Syndicat National des Officiers de Police

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Syndicat National des Officiers de Police
Syndicat National
des Officiers de Police
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Paris, le 25 Mai 2010
Madame, Monsieur,
Cher collègue,
Au cours de ces derniers mois, dans le cadre des élections professionnelles pour les
fonctionnaires actifs de la Police Nationale, chaque organisation syndicale a pu rappeler aux
électeurs ses orientations et ses choix pour la défense des métiers et des corps.
Dans le respect des particularismes des trois corps actifs, les campagnes électorales sont
restées cloisonnées, chacun s'occupant de "ses" électeurs.
Pour autant, il est un thème qui a mobilisé tant les commissaires que les officiers : celui de la
création d'un corps unique des cadres de la Police Nationale.
Sur ce sujet l'affichage syndical a été clair : les organisations d'officiers le réclament, celles des
commissaires le repoussent. Il nous semble pourtant que derrière l'opposition de principe se cachent
bien des non-dits et de mauvais prétextes pour ne pas aborder objectivement cette question
essentielle pour l'avenir de notre institution.
C'est la raison de ce courrier : lever les ambiguïtés, préciser les objectifs et les moyens pour
mieux préparer l'avenir.
Tout d'abord, un corps unique ne veut pas dire la fin des missions, des fonctions, des
responsabilités et de l'autorité liées à chaque grade, à chaque métier. Ces métiers doivent demeurer
en autant de niveaux que nécessaire et il ne s'agit pas de remplacer les commissaires par des officiers
ni de révolutionner le schéma hiérarchique policier.
Le véritable enjeu est de repenser la façon dont les officiers et commissaires vont pouvoir
entrer et évoluer dans ce schéma hiérarchique.
En effet, tout nous conduit à adopter de nouveaux modèles de gestion des carrières, des
ressources humaines et des compétences.
Le temps est bien loin où un monde séparait les commissaires de police du reste des
personnels. Depuis plus de 30 ans les diplômés de l'université ont investi tous les métiers de la police
et plus particulièrement le segment intermédiaire que constitue aujourd'hui le corps des officiers.
-2Ainsi les niveaux des candidats aux recrutements externes sont quasiment identiques et les
résultats des concours montrent la même proportion de hauts diplômés chez les officiers que chez
les commissaires. Les capacités et compétences homogènes des candidats ne sont plus
déterminantes de la réussite à l'un ou l'autre des deux concours, davantage soumis aux choix
individuels, au calendrier des épreuves et autres aléas inhérents à la sélection.
A l'échelle de la fonction publique, les mouvements de réforme qui s'imposent aux
fonctionnaires de police conduisent aux mêmes rapprochements : fusions des corps et des
formations, harmonisation des statuts, contraction des effectifs, allongement de la durée d'activité,
etc.
Enfin, l'intégration de la Gendarmerie Nationale sous la tutelle du ministère de l'Intérieur
préfigure une mutualisation des structures et des missions toujours croissante, impliquant aussi un
certain parallélisme d'organisation.
Les cadres de la Police Nationale ne peuvent pas aborder et vivre ces changements dans la
division.
Car c'est aussi de cela dont il s'agit, de la cohérence et de la cohésion qui doivent animer la
direction et le commandement de la Police Nationale, dans le respect des responsabilités et des
mérites de chacun.
Cette intelligence entre les cadres opérationnels et les autorités de direction ne pourra exister
pleinement tant qu'un fossé statutaire les séparera en deux corps qui se reconnaissent difficilement
et entretiennent des postures antagonistes.
Tous nos métiers doivent être placés dans une continuité qui enrichira les carrières et les
compétences comme la qualité des relations humaines et professionnelles, apportera à chaque
niveau d'autorité et de responsabilité la légitimité d'un parcours professionnel complet et reconnu.
Bien sûr, au premier abord les officiers de police sont les plus intéressés par une telle réforme :
la limitation de leurs carrières sur trois grades ne permet pas de débouchés suffisants et, malgré les
voies de promotion interne, la césure opérée par l'existence d'un concours externe pour l'accès au
corps de direction oppose une barrière à leur évolution fonctionnelle.
Eu égard au niveau de recrutement constaté pour les officiers "externes" depuis des années,
ce constat entretient l'opposition entre les corps du fait d'une concurrence des compétences faussée
par le blocage des carrières.
En permettant l'accès aux grades de commissaire uniquement à partir de ceux d'officiers, on
permettrait incontestablement une meilleure respiration des carrières, et des choix véritables de
rythme et d'orientation des parcours professionnels dans lesquels les compétences et mérites de
chacun trouveraient à s'exprimer.
Où serait l'intérêt des commissaires dans cette évolution ?
La question se pose principalement pour ceux issus du recrutement externe.
En effet on a souvent évoqué la nécessité d'une diversité des modes de recrutement pour
obtenir un corps de direction d'autant plus riche et polyvalent. A ce titre le concours externe pour
50% du corps serait un point d'équilibre assurant un indispensable apport de haut niveau.
-3Pour autant, le recrutement des officiers connaît en pratique les mêmes caractères de haut
niveau qui, dans un corps unique, se retrouveraient donc projetés, en différé, sur les grades de
commissaires.
L'équilibre dans la composition des effectifs des grades de direction n'en serait donc pas
affecté, et respecterait une diversité d'âges et de profils professionnels.
Néanmoins, au plan des carrières individuelles l'attractivité d'un parcours plus évolutif et plus
rapide vers les grades supérieurs doit absolument être offerte en parallèle à des déroulements plus
conventionnels. Cette différence de rythme doit correspondre à la diversité des choix et des
capacités, au travers d'une sélection, sans pour autant remettre en cause la légitimité acquise par
une identité du parcours débuté au grade de Lieutenant.
Il faudrait donc quelques années passées dans les grades d'officier à une certaine proportion
d'entre eux avant d'accéder aux grades et fonctions de direction, quelques années de plus à certains
autres pour y arriver, tandis que d'autres encore pourraient ne dérouler leurs carrières que sur ces
seuls grades.
Le schéma s'inspire évidemment de l'organisation des carrières que connaît depuis longtemps
la Gendarmerie Nationale et qui, bien que perfectible, permet d'adapter à chaque profil de
recrutement des parcours professionnels cohérents et motivants.
Son adaptation à la Police Nationale doit naturellement se faire dans le plein respect de la
nature civile de nos fonctions et attributions.
Au plan du corps, le maintien d'un recrutement externe au niveau du Master 2 pour l'accès à la
filière "Cadres" s'impose comme une évidence pour la reconnaissance effective des acquis
universitaires au sein du ministère, comme pour les besoins de la représentativité extérieure et le
positionnement du « corps unique » dans l'interministérialité.
Il n'y a donc rien à craindre d'un recrutement généralisé au grade de lieutenant de police pour
les éléments les plus brillants et motivés, de pouvoir développer leurs carrières jusqu'aux plus hauts
niveaux hiérarchiques en progressant dans une palette de métiers très diversifiée.
Naturellement les commissaires d'aujourd'hui, déjà inscrits dans une trajectoire de carrière, ne
seraient nullement impactés par l'évolution des recrutements à venir et n'en pourraient que mieux
négocier leur positionnement face à l'organisation hiérarchique de la Gendarmerie dont la présence
au sein des structures du ministère est une réalité qui ne cessera de se développer
L'inéluctable allongement de la durée d'activité renforce également cette nécessité d'un
parcours professionnel évolutif et continu tout au long de la carrière.
Cette question ne peut raisonnablement pas être traitée dans les limites statutaires et
fonctionnelles actuelles sans conduire à une sclérose de nos métiers, d'autant plus dangereuse que
l'âge moyen d'activité s'élèvera.
Il est donc vital de créer les conditions permettant des carrières dynamiques qui
renouvelleront l'intérêt professionnel et entretiendront la performance tout au long de la vie active.
Seule la fusion des corps d'officiers et de commissaires nous y conduira, en décloisonnant les
missions et les parcours professionnels.
-4Il faut encore préciser que les perspectives de déflation des effectifs « cadres » de la Police
Nationale seront relancées par cette fusion des corps, en dépit du ralentissement induit par les
prolongations d'activité, puisque le recrutement externe ne se fera plus qu'à un seul niveau et pourra
servir, pendant une période transitoire, de variable d'ajustement sans pour autant devenir
quantitativement anecdotique.
Enfin, il serait hypocrite de ne pas évoquer la question de la représentativité d'un corps unifié
dans la vie paritaire de la Police Nationale comme vis à vis des partenaires institutionnels :
administration, Justice, Fonction Publique, etc.
Pour être entendu, il ne suffit pas d'avoir raison. Encore faut-il être nombreux à parler d'une
même voix, sans compter que les réformes proches condamnent les organisations professionnelles
isolées ou numériquement faibles à disparaître.
L'émergence d'un pôle représentatif fort et cohérent, bénéficiant d'une emprise
professionnelle élargie est aussi, nous n'en doutons pas, une garantie pour l'ensemble des cadres de
la Police Nationale.
Voilà quelles sont, en termes généraux, les raisons qui nous font agir pour la réalisation d'un
corps unique des cadres -et cadres dirigeants- de la Police Nationale.
Notre institution y trouvera un regain d'énergie, un fonctionnement rendu cohérent avec des
intérêts et des objectifs partagés par tous ses cadres, elle pourra s'insérer avec justesse dans les
évolutions que connaissent le ministère de l'Intérieur et la Fonction Publique.
Mieux assurer la mission de sécurité tout en intégrant les grandes réformes de l'État : notre
conviction est que l'unification des officiers et commissaires de police au sein d'un même corps est la
clé de notre avenir.
Au delà des postures syndicales d'apparence parfois radicale, nous souhaitions vous apporter
notre vision du "Corps unique" et engager avec vous un débat pour le construire.
Le Secrétaire Général,
Dominique ACHISPON