éthique biomédicale qui se sont transformées en véritables débats de
société.
Ces débats que l’on retrouve présents dans la doctrine médicale aussi bien que dans la
doctrine juridique se cristallisent autour de deux grands thèmes que nous nous
proposons de développer. En premier lieu, il convient de faire état du formidable
développement et des perspectives entrouvertes par l’arrivée à une certaine maturité de
la génétique ; les assureurs ont depuis longtemps compris que cette science pourrait
leur apporter des réponses à des questions capitales sur les sujets qu’ils assurent (§1).
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62
La sélection des risques en assurances de personnes
En second lieu, l’assureur, nous l’avons vu, peut solliciter certaines informations à
caractère médical et donc très personnel. Il est cependant contraint par des mesures
destinées à faire respecter le secret médical à ne pouvoir opérer une sélection aussi
libre qu’il l’aurait souhaité (§2).
L’Etat avait donc un impérieux devoir de contrôle qui est renforcé par la tradition
avant-gardiste sur la question des Droits de l’Homme que la France incarne. Les
compagnies d’assurance n’ont pas pour autant cherché à tirer le maximum d’avantages
et se sont, dans ces deux domaines des informations génétiques et des informations
relevant du secret médical, auto-limitées par la fixation de moratoires ou codes de
bonne conduite.
Nous devons pour le surplus indiquer que ces développements ne concernent pas
uniquement les assurances de personnes individuelles mais sont également sousjascents à la sélection des risques collectifs.
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La sélection des risques en assurances de personnes
§1 – L’interdiction faite aux assureurs de tirer profit des données
issues de la génétique individuelle.
La génétique est la science de la transmission des caractères héréditaires créée par
Gregor Mendel en 1865. Elle repose sur l’analyse des chromosomes et des gènes qui
sont les supports de cette information génétique inscrite dans le noyau de nos cellules.
Le Comité Consultatif National d’Ethique52 (CCNE) évoque l’histoire tumultueuse de
cette science qui a servi dans la première moitié du XXème siècle de caution scientifique
au courant eugéniste très puissant dans différents pays. De fait, il existe une méfiance
latente dans l’utilisation de ce support qui pourrait porter atteinte aux valeurs éthiques
que véhicule et qu’incarne notre société. Le souci de contrôler ce que les assureurs
peuvent tirer de ces informations est donc majeur.
Cette attention particulière qui est portée au gène est amplifiée par le mythe américain
du gène conduisant au postulat que le génome serait le « livre de la vie » d’un individu.
Le CCNE indique à cet égard qu’une telle conception est « scientifiquement
inacceptable et éthiquement dangereuse ».
La raison pour laquelle l’assureur de personne cherche naturellement à faire usage de
telles informations est qu’elles sont liées à la possible survenance future de maladies. La
génétique a donc été dépeinte comme un outil de prédiction de l’évolution de la vie des
individus (vie saine, survenance de maladie, décès prématuré, etc…). La médecine
prédictive incarne focalise donc une « tension entre équité actuarielle et justice
sociale »53.
52
Rapport n° 46 du 30 octobre 1995 du CCNE « Génétique et Médecine : de la prédiction à la prévention ».
53
Alex Mauron « Médecine prédictive et destinées individuelles : la tension entre équité actuarielle et justice
sociale », Journal International de Bioéthique vol. 7 n°4 p. 304.
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La sélection des risques en assurances de personnes
L’assureur, nous l’avons déjà exprimé, cherche à se faire une idée la plus précise et la
plus fidèle possible à la réalité des risques que représentent l’adhésion d’une personne à
la mutualité des assurés puisque l’assurance est une gestion des risques incertains.
Pour autant, l’assureur est-il en droit d’effectuer des discriminations d’ordre génétique
entre les candidats à l’assurance ? Nous avons déjà rapporté le fait que la loi pénale
déroge au principe de non-discrimination fondée sur l’état de santé lorsqu’il s’agit
d’assurance de personnes. Cette dérogation vaut-elle également pour les données tirées
de la génétique ? (B). Nous nous interrogerons auparavant sur les raisons théoriques,
idéologiques et éthiques du refus des test génétiques comme outils de sélection des
risques (A).
A. La génétique, un moyen de sélection des risques inacceptable du
point de vue éthique.
La question centrale repose donc sur la discrimination qui peut ou non être exercée.
D’un point de vue purement éthique, il ne pourrait être envisagé de justifier une
discrimination que pour autant qu’elle remplisse certains critères :
-
reposer sur des critères objectifs ;
-
reposer sur des critères pertinents ;
-
être exercée dans un intérêt supérieur.
En ce qui concerne le premier critère, il ne pourrait être contesté que les données
acquises de la science en matière de génétique sont aujourd’hui assises sur des
expériences solides et validées par des experts autorisés dont les compétences ne
peuvent être remises en cause. Il convient cependant de mettre en avant le caractère
émergent de cette science, si bien que la vision que nous pouvons avoir à l’heure
actuelle de la génétique est très parcellaire et nous sommes encore dans l’ignorance des
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La sélection des risques en assurances de personnes
plus grandes découvertes. L’état de connaissances à un temps donné est donc toujours
relatif et la jeunesse de cette science ne permet pas encore de l’appréhender de manière
suffisamment globale pour lui conférer des conclusions suffisamment représentatives
des caractéristiques d’un individu. Il est par exemple notoire que les travaux de
recherche en la matière portent essentiellement sur les facteurs pathogènes et non au
contraire sur les facteurs de bonne santé ; dès lors, celui qui ne s’attacherait qu’à la
présence de marqueurs génétiques pathologiques se prive de partie de l’appréciation de
la santé d’un individu qui a un champ beaucoup plus large.
En second lieu, les critères de discrimination doivent être pertinents. Le choix de la
recherche de la simple présence de marqueurs n’est pas suffisant. Il existe en effet
différents types de maladies ayant une relation avec les données génétiques d’un
individu : les maladies monogéniques relèvent de la modification d’un seul gène
(maladie de Huntington, myopathie de Duchenne, myopathie de Steinert,
mucoviscidose, etc…) ou les maladies chromosomiques qui relèvent de l’altération non
plus d’un gène mais d’un chromosome ou d’une portion de chromosome (trisomie,
etc…) sont relativement faciles à identifier. Par contre, il existe de très nombreuses
maladies dites « multifactorielles ». Ces affections ne sont pas déterminées par la simple
mutation mais résultent de la combinaison défavorable d’un ensemble de facteurs et
notamment les facteurs environnementaux. Le Professeur Axel Kahn relève54 que « ces
dernières [maladies multifactorielles] représentent en fait la majorité des maladies dont
on meurt : la susceptibilité aux maladies infectieuses, la démence d’Alzheimer, les
maladies neuro-dégénératives, l’hypertension artérielle, l’obésité, les cancers, etc… ».
Pour la majorité des maladies, il n’est ainsi pas possible de se fonder sur les simples
données génétiques qui ne représentent pas des données représentatives et donc
pertinentes.
54
Professeur Axel Kahn « Génétique et médecine de prévision : connaissance, destinée et liberté » in Espace
éthique La lettre n° 13-14 été-automne 2000, p. 79-81.
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66
La sélection des risques en assurances de personnes
Enfin, il convient de s’interroger sur le caractère utile d’une telle recherche, du profit
qui pourrait en être tiré par les parties ou qui devrait même relever d’un intérêt
supérieur.
Or à ce niveau, les bas blesse. Les assureurs sont-ils en mesure de justifier que la
configuration actuelle est nettement moins favorable à la société que celle dans laquelle
ils pourraient tirer avantage des données issues de la génétique ? Rien n’est moins sûr.
Il convient en effet de s’interroger à un double niveau.
D’abord, quelle est la valeur que l’assureur peut accorder à ce type de données ?
Dans des hypothèses limitées, ce type de test a une valeur pré-symptômatique, c’est à
dire qu’on peut estimer qu’à coup sûr le sujet qui est sain à l’heure actuelle va
développer une maladie, la seule incertitude relevant de la date de survenance de cette
maladie. (Exemple : pour les sujets porteurs de mutations sur les quatre gènes de
l’HNPCC55, le risque de développer un cancer colorectal est de pratiquement 100%
avant 50 ans).
Dans la majorité des hypothèses, il s’agira non pas d’un diagnostic pré-symptômatique
mais d’un diagnostic « de susceptibilité ». Il n’est en effet pas possible de déterminer
avec certitude qu’un individu développera une maladie, mais cette probabilité est plus
élevée que dans la population moyenne ; un contexte environnemental défavorable
notamment pourrait conduire à une prévalence plus forte de la maladie (ex : facteur
tabagique dans les maladies coronariennes survenant suite à une hypercholestérolémie
familiale). Aussi la prise en compte de critères purement génétiques n’est pas
concevable.
Ensuite, les assureurs ne peuvent justifier que le développement de telles
pratiques conduirait à apporter un avantage au consommateur d’assurance ou à la
société en général. Au contraire, il serait permis de penser que compte tenu de
l’équilibre satisfaisant qui existe actuellement, il serait pour le moins inopportun de
modifier cet équilibre en excluant du bénéfice de l’assurance certaines personnes
pouvant présenter un risque hypothétique accru alors que certains types d’assurance
55
Cancer colorectal héréditaire sans polypose.
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67
La sélection des risques en assurances de personnes
revêtent un caractère d’intégration sociale (comme nous l’avons développé pour l’accès
à l’assurance des risques de santé aggravés).
Aussi selon nous, l’utilisation des tests génétiques à l’heure actuelle ne remplit pas les
conditions indispensables à la reconnaissance d’un droit à la discrimination d’un tel
degré.
Nous relevons à cet égard une opposition idéologique entre l’assureur et les pouvoirs
publics. La logique de l’assurance privée est en effet, relève Axel Kahn56, « de proposer
un contrat non pas égalitaire mais équitable aux assurés, et le contrat équitable est
celui qui est proportionné au risque ».
Du point de vue actuariel, il n’existe pas de discrimination injuste en elle-même ; la
discrimination n’est injuste que si elle est injustifiée. Or l’équité actuarielle est
totalement compatible avec les pratiques d’exclusion sur base génétique pour autant
que les critères n’en soient pas arbitraires. La surprime sera en effet le reflet exact du
surplus de risque engendré.
À l’opposé, la justice sociale repose sur la notion d’égalité des personnes qui est une
égalité de droits et non une égalité empiriquement détectable. L’égalité relève d’une
revendication éthique et non d’un constat factuel, et Alex Mauron de formuler ce
concept que « l’égalité se dit à l’impératif et non à l’indicatif »57. Ce concept d’égalité
sociale n’a pas pour idéologie de nier les différences de situations qui existent, mais il
adopte une logique inverse à l’assurance en ce qu’il aboutit à la conclusion que les
inégalités doivent au contraire être compensées. Le philosophe Kitcher exprime ce
point de vue au sujet de l’assurance maladie : « si l’égalisation des chances nous importe
vraiment, nous devrions offrir à ceux qui sont pauvres et génétiquement malchanceux
une couverture maladie à un prix inférieur à celui appliqué aux autres personnes »58.
56
Article précité.
57
Article précité, page 307.
58
P. Kitcher « The lives to come : The Genetic revolution and Human Possibilities », 1996.
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68
La sélection des risques en assurances de personnes
À notre sens, il n’existe à l’heure actuelle pas de justification qui impose ou justifie le
recours à la génétique davantage que par le passé. En effet, la seule justification qui à
nos yeux puisse justifier la communication de données génétiques à l’assureur serait le
développement dans les faits d’une situation d’asymétrie d’information conduisant à
une antisélection des assurés.
Il serait logique de débattre de la question de transmettre les résultats génétiques à
l’assureur si l’assuré les connaissait et adoptait un comportement antisélectif. Or
aujourd’hui, la proportion de personnes qui réalise des tests de dépistage par analyse
génétique est très restreinte. La quasi-totalité de la population ignore en effet ses
prédispositions génétiques aux maladies, alors il serait tout à fait anormal de la
contraindre à réaliser de tels tests. Les auteurs développent en effet des théories du
« droit à l’ignorance »59.
Enfin, il convient de faire remarquer les conséquences qu’aurait l’admission de tels
tests. Au premier chef, cela conduirait à marginaliser une partie de la population qui ne
pourrait avoir accès aux assurances que le Professeur Mauron situe dans une « zone
grise », c’est à dire située à la croisée des chemins entre protection privée et protection
du service publics. Dans une seconde perspective, cela reviendrait à devoir admettre
une autre forme d’antisélection que nous avons décrite dans notre précédente partie, à
savoir que les sujets qui se sauront exempts de ces « vices génétiques » intrinsèques à
leur personne chercheront au mieux à négocier leurs tarifs à la baisse, et à l’extrême
résilieront leurs contrats, jugeant que le risque qu’ils ne représentent pas un risque
suffisamment prononcé pour devoir s’assurer. L’économiste Nickerson décrit en
l’occurrence que les véritables bénéficiaires d’une telle pratique ne seront pas les
compagnies d’assurance mais les clients pouvant prouver qu’ils représentent un risque
génétique faible car « en dernière analyse, les compagnies d’assurance ne seront ni en
meilleure ni en plus mauvaise posture qu’à présent ; la seule différence est qu’elles
59
Professeur Annick DORSNER-DOLIVET « La divulgation des résultats des tests génétiques », intervention à
la journée régionale d’éthique de Lille du 19 avril 2002 sous l’égide du C.C.N.E., in Revue générale de Droit
Médical 2002 n°8 p. 47.
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La sélection des risques en assurances de personnes
encaisseront un revenu plus faible d’un groupe, plus élevé d’un autre ; leurs profits
devraient rester à peu près ce qu’ils sont maintenant »60. Nous nous interrogeons alors
sur l’opportunité d’introduire plus de frustration sociale alors qu’il n’existe pas de
demande de la part des consommateurs d’assurance ni d’espoir de profit
supplémentaire pour les assureurs.
Nous venons de décrire les fondements théoriques qui justifient le refus actuel
d’autoriser les assureurs à utiliser les résultats issus de dépistages génétiques.
Examinons à présent l’expression juridique de ce choix de société.
B. L’interdiction juridique de l’utilisation des tests génétiques en
sélection des risques.
L’interdiction juridique pour les assureurs qui leur est faite de faire usage des tests de
dépistage génétiques intervient à trois niveaux en des termes plus ou moins
contraignants.
1. Au niveau international.
a. Au niveau du Conseil de l’Europe.
Le Comité directeur de bioéthique du Conseil de l’Europe a créé un instrument
juridique ouvert à la signature des états membres le 4 avril 1997 intitulé « Convention
pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des
applications de la biologie et de la médecine, Convention sur les droits de l’Homme et
de la biomédecine ».
60
P. H. Nickerson « Genetic testing and insurance » in Nature 1996 p. 380-386.
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70
La sélection des risques en assurances de personnes
En son article 11, ce texte dispose :
« Toute forme de discrimination à l’encontre d’une personne en
raison de son patrimoine génétique est interdite ».
Et l’article 12 d’ajouter :
« Il ne pourra être procédé à des tests prédictifs de maladies
génétiques ou permettant soit d’identifier le sujet comme
porteur d’un gène responsable d’une maladie, soit de détecter
une prédisposition ou une susceptibilité génétique à une
maladie, qu’à des fins médicales ou de recherche médicale, et
sous réserve d’un conseil génétique approprié ».
La rédaction de ces articles est suffisamment claire et explicite pour interdire tout
recours par l’assureur à la technique de la génétique.
b. Au niveau des Nations Unies
La Conférence générale de l’UNESCO a adopté en 1997 la Déclaration Universelle sur
le génome humain et les droits de l’Homme, préparée par le Comité International de
Bioéthique. Son article 4 dispose :
« En son état naturel, il [le génome humain] ne peut donner
lieu à des gains pécuniaires ».
c. Au niveau du Parlement Européen
La Parlement Européen a mis en place une commission temporaire « génétique
humaine et autres nouvelles technologies de la médecine moderne ». Cette commission
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71
La sélection des risques en assurances de personnes
a notamment auditionné61 le 26 mars 2001 le Professeur Alexandre Mauron, dont nous
avons déjà fait état des travaux. Cette intervention s’est axée autour de la sélection des
risques en assurance vie.
d. Portée de ces contributions internationales
Ces contributions internationales ont une portée très limitée. Elles ne prennent la forme
que de conventions signées par les états. De fait, elles ne lient que ces derniers qui ont
pour charge de transposer dans leur législation ou faire respecter dans leur droit positif
les principes arrêtés. Cette protection est faible et illusoire, car non contraignante pour
les personnes de droit privé ressortissantes de ces états.
En France, le 30 mars 1998, le Ministre de l’Economie et des Finances répond à
l’Assemblée Nationale à une question62 du député Mamère qui l’interrogeait à ce sujet :
« concernant la médecine prédictive et l’utilisation des tests génétiques comme
révélateurs de maladies futures ou de risques de maladie future, de récents instruments
juridiques internationaux impliquent désormais d’interdire et de sanctionner toute
discrimination à l’encontre d’une personne à raison de son patrimoine génétique. Il
s’agit de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur le génome humain et de la
Convention européenne sur les droits de l’Homme et de la biomédecine, textes que la
France a signés et que, pour la seconde, elle devrait bientôt ratifier. En application de ce
principe de non-discrimination, il apparaît difficile que notre dispositif juridique
autorise à l’avenir l’utilisation de tests génétiques prédictifs en dehors du domaine de la
santé ou de la recherche, toute utilisation dans le cadre de l’assurance ou de l’emploi,
par exemple, étant susceptible d’être sanctionnée comme discriminatoire ».
61
Doc. Parlement Européen n° DV/434777FR « Tests génétiques post-natals : leurs implications bioéthiques
pour les individus et la société ».
62
Rép. Min. à la question de M. le Député Mamère QE n° 12508 du 30 mars 1998 (Publ. P. 1728), Rép. Publ.
JOANQ 25 janvier 1999, p. 448
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72
La sélection des risques en assurances de personnes
2. En France au niveau professionnel.
Sensible à la question et aux inquiétudes qui peuvent poindre parmi les assurés (ou
plutôt ceux qui voudraient pouvoir s’assurer à l’avenir), les société d’assurances membre
de la FFSA ont adopté dès 1994 un accord pour une durée de cinq ans par lequel elles
s’engagent à ne pas tenir compte du résultat des études génétiques des caractéristiques
des souscripteurs d’une police d’assurance, quand bien même ceux-ci apporteraient la
preuve de l’absence de risque qu’ils représentent, pratique qui est à craindre, comme
nous l’avons mentionné dans nos développements précédents.
Cet engagement a été reconduit le 23 mars 1999 pour une nouvelle période de cinq ans
au cours de laquelle nous nous situons actuellement.
L’engagement ne se fonde cependant pas (officiellement) sur des considérations
éthiques : il indique en effet que les assureurs considèrent que « le caractère encore
expérimental de cette information [génétique] interdit, en l’état actuel des
connaissances, de décider de la conduite à tenir ».
En d’autres termes, les assureurs de la FFSA ne portent pas de jugement de valeur
négatif de la pratique et se ménagent ainsi une porte ouverte à un recours ultérieur à
cette technique de sélection des risques. Le motif invoqué est la non fiabilité même si le
texte conclut que « cette attitude rejoint le souci des parlementaires et des
scientifiques d’adopter, vis à vis des conséquences éthiques, morales et sociales de
cette révolution scientifique, une attitude pragmatique ». Cette justification apparente
est cependant en contradiction avec les données acquises de la science. Le dépistage de
la maladie de Huntington (dont les sujets révélés positifs seront nécessairement atteints)
est par exemple fiable à 100%. La voie du recours éventuel ultérieur à ces tests était
même clairement envisagée puisque ce délai de cinq ans (reconduit) avait pour finalité
d’instaurer une réflexion « sur les règles d’une déontologie susceptible de régir une
éventuelle utilisation des résultats de ces tests par l’assurance ».
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73
La sélection des risques en assurances de personnes
En pratique, le texte pose des engagements précis : cela signifie que les assureurs,
pendant cette période :
« ne poseront pas de questions relatives aux tests génétiques et
à leurs résultats dans les questionnaires de risques » ;
« ne demanderont pas aux candidats à l’assurance de se
soumettre à des tests génétiques, ni de fournir les résultats de
tests préexistants ».
Le système adopté est donc plus protecteur qu’en matière de diagnostic de
séropositivité pour laquelle le candidat est tenu de la déclarer s’il a pratiqué un test dont
il connaît le résultat.
3. L’intervention du législateur français.
En l’absence de tout texte contraignant à proprement parler pour les assureurs et
compte tenu des engagements internationaux qui avaient été souscrits par la France, le
législateur a introduit dans le droit positif français un texte qui prohibe le recours aux
dépistages génétiques aux fins de sélection des risques en assurance. La loi63 du 4 mars
2002 introduit un article L. 1141-1 au Code de Santé Publique (recodifié L. 1151-1),
également reproduit dans le Code des assurances (art. L. 133-1), au Code de la Sécurité
Sociale (art. L. 932-29) et au Code de la Mutualité (art. L. 112-4), fait révélateur de
l’importance qui est donnée à cette disposition historique :
Les entreprises et organismes qui proposent une garantie des
risques d'invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des
résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une
personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si
ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec
63
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, art. 97 et 98, JORF 5 mars 2002.
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La sélection des risques en assurances de personnes
son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question
relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à
une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que
ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci ».
Le texte reprend ainsi les engagements de la convention de la FFSA, en ne faisant
cependant plus référence aux questionnaires de risques. L’interdiction vaut donc aussi
bien lors de la phase de souscription du contrat que lors de la vie du contrat.
L’intérêt de ce texte est également d’édicter une sanction, qui plus est de nature pénale,
afin d’en garantir le respect : la peine est de un an d’emprisonnement et de 20.000
Euros d’amende. Ces dispositions s’appliquent, en vertu de l’art. 101 de la loi précitée,
aux contrats en cours.
Propos conclusifs :
Nous souhaitons conclure cette étude en relativisant la contrainte qui est ainsi créée à la
charge des compagnies d’assurance.
Au terme de ces développements, il apparaît en effet que le recours aux dépistages
génétiques est totalement prohibé à des fins de sélection des risques, et même plus
largement à des fins autres que médicales ou de recherche médicale.
La législation française adopte ainsi une position tout à fait claire, mais contradictoire à
celle qui peut exister dans certains autres pays, tel le Royaume-Uni. Les assureurs
britanniques ont en effet obtenu de pouvoir pratiquer des dépistages génétiques dans
une pratique « contrôlée », sans que cette utilisation soit libre, grâce à des mécanismes
originaux repris dans un code de bonne conduite (par exemple en limitant les tests
pouvant être réalisés, en pratique les maladies monogénétiques dont nous avons parlé ;
en créant l’institution du « Genetics advisor » ; etc…), code qui a reçu la caution du
gouvernement.
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75
La sélection des risques en assurances de personnes
Il serait pourtant erroné d’avancer l’argument qu’en adoptant une telle législation la
France se place en recul par rapport à d’autres pays dont les compagnies d’assurance se
trouveraient favorisées. En effet, la législation communautaire applicable à la libre
prestation de service (LPS) prévoit que la loi applicable au contrat d’assurance est la loi
de l’assuré. En définitive, l’assuré français sera traité avec les mêmes égards qu’il fasse
appel à un assureur hexagonal, britannique ou autre, aussi bien en ce qui concerne les
discriminations négatives que les discriminations positives pour ceux qui voudraient se
prévaloir de leur état « génétiquement sain ».
§2 – Le secret médical, un droit absolu de l’assuré même lors de la
sélection des risques.
Le secret médical est une obligation fort ancienne qui s’applique aux médecins. Le
serment d’Hippocrate, dans son quatrième paragraphe in fine dispose :
« Tout ce que je verrai ou entendrai autour de moi, dans
l'exercice de mon art ou hors de mon ministère, et qui ne devra
pas être divulgué, je le tairai et le considérerai comme un
secret » 64.
Le secret qui y est décrit entoure et protège plus l’environnement du malade qu’il ne
concerne la divulgation du mal dont il est atteint. Mais il est un consensus autour du
respect de la plus grande discrétion autour des circonstances qui font qu’un patient
vienne consulter son médecin. Cette obligation est en outre posée par le Code de
64
Serment d’Hippocrate, traduction de Littré.
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76
La sélection des risques en assurances de personnes
déontologie médicale 65 que les médecins sont astreints de respecter, sous peine de
sanctions, cette profession étant fortement réglementée :
« Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des
patients, s'impose à tout médecin dans les conditions
établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance
du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire
non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il
a vu, entendu ou compris » 66.
« Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les
documents médicaux concernant les personnes qu’il a
soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le
support de ces documents.
Il en va de même des informations médicales dont il peut
être détenteur […] » 67.
Or la loi, comme y fait référence l’alinéa 1er ci-dessus, prévoit expressément l’existence
d’un secret médical sanctionné par l’art. 226-13 du nouveau Code Pénal de un an
d’emprisonnement et 15.000 Euros d’amende. Outre la sanction pénale, le médecin qui
manquerait à son obligation contractuelle s’expose à des sanctions civiles, puisque
l’obligation de secret est une obligation de résultat.
La loi s’inspire du principe général édicté par l’art. 9 alinéa 1er du Code civil suivant
lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Le texte qui en définit les
modalités a précisément été modifiée il y a peu par la loi du 4 mars 2002 :
65
Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995.
66
Code de déontologie médicale, art. 4.
67
Code de déontologie médicale, art. 73.
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77
La sélection des risques en assurances de personnes
« Toute personne prise en charge par un professionnel, un
établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme
participant à la prévention et aux soins a droit au respect de
sa vie privée et du secret des informations la concernant ».
La loi du 4 mars 2002 indique ensuite quel est le contenu de ce secret
médical :
« Ce secret couvre l'ensemble des informations concernant
la personne venues à la connaissance du professionnel de santé,
de tout membre du personnel de ces établissements ou
organismes et de toute autre personne en relation, de par ses
activités, avec ces établissements ou organismes ».
Il convient de prendre note dès à présent que ces obligations sont celles de tout
médecin, qu’il soit le praticien choisi par son patient ou qu’il soit le médecin-conseil de
la compagnie d’assurance.
Ces principes impliquent ainsi que le médecin traitant ne peut communiquer au
médecin-conseil de l’assureur d’information ou de document que s’il est saisi d’une telle
demande par son patient.
Nous allons nous attacher à montrer que ce secret médical porte atteinte à la faculté de
l’assureur de procéder à une sélection correcte des risques qu’il assure, et ce, à deux
niveaux : d’abord lors de la phase de sélection proprement dite, ensuite lors du
règlement du sinistre.
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78
La sélection des risques en assurances de personnes
A. Le secret médical lors de la phase de sélection des risques.
Lors de la sélection du risque qui lui est soumis, l’assureur a besoin de connaître
certains éléments ayant trait à la santé du candidat afin de lui proposer ou non une
garantie, et en des termes adaptés à sa situation.
Nous avons déjà abordé les modalités de cette sélection médicale : elle peut être
pratiquée par voie de questionnaire médical adressé directement au candidat. Dans ce
cas, c’est ce dernier qui prend la décision de dévoiler certains aspects de son dossier
médical. Une décision récente 68 reconnaît que l’intéressé peut renoncer au secret
professionnel à l’égard d’une compagnie d’assurance : « L'acceptation par l'assuré de la
divulgation de certains éléments le concernant constitue une renonciation anticipée de
sa part et par suite de ses ayants droit au bénéfice du secret médical »69.
Le médecin-conseil peut aussi convoquer le candidat à un examen médical complet
avec éventuellement analyses de sang, radiographies, électrocardiogrammes, etc… Mais
dans cette hypothèse, le médecin est contraint de respecter le Code de déontologie
médicale :
« Le médecin expert doit, avant d'entreprendre toute opération
d'expertise, informer la personne qu'il doit examiner de sa
mission et du cadre juridique dans lequel son avis est
demandé » 70.
« Dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit
révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux
questions posées. Hors de ces limites, il doit taire tout ce qu'il
a pu connaître à l'occasion de cette expertise » 71.
68Cass.
Civ. 1e, 29 octobre 2002, nº 517 FS-P, nº B99-17.187
69
Dictionnaire Permanent bioéthique, fascicule de mise à jour du 22 novembre 2002.
70
Code de déontologie médicale, art. 107.
71
Code de déontologie médicale, art. 108.
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79
La sélection des risques en assurances de personnes
Ainsi, selon une décision de la section disciplinaire du Conseil de l’ordre des médecins72,
le médecin « peut communiquer directement aux services administratifs de l’assureur
des informations que lui a fournies la victime sur les atteintes dont elle souffre ainsi
que les conclusions administratives qu’il tire de l’examen clinique qu’il a effectué et
du diagnostic qu’il en porte ». Cette position n’engage cependant que le Conseil de
l’Ordre et ne peut être érigé comme principe hors de ce contexte de police de la
profession.
Il ressort donc de ces développements que l’assureur reste tributaire du bon vouloir du
candidat quant à la masse d’informations qu’il peut collecter à son sujet. La seule
possibilité pour l’assureur – et qui demeure la plus sage – reste de refuser le risque
lorsque l’assuré ne communique pas toutes les informations sollicitées. Cette prudence
est à observer avec d’autant plus de raison qu’il est permis, en une telle hypothèse, de
suspecter une réticence du candidat à l’assurance. Cette réticence peut précisément
révéler une démarche d’anti-sélection.
L’assureur est donc tributaire des informations communiquées par son assuré à cause
de l’institution du secret médical, ce qui a des répercussions importantes sur la sélection
des risques à une autre étape : lors du paiement de la garantie.
B. L’incidence du secret médical sur la sélection des risques lors de la
réalisation du sinistre.
Nous avons précédemment décrit les mécanismes des art. L. 113-8 et L. 113-9 du Code
des assurances qui sanctionnent les fausses déclarations intentionnelles et nonintentionnelles.
72
Section disciplinaire du Conseil de l’Ordre des médecins, 19 octobre 1994, Publ. Assurance Française n° 715,
novembre 1995, p. 18
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80
La sélection des risques en assurances de personnes
Ce mécanisme de sanction constitue un moyen de protection pour l’assureur. En effet,
sans sanction, une règle a peu de valeur car elle a peu de chances d’être respectée.
Cette crainte est d’autant plus justifiée dans une matière où l’antisélection est une
préoccupation majeure.
Ainsi, si le secret médical conduisait pour l’assureur à ne pas pouvoir appliquer la
sanction des art. L. 113-8 et L. 113-9, en ne pouvant contrôler la sincérité des
déclarations de risques faites ab initio, l’institution de la sélection des risques s’en
trouverait fortement ébranlée. Qu’en est-il dans les faits ?
Nous l’avons déjà dit, le praticien habituel ne pourra communiquer des informations
sans le consentement de son patient. Par contre, on peut s’interroger sur le maintien de
ce secret lorsqu’une demande en justice est introduite. Le régime du secret médical pour
les experts est en effet différent.
La jurisprudence 73 a reconnu le droit pour l’assureur de demander une expertise
destinée à éclairer l’exactitude de la déclaration du risque :
« Sauf à priver l’art. L. 113-8 du Code des assurances de
tout effet, l’assureur, qui réunit les indices d’une éventuelle
réticence ou fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, est en
droit de solliciter une expertise médicale afin d’administrer la
preuve de cette réticence ou fausse déclaration intentionnelle, le
secret médical ne pouvant s’opposer à ce que le médecin
traitant
communique
à
l’expert
judiciaire
des
éléments
permettant d’établir si l’intéressé a répondu sincèrement aux
questionnaires soumis, dès lors que le médecin traitant ne
donne aucune indication sur le genre ou les causes de la
73
TGI Paris 18 décembre 1989, RGAT 1999, p. 140.
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81
La sélection des risques en assurances de personnes
maladie dont le souscripteur pouvait être atteint en dépit de ses
déclarations contraires ».
La jurisprudence que connaîtra la Cour de cassation sera cependant beaucoup moins
favorable aux assureurs.
La cour s’attachait d’abord à faire en sorte que l’obligation de bonne foi qui entourait la
phase de souscription et de sélection soit maintenue. Le souscripteur devait en effet
renseigner l’assureur de manière complète et loyale. Dans ces conditions, l’assureur doit
pouvoir contrôler a posteriori ce qui lui a été déclaré ; cela implique que si l’assuré avait
volontairement remis des documents médicaux au médecin-conseil de l’assureur, ce
dernier est en droit de les transmettre à l’expert judiciaire nommé. L’opposition de
l’assuré à ce que soit levée cette partie du secret médical doit être rejetée dans la mesure
où elle tend « non pas à faire respecter un intérêt moral légitime, mais à faire
écarter un élément de preuve contraire à ses prétentions ». Il ne peut donc ainsi
« faire échec à l’exécution de bonne foi du contrat auquel il était partie, en mettant
l’assureur dans l’impossibilité de prouver les réticences ou omissions volontaires
qu’il lui imputait » 74.
En outre, la violation éventuelle du secret médical n’emportait pas à elle seule la
neutralisation du problème de la fausse déclaration dont la preuve peut être rapportée
par d’autres moyens que les documents transmis irrégulièrement à l’expert judiciaire ou
au juge, notamment par aveu de l’assuré. Ce dernier ne peut dès lors faire grief au juge
d’avoir tenu compte d’une preuve obtenue par un procédé illicite et pénalement
répréhensible75.
La Cour de cassation a donc logiquement admis 76 la production de documents
médicaux en justice, à la demande de l’assureur, même lorsque cela conduit à démontrer
74
Cass. Civ. 1e 3 janvier 1991, n° 89-13.808.
75
Cass. Civ. 1e 10 décembre 1996, n° 94-17.317, RGDA 1997, p. 126.
76
Cass. Civ. 1e 9 juin 1993, n° 91.16.067, RCA 1993 comm. 348. et RCA 1993 chron. 34.
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82
La sélection des risques en assurances de personnes
la mauvaise foi de l’assuré. Le rapport 1993 de la Cour de cassation77 explicite bien ce
développement jurisprudentiel : « si la jurisprudence a apporté récemment quelques
tempéraments » à la règle selon laquelle le droit au secret « est en principe absolu »,
« l’idée est que le respect du secret est destiné à protéger des intérêts légitimes (le droit
de s’opposer à la divulgation de l’état de santé, le droit au respect de la vie privée) et
c’est le détourner de sa finalité que de l’utiliser dans un but illégitime », en particulier
lorsqu’il s’agit de faire obstacle à l’obligation de bonne foi qui prévaut dans les contrats
d’assurance. Ce rapport précise les conditions du rejet du secret médical : le document
se borne à des constatations banales telles que le traitement suivi, la nature de la maladie
ne devant pas y être mentionnée, et le refus de communiquer ce document conduirait à
éliminer un élément de preuve contraire à la prétention de l’assuré ou de ses ayants
droit.
La Cour de cassation semblait ainsi avoir trouvé un juste milieu conciliant les intérêts
des deux parties et ne portant pas d’atteinte trop grave aux droits de chacune d’entre
elles. Mais elle est revenue à plus d’orthodoxie sur le sujet du secret médical,
abandonnant par là même les préoccupations fondées sur le respect de la bonne foi.
Depuis deux arrêts du 6 janvier 199878 et du 12 janvier 199979, la Cour de cassation
affirme désormais que le secret médical est absolu et que le médecin-conseil ne peut
révéler à l’assureur des données obtenues auprès d’un de ses confrères.
Dans ces deux espèces le médecin-conseil avait obtenu des information auprès du
médecin traitant de l’assuré. Dans la seconde espèce, la lettre du médecin traitant avait
même été transmise à la justice bien que spécifiée « confidentiel ».
77
Rapp. Cour cass. Pour 1993, p. 330.
78
Cass. Civ. 1e 6 janvier 1998 n° 95-19.902 et n°96-16.721, « Crédit social des fonctionnaires c/ Benchimol et
Mutuelle Générale de l’Education Nationale », JCP G 1998 IV.1367, Bull. Lamy G n° 39 avril 1998 p. 1.
79
Cass. Civ. 1e 12 janvier 1999 n° 96-20.580, JCP G 1999 II10025, RCA 1999 chron. 13, Bull. Lamy I n°63 juin
2000 p. 1.
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83
La sélection des risques en assurances de personnes
Ce revirement de jurisprudence est assez sévèrement critiqué par les assureurs. Ces
derniers s’interrogent en effet sur les moyens dont ils disposeront encore afin de
s’assurer de la sincérité des déclarations qui leur ont été faites et sur lesquelles ils ont
fondé leur sélection des risques.
Une voie est cependant toujours ménagée : il s’agit de l’expertise judiciaire pure. En
effet, « en cas de difficulté il appartiendra au juge d’ordonner une expertise qui sera
réalisée dans le respect du principe du contradictoire »80.
Cette solution, il faut le noter, est cependant assez handicapante pour l’assureur. Il faut
en effet d’abord que soit acceptée par le juge sa demande de nomination d’un expert
judiciaire, ce qui signifie qu’il doit déjà être fait état d’éléments laissant présumer une
possible déclaration de mauvaise foi. Ensuite, l’expert judiciaire devra déterminer si au
moment de la souscription l’assuré était déjà atteint du mal qui a causé la garantie de
l’assureur (ce qui n’est déjà pas particulièrement aisé dans ces contrats à exécution
longue), mais encore se prononcer sur la connaissance ou non par le souscripteur de
cette maladie, puisque son ignorance de bonne foi n’aurait, elle, aucune incidence.
Notons que ceci a conduit certains assureur qui auraient des doutes sur la sincérité
d’une déclaration de risque à ne pas régler les prestations et à attendre d’être assigné,
seul moyen pour eux d’obtenir des informations médicales. Une telle pratique qui se
généraliserait serait à l’évidence un effet pervers et indésirable de la solution retenue.
Pour conclure cette étude relative à la contrainte apportée par le secret médical à
l’assureur qui souhaite sélectionner ses risques, nous devons signaler ce qui pourrait
s’apparenter à un récent virage important dans ce domaine.
La loi du 4 mars 2002 a proclamé le secret médical comme un droit « subjectif », un
droit attaché à la personne, ce qui induit de nouvelles conséquences juridiques. La Cour
de cassation dispose en effet désormais d’un pouvoir d’appréciation sur l’invocation du
80
Rapport Cour de cassation pour 1999, La Documentation Française 2000, p. 404.
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84
La sélection des risques en assurances de personnes
secret médical et elle peut retenir un abus de droit et autoriser la communication
d’informations médicales. Elle a déjà fait usage de cette nouvelle prérogative dans une
espèce ayant trait aux successions81 ; le fera-t-elle en matière d’assurance ?
81
Cass. Civ. 1e 22 mai 2002 n° 00-16.305 Bull. Civ. I 707 FS-P+B (Les ayants droit souhaitaient que soit fait la
lumière sur une éventuelle insanité d’esprit du de cujus. Rejet du pourvoi exercé contre la décision d’appel qui nie
au médecin la faculté de ne pas transmettre le dossier médical à l’expert judiciaire).
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85
La sélection des risques en assurances de personnes
Conclusion
L’étude que nous venons de mener traite de nombreux sujets se rapportant à la
médecine et à l’éthique notamment. C’est ainsi qu’interfèrent dans les mécanismes
précis et rigoureux de l’assurance des données qui ne relèvent pas uniquement de sa
technique propre.
Faut-il s’en émouvoir ? Nous ne le pensons pas, dans la mesure où l’assurance de
personne est un outil apporté aux personnes précisément afin de satisfaire à leurs
aspirations sociales de protection (d’eux-mêmes ou de leurs proches).
On peut cependant s’émouvoir lorsque les règles inspirées par un excès d’humanisme
conduisent à empêcher l’assureur d’exercer correctement son métier.
La sélection des risques est une pratique qui est au cœur du métier d’assureur et c’est la
raison pour laquelle il convient de porter une particulière attention à ce que l’équilibre
de la sélection ne soit pas altéré.
Seule une sélection juste et raisonnée permet de garantir avec efficience des prestations
aux assurés. Aussi, la justice pour l’assuré ou son bénéficiaire n’est pas nécessairement
antinomique à la raison qui prévaut en matière de sélection des risques. À l’échelle
macroscopique du moins.
Nous avons vu que le législateur est intervenu pour poser un cadre légal de sélection et
que dans certains cas il est même intervenu de manière autoritaire afin d’imposer une
certaine « justice » au niveau microscopique, afin de protéger les assurés
individuellement dans leurs droits les plus personnels.
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86
La sélection des risques en assurances de personnes
Le législateur n’est cependant pas le seul acteur dans ce domaine. Il existe en effet un
pouvoir de proposition et de concertation important des acteurs sociaux (associations
de malade, d’usagers, de consommateurs, partenaires professionnels, compagnies
d’assurance, etc…). Ces derniers sont même souvent à l’initiative des grands principes
en matière de sélection des risques qui ont été mis en place récemment.
Cela exprime à notre sens le profond intérêt de la société pour le mécanisme de
l’assurance ainsi que la grande réactivité avec laquelle les professionnels de l’assurance
sont soucieux de proposer des garanties adaptées aux situations nouvelles et émergentes
(augmentation des risques aggravés induisant de nouvelles « garanties de garantie »,
chronicisation des maladies évolutives qui ne sont plus nécessairement exclues, prise en
charge d’événements nouveaux affectant l’existence grâce à des garanties accidents de la
vie (GAV), etc…).
Le risque – qui est peut être déjà réalisé – est que l’inconscient collectif projette l’accès à
ces types d’assurance en droit à l’assurance. Il convient en effet de rappeler que
l’assurance privée n’a pas la même vocation qu’un service public. Il existe par exemple
une différence considérable entre l’assurance santé régie par le régime général de la
Sécurité Sociale, qui a vocation à assurer la santé du plus grand nombre, comme en
témoigne l’esprit de la loi sur la Couverture Maladie Universelle, et l’assurance santé
complémentaire individuelle dont l’accès est soumis à une sélection. L’assurance privée
ne peut, en l’état actuel, assumer des fonctions de service public.
On peut ainsi s’interroger sur les formes futures du développement de l’assurance de
personnes compte tenu du fait qu’elle tend à jouer malgré elle un rôle de socialisation
important. Verra-t-on apparaître un bureau de tarification des risques aggravés avec
obligation pour l’assureur d’accepter le souscripteur à un certain tarif ? Cette hypothèse
extrême est peu vraisemblable, et ce d’autant plus que la tendance actuelle est à la
souplesse par le truchement de négociations qui permettent de mettre en place des
conventions et codes de bonne conduite. Il faut à cet égard remarquer qu’il n’est pas
rapporté que les partenaires à ces conventions aient failli à leurs engagements.
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La sélection des risques en assurances de personnes
Il nous semble que la pratique de la sélection, telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui,
est parvenue à une certaine maturité et un certain équilibre. Il conviendra de prendre
garde à ce que ceci ne soit pas compromis par des bouleversements brutaux résultant
par exemple d’une future utilisation possible des données génétiques individuelles si la
législation l’autorisait.
Aussi pensons-nous aujourd’hui pouvoir faire mentir Alain qui écrivait :
« La loterie plaît, parce qu'elle tire l'inégalité de l'égalité;
l'assurance déplait parce qu'elle fait justement le contraire ».
Emile-Auguste Chartier, dit Alain.
Propos I, 16 juillet 1912
Aujourd’hui l’assurance de personnes plaît parce qu’elle atténue les inégalités qui sont
induites par les aléas de l’existence dans ce monde profondément inégalitaire dans
lequel nous évoluons.
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ANNEXES
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LISTE DES ANNEXES
ANTISELECTION, SIDA, RISQUES AGGRAVES
-
Cass Civ. 1e 7 octobre 1998
-
Convention Belorgey du 19 septembre 2001
-
« VIH et couverture d’assurance » SCOR
-
« Assurabilité des risques aggravés » SCOR
ASSURANCE PREVOYANCE
-
Cass Civ. 1e 7 juillet 1998
-
Cass Civ. 1e 13 février 2001
GENETIQUE
-
Engagement des assureurs de la FFSA (31 mars 1994)
SECRET MEDICAL
-
Cass Civ. 1e 6 janvier 1998
-
Cass Civ. 1e 12 janvier 1999
-
Cass Civ. 1e 22 mai 2002.
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